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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite)

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Or, de toutes les conceptions de l'esprit humain, la construction des édifices est une de celles qui se trouvent en présence des difficultés les plus sérieuses, en ce qu'elles sont de natures opposées, les unes matérielles, les autres morales. En effet, non-seulement le constructeur doit chercher à donner aux matériaux qu'il emploie la forme la plus convenable, suivant leur nature propre; il doit combiner leur assemblage de manière à résister à des forces diverses, à des agents étrangers; mais encore il est obligé de se soumettre aux ressources dont il peut disposer, de satisfaire à des besoins moraux, de se conformer aux goûts et aux habitudes de ceux pour lesquels il construit. Il y a les difficultés de conception, les efforts de l'intelligence de l'artiste; il y a encore les moyens d'exécution dont le constructeur ne saurait s'affranchir. Pendant toute la période romane, les architectes avaient fait de vaines tentatives pour concilier deux principes qui semblaient inconciliables, savoir: la ténuité des points d'appui verticaux, l'économie de la matière et l'emploi de la voûte romaine plus ou moins altérée. Quelques provinces avaient, par suite d'influences étrangères à l'esprit occidental, adopté la construction byzantine pure.

À Périgueux on construisait, dès la fin du Xe siècle, l'église de Saint-Front; de cet exemple isolé était sortie une école. Mais il faut reconnaître que ce genre de bâtisse était étranger à l'esprit nouveau des populations occidentales, et les constructeurs de Saint-Front de Périgueux élevèrent cette église comme pourraient le faire des mouleurs reproduisant des formes dont ils ne comprennent pas la contexture. Ainsi, par exemple, les pendentifs qui supportent les calottes de Saint-Front sont appareillés au moyen d'assises posées en encorbellement, dont les lits ne sont pas normaux à la courbe, mais sont horizontaux; si ces pendentifs ne tombent pas en dedans, c'est qu'ils sont maintenus par les mortiers et adhèrent aux massifs devant lesquels ils moulent leur concavité. Dans de semblables bâtisses, on ne voit autre chose qu'une tentative faite pour reproduire des formes dont les constructeurs ne comprennent pas la raison géométrique. D'ailleurs, ignorance complète, expédients pitoyables, appliqués tant bien que mal au moment où se présente une difficulté; mais nulle prévision.

Il est une grande quantité de constructions romanes qui indiquent, de la part des architectes, un défaut complet de prévoyance. Tel monument est commencé avec l'idée vague de le terminer d'une certaine façon, qui reste à moitié chemin, le constructeur ne sachant comment résoudre les problèmes qu'il s'est posés; tel autre ne peut être terminé que par l'emploi de moyens évidemment étrangers à sa conception première. On voit que les constructeurs romans primitifs bâtissaient au jour le jour, s'en rapportant à l'inspiration, au hasard, aux circonstances, comptant même peut-être sur un miracle pour parfaire leur oeuvre. Les légendes attachées à la construction des grands édifices (si les monuments n'étaient pas là pour nous montrer l'embarras des architectes) sont pleines de songes pendant lesquels ces architectes voient quelque ange ou quelque saint prenant la peine de leur montrer comment ils doivent maçonner leurs voûtes ou maintenir leurs piliers: ce qui n'empêchait pas toujours ces monuments de s'écrouler peu après leur achèvement, car la foi ne suffit pas pour bâtir.

Sans être moins croyants peut-être, les architectes de la fin du XIIe siècle, laïques pour la plupart, sinon tous, pensèrent qu'il est prudent, en matière de construction, de ne pas attendre l'intervention d'un ange ou d'un saint pour élever un édifice. Aussi (fait curieux et qui mérite d'être signalé) les chroniques des monastères, les légendes, les histoires, si prodigues de louanges à l'endroit des monuments élevés pendant la période romane, qui s'étendent si complaisamment sur la beauté de leur structure, sur leur grandeur et leur décoration, bien que beaucoup de ces monuments ne soient que de méchantes bâtisses en moellons mal conçues et plus mal exécutées, se taisent brusquement à la fin du XIIe siècle, lorsque l'architecture passe des cloîtres dans les mains des laïques. Par hasard, un mot de l'édifice, une phrase sèche, laconique; sur les maîtres de l'oeuvre, rien.

Est-il croyable, par exemple, que, dans le volumineux cartulaire de l'église Notre-Dame de Paris, qui comprend des pièces dont la date remonte au XIIe siècle, il ne soit pas dit un seul mot de la construction de la cathédrale actuelle? Laborieux et intelligents artistes, sortis du peuple, qui, les premiers, avez su vous affranchir de traditions usées; qui êtes entrés franchement dans la science pratique; qui avez formé cette armée d'ouvriers habiles se répandant bientôt sur toute la surface du continent occidental; qui avez ouvert la voie au progrès, aux innovations hardies; qui enfin appartenez, à tant de titres, à la civilisation moderne; qui possédez les premiers son esprit de recherche, son besoin de savoir: si vos contemporains ont laissé oublier vos noms; si, méconnaissant des efforts dont ils profitent, ceux qui prétendent diriger les arts de notre temps essayent de dénigrer vos oeuvres, que du moins, parmi tant d'injustices passées et présentes, notre voix s'élève pour revendiquer la place qui vous appartient et que votre modestie vous a fait perdre. Si, moins préoccupés de vos travaux, vous eussiez, comme vos confrères d'Italie, fait valoir votre science, vanté votre propre génie, nous ne serions pas aujourd'hui forcés de fouiller dans vos oeuvres pour remettre en lumière la profonde expérience que vous aviez acquise, vos moyens pratiques si judicieusement calculés, et surtout de vous défendre contre ceux qui sont incapables de comprendre que le génie peut se développer dans l'ombre; qu'il est de son essence même de rechercher le silence et l'obscurité; contre ceux, en si grand nombre, qui jugent sur la foi des arrêts rendus par la passion ou l'intérêt, et non d'après leur propre examen.

Il faut le dire cependant; aujourd'hui il n'est plus permis de trancher des questions d'histoire, que ces questions touchent aux arts, à la politique ou aux lettres, par de simples affirmations ou dénégations. Et les esprits rétrogrades sont ceux qui veulent juger ces questions en s'appuyant sur les vieilles méthodes ou sur leur passion. Il n'est pas un artiste sensé qui ose soutenir que nous devions construire nos édifices et nos maisons comme on le faisait au XIIe ou au XIIIe siècle; mais il n'est pas un esprit juste qui ne soit en état de comprendre que l'expérience acquise par les maîtres de ce temps ne puisse nous être utile, d'autant mieux que ces maîtres ont innové. L'obstacle le plus difficile à franchir pour nous, l'obstacle réel, l'obstacle vivant, c'est, il faut bien l'avouer, c'est la paresse d'esprit: chacun veut savoir sans s'être donné la peine d'apprendre, chacun prétend juger sans connaître les pièces du procès; et les principes les plus vrais, les mieux écrits, les plus utiles, seront rangés parmi les vieilleries hors d'usage, parce qu'un homme d'esprit les aura tournés en dérision, et que la foule qui l'écoute est trop heureuse d'applaudir à une critique qui lui évite la peine d'apprendre. Triste gloire, après tout, que profiter à qui consiste à prolonger la durée de l'obscurité; elle ne saurait profiter à qui l'acquiert dans un siècle qui se vante d'apporter la lumière sur toute chose, dont l'activité est si grande que, ne pouvant trouver dans le présent une pâture suffisante à ses besoins intellectuels, il veut encore dérouler le passé devant lui.

Si notre architecture française de la renaissance est, aux yeux des personnes qui l'ont étudiée avec soin et ont apporté dans cette étude une critique éclairée, supérieure à l'architecture italienne des XVe et XVIe siècles, cela ne vient-il pas de ce que nos écoles gothiques, malgré les abus des derniers temps, avaient formé, de longue main, des praticiens habiles et des exécutants intelligents, sachant soumettre la forme à la raison; de ce que ces écoles étaient particulièrement propres à délier l'esprit des architectes et des ouvriers, à les familiariser avec les nombreuses difficultés qui entourent le constructeur? Nous savons que ce langage ne saurait être compris de ceux qui jugent les différentes formes de notre art d'après leur sentiment ou leurs préjugés; aussi n'est-ce pas à ces personnes que nous nous adressons, mais aux architectes, à ceux qui se sont longuement familiarisés avec les ressources et les difficultés que présente la pratique de notre art. Certes, pour les artistes, l'étude d'un art où tout est prévu, tout est calculé, qui pèche même par un excès de recherches et de moyens pratiques, dans lequel la matière est à la fois maîtresse de la forme et soumise au principe, ne peut manquer de développer l'esprit et de le préparer aux innovations que notre temps réclame.

Ce serait sortir de notre sujet d'expliquer comment, à la fin du XIIe siècle, il se forma une puissante école laïque de constructeurs; comment cette école, protégée par l'épiscopat, qui voulait amoindrir l'importance des ordres religieux, possédant les sympathies du peuple dont elle sortait et dont elle reflétait l'esprit de recherche et de progrès, admise par la féodalité séculière qui ne trouvait pas chez les moines tous les éléments dont elle avait besoin pour bâtir ses demeures; comment cette école, disons-nous, profitant de ces circonstances favorables, se constitua fortement et acquit, par cela même, une grande indépendance. Il nous suffira d'indiquer cet état de choses, nouveau dans l'histoire des arts, pour en faire apprécier les conséquences.

Nous avons vu précédemment où les constructeurs en étaient arrivés vers 1160, comment ils avaient été amenés à modifier successivement la voûte romane, qui n'était qu'une tradition abâtardie de la voûte romaine, et à inventer la voûte dite en arcs d'ogive. Ce grand pas franchi, il restait cependant beaucoup à faire encore. Le premier résultat de cette innovation fut d'obliger les constructeurs à composer leurs édifices en commençant par les voûtes, et, par conséquent, de ne plus rien livrer au hasard, ainsi qu'il n'était arrivé que trop souvent à leurs prédécesseurs; cette méthode, étrange en apparence, et qui consiste à faire dériver les plans par-terre de la structure projetée des voûtes, est éminemment rationnelle. Que veut-on lorsque l'on construit un édifice voûté? Couvrir une surface. Quel est le but que l'on se propose d'atteindre? Établir des voûtes sur des points d'appui. Quel est l'objet principal? La voûte. Les points d'appui ne sont que des moyens. Les constructeurs romains avaient déjà été amenés à faire dériver le plan de leurs édifices voûtés de la forme et de l'étendue de ces voûtes mêmes; mais ce principe n'était qu'un principe général, et de l'examen d'un plan romain du Bas-Empire, on ne saurait toujours conclure que telle partie était voûtée en berceau, en arêtes ou en portion de sphère, chacune de ces voûtes pouvant, dans bien des cas, être indifféremment posée sur ces plans.

 

Il n'en est plus ainsi au XIIe siècle: non-seulement le plan horizontal indique le nombre et la forme des voûtes, mais encore leurs divers membres, arcs doubleaux, formerets, arcs ogives; et ces membres commandent à leur tour, la disposition des points d'appui verticaux, leur hauteur relative, leur diamètre. D'où l'on doit conclure que, pour tracer définitivement un plan par-terre et procéder à l'exécution, il fallait, avant tout, faire l'épure des voûtes, de leurs rabattements, de leurs sommiers, connaître exactement la dimension et la forme des claveaux des divers arcs. Les premiers constructeurs gothiques se familiarisèrent si promptement avec cette méthode de prendre toute construction par le haut, pour arriver successivement à tracer ses bases, qu'ils l'adoptèrent même dans des édifices non voûtés, mais portant planchers ou charpentes; ils ne s'en trouvèrent pas plus mal, ainsi que nous le verrons plus loin.

La première condition pour établir le plan d'un édifice de la fin du XIIe siècle étant de savoir s'il doit être voûté et comment il doit être voûté, il faut donc, dès que le nombre et la direction des arcs de ces voûtes sont connus, obtenir la trace des sommiers sur les chapiteaux, car ce sera la trace de ces sommiers qui donnera la forme et dimension des tailloirs et chapiteaux, le nombre, la force et la place des supports verticaux.


Supposons donc une salle (27) devant être voûtée, ayant, dans oeuvre, 12m,00 de large et composée de travées de 6m,00 d'axe en axe. Adoptant le système de voûtes en arcs d'ogive traversés par un arc doubleau, suivant la méthode des constructeurs de la fin du XIIe siècle. Il s'agit de tracer le lit inférieur des sommiers des arcs retombant en A et B, et de connaître la force des claveaux. Nous admettons que ces claveaux doivent, pour une salle de cette étendue, avoir 0,40 c. de largeur et de hauteur; nous reconnaissons qu'à cette époque, presque toujours les divers arcs d'une voûte sont bandés avec des claveaux semblables comme dimension et forme. Nous reconnaissons encore que les formerets, naissant beaucoup plus haut que les arcs doubleaux et arcs ogives, les colonnettes leur servant de support dépassent souvent le niveau des sommiers des arcs ogives et doubleaux; qu'en traçant le lit du sommier des arcs doubleaux et ogives, nous devons tenir compte du passage de la colonnette portant formeret, comme nous tiendrions compte du formeret lui-même.



Soit (28) le détail de la trace horizontale de la naissance des arcs en B; sur ce point il ne naît qu'un arc doubleau et deux formerets. Ce sont ceux-ci qui commandent, car il faut que l'arc doubleau se dégage de ces formerets dès sa naissance. Soit le nu du mur AB; le formeret a de saillie, habituellement, la moitié de la largeur de l'arc ogive ou de l'arc doubleau lorsque ces deux arcs ont une coupe semblable, la moitié de l'arc ogive lorsque celui ci et l'arc doubleau donnent une section différente. Dans le cas présent, le formeret a donc 0,20 c. de saillie sur le nu du mur. En C, nous tirons une ligne parallèle à AB. L'axe de l'arc doubleau étant DE, les points F et G étant pris à 0,20 c. chacun de cet axe, nous tirons les deux parallèles FI, GK, qui nous donnent la largeur de l'arc doubleau. De F en I', portant, 0,40 c nous avons sa hauteur entre l'intrados et l'extrados; nous pouvons alors, dans le carré F'I'K'G, tracer le profil convenable: c'est le lit inférieur du sommier. Ou la colonne portant le formeret s'élève au-dessus du niveau de ce lit, ainsi qu'il est indiqué en L, ou le formeret, comme il arrive quelquefois 3, prend naissance sur le chapiteau portant l'arc doubleau; et alors, de l'axe DE portant 0,40 c. sur la ligne AB qui nous donne le point M, nous inscrivons le profil du formeret dans le parallélogramme EONM. Il est entendu que cet arc formeret pénètre dans le mur de quelques centimètres. Le lit inférieur du sommier étant ainsi trouvé, il s'agit de tracer le tailloir du chapiteau, dont le profil doit former saillie autour des retombées d'arcs. Si le formeret est porté sur une colonnette montant jusqu'à sa naissance, ainsi qu'il est marqué en L, le tailloir PRS retourne carrément mourir contre la colonnette L du formeret. Si, au contraire, le profil du formeret descend jusque sur le chapiteau de l'arc doubleau, le tailloir prend sur plan horizontal la figure PTVX. Pour tracer la colonne sous le chapiteau, dans le premier cas, du sommet de l'angle droit R du tailloir, nous tirons une ligne à 45 degrés; cette ligne vient rencontrer l'axe DE en un point O, qui est le centre de la colonne, à laquelle on donne un diamètre tel que la saillie du tailloir sur le nu de cette colonne devra être plus forte que le rayon de la colonne. Il reste alors, entre la colonne et le nu AB du mur, un vide que l'on remplit par un pilastre masqué par cette colonne et la colonnette du formeret. Pour tracer la colonne sous le chapiteau, dans le second cas, nous prenons un centre Y sur l'axe DE, de façon à ce que la saillie du tailloir sur le nu de la colonne soit plus forte que son demi-diamètre; alors le chapiteau forme corbeille ou cul-de-lampe, et s trouve plus évasé sous le formeret que sous la face de l'arc doubleau.



Prenons maintenant sur la fig. 27 la naissance A de deux formerets, de deux arcs ogives et d'un arc doubleau. Soit AB (28 bis) le nu du mur, CD la directrice de l'arc doubleau, DE la directrice de l'arc ogive; nous traçons la saillie du formeret comme ci-dessus. Les arcs ogives commandent l'arc doubleau. De chaque côté de la ligne DE, nous portons 0,20 c., et nous tirons les deux parallèles FG, HI, qui nous donnent la largeur de l'arc ogive. Du point H, rencontre de la ligne HI avec l'axe CD sur cette ligne HI, nous prenons 0,45 c., c'est-à-dire un peu plus que la hauteur des claveaux de l'arc-ogive, et nous tirons la perpendiculaire IG, qui nous donne la face de l'arc ogive. Dans le parallélogramme FGIH, nous traçons le profil convenable. Des deux côtés de l'axe CD, prenant de même 0,20 c., nous tirons les deux parallèles KL, MN. Du point H, portant 0,40 c. sur l'axe CD de H en C', nous tirons une perpendiculaire LN à cet axe, qui nous donne la face de l'arc doubleau; nous inscrivons son profil. En P, nous supposons que la colonne portant formeret dépasse la naissance des arcs ogives et doubleaux; en R, nous admettons, comme précédemment, que le profil du formeret vient tomber verticalement sur le tailloir du chapiteau. Pour tracer ce formeret, dans ce dernier cas, nous prenons sur la ligne AB, du point M en Q, 0,40 c., et de ce point Q, élevant une perpendiculaire sur la ligne AB, nous avons le parallélogramme inscrivant le profil du formeret; les tailloirs des chapiteaux sont tracés parallèles aux faces des arcs, ainsi que le démontre notre figure. Des sommets G et L, tirant des lignes à 45 degrés, nous rencontrons l'axe DE en O, qui est le centre de la colonnette portant les arcs ogives, et l'axe CD en S, qui est le centre de la colonne de l'arc doubleau; nous traçons ces colonnes conformément à la règle établie précédemment. Derrière ces colonnes isolées, on figure les retours de pilastres qui renforcent la pile; alors le formeret R retombe sur une face de ces pilastres portant chapiteau comme les colonnes.

Souvent les formerets ne descendaient pas sur le tailloir des chapiteaux des grands arcs, et ne possédaient pas non plus une colonnette portant de fond: ils prenaient naissance sur une colonnette posée sur la saillie latérale du tailloir, ainsi que l'indique la fig. 29 en plan et en élévation perspective. Dès lors les tailloirs des colonnettes latérales A étaient coupés de façon à ce que leur face oblique CD, perpendiculaire à la directrice B des arcs ogives, fût partagée en deux parties égales par cette directrice.

Cependant, il faut reconnaître que les constructeurs ne se décidèrent que peu à peu à accuser la forme, la direction et les membres des voûtes sur le plan de terre. Ils conservèrent pendant quelque temps les piles monocylindriques à rez-de-chaussée, en ne traçant le plan commandé par les voûtes que sur les tailloirs des chapiteaux de ces piles. Ce qui les préoccupa, dès la fin du XIIe siècle, ce fut l'observation rigoureuse d'un principe qui jusqu'alors n'avait pas été impérieusement admis. Ce principe était celui de l'équilibre des forces substitué au principe de stabilité inerte, si bien pratiqué par les Romains et que les constructeurs romans s'étaient vainement efforcés de conserver dans leurs grands édifices voûtés composés de plusieurs nefs. Reconnaissant l'impossibilité de donner aux piles isolées une assiette suffisante pour résister à la poussée des voûtes, les constructeurs du XIIe siècle prirent un parti franc: ils allèrent chercher leurs moyens de résistance ailleurs. Ils ne voulurent plus admettre les piliers isolés que comme des points d'appui maintenus verticalement, non par leur propre assiette, mais par des lois d'équilibre. Il importait alors seulement qu'ils eussent une force suffisante pour résister à une pression verticale. Toutefois, même lorsqu'un principe est admis, il y a, pendant un certain temps, dans son application, des indécisions, des tâtonnements; on ne s'affranchit jamais des traditions du jour au lendemain. En trouvant les voûtes en arcs d'ogive sur plan carré traversées par un arc doubleau, les constructeurs cherchaient encore des points espacés de deux en deux travées, plus stables au droit des poussées principales. En effet, dans la fig. 27, les points A reçoivent la charge et maintiennent la poussée d'un arc doubleau et de deux arcs ogives, tandis que les points B ne reçoivent que la charge et ne maintiennent que la poussée d'un arc doubleau. Ce système de construction des voûtes, adopté pendant la seconde moitié du XIIe siècle, engageait les constructeurs à élever sous les points A des piles plus fortes que sous les points B; puis à donner aux claveaux des arcs doubleaux principaux tombant en A une largeur et une épaisseur plus grandes que celles données aux claveaux des arcs ogives et arcs doubleaux secondaires; car, dans les voûtes gothiques primitives, il est à remarquer, comme nous l'avons dit déjà, que les claveaux de tous les arcs présentent généralement la même section.

L'arc en tiers-point était si bien commandé par la nécessité de diminuer les poussées ou de résister aux charges, que nous voyons, dans les constructions gothiques primitives, les arcs brisés uniquement adoptés pour les arcs doubleaux et les archivoltes inférieures, tandis que l'arc plein cintre est conservé pour les baies des fenêtres, pour les arcatures des galeries et même pour les formerets, qui ne portent qu'une faible charge ou ne présentent que peu d'ouverture. À la cathédrale de Noyon, dont les voûtes primitives durent être élevées vers 1160 4, les formerets, qui sont de cette époque, sont plein cintre. À la cathédrale de Sens, bâtie vers ce même temps, les formerets étaient plein cintre 5, tandis que les archivoltes et les arcs doubleaux sont en tiers-point. Il en est de même dans le choeur de l'église abbatiale de Vézelay, élevé à la fin du XIIe siècle; les formerets sont plein cintre. Dans ces édifices, et à Sens particulièrement, les piles, sous les poussées et charges combinés des arcs ogives et arcs doubleaux, présentent une section horizontale très-considérable formée de faisceaux de colonnettes engagées; tandis que sous la charge de l'arc doubleau seul les piles se composent de colonnes monocylindriques jumelles posées perpendiculairement à l'axe de la nef. À Noyon, les arcs doubleaux intermédiaires, avant la reconstruction des voûtes, posaient sur une seule colonne. Mais la nef de la cathédrale de Sens est beaucoup plus large que celle de la cathédrale de Noyon, et la construction est de tous points plus robuste. Cette disposition de voûtes, comprenant deux travées et répartissant les poussées et charges principales de deux en deux piles, avait, dans l'origine, permis aux constructeurs de ne placer des arcs-boutants qu'au droit de ces piles principales. Il est probable qu'à la cathédrale de Sens c'était là autrefois le parti adopté; peut-être en était-il de même à la cathédrale de Noyon, comme à celle de Paris. Mais ces édifices ayant été plus ou moins remaniés au XIIIe siècle, il est impossible de rien affirmer à cet égard. Ce dont on peut être certain, c'est qu'à la fin du XIIe siècle les constructeurs n'avaient adopté l'arc-boutant qu'en désespoir de cause, qu'ils cherchaient à l'éviter autant que faire se pouvait, qu'ils se défiaient de ce moyen dont ils n'avaient pu encore apprécier les avantages et la puissance; qu'ils ne le considéraient que comme un auxiliaire, une extrême ressource, employée souvent après coup, et lorsqu'ils avaient reconnu qu'on ne pouvait s'en passer. La meilleure preuve que nous en puissions donner, c'est que, quelques années plus tard, les architectes, ayant soumis définitivement, dans les édifices à trois nefs, leur système de voûtes à une raison d'équilibre, opposèrent des arcs-boutants aux poussées des voûtes qui n'en avaient eu que partiellement ou qui n'en possédaient pas, et supprimèrent les arcs-boutants du XIIe siècle, probablement mal placés ou insuffisants, pour les remplacer par des buttées neuves et bien combinées, sous le rapport de la résistance ou de la pression.

 

Il nous faut, avant de passer outre, entretenir nos lecteurs des procédés de construction, de la nature et des dimensions des matériaux employés. Nous avons vu, au commencement de cet article, comment les constructeurs romans primitifs élevaient leurs maçonneries, composées de blocages enfermés entre des parements de pierre de taille ou de moellon piqué.



Les constructeurs du XIIe siècle apportèrent quelques modifications à ces premières méthodes. Bâtissant des édifices plus vastes comme étendue et plus élevés que ceux de la période romane, cherchant à diminuer l'épaisseur des points d'appui intérieurs et des murs, il leur fallait, d'une part, trouver un mode de construction plus homogène et résistant; de l'autre, éviter, dans des monuments d'une grande hauteur déjà, la dépense de main-d'oeuvre que le montage de matériaux d'un fort volume eût occasionnée. Ils renoncèrent dès lors à l'emploi du grand appareil (sauf dans des cas particuliers ou dans quelques édifices exceptionnels), et préférèrent la construction de petit appareil, tenant du moellon bien plutôt que de la pierre de taille. Autant que possible, la majeure partie des pierres employées alors, formant parements, claveaux d'archivoltes, d'arcs doubleaux et d'arcs ogives, sont d'un assez faible échantillon pour pouvoir être montées à dos d'homme et posées par un maçon comme notre moellon ordinaire. La méthode admise, ce petit appareil est fort bien fait, très-judicieusement combiné: c'est un terme moyen entre la construction romaine de grand appareil et celle de blocages revêtus de briques ou de moellon. En adoptant le petit appareil dans les grands édifices, les constructeurs du XIIe siècle avaient trop de sens pour poser ces assises basses et peu profondes, à joints vifs, comme certaines constructions romanes; au contraire, ils séparèrent ces assises par des lits et joints de mortier épais (de 0,01 c. à 0,02 c.), afin que ces lits établissent une liaison entre le massif intérieur et les parements. Cette méthode était la méthode romaine, et elle est bonne. On comprendra en effet que si (30) on pose des assises à joints vifs devant un massif en blocaille et mortier, le massif venant à tasser par l'effet de la dessiccation des mortiers sous la charge, et les assises de pierres posées à crû les unes sur les autres ne pouvant diminuer de volume, il se déclarera une rupture verticale AB derrière le parement, qui ne tardera pas à tomber. Mais si (30 bis) nous avons eu le soin de laisser entre chaque assise de pierre un lit de mortier épais, non-seulement ce lit soudé au massif retiendra les assises de pierre, mais encore il permettra à celles-ci de subir un tassement équivalent au tassement des blocages intérieurs.

Les constructeurs romans primitifs, surtout dans les contrées où l'on peut se procurer de grandes pierres dures, comme dans la Bourgogne, en Franche-Comté et en Alsace, sur la Saône et le Rhône, n'ont pas manqué de singer l'appareil romain, en posant, à joints vifs, des carreaux larges et hauts, des dalles, pour ainsi dire, devant les blocages; mais aussi payèrent-ils cher ce désir de faire paraître leurs constructions autres qu'elles ne sont. Il se déclara dans la plupart de ces édifices des ruptures entre les parements et les blocages, des lézardes longitudinales qui occasionnèrent chez presque tous des désordres sérieux pour le moins la ruine souvent. Ces effets étaient d'autant plus fréquents et dangereux que les édifices étaient plus élevés. Mieux avisés, et instruits par l'expérience, les architectes du XIIe siècle, autant par une raison d'économie et de facilité d'exécution que pour éviter ce défaut d'homogénéité entre les parements et les massifs, adoptèrent la construction par assises très-basses et séparées par des lits épais de mortier. Ces lits n'avaient pas seulement l'avantage de tasser et de relier les parements aux massifs: faits de mortier de chaux grasse, ils ne prenaient de consistance que lentement, et, en attendant la solidification parfaite, les constructions avaient le temps de s'asseoir, de subir même certaines déformations, sans occasionner des brisures dans la maçonnerie.

Les édifices élevés, de 1140 à 1200, dans l'Île-de-France, le Beauvoisis, le Soissonnais, la Picardie, la Champagne et la Normandie, sont d'une petitesse d'appareil qui ne laisse pas de surprendre; car déjà ces édifices sont vastes, d'une structure compliquée et cependant fort légère. Employer le moellon taillé dans de pareilles constructions, comme moyen principal, c'était une grande hardiesse; réussir était le fait de gens fort habiles. Si l'on examine avec soin l'appareil des portions appartenant au XIIe siècle des cathédrales de Noyon, de Senlis, et d'un grand nombre d'églises de l'Oise, de la Seine, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, de la Marne, de la Seine-Inférieure, etc., on s'étonne que des constructeurs aient osé monter des monuments d'une assez grande hauteur et très-légers avec des moyens qui semblent si faibles; et cependant la stabilité de ces édifices est assurée depuis longtemps, et si quelques-uns d'entre eux ont subi des altérations sensibles, cela tient presque toujours à des accidents particuliers, tels que les incendies, le défaut d'entretien ou des surcharges postérieures. De tous ces monuments, l'un des plus parfaits et des mieux conservés est la cathédrale de Noyon, bâtie de 1150 à 1190. Sauf les colonnettes, les gros chapiteaux, les sommiers et quelques morceaux exceptionnels, toute la bâtisse n'est en réalité composée que de moellon peu résistant.

33 Église de Nesle (Oise).
44 Ces voûtes furent refaites, au XIIIe siècle, sur la grande nef, sauf les formerets primitifs laissés en place.
55 Ces formerets furent rehaussés à la fin du XIIIe siècle, ainsi qu'on peut encore le reconnaître dans les travées de l'abside.