Za darmo

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite)

Tekst
iOSAndroidWindows Phone
Gdzie wysłać link do aplikacji?
Nie zamykaj tego okna, dopóki nie wprowadzisz kodu na urządzeniu mobilnym
Ponów próbęLink został wysłany

Na prośbę właściciela praw autorskich ta książka nie jest dostępna do pobrania jako plik.

Można ją jednak przeczytać w naszych aplikacjach mobilnych (nawet bez połączenia z internetem) oraz online w witrynie LitRes.

Oznacz jako przeczytane
Czcionka:Mniejsze АаWiększe Aa

PRINCIPES.--Pour que des principes nouveaux se développent, en toute chose, il faut qu'un état et des besoins nouveaux se manifestent. Quand l'ordre de saint Benoît se réforma, au XIe siècle, les tendances des réformateurs ne visaient à rien moins qu'à changer toute une société qui, à peine née, tombait déjà en décomposition. Ces réformateurs, en gens habiles, commencèrent donc par abandonner les traditions vermoulues de la société antique: ils partirent de rien, ne voulurent plus des habitations à la fois somptueuses et barbares qui jusqu'alors avaient servi de refuge aux moines corrompus des siècles précédents. Ils se bâtirent eux-mêmes des cabanes de bois, vécurent au milieu des champs, prenant la vie comme le pourraient faire des hommes abandonnés à leur seule industrie dans un désert. Ces premiers pas eurent une influence persistante, lorsque même la richesse croissante des monastères, leur importance au milieu de la société les porta bientôt à changer leurs cahutes contre des demeures durables et bâties avec luxe. Satisfaire rigoureusement au besoin est toujours la première loi observée, non-seulement dans l'ensemble des bâtiments, mais dans les détails de la construction; ne jamais sacrifier la solidité à une vaine apparence de richesse est la seconde. Cependant la pierre et le bois sont toujours de la pierre et du bois, et si l'on peut employer ces matières dans une construction en plus ou moins grande quantité, leur fonction est la même chez tous les peuples et dans tous les temps. Quelque riches et puissants que fussent les moines, ils ne pouvaient espérer construire comme l'avaient fait les Romains. Ils s'efforcèrent donc d'élever des constructions solides et durables (car ils comptaient bien bâtir pour l'avenir) avec économie. Employer la méthode romaine la plus ordinaire, c'est-à-dire en composant leurs constructions de massifs de blocages enfermés entre des parements de brique ou de moellon, c'était mettre à l'oeuvre plus de bras qu'ils n'en avaient à leur disposition. Construire au moyen de blocs énormes de pierre de taille, soigneusement taillés et posés, cela exigeait des transports impossibles, faute de routes solides, un nombre considérable d'ouvriers habiles, de bêtes de somme, des engins dispendieux ou d'un établissement difficile. Ils prirent donc un moyen terme. Ils élevèrent les points d'appui principaux en employant pour les parements de la pierre de taille, comme un revêtement, et garnirent les intérieurs de blocages. Pour les murs en remplissage, ils adoptèrent un petit appareil de moellon smillé pour les parements ou de carreaux de pierre, enfermant de même un blocage de cailloux et de mortier.


Notre fig. 2 donne une idée de ce genre de construction. Afin de relier les diverses parties des bâtisses, de chaîner les murs dans leur longueur, ils noyèrent dans les massifs, à différentes hauteurs, sous les appuis des fenêtres, au-dessous des corniches, des pièces de bois longitudinales, ainsi que nous l'avons figuré en A (voy. CHAÎNAGE). Dans ces constructions, la pierre est économisée autant que faire se peut; aucun morceau ne présente d'évidements: tous sont posés en besace; ce n'est qu'un revêtement exécuté d'ailleurs avec le plus grand soin; non-seulement les parements sont layés, mais aussi les lits et les joints, et ces pierres sont posées à cru sans mortier, comme l'appareil romain.

Ce genre de bâtisse est apparent dans les grandes constructions monastiques de Cluny, de Vézelay, de la Charité-sur-Loire (XIe et XIIe siècles). Les matériaux employés par les moines sont ceux qu'ils pouvaient se procurer dans le voisinage, dans des carrières dont ils étaient propriétaires. Et il faut reconnaître qu'ils les employèrent en raison de leurs qualités et de leurs défauts. Si ces matériaux présentaient des vices, si la pierre était gélive, ne pouvant s'en procurer d'autres, qu'au moyen de frais considérables, ils avaient le soin de la placer dans les conditions les moins désavantageuses, et, afin de préserver ces matériaux des atteintes de l'humidité et des effets de la gelée; ils cherchaient à les soustraire aux agents atmosphériques en les couvrant par des combles saillants, en les éloignant du sol, à l'extérieur, par des assises de pierres qu'ils allaient acheter dans des carrières plus éloignées.

Il y a toujours, dans les oeuvres des hommes qui ne comptent que sur leurs propres ressources et leurs propres forces pour agir, une certaine somme d'intelligence et d'énergie d'une grande valeur aux yeux de ceux qui savent voir, ces oeuvres fussent-elles imparfaites et grossières d'ailleurs, qu'on ne retrouve pas dans les oeuvres produites par des hommes très-civilisés, mais auxquels l'industrie fournit de nombreux éléments, et qui n'ont aucun effort à faire pour satisfaire à tous leurs besoins. Ces chercheurs primitifs deviennent souvent alors des maîtres et leurs efforts un enseignement précieux, car il faut évidemment plus d'intelligence pour faire quelque chose lorsque toutes les ressources manquent que lorsqu'elles sont à la portée des esprits les plus médiocres.

Les constructions romaines, par suite de la stabilité absolue de leurs points d'appui et la concrétion parfaite de toutes les parties supérieures (résultat obtenu, comme nous l'avons déjà dit, au moyen de ressources immenses), présentaient des masses immobiles, passives, comme le pourraient être des monuments taillés dans un seul bloc de tuf. Les constructeurs romans, ne pouvant disposer de moyens aussi puissants, reconnurent bientôt que leurs bâtisses n'offraient pas un ensemble concret, lié, une agglomération parfaitement stable; que les piliers, formés de placages de pierre enfermant un blocage composé souvent de médiocre mortier, que les murs, déliaisonnés dans toute leur hauteur, subissaient des effets, des tassements inégaux qui causaient des déchirures dans les constructions et, par suite, des accidents graves. Il fallut donc chercher les moyens propres à rendre ces effets nuls. Les constructeurs romans, dès le XIe siècle, voulurent, par des motifs développés ailleurs (voy. ARCHITECTURE), voûter la plupart de leurs grands édifices; ils avaient hérité des voûtes romaines, mais ils étaient hors d'état de les maintenir par les moyens puissants que les Romains avaient pu adopter. Il fallut donc encore que leur intelligence suppléât à ce défaut de puissance. La voûte romaine ne se peut maintenir qu'à la condition d'avoir des points d'appui absolument stables, car cette voûte, soit en berceau, soit d'arête, soit en demi-sphère, forme une croûte homogène sans élasticité, qui se brise en morceaux, s'il survient quelques gerçures dans sa concavité. Voulant faire des voûtes à l'instar des Romains, et ne pouvant leur donner des points d'appui absolument stables, il fallait que les constructeurs romans trouvassent une méthode nouvelle pour les maintenir, en rapport avec l'instabilité des points d'appui destinés à les porter et les contre-butter. La tâche n'était pas aisée à remplir: aussi les expériences, les tâtonnements, les essais furent-ils nombreux; mais cependant, dès l'origine de ces essais, on voit naître un système de construction neuf, et ce système est basé sur le principe d'élasticité, remplaçant le principe de stabilité absolue adopté par les Romains. La voûte romaine, sauf de rares exceptions, est faite en blocages; si elle est renforcée par des arcs en brique, ces arcs sont noyés dans l'épaisseur même du blocage et font corps avec lui. Les constructeurs romans, au lieu de maçonner la voûte en blocage, la construisirent en moellons bruts noyés dans le mortier, mais posés comme des claveaux, ou en moellons taillés et formant une maçonnerie de petit appareil; déjà ces voûtes, si un mouvement venait à se déclarer dans les points d'appui, présentaient une certaine élasticité, par suite de la réunion des claveaux, ne se brisaient pas comme une croûte homogène, et suivaient le mouvement des piles. Mais cette première modification ne rassurait pas entièrement les constructeurs romans; ils établirent sous ces voûtes, de distance en distance, au droit des points d'appui les plus résistants, des arcs doubleaux en pierres appareillées, cintrés sous l'extrados des voûtes. Ces arcs doubleaux, sortes de cintres permanents élastiques, comme tout arc composé d'une certaine quantité de claveaux, suivaient les mouvements des piles, se prêtaient à leur tassement, à leur écartement, et maintenaient ainsi, comme l'aurait fait un cintre en bois, les concavités en maçonneries bâties au-dessus d'eux.

Les constructeurs romans avaient pris aux Romains la voûte d'arête sur plan carré et engendrée par la pénétration de deux demi-cylindres de diamètres égaux. Mais lorsqu'ils voulurent élever des voûtes sur des piles posées aux angles de parallélogrammes, la voûte d'arête romaine ne pouvait être appliquée; ils adoptèrent, dans ce cas, le berceau ou demi-cylindre continu sans pénétration, et, au droit des piles, ils renforcèrent ces berceaux par des arcs doubleaux en pierres appareillées sur lesquels ils comptaient pour éviter les fâcheux effets d'une rupture longitudinale dans ces berceaux, par suite d'un mouvement des piles. Encore une fois, et nous insistons sur ce point, c'était un cintrage permanent. Cependant les obstacles, les difficultés semblaient naître à mesure que les constructeurs avaient cru trouver la solution du problème. Les effets des poussées des voûtes si parfaitement connus des Romains étaient à peu près ignorés des constructeurs romans. Le premier, parmi eux, qui eut l'idée de bander un berceau plein cintre sur deux murs parallèles, crut certainement avoir évité à tout jamais les inconvénients attachés aux charpentes apparentes, et combiné une construction à la fois solide, durable et d'un aspect monumental. Son illusion ne dut pas être de longue durée, car, les cintres et couchis enlevés, les murs se déversèrent en dehors, et la voûte tomba entre eux. Il fallut donc trouver des moyens propres à prévenir de pareils sinistres. On renforça d'abord les murs par des contre-forts extérieurs, par des piles saillantes à l'intérieur; puis, au droit de ces contre-forts et de ces piles, on banda des arcs doubleaux sous les berceaux. Noyant des pièces de bois longitudinales dans l'épaisseur des murs d'une pile à l'autre, à la naissance des berceaux, on crut ainsi arrêter leur poussée entre ces piles. Ce n'était là toutefois qu'un palliatif; si quelques édifices ainsi voûtés résistèrent à la poussée des berceaux, un grand nombre s'écroulèrent quelque temps après leur construction.

 


Mais il est nécessaire que nos lecteurs prennent une idée exacte de ce genre de construction. Nous en donnons (3) l'ensemble et les détails. En A sont les piles intérieures portant les arcs doubleaux E, en B les contre-forts destinés à maintenir leur poussée, en C les longrines en bois retenant le berceau D à sa naissance. Afin de reporter la poussée des arcs doubleaux aussi bas que possible, les constructeurs donnaient une forte saillie aux chapiteaux G. Si des voûtes ainsi conçues étaient bandées sur des piles assez solidement construites en matériaux bien liés ou très-lourds, si les murs étaient épais et pleins du bas en haut, si les contre-forts avaient une saillie suffisante; et si les arcs doubleaux et par conséquent les piles n'étaient pas trop espacés, ces berceaux, renforcés de sous-arcs, pouvaient être maintenus. Mais si, comme il arrivait dans les nefs bordées de collatéraux, les murs portaient sur des archivoltes et des piles isolées; si ces piles isolées, que l'on essayait toujours de faire aussi peu épaisses que possible pour ne pas gêner la circulation et la vue, ne présentaient pas une assiette suffisante pour recevoir des contre-forts extérieurs saillants au-dessus des voûtes des bas-côtés; alors le berceau supérieur, malgré ses arcs doubleaux, ou avec ses arcs doubleaux, déversait peu à peu les murs et les piles en dehors, et toute la construction s'écroulait. Vers la fin du XIe siècle déjà, beaucoup d'églises et de salles ainsi voûtées, bâties depuis un demi-siècle, tombaient en ruine, et il fallait les reconstruire. Ces accidents étaient un enseignement pour les constructeurs: ils leur donnaient l'occasion d'observer certains phénomènes de statique dont ils n'avaient pas la moindre idée; ils leur faisaient reconnaître que les longrines de bois noyées dans les maçonneries, dépourvues d'air, étaient promptement pourries, et que le vide qu'elles laissaient ne faisait que hâter la destruction des édifices; que les murs ayant commencé à se déverser, la poussée des voûtes croissait en raison directe de leur écartement; qu'enfin, si les voûtes en berceau étaient posées sur des nefs avec collatéraux, les désordres occasionnés par la poussée des voûtes hautes étaient tels qu'il n'était pas possible de maintenir les piles et les murs dans un plan vertical.

Cependant le moment n'était pas encore venu où les constructeurs allaient résoudre exactement le problème de la stabilité des voûtes posées sur des murs parallèles; ils devaient encore faire des tentatives pour éviter les effets de la poussée sur les murs latéraux. Les constructeurs romans savaient que les voûtes d'arêtes présentaient cet avantage de n'exercer des pressions et des poussées que sur les quatre points d'appui recevant leurs sommiers. Reconnaissant que les berceaux exerçaient une poussée continue sur les têtes des murs, ils cherchèrent à les supprimer et à les remplacer, même dans les nefs composées de travées sur plan barlong, par des voûtes d'arêtes, afin de reporter toute leur charge et leur poussée sur les piles qu'ils espéraient rendre stables. Mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, la voûte d'arête romaine ne peut se bâtir que sur un plan carré: il fallait donc trouver une nouvelle combinaison de voûtes d'arêtes se prêtant aux plans parallélogrammes. Géométriquement, ces voûtes ne pouvaient se tracer, et ce n'était que par des tâtonnements qu'on arrivait à les construire.

Déjà, pendant le XIe siècle, les constructeurs avaient composé des voûtes qui tiennent à la fois de la coupole et de la voûte d'arête, en ce que ces voûtes, au lieu d'être engendrées par deux demi-cylindres se pénétrant à angle droit, sont formées par quatre arcs plein cintre réunissant les quatre piles et deux arcs diagonaux, qui sont eux-mêmes des pleins cintres, et par conséquent présentent un rayon plus grand que ceux des quatre premiers. Quand on connaît les moyens employés pour construire une voûte d'arête, on comprend facilement quel avait été le motif de cette modification à la voûte d'arête romaine. Pour faire une voûte, il faut des cintres de bois sur lesquels on pose des couchis. Or, pour faire une voûte d'arête romaine, il faut tailler quatre cintres sur un demi-cercle et deux cintres diagonaux dont la courbe est donnée par la rencontre des demi-cylindres; la courbe de ces cintres diagonaux n'est point un demi-cercle, mais une ellipse que l'on obtient au moyen d'ordonnées, ainsi que l'indique la fig. 4.



Soit A B le diamètre des cylindres et B C la trace horizontale du plan sur lequel se rencontrent les deux cylindres A B, A C. Opérant sur un quart, et divisant le demi-cercle rabattu en un certain nombre de parties égales D E, E F, F G, G B, on abaisse des perpendiculaires de ces points diviseurs D E F G sur le diamètre A B, en les prolongeant jusqu'à leur rencontre avec la diagonale B C. On obtient ainsi sur cette diagonale des points diviseurs d e f g; de ces points, élevant des perpendiculaires sur la diagonale B C et prenant sur ces perpendiculaires des longueurs d d' égales à D'D, e e', égales à E'E, etc., on pose des points d'e'f'g' par lesquels devra passer la courbe de rencontre des deux demi-cylindres. Cette courbe ayant une flèche d d' égale au rayon D'D, et un diamètre B C plus grand que le diamètre A B, ne peut être un demi-cercle. Bien que fort simple, ce tracé géométrique parut trop compliqué aux constructeurs romans. Ayant donc tracé un demi-cercle sur le diamètre A B pour faire tailler les cintres en charpente des quatre arcs générateurs de la voûte, ils tracèrent un second demi-cercle sur le diamètre B C pour faire tailler les deux cintres diagonaux. Ainsi les clefs d de rencontre de ces deux cintres diagonaux se trouvèrent placées à un niveau plus élevé que les clefs D des arcs générateurs, et la voûte, au lieu d'être le résultat de la rencontre de deux demi-cylindres, fut un composé de surfaces courbes sans nom, mais se rapprochant de la coupole. Cette démonstration élémentaire est nécessaire, car elle est la clef de tout le système des voûtes au moyen âge. Ce premier résultat, dû bien plutôt à l'ignorance qu'au calcul, fut cependant un des principes les plus féconds dans l'histoire de la construction. D'ailleurs il indique autre chose que l'ignorance grossière, il dénote une certaine liberté réfléchie dans l'emploi des moyens de bâtir, dont l'importance est considérable; et, en effet, une fois affranchis des traditions romaines, les constructeurs du moyen âge furent de plus en plus conséquents avec leurs principes; ils en comprirent bientôt toute l'étendue, et s'y abandonnèrent franchement; cependant, suivons-les pas à pas. Il s'agissait donc, une fois le principe de la voûte d'arête romaine ainsi modifié, d'appliquer ces voûtes à des plans barlongs, car les constructeurs reconnaissaient le danger des larges voûtes en berceaux.



Soit donc (5) A B C D le parallélogramme d'une travée de nef en plan, qu'il s'agit de couvrir par une voûte d'arête. Soit A E B l'extrados demi-circulaire des arcs doubleaux rabattus, et A F C l'extrados demi-circulaire des formerets également rabattus. Il est clair que le rayon H F sera plus court que le rayon G E, partant, la clef E plus élevée que la clef F. Si nous traçons un demi-cercle sur la diagonale A D comme étant la courbe sur laquelle devront se rencontrer les voûtes engendrées par les demi-cercles A E B, A F C, il en résultera que les arêtes AI, BI, DI, CI, au lieu d'être saillantes dans tout leur développement, seront creuses, au contraire, à peu près dans les deux tiers de leur longueur, et principalement en se rapprochant de la clef I.



En effet, soit (6) la coupe transversale de la voûte suivant H O. Soit H'F' la coupe du formeret, H'I'O' la projection verticale de la diagonale AD ou BC. La ligne droite, tirée de la clef F' à la clef I', laisse un segment de cercle K L I' au-dessus de cette ligne; d'où il résulterait que cette portion de voûte devrait être convexe à l'intrados au lieu d'être concave, et que, par conséquent, elle ne serait pas constructible. Posant donc des formerets et arcs doubleaux sur les arcs diagonaux, des couchis en planches pour fermer les triangles des voûtes en maçonnerie, les constructeurs garnirent ces couchis d'un massif épais en terre suivant une courbe donnée par les trois points F'I'F'', c'est-à-dire donnée par les sommets des arcs diagonaux et des arcs formerets: ainsi les arêtes diagonales redevenaient saillantes; sur ce massif, on posa les rangs de moellons parallèlement à la section F'I' pour fermer la voûte.



Le résultat de ces tâtonnements fut que les voûtes d'arêtes n'étaient plus des pénétrations de cylindres ou de cônes, mais d'ellipsoïdes. La première difficulté étant franchie, des perfectionnements rapides ne devaient pas tarder à se développer. Mais d'abord, comment, par quels procédés mécaniques ces voûtes étaient-elles construites? La voûte d'arête romaine, construite par travées, n'avait point d'arcs doubleaux: elle portait sur des piles ou des colonnes saillantes, ainsi que le représente la fig. 7, c'est-à-dire (voy. la projection horizontale A d'une de ces voûtes) que les diagonales B C, D E, produites par la pénétration de deux demi-cylindres de diamètres égaux et formant arêtes saillantes, portaient sur angles saillants des piles. Mais les architectes romans ayant d'abord renforcé les grandes voûtes en berceau par des arcs doubleaux, ainsi que fait voir notre fig. 3, et venant à remplacer ces voûtes demi-cylindriques par des voûtes d'arêtes barlongues, conservèrent les arcs doubleaux; ils ne pouvaient faire autrement, puisque les diagonales de ces voûtes étaient des demi-cercles et que leur sommet s'élevait au-dessus du sommet des arcs dont le diamètre était donné par l'écartement des piles.



Afin de nous faire comprendre, soit (8) la coupe longitudinale d'une voûte d'arête romaine composée de travées; la ligne AB est horizontale: c'est la coupe du demi-cylindre longitudinal.



Soit (8 bis) la coupe longitudinale d'une voûte d'arête romane sur plan barlong, la ligne AB est une suite de courbes, ou tout au moins de lignes brisées réunissant les points CD, sommets des arcs transversaux aux points de rencontre E des demi-cercles diagonaux. Il fallait nécessairement conserver sous les points C D des arcs saillants, des arcs doubleaux, qui n'étaient, comme nous l'avons dit plus haut, que des cintres permanents.



Dès lors les arêtes diagonales devaient prendre leur point de départ en retraite de la saillie des piles ou colonnes, celles-ci étant uniquement destinées à porter les arcs doubleaux, c'est-à-dire (9) que les arêtes durent partir des points F au lieu de partir des points G, et que les sommiers des arcs doubleaux se reposèrent sur les assiettes F H G I. Lorsqu'il s'agissait donc de fermer les voûtes, les constructeurs posaient les couchis portant les massifs ou formes en terre sur l'extrados de ces arcs doubleaux et sur les deux cintres diagonaux en charpente.

Dans les constructions élevées chez tous les peuples constructeurs, les déductions logiques se suivent avec une rigueur fatale. Un pas fait en avant ne peut jamais être le dernier; il faut toujours marcher: du moment qu'un principe est le résultat du raisonnement, il en devient bientôt l'esclave. Tel est l'esprit des peuples occidentaux; il perce dès que la société du moyen âge commence à se sentir et à s'organiser; il ne saurait s'arrêter, car le premier qui établit un principe sur un raisonnement ne peut dire à la raison: «Tu n'iras pas plus loin.» Les constructeurs, à l'ombre des cloîtres, reconnaissent ce principe dès le XIe siècle. Cent ans après, ils n'en étaient plus les maîtres. Évêques, moines, seigneurs, bourgeois, l'eussent-ils voulu, n'auraient pu empêcher l'architecture romane de produire l'architecture dite gothique: celle-ci n'était que la conséquence fatale de la première. Ceux qui veulent voir dans l'architecture gothique (toute laïque) autre chose que l'émancipation d'un peuple d'artistes et d'artisans auxquels on a appris à raisonner, qui raisonnent mieux que leurs maîtres et les entraînent malgré eux bien loin du but que tout d'abord ils voulaient atteindre, avec les forces qu'on a mises entre leurs mains; ceux qui croient que l'architecture gothique est une exception, une bizarrerie de l'esprit humain, n'en ont certes pas étudié le principe, qui n'est autre que l'application rigoureusement suivie du système inauguré par les constructeurs romans. Il nous sera aisé de le démontrer. Poursuivons.

 

Nous voyons déjà, à la fin du XIe siècle, le principe de la voûte d'arête romaine mis de côté 1. Les arcs doubleaux sont admis définitivement comme une force vive, élastique, libre, une ossature sur laquelle repose la voûte proprement dite. Si les constructeurs admettaient que ces cintres permanents fussent utiles transversalement, ils devaient admettre de même leur utilité longitudinalement.



Ne considérant plus les voûtes comme une croûte homogène, concrète, mais comme une suite de panneaux à surfaces courbes, libres, reposant sur des arcs flexibles; la rigidité des murs latéraux contrastait avec le nouveau système; il fallait que ces panneaux fussent libres dans tous les sens, autrement les brisures, les déchirements eussent été d'autant plus dangereux que ces voûtes eussent été portées sur des arcs flexibles dans un sens et sur des murs rigides dans l'autre. Ils bandèrent des formerets d'une pile à l'autre, sur les murs, dans le sens longitudinal. Ces formerets ne sont que des demi-arcs doubleaux noyés en partie dans le mur, mais ne dépendant pas de sa construction. Par ce moyen, les voûtes reposaient uniquement sur les piles, et les murs ne devenaient que des clôtures, qu'à la rigueur on pouvait bâtir après coup ou supprimer. Il fallait une assiette à ces formerets, un point d'appui particulier; les constructeurs romans ajoutèrent donc, à cet effet, un nouveau membre à leurs piles, et la voûte d'arête prit naissance dans l'angle rentrant formé par le sommier de l'arc doubleau et celui du formeret, ainsi que l'indique la fig. 10. A est l'arc doubleau: B le formeret, C l'arête de la voûte; le plan de la pile est en D. Mais si la pile était isolée, si une nef était accompagnée de bas-côtés, elle prenait en plan la fig. 10 bis. A est l'arc doubleau de la grande voûte, B sont les archivoltes portant le mur.



Au-dessus de ces archivoltes, ce mur se retraite en F de manière à permettre aux pilastres G de porter les formerets supérieurs. C est l'arc doubleau du collatéral; D les arêtes des voûtes de ce collatéral, et H celles des voûtes hautes. Les voûtes des collatéraux sont bandées sur les arcs doubleaux C, les extrados des archivoltes B et sur un formeret noyé en partie dans le mur du bas-côté, et portant comme les formerets supérieurs de la fig. 10. Ainsi donc déjà les membres des voûtes donnent la section horizontale des piles, leur forme dérive de ces membres. Cependant ces voûtes étaient contre-butées d'une manière insuffisante, des mouvements se faisaient sentir dans les piles; par suite, les nerfs principaux des voûtes, les arcs doubleaux se déformaient. Ne sachant comment maintenir les poussées, les constructeurs se préoccupèrent d'abord de rendre leur effet moins funeste. Ils avaient observé que plus les claveaux d'un arc présentent une grande section de l'intrados à l'extrados, et plus les mouvements qui se produisent dans cet arc occasionnent de désordre. Ils n'étaient pas les premiers qui eussent reconnu cette loi. Les Romains, avant eux, lorsqu'ils avaient eu de grands arcs à bander, avaient eu le soin de les former de plusieurs rangs de claveaux concentriques, mais indépendants les uns des autres, ainsi que l'indique la fig. 11 en A. Les arcs construits de cette manière forment comme autant de cerceaux agissant séparément et conservant une élasticité beaucoup plus grande, et, par suite, plus de résistance qu'un arc de même section construit d'après la méthode indiquée en B.




Les constructeurs romans composèrent, d'après ce principe, leurs arcs doubleaux de deux rangs de claveaux concentriques: l'un, celui d'intrados, prenant une section ou portion de rayon plus longue que celui de l'extrados; et comme les arcs doubleaux n'étaient que des cintres permanents destinés à recevoir les bouts des couchis sur lesquels on maçonnait la voûte, ils donnèrent à ce second rang de claveaux une saillie sur le premier propre à porter ces bouts de couchis. La fig. 12 explique cette méthode. En A est le rang des claveaux de l'intrados, en B celui des claveaux de l'extrados avec les deux saillies C destinées à recevoir les bouts des couchis D sur lesquels on maçonnait les voûtes. Les formerets ayant un moins grand diamètre, et n'étant pas sujets aux effets des poussées, sont composés d'un seul rang de claveaux portant, ainsi que le démontre la fig. 12 bis, la saillie nécessaire à la pose des couchis. On voit déjà que les constructeurs romans laissaient en évidence leurs moyens matériels de construction; que, loin de chercher à les dissimuler, ils composaient leur architecture de ces moyens mêmes. Veut-on d'autres preuves de ce fait? Les Romains terminaient le sommet de leurs colonnes par des chapiteaux; mais la saillie du tailloir de ces chapiteaux ne portait rien: ce n'était qu'un ornement.



Ainsi, lorsque les Romains posaient une voûte d'arête sur des colonnes, comme il arrivait fréquemment, dans les salles de thermes, par exemple, le sommier de la voûte était à l'aplomb du nu de la colonne (13). Et alors, chose singulière et dont on ne peut donner la raison, non-seulement le fût de la colonne romaine portait son chapiteau, mais l'entablement complet de l'ordre; de sorte que, par le fait, toute la partie comprise entre A et B ne servait à rien, et que les fortes saillies B n'avaient pu être utilisées que pour poser les cintres en charpente destinés à fermer les voûtes. Il faut avouer que c'était beaucoup de luxe pour un objet accessoire. Lorsque les constructeurs romans posent un arc sur une colonne isolée ou engagée, le chapiteau n'est qu'un encorbellement destiné à recevoir le sommier de l'arc, une saillie servant de transition entre le fût cylindrique de la colonne et l'assiette carrée du sommier (14). Alors le chapiteau n'est pas seulement un ornement, c'est un membre utile de la construction (voy. CHAPITEAU).



Les constructeurs romans avaient-ils une corniche de couronnement à placer à la tête d'un mur à l'extérieur, avares de temps et de matériaux, ils se gardaient bien d'évider à grands frais les divers membres de cette corniche dans une seule pierre; ils posaient, par exemple, des corbeaux saillants entre la dernière rangée de moellons, et sur ces corbeaux ils plaçaient une tablette en pierre servant d'égout à la couverture (voy. CORNICHE). Il est inutile d'insister davantage sur ces détails, qui viendront se présenter à leur place dans le cours de cet ouvrage.

La construction des voûtes était donc la grande préoccupation des architectes du moyen âge; ils étaient arrivés, ainsi que nous venons de le faire voir, à des combinaisons ingénieuses en elles-mêmes, qu'ils n'avaient pas encore trouvé les moyens propres à maintenir sûrement ces voûtes et qu'ils en étaient réduits aux expédients. Ainsi, par exemple, ils maçonnaient les remplissages de ces voûtes en tuf, en matériaux légers, afin de diminuer les effets des poussées; ils les réduisaient d'épaisseur autant que possible; ils bloquaient des maçonneries sous les combles des collatéraux au droit de ces poussées, dans l'espoir d'empêcher le déversement des piles; ils posaient des chaînages en bois transversaux à la base de ces contre-forts masqués par la pente des combles, pour rendre les piles solidaires des murs extérieurs. Ces expédients étaient suffisants dans de petites constructions; ils ne faisaient, dans les grandes, que ralentir l'effet des poussées sans les détruire complétement.

11 C'est dans la nef de l'église de Vézelay qu'il faut constater l'abandon du système romain. Là les voûtes hautes d'arêtes, sur plan barlong, sont déjà des pénétrations d'ellipsoïdes, avec arcs doubleaux saillants et formerets.