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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F)

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Il est nécessaire d'abord de poser certaines lois générales qui, bien que très-naturelles, sont souvent méconnues lorsqu'il s'agit d'élever des flèches, parce que nous avons pour habitude de composer les ensembles, comme les diverses parties des édifices, en géométral, sans nous rendre un compte exact des effets, de la perspective et des développements de plans.


Soit (1) une tour canée ABCD, sur laquelle nous voulons élever une flèche à base octogonale abcdefgh: nous traçons l'élévation géométrale E sur une des faces du carré de la tour; nous donnons à la hauteur de la pyramide trois fois et quart le côté du carré, et nous trouvons une proportion convenable entre la hauteur de la flèche et sa base; mais si nous faisons une élévation sur le plan GH parallèle à l'un des diamètres gc de l'octogone, nous obtenons le tracé F. Déjà, dans ce tracé, les proportions qui nous semblaient bonnes sur le dessin E sont modifiées d'une façon désagréable; la tour devient trop large pour la pyramide, et celle-ci même n'a plus en hauteur que trois fois sa base apparente, qui est le diamètre gc. De plus, les ombres produiront un fâcheux effet sur ce couronnement, en donnant toujours à la tour des faces éclairées qui seront plus étroites que celles de la pyramide; ce qui fera paraître celle-ci de travers sur sa base. Or il faut compter que l'aspect géométral E ne peut se présenter que sur quatre points, tandis que les aspects F sont infinis; il y aura donc une quantité infinie d'aspects désagréables contre quatre bons. Mais le désappointement sera bien plus grand lorsque l'édifice sera élevé et que la perspective viendra déranger encore le tracé géométral E. Supposons que nous sommes placés sur le prolongement de la ligne I, perpendiculaire au plan GH, à 45 mètres du point C (voy. le tracé AA) en K, la tour ayant 10 mètres de A' en e'; que cette tour a 40 mètres de hauteur du sol à la base de la flèche. La flèche, vue à cette distance, donnera le tracé BB, car celle-ci, par suite de la perspective, ne paraît plus avoir en hauteur que trois fois environ la longueur du diamètre lm, ainsi que le démontre la projection perspective mo. Si, à cette distance, nous voulions obtenir l'apparence OPR, il faudrait doubler la hauteur de la flèche et amener son sommet en n. Si nous prétendions obtenir en perspective une proportion semblable à celle du tracé géométral E, il faudrait tripler la hauteur de la flèche et amener son sommet en p; nous obtiendrions alors l'apparence SPR. En supposant que nous nous reculions à plus de 150 mètres en K', nous voyons même que la flèche perdrait encore la hauteur tu. Si, sur cette flèche, nous posons un point au milieu de sa hauteur en v, et que nous soyons placés en K''(voy. le tracé M), en perspective la distance xv' paraîtra plus grande que la distance v'r. Si, en y, nous plaçons un ornement dont la saillie ne dépasse pas le dixième de la hauteur totale de la pyramide, en projection perspective cet ornement sera le sixième de la hauteur apparente de la flèche. Ces lois, qui semblent assez compliquées déjà, ne sont cependant que très-élémentaires quand il s'agit de la composition des flèches.

FLÈCHES DE PIERRE.--Les flèches construites en pierre, à dater du XIIe siècle, étant, sauf de rares exceptions, à base octogone et plantées sur des tours carrées, il fallait d'abord trouver une transition entre la forme prismatique carrée et la forme pyramidale octogone. Sans effort apparent, l'architecte du clocher vieux de Chartres sut obtenir ces transitions (2).



Au niveau du bandeau K qui termine la tour, les angles saillants ont été dérobés au moyen des contre-forts peu saillants qui les flanquent. L'étage L, vertical encore, présente en plan un octogone dont les quatre côtés parallèles aux faces de la tour sont plus grands que les quatre autres. Quatre lucarnes-pinacles occupent les cornes de la base carrée et remplissent les vides laissés par le plan octogonal. Au-dessus, l'étage vertical, orné de quatre grandes lucarnes sur les faces, se retraite plus sur les petits côtés que sur les grands, et arrive à l'octogone à peu près régulier à la base de la pyramide. Celle-ci présente encore cependant quatre pans (ceux des faces) un peu plus larges (d'un quart) que ceux des angles.



La fig. 3 nous donne, en A, le plan d'un huitième de la flèche du clocher vieux de Notre-Dame de Chartres, au niveau L, et, en B, au niveau de la base de la pyramide. En C, on voit comme les saillies des contre-forts portent les pieds-droits des lucarnes-pinacles, et, en D, comme les angles de la tour se dérobent pour que, vue sur la diagonale, la flèche continue, presque sans ressauts, la silhouette rigide de cette tour. Les pinacles E se détachent complétement de la pyramide au-dessus de l'étage vertical, de façon à laisser la lumière passer entre eux et la flèche. Il en est de même des gâbles posés sur les lucarnes des faces; ces gâbles se détachent de la pyramide. Celle-ci est accompagnée par ces appendices qui l'entourent et conduisent les yeux de la verticale à la ligne inclinée; mais elle n'est pas empâtée à sa souche et laisse deviner sa forme principale.



Notre élévation (4), prise entre le niveau L et le sommet des gâbles, fait ressortir le mérite de cette composition, à une époque où les architectes n'avaient pu encore acquérir l'expérience que leur donna plus tard la construction si fréquente des grandes flèches de pierre sur les tours des églises. Ce tracé nous fait sentir l'étude et le soin que l'on apportait déjà à cette époque dans l'arrangement si difficile de ce point de jonction entre la bâtisse à base carrée et les pyramides; mais aussi nous dévoile-t-il des incertitudes et des tâtonnements. Ces artistes n'ont pas encore trouvé une méthode sûre, ils la cherchent; leur goût, leur coup d'oeil juste, leur pressentiment de l'effet les conduisent dans le vrai, mais par des moyens détournés, indécis. La recherche du vrai chez des artistes, doués d'ailleurs d'une finesse peu ordinaire, donne un charme particulier à cette composition, d'autant que ces artistes ne mettent en oeuvre que des moyens simples, qu'ils pensent avant tout à la stabilité, que, comme constructeurs, ils ne négligent aucune partie; si bien que cette flèche énorme, dont le sommet est à 112 mètres au-dessus du sol, comptant sept siècles d'existence et ayant subi deux incendies terribles, est encore debout et n'inspire aucune crainte pour sa durée. La pyramide porte d'épaisseur 0,80 c. à sa base et 0,30 à son sommet; elle est, comme toute la cathédrale, bâtie en pierre dure de Berchère et admirablement appareillée. Les pans des pyramidioles des angles ont 0,50 c. d'épaisseur. Au niveau K cependant (voy. la fig. 2), la tour s'arrête brusquement, s'arase, et c'est sur cette sorte de plate-forme que s'élance le couronnement. Plus tard, les architectes pensèrent à mieux relier encore les tours aux flèches, ainsi qu'on peut le reconnaître en examinant le clocher de la cathédrale de Senlis (voy. CLOCHER, fig. 63 et 64) et le sommet des tours de la cathédrale de Paris, dont les contre-forts se terminent par des pinacles et des fleurons préparant déjà les retraites que devaient faire les flèches sur ces tours 497, comme on peut aussi le constater à la cathédrale de Laon, dont les tours, à leur partie supérieure, sont accompagnées de grands pinacles à jour qui flanquent un grand étage octogonal formant une base très-bien ajustée, propre à recevoir les flèches.

La flèche du clocher vieux de Chartres n'est décorée que par des écailles qui figurent des bardeaux, ce qui convient à une couverture, par des côtes sur les milieux des huit pans et par des arêtiers.

Lorsque l'architecture s'allégit, pendant la première moitié du XIIIe siècle, on trouva que ces pyramides, pleines en apparence, semblaient lourdes au-dessus des parties ajourées inférieures; on donna donc plus d'élégance et de légèreté aux lucarnes, et on perça, dans les pans, de longues meurtrières qui firent comprendre que ces pyramides sont creuses. Nous voyons ce parti adopté par les constructeurs de la flèche de Senlis. L'architecte du clocher vieux de Chartres avait déjà cherché à détruire en partie la sécheresse des grandes lignes droites de sa flèche par des points saillants, des têtes, interrompant de distance en distance les côtes dessinées sur les huit faces, et par des figures chimériques posées aux naissances des arêtes, dans les tympans et sur les amortissements des pinacles et des gâbles. Ces détails, d'un grand relief, portant des ombres vives, occupaient les yeux et donnaient de l'échelle à la masse. On alla plus loin: au commencement du XIIIe siècle déjà, on garnit les arêtiers de crochets saillants qui, se découpant sur le ciel, donnaient de la vie et plus de légèreté aux lignes rigides des pyramides (voy. CLOCHER, fig. 63). Nous voyons même que, le long des contre-forts des tours de la cathédrale de Paris, on avait sculpté dans chaque assise un crochet saillant préparant une silhouette dentelée sous les flèches, comme pour mieux relier leurs arêtiers aux angles de ces tours. La flèche de l'église abbatiale de Saint-Denis, bâtie vers 1215, conservait encore ses arêtiers sans ornements; mais là, on l'élevait sur une tour du XIIe siècle, dont les formes sévères, verticales, ne se prêtaient pas à ces découpures. À ce point de vue, la flèche de Saint-Denis était un chef-d'oeuvre. L'architecte qui l'éleva avait su, tout en adoptant une composition du XIIIe siècle, marier, avec beaucoup d'art, les formes admises de son temps avec la structure encore romane d'aspect sur laquelle il venait se planter. Cette flèche donnait une silhouette des plus heureuses; aussi faisait-elle, à juste titre, l'admiration des Parisiens et des étrangers. Sa destruction, nécessaire pour éviter un désastre, fut considérée comme un malheur public. Il faut bien reconnaître que les flèches de nos églises du moyen âge excitent dans la foule une admiration très-vive et très-sincère. La hardiesse de ces longues pyramides qui semblent se perdre dans le ciel, leur silhouette heureuse, font toujours une vive impression sur la multitude, sensible chez nous à tout ce qui indique un effort de l'intelligence, une idée exprimée avec énergie. Ce sont les provinces françaises qui les premières conçurent et exécutèrent ces édifices faits pour signaler au loin les communes et leur puissance. L'exemple qu'elles donnèrent ainsi, dès le XIIe siècle, fut suivi en Allemagne, en Angleterre, pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles; mais, quelle que soit la hardiesse et la légèreté des flèches de Fribourg en Brisgau, de Salisbury en Angleterre, de Vienne en Autriche, il y a loin de ces inspirations aux monuments de ce genre qui subsistent encore chez nous, remarquables toujours par la sobriété d'ornements, par l'étude fine des silhouettes et par une entente parfaite de la construction.

 

Nos lecteurs trouveront opportun probablement de leur donner ici cette flèche célèbre de l'église de Saint-Denis, que nous avons pu étudier avec grand soin dans tous ses détails, puisque la triste tâche de la démolir nous fut imposée. La flèche de Saint-Denis est un sujet d'étude d'autant plus intéressant, que l'architecte a montré, dans cette oeuvre, une connaissance approfondie des effets de la perspective, des lumières et des ombres; que, s'appuyant sur une tour grêle, mal empattée et construite en matériaux faibles, il a su élever une flèche de 38m,50 c. d'une extrême légèreté, afin de ne point écraser sa base insuffisante 498; que, reconnaissant la faiblesse des parements extérieurs de la tour de Suger et leur peu de liaison avec la maçonnerie intérieure, il avait habilement reporté toutes les pesanteurs en dedans.



Voici (5) le quart du plan de la partie inférieure de la flèche de Saint-Denis. En A sont les parements intérieurs de la tour du XIIe siècle. Les côtés B de l'octogone sont portés sur quatre trompillons. Sur cette base, l'architecte a élevé une colonnade intérieure composée de monolithes destinés à reporter, par suite de leur incompressibilité, toute la charge vers l'intérieur. Quatre lucarnes C s'ouvrent dans quatre des faces de l'octogone; les quatre angles D sont occupés par des pinacles. Cette colonnade formait une galerie E intérieure, à laquelle on arrivait par un escalier ménagé dans l'un des quatre angles et remplaçant l'un des pinacles; elle permettait de surveiller et d'entretenir les constructions de la flèche. On observera que l'assise dernière de la tour, qui porte les pinacles, ne suit pas exactement le carré donné par la construction antérieure, mais s'avance en forme de bec saillant, pour donner aux angles plus d'aiguité, un aspect plus résistant; que les colonnes portant les pinacles font sentir davantage encore cette aiguité et se rapprochent, par la manière dont elles sont plantées, d'un triangle équilatéral; qu'ainsi l'architecte a voulu évidemment accuser vivement les angles, craignant avec raison l'aspect froid et sec du plan carré.



Examinons l'élévation de cette flèche (6). Si la lumière du soleil éclaire obliquement l'une de ces faces (ce qui est, bien entendu, le cas le plus fréquent), si cette lumière frappe cette face de droite à gauche, l'angle A de la corniche inférieure, biaisée, comme l'indique le plan, se colorera d'une légère demi-teinte, tandis que l'angle B sera en pleine lumière, à plus forte raison les faces CD des pinacles; l'opposition de la demi-teinte répandue sur la face C, biaise, du pinacle de droite fera ressortir la lumière accrochée par la face oblique de la pyramide et par sa face parallèle au spectateur, comme l'ombre répandue sur la face oblique de cette pyramide fera d'autant mieux ressortir la vive lumière que prendra la face D, biaise, du pinacle de gauche. Ainsi a-t-on évité qu'une partie de l'édifice fût entièrement dans l'ombre, tandis que l'autre serait dans la lumière, disposition qui produit un mauvais effet et fait paraître de travers toute pyramide ou cône se détachant sur le ciel.



Jetons les yeux sur la coupe de la flèche de Saint-Denis (7) faite sur l'un des axes passant par le milieu des lucarnes. Les gâbles allongés A de ces lucarnes sont verticaux, mais ne paraissent tels qu'en géométral; en perspective, ils semblent nécessairement plus ou moins inclinés, à moins que le spectateur ne se trouve précisément dans le plan de ces gâbles. On voit comment la colonnade n'est qu'un étaiement rigide reportant la charge de la flèche sur le parement intérieur de la tour. Le tracé perspectif C indique un des pinacles d'angle démoli et son amorce le long des faces de la flèche. Par suite de l'inclinaison de ces faces, les colonnettes engagées dans la construction et prises dans ses assises, jusqu'au niveau D, s'en détachent à partir de ce niveau et sont monostyles. Les sommiers E, les deux assises de corniches GH sont engagés dans les assises de la flèche; l'on observera que la seconde assise H n'est pas parallèle à la première G, mais qu'elle tend à ouvrir un peu l'angle de la pyramide pour accrocher plus de lumière. Cette seconde assise H, se retournant le long de la face de la flèche sur un renfort I, forme une saillie H' portant la face postérieure de la pyramide triangulaire du pinacle et un chéneau rejetant ses eaux par deux gargouilles. En K, nous avons tracé le plan de cette pyramide, dont le sommet est placé de telle sorte que les trois faces ont une inclinaison pareille. Le jeu de ces lignes plus ou moins inclinées était des plus heureux, coupait adroitement les arêtes rigides de la flèche sans empêcher l'oeil de les suivre, avait quelque chose de hardi et de fin tout à la fois qui charmait.

Les architectes du XIIe siècle avaient donné aux flèches en pierre une importance considérable, relativement aux tours qui leur servaient de base. La flèche du clocher vieux de la cathédrale de Chartres a 60 mètres de hauteur, tandis que la tour n'a que 42 mètres. La flèche de l'église de Saint-Denis portait 38m,50 d'élévation, la tour 35 mètres. Les proportions données par la façade de la cathédrale de Paris doivent faire admettre que les flèches doublaient la hauteur des tours. Peu à peu, les architectes donnent aux flèches une moins grande importance (voy. l'article CLOCHER, fig. 63 et 75). Celles de la façade de la cathédrale de Reims n'auraient eu guère que la moitié de la hauteur des tours, comme celles de l'église de Saint-Nicaise de la même ville. La flèche de la cathédrale de Strasbourg est courte, grêle, comparativement à la dimension de la tour; elle ne fut achevée que vers le milieu du XVe siècle.

Comme structure, cette flèche est la plus étrange conception qu'on puisse imaginer. L'effet qu'elle produit est loin cependant de répondre aux efforts d'intelligence qu'il a fallu faire pour la tracer et pour l'élever. Il y a tout lieu de croire, d'ailleurs, qu'elle ne fut pas entièrement exécutée comme elle avait été conçue, et il manque certainement à sa silhouette des appendices très-importants qui jamais n'ont été terminés. Dans le musée de l'OEuvre de Notre-Dame de Strasbourg, il existe un curieux dessin sur vélin, de la fin du XIVe siècle, qui nous donne les projections horizontales du projet de la flèche. Ce dessin, très-habilement tracé, signale des différences de détail entre ce projet et l'exécution; toutefois on peut considérer la flèche de Strasbourg comme une conception du XIVe siècle.

L'architecte a prétendu rendre accessible à tous le sommet de cette flèche, non par des échelles ou un petit escalier intérieur, mais au moyen de huit escaliers faciles qui se combinent avec les huit arêtes de la pyramide, et qui conduisent à un dernier escalier central montant jusqu'à une petite plate-forme supérieure, sommet d'une lanterne couronnée par la pointe extrême. Ces huit escaliers, les pans de la flèche et l'escalier central ne sont qu'une construction ajourée, sorte d'échafaudage de pierre combiné avec une science de tracé fort extraordinaire, mais assez médiocrement exécuté, pauvre de style et terminé tant bien que mal avec hâte et parcimonie.



Nous donnons (8) un huitième du dessin de la flèche de Strasbourg d'après le tracé du XIVe siècle. Au moyen de quatre escaliers à jour circonvolutant dans quatre immenses pinacles posés sur quatre des angles de la tour, on devait, d'après ce dessin, arriver à la galerie A située à la base de la flèche. De là, passant à travers la claire-voie, on entrait dans les escaliers en B, formant les huit arêtiers; montant deux marches, on devait trouver un palier, puis la première marche des girons en C. La pente des arêtiers étant naturellement très-inclinée, il fallait, pour arriver aux premiers paliers D de la lanterne, trouver un nombre très-considérable de marches. L'architecte avait donc eu l'idée ingénieuse de poser six hexagones se pénétrant, présentant ainsi une succession de tourelles entièrement à jour, dans lesquelles les emmarchements gironnant autour des noyaux, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, permettaient de s'élever rapidement à une grande hauteur, dans un très court espace. Arrivé aux paliers D (toujours d'après le tracé du projet primitif), on prenait la grande vis, double probablement, E, qui devait s'élever jusqu'à une seconde plate-forme, d'où, par un escalier d'un plus faible diamètre, on montait à la lanterne supérieure. L'espace G restait à jour et permettait, par les lunettes percées dans les voûtes de la tour, de voir le pavé de l'église. C'était là une conception prodigieuse de hardiesse. À l'exécution, on modifia quelque peu ce projet (voy. le tracé X). Les six tourelles hexagones ont été montées; mais, arrivé à la dernière en H de chaque arêtier, on passe à travers une demi-tourelle I pour s'élever jusqu'en K, et ainsi à chaque travée. Une personne qui monte par les tourelles d'arêtiers L arrive ainsi à la plate-forme de la lanterne en K. Là, on trouve une vis centrale comme dans le projet, si ce n'est que l'enveloppe de cette vis centrale est octogone à l'extérieur, au lieu d'être carrée. Quant aux pans M de la pyramide, ils ne sont point montés par assises horizontales, comme dans les flèches que nous avons présentées au commencement de cet article, mais sont composés de grands châssis à jour compris entre des arêtiers, ainsi que l'indique le tracé P, et séparés par des linteaux Q qui servent d'étrésillonnements entre ces arêtiers très-chargés, puisqu'ils portent les montants des tourelles d'escaliers. Suivant le projet, les angles R de la lanterne carrée étaient portés, chacun, sur les deux arêtiers O, comme par deux contre-fiches de pierre. Les quatre grands pinacles recevant les quatre escaliers arrivant à la plate-forme A, et les tourelles hexagones des escaliers d'arêtiers de la flèche, avaient été combinés pour être terminés par des pyramidions ajourés, ce qui eut produit une silhouette surprenante et d'un grand effet. Les ressources auront probablement fait défaut, et tous ces couronnements se terminent carrément, ce qui de loin produit une suite de gradins gigantesques d'un effet déplorable.

 

Il est entendu, nous ne prétendons pas le nier, que la flèche de la cathédrale de Strasbourg est un chef-d'oeuvre; mais cette admiration assez générale est surtout motivée sur la hauteur excessive de l'édifice. Pour nous, architectes, dont l'admiration ne croît pas avec le niveau des monuments, nous devons considérer la flèche de Strasbourg comme une des plus ingénieuses conceptions de l'art gothique à son déclin, mais comme une conception pauvrement exécutée. Ce n'était pas certes là ce qu'avait imaginé l'auteur du plan sur vélin dont nous venons de donner un fragment; il avait voulu, sans aucun doute, obtenir une silhouette rampante et finement découpée par le moyen d'une suite de pyramidions pénétrés par ces hexagones si adroitement enchevêtrés, et non point une série de gradins qui arrêtent l'oeil de la façon la plus désagréable. Plantant une lanterne carrée sur la pyramide octogone de la flèche, il prétendait réveiller le couronnement par une forme contrastant avec les angles obtus de la base. Il devait certainement couronner cette lanterne par une dernière pyramide octogone très-aiguë, et non par ce lanternon renflé qui termine la flèche actuelle. Mais si, vers le milieu du XVe siècle, les architectes gothiques étaient devenus d'excellents géomètres, des appareilleurs subtils, ils avaient perdu ce sentiment exquis de la forme qui se trouve chez leurs devanciers. Leurs combinaisons ingénieuses, leur prétention à la légèreté excessive, les conduisent à la lourdeur par la multiplicité des détails et la complication des formes dont on ne peut plus démêler le sens. C'est surtout dans les silhouettes qu'apparaissent ces défauts; les formes simples, compréhensibles, étant les seules qui produisent de l'effet quand on en vient à découper un édifice sur le ciel. Toutefois, l'examen des plans de l'OEuvre de Strasbourg laisse deviner quelque chose de bien supérieur à ce que nous voyons, et, pour l'honneur des successeurs d'Erwin de Steinbach, il faut croire que l'argent leur a manqué comme à tous les architectes qui ont eu la charge de terminer ou de continuer les cathédrales pendant les XIVe et XVe siècles.

D'après le projet, les six hexagones formant l'escalier serpentant, construits au moyen de montants de pierre reliés par des claires-voies et des linteaux, devaient se terminer en pyramidions ajourés pénétrés chacun par deux côtés de l'hexagone supérieur; si bien que quatre faces de ces pyramidions sur six devaient seulement être apparentes en épaulant les noyaux successifs recevant les angles saillants de chacun de ces hexagones.



Un tracé perspectif (9) rendra compte de cette disposition originale. Ainsi les sommets superposés des tourelles hexagonales terminées carrément aujourd'hui, comme une suite de gradins, donnaient, au moyen de ces pyramidions, une ligne rampante découpée par des pinacles et des statues. De plus, la construction à jour des tourelles, toute composée de montants verticaux et qui ne tient guère qu'à l'aide du fer, pouvait être parfaitement épaulée par ces pyramidions qui font l'office de contre-fiches. C'était la construction logique, conforme aux données de l'architecture de cette époque, qui n'admettait point, particulièrement au sommet des édifices, des repos horizontaux.

D'après l'examen du plan (fig. 8), il ne semble pas que l'architecte auteur du projet ait voulu établir seulement, entre les arêtiers, des claires-voies composées de dalles ajourées pour former les faces de la pyramide; il lui fallait une construction plus résistante pour porter la grande lanterne supérieure, construction indiquée par les solides pieds-droits S. On ne peut pas admettre cependant que ces pieds-droits fussent inclinés comme les pans de la pyramide, ce qui eut produit un très-mauvais effet. Nous verrions bien plutôt, dans ces pieds-droits, des naissances d'arcs assez peu élevés, mais dans un plan vertical et recevant des gâbles à jour qui surmontaient, par l'effet de la perspective, les couronnes ajourées T. D'ailleurs, dans la flèche actuelle, l'architecte a établi, au niveau de la troisième travée en N, des passages horizontaux mettant en communication les huit escaliers; ces passages, portés sur des linteaux, forment une seconde couronne qui coupe la flèche d'une manière fâcheuse. Nous admettons que ces passages étaient prévus par l'auteur du projet, mais que leur horizontalité était interrompue par la silhouette des gâbles passant devant eux; disposition qu'explique notre fig. 9. Le pied de la pyramide fortement maintenu au moyen des pieds-droits S, celle-ci pouvait être construite, au-dessus des arcs V, au moyen de châssis de pierre entre les arêtiers, conformément à l'exécution définitive. On pensera peut-être que nous prêtons à l'architecte, auteur du projet de la flèche de Strasbourg, des idées qu'il n'a pas eues, mais on ne prête qu'aux riches. L'art de l'architecture, surtout aux époques où il devait employer des sommes énormes pour mettre ses idées à exécution, peut être difficilement jugé par ce que le temps nous a laissé. Le plus souvent, les conceptions les plus heureuses, les plus étudiées, sont rendues d'une manière incomplète, faute de ressources, ou ont été mutilées par le temps et des restaurations malheureuses. C'est le malheur de cet art, de ne pouvoir transmettre ses conceptions dans leur pureté. Ayant présenté la flèche actuelle de la cathédrale de Strasbourg comme une oeuvre manquée, d'une exécution médiocre, on ne nous saura pas mauvais gré d'avoir en même temps cherché à faire ressortir les qualités de la conception primitive, d'avoir relevé le mérite de l'artiste, puisque nous nous montrions sévère pour une oeuvre évidemment incomplète. Bien d'autres constructions fâcheuses ont détruit l'unité de conception de la façade occidentale de Notre-Dame de Strasbourg; le beffroi central, entre les deux tours, est une adjonction monstrueuse qui change absolument les proportions de cette façade, adjonction inutile et qui doit fort tourmenter les Steinbach dans leur tombe, si toutefois les architectes, dans l'autre monde, ont connaissance des changements qu'on fait subir à leurs oeuvres, ce qui serait pour tous, sans exception, un supplice continuel.

Si les architectes du XVe siècle avaient possédé les ressources dont disposaient ceux du commencement du XIIIe siècle pour la construction des grandes cathédrales, ils nous auraient laissé des flèches de pierre merveilleuses par leur combinaison, car l'architecture de ce temps se prêtait plus qu'aucune autre à ces jeux d'appareil. Il est douteux, toutefois, que ces monuments pussent produire plus d'effet que nos flèches de pierre des XIIe et XIIIe siècles, sobres dans les détails, mais d'une si parfaite élégance comme silhouette et, au demeurant, beaucoup plus solides et durables. Le domaine royal est la véritable patrie des flèches; c'est là où il faut étudier les principes qui ont dirigé nos architectes de l'école laïque à son origine. La Normandie a élevé, pendant le XIIIe siècle, un grand nombre de flèches qui existent encore, grâce à la bonté des matériaux de cette province; mais ces conceptions sont loin de valoir celles de l'Île-de-France. Les flèches des églises de l'abbaye aux hommes de Caen, des cathédrales de Coutances et de Bayeux, ne nous présentent pas une entente parfaite des détails avec l'ensemble: leurs pinacles sont mesquins, confus, couverts de membres trop petits pour la place qu'ils occupent; les silhouettes sont molles, indécises, et n'ont jamais cette mâle énergie qui nous charme dans les contours des flèches de Chartres, de Saint-Denis, de Senlis, de Vernouillet et d'Étampes.

FLÈCHES DE CHARPENTERIE.--Il nous serait difficile de dire à quelle époque remontent les premières flèches construites en bois. Il en existait au XIIe siècle, puisqu'il est fait mention alors d'incendies de clochers de charpente; mais nous n'avons sur leur forme que des données très-vagues. Ces flèches consistaient alors probablement en de grandes pyramides posées sur des tours carrées, couvertes d'ardoises ou de plomb et percées de lucarnes plus ou moins monumentales. Il faut, d'ailleurs, bien définir ce qu'on doit entendre par flèche en charpente. Dans le nord de la France, beaucoup de tours en maçonnerie étaient et sont encore couvertes par des pavillons en bois qui ne sont, à proprement parler, que des combles très-aigus. La flèche de charpenterie est une oeuvre à part, complète, qui possède son soubassement, ses étages et son toit; elle peut, il est vrai, être posée sur une tour en maçonnerie, comme étaient les flèches de la Cathédrale d'Amiens avant le XVIe siècle, celle de Beauvais avant la chute du transsept, celle de Notre-Dame de Rouen avant l'incendie, comme est encore celle de la cathédrale d'Évreux; mais cependant elle se distingue toujours par une ordonnance particulière, à elle appartenant: c'est un édifice de bois, entier, posé sur un édifice de pierre qui lui sert d'assiette, comme les coupoles modernes de Saint-Pierre de Rome, du Val-de-Grâce, des Invalides, sont des monuments distincts, indépendants de la masse des constructions qui les portent. Ces oeuvres de charpenterie sont les seules qui méritent le nom de flèches. On peut croire que, par suite des incendies, du défaut d'entretien et du temps, les flèches du moyen âge, d'une époque ancienne, doivent être peu communes; on en éleva un si grand nombre cependant, à partir de la fin du XIIe siècle, que nous en possédons encore quelques-unes, et qu'il nous reste sur beaucoup des renseignements précieux.

497497 Voyez, dans le 7e Entretien sur l'Architecture, l'élévation géométrale de la façade de Notre-Dame de Paris avec ses deux flèches.
498498 En effet, on doit attribuer en partie la chute imminente de la flèche de Saint-Denis au supplément de poids qui lui avait été donné, lors de la restauration, par la substitution de la pierre de Saint-Non à la pierre de Vergelé qui, primitivement, imposait la pyramide. Il faut dire aussi que les parties inférieures, les étages de la tour, n'avaient pas été consolidés, mais au contraire affaiblis par des reprises extérieures faites en placages, sans affermir les massifs très-altérés par le temps.