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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite)

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Les entrées de nos colléges du moyen âge étaient élégantes, décorées par les statues de leurs fondateurs. L'écolier qui venait s'enfermer dans ces demeures consacrées à l'étude n'éprouvait pas ce sentiment de répulsion qui, dès l'abord, s'empare des nôtres aujourd'hui lorsqu'ils se trouvent devant ces portes nues, sombres, qui ressemblent à l'entrée d'un pénitencier. À Oxford comme à Cambridge, les entrées des colléges sont de jolis monuments, élégants, couverts de sculpture, et protégés par les images des bienfaiteurs de ces établissements; les cours entourées de portiques délicatement travaillés ou de bâtiments construits avec luxe, les réfectoires larges, hauts, bien aérés et éclairés, ces verts gazons qui tapissent les préaux, ces fontaines, ces loges qui rompent la monotonie des longues façades, égayent l'imagination au lieu de l'attrister. Combien est-il d'enfants en France qui, sortant de la maison paternelle, où tout semble disposé pour plaire aux regards, ont éprouvé, en entrant dans un collége, ce sentiment de froid qui saisit toute âme délicate en présence de la laideur et de la pauvreté? Supposez que nos colléges aient des fellows, il est certain que pas un sur dix ne remettra jamais les pieds dans les demeures maussades et nauséabondes où ils ont dû passer leurs premières années d'études. Regardons près de nous toutes les fois que nous voudrons juger le passé; s'il est plein d'abus et de préjugés, peut-être sommes-nous trop pleins de vanité.

COLOMBIER, s. m. Pigeonnier. Bâtiment destiné à contenir des troupes de pigeons et à leur permettre de pondre et de couver leurs oeufs à l'abri des intempéries.

Pendant le moyen âge, la construction d'un colombier était un privilége réservé à la féodalité. Le paysan ne pouvait avoir son four; il fallait qu'il apportât son pain au four banal du château ou de l'abbaye, et qu'il payât une redevance pour le faire cuire. Il ne lui était pas permis non plus d'avoir un pigeonnier à lui appartenant. Il en était des pigeons comme des troupeaux de bêtes à cornes et à laine, ils appartenaient au seigneur, qui seul en pouvait tirer un produit. Les troupes de pigeons étant un rapport, ceux qui avaient le privilége de les entretenir cherchaient tous les moyens propres à en rendre l'exploitation productive. La construction d'un pigeonnier était donc une affaire importante. Tous les châteaux possédaient un ou plusieurs pigeonniers; les manoirs, demeures des chevaliers, petits châteaux sans tours ni donjons, pouvaient encore posséder un pigeonnier. Il n'est pas besoin de dire que les abbés, qui étaient tous seigneurs féodaux, et qui possédaient les établissements agricoles les mieux exploités pendant le moyen âge, avaient des pigeonniers dans les cours des abbayes, dans les fermes qui en dépendaient, les prieurés et les obédiences.

Les propriétaires de trente-six arpents avaient le droit de joindre à leur habitation, non un colombier construit en maçonnerie, mais un pigeonnier en bois de seize pieds de hauteur et pouvant contenir seulement de soixante à cent vingt boulins. On entend par boulins (du grec [Grec: bôlos]) les trous pratiqués dans les colombiers et destinés à la ponte des oeufs de pigeons. De là on est venu à donner le nom de boulins aux trous réservés dans la maçonnerie pour recevoir les pièces de bois horizontales des échafauds, et par suite à ces pièces de bois elles-mêmes (voy. ÉCHAFAUD).

Les colombiers sont généralement bâtis en forme de tour cylindrique avec toit conique, bien fermés de murs épais et distribués à l'intérieur avec un soin tout particulier. Nous en connaissons plusieurs dans les provinces françaises du nord qui ont été bâtis pendant les XIVe et XVe siècles, et qui sont dignes d'être étudiés. Il en existe un dans une ferme du village de Creteil près Paris, rue des Mèches, 14, qui paraît appartenir aux dernières années du XIVe siècle. Il est bâti en tour ronde et est divisé en deux étages. Le rez-de-chaussée était destiné à contenir des bestiaux, des moutons probablement. Le premier était réservé aux pigeons.


Voici (1) le plan au niveau du rez-de-chaussée. En A est la porte de l'étable, en A' celle de l'escalier, en B des fenêtres, en C une auge, en D l'escalier qui monte au pigeonnier, en E une colonne en pierre dont l'usage est indiqué dans la coupe (2).



Ainsi que l'indique cette coupe prise sur GH, une forte poutre porte sur la colonne et deux consoles en pierre incrustées dans le mur. Des solives reposent sur cette poutre et reçoivent le plancher. Un arbre vertical, muni de deux pivots en fer à chacune de ses extrémités et formant l'axe de la rotonde, reçoit trois potences auxquelles est accrochée une échelle que la disposition des potences, qui ne sont pas sur un même plan, oblige d'incliner. Cet arbre muni de son échelle permettait, en pivotant, aux gens de la ferme, de visiter facilement tous les boulins et de dénicher les pigeonneaux. Au niveau du plancher, en F, est un trou en pente traversant la muraille et destiné à l'extraction du guano. Le comble est hermétiquement fermé par des bardeaux à l'intérieur, enduits de plâtre aujourd'hui. Le parement de la tour contient vingt-cinq rangs de soixante boulins chacun environ, ce qui fait quinze cents couvées de pigeons. De cinq en cinq rangs de boulins est une petite saillie permettant aux personnes qui vont dénicher les pigeonneaux de poser le pied, afin d'être plus à l'aise pour procéder à cette opération. Une fenêtre et une lucarne, celle qui donne entrée aux pigeons, sont les seules ouvertures qui laissent pénétrer le jour et l'air dans l'intérieur de la tour.



La fig. 3 donne le détail de la construction des boulins; le colombier est entièrement bâti en pierre et moellons.



Sur la clef de la porte est sculpté l'écu armoyé dont nous présentons (4) la copie. Pour compléter la description de cette curieuse bâtisse, nous donnons (5) son plan pris au niveau KL de la coupe (fig. 2) 289.

Un autre colombier assez semblable à celui-ci, et qui appartient à la même époque, existe encore à Nesle (Oise), dans une ferme près de l'église. Le rez-de-chaussée du colombier de Nesle ne contient pas une étable, mais un poulailler possédant six rangs de boulins. Une colonne en pierre se dresse dans l'axe, comme dans le pigeonnier de Creteil, et porte un arbre à pivots muni de potences doubles recevant deux échelles au lieu d'une. Les boulins pour les pigeons sont plus nombreux qu'à Creteil, et sont au nombre de près de deux mille; ils sont construits en moellons et brique, c'est-à-dire qu'une assise de brique sépare chaque rang de boulins et que l'intérieur de ceux-ci est entièrement maçonné en brique; cette matière avait paru probablement plus chaude et moins humide que le moellon. L'arbre central pivotant est disposé ainsi que l'indique la fig. 6.



Les pièces AB sont des moises doubles qui ne sont pas sur un même plan afin de pouvoir donner une certaine inclinaison aux deux échelles. On ne monte au pigeonnier que par une échelle extérieure que l'on dresse devant la porte donnant sur le plancher du premier étage. Du reste, le pigeonnier de Nesle porte les mêmes dimensions que celui de Creteil, 6m,80 de diamètre intérieur et 1m,00 d'épaisseur de mur. Il est construit avec grand soin, et l'entrée des pigeons se fait par trois jolies lucarnes de pierre ménagées dans la hauteur du comble, l'une à l'est et les deux autre au sud-ouest et au nord-ouest.



La fig. 7 reproduit la vue extérieure du pigeonnier de Nesle: ses bandeaux, sa corniche et ses lucarnes sont en pierre; le reste de la bâtisse, à l'extérieur, est fait en moellon enduit; à l'intérieur, en moellon proprement taillé et en belles briques.



Nous figurons (8) une des lucarnes; les constructeurs ont eu le soin de ménager en avant une saillie, sorte de petit balcon dépassant le relief de la corniche, qui permet aux pigeons de se réunir en troupe avant d'entrer dans le colombier, ce qui est dans leurs habitudes. On remarquera même les deux petits épaulements B destinés à les garantir du vent lorsqu'ils viennent se reposer sur l'appui de la lucarne. Ces deux exemples de pigeonniers des provinces du nord indiquent assez le soin et l'étude apportés par les constructeurs du moyen âge jusque dans les bâtisses les plus ordinaires.

Il existe encore, près de Rouen, à Saint-Jacques, un très-beau colombier bâti en briques de diverses couleurs, et qui appartient au commencement du XVIe siècle. Trois lucarnes en bois s'ouvrent dans le comble. Ses dispositions rappellent le colombier de Nesle. Cependant l'étage supérieur est porté en encorbellement sur le soubassement, ce qui donne à cette construction une certaine grâce.

 

Dans les provinces méridionales, les colombiers affectent, jusqu'au XVIe siècle, la forme circulaire, comme ceux du nord; mais leur couronnement présente une disposition toute particulière et qui appartient à ces contrées: c'est une sorte d'abri destiné à garantir les pigeons contre les grands vents et à leur permettre de se rassembler en nombre sur le toit de l'édifice. Ces pigeonniers sont généralement plus petits que ceux des provinces septentrionales, mais ils sont en revanche très-abondants.



Un des plus anciens que nous connaissions est un pigeonnier dépendant autrefois de l'abbaye de Saint-Théodard, près Montauban. Ce pigeonnier, dont nous donnons (9) l'aspect sur deux faces, est entièrement bâti en brique, terminé par une voûte hémisphérique percée d'une lucarne avec claire-voie. On aperçoit en A le mur renforcé de trois tourelles pleines, et qui ne sont qu'un ornement, dépassant la couverture et formant l'abri dont nous venons de parler. Il faut dire que, dans ces contrées, les grands vents viennent régulièrement du même point de l'horizon, et qu'ainsi cet abri opposé à la direction invariable des vents violents est parfaitement motivé. Une seule porte à rez-de-chaussée donne entrée dans le colombier, qui, à l'intérieur, est muni de boulins ménagés dans les parements. Un chéneau avec crénelage et gargouille accompagne la coupole. Ce petit édifice n'a que 4m,60 de diamètre sur environ 11m,50 du sol au sommet des trois pinacles 290.



La disposition habituelle des colombiers du Languedoc, à partir du XVIe siècle, est celle d'un bâtiment carré couronné par un toit à une seule pente avec abri, presque toujours accompagné de pinacles aux angles, afin de signaler cet édifice aux pigeons. Voici (10) un de ces colombiers, comme on en trouve en si grand nombre dans les environs de Toulouse et de Montauban. Des carreaux de brique vernissée incrustés dans l'enduit extérieur, ainsi qu'il est figuré en A, empêchent les belettes de monter jusqu'à l'ouverture réservée aux pigeons. Il en est aussi qui sont bâtis sur quatre colonnes isolées, afin de soustraire les pigeons aux approches de leurs ennemis acharnés. Quatre poitraux en bois posés sur les quatre colonnes portent la maçonnerie de brique, et un trou percé au centre du plancher, auquel on adapte une échelle volante, permet d'entrer dans le pigeonnier.

COLONNE, s, f. Cylindre de pierre posé sur une base ou un socle, recevant un chapiteau à son sommet, employé dans la construction comme point d'appui pour porter une plate-bande ou un arc. Les architectes du moyen âge n'eurent pas à inventer la colonne. Les monuments antiques de l'époque romaine laissaient sur le sol des Gaules une quantité innombrable de colonnes, car aucune architecture ne prodigua autant ce genre de support que l'architecture des Romains. Nos premiers constructeurs romans employèrent ces fragments comme ils purent; ils trouvaient très-simple, lorsqu'ils élevaient un édifice, d'aller chercher, parmi les débris des monuments antiques, des fûts de colonnes et de les dresser dans leurs nouvelles constructions, sans tenir compte de leur grosseur ou de leurs proportions, plutôt que de tailler à grand'peine, dans les carrières, des pierres de grande dimension et de les amener à pied-d'oeuvre. Il résulta de cette réunion de colonnes ou même de fragments de colonnes de toutes dimensions et proportions, dans un même édifice souvent, un oubli complet des méthodes qui avaient été suivies par les Romains dans la composition des ordres de l'architecture. Les yeux s'habituèrent à ne plus établir ces rapports entre les diamètres et les hauteurs des colonnes, à ne plus éprouver le besoin de l'observation des règles suivies par les anciens. Cet oubli barbare, résultat de la perte des traditions et de moyens de construction très-incomplets, du défaut d'ouvriers capables, fit faire aux architectes des premiers temps du moyen âge les plus singulières bévues. Pour eux, les colonnes antiques, souvent taillées dans des matières précieuses, furent un objet de luxe, une sorte de dépouille dont ils cherchèrent à parer leurs grossiers édifices, sans se préoccuper souvent de la fonction véritable de la colonne. D'ailleurs, s'ils étaient hors d'état de tailler un cylindre dans un bloc de pierre, à plus forte raison ne pouvaient-ils sculpter des chapiteaux et des bases; il arriva qu'ils placèrent tantôt une colonne sur le sol sans base, tantôt un chapiteau antique sur une colonne dont le diamètre ne correspondait pas avec celui du fût. Trop inexpérimentés pour oser combiner un système de construction reposant sur des points d'appui grêles, ils placèrent les colonnes qu'ils arrachaient aux débris des monuments antiques dans des angles rentrants, ou les accolèrent à des piliers massifs, comme une décoration plutôt que comme un support.

Lorsque l'architecture romane se développa et essaya de substituer aux traditions abâtardies de l'architecture antique un art nouveau, tantôt elle se servit de la colonne comme l'avaient fait les Romains, c'est-à-dire comme d'un point d'appui monolythe, grêle, isolé, tantôt comme d'une pile cylindrique, épaisse, composée d'assises, destinée à porter une charge très-lourde. Il est certain que la colonne isolée est employée par les architectes romans tout autrement qu'elle ne le fut chez les Romains. Les Romains, si ce n'est dans les derniers temps du Bas-Empire et dans l'architecture dite byzantine, n'employèrent généralement les colonnes qu'en les surmontant de l'entablement, c'est-à-dire qu'ils n'employèrent que les ordres complets; s'il est des exceptions à cette règle, elles sont rares. Vitruve, dans sa description de la basilique qu'il bâtit à Fano, parle d'un grand ordre portant des poitraux et des piles isolées sans entablement. Si les colonnes pouvaient se passer de leur entablement, c'était lorsqu'elles portaient des arcs. Cependant nous voyons, dans les thermes romains et autres édifices analogues, des colonnes portant des arcs ou des voûtes d'arêtes, et possédant toujours un entablement sans usage mais comme une décoration jugée nécessaire. Les architectes romans, soit qu'ils eussent sous les yeux des exemples de monuments du Bas-Empire dans lesquels les arcs venaient poser leur sommier sur le chapiteau, soit que leur bon sens naturel leur indiquât que dans ce cas l'entablement n'était plus qu'un membre inutile, renoncèrent à l'employer. Et comme ils n'adoptaient presque jamais la plate-bande dans leurs constructions, il en résulta que s'ils conservèrent la colonne antique, ils supprimèrent toujours l'entablement. Les colonnes des édifices romans sont donc dépourvues de ce complément, et ne possèdent que la base et le chapiteau. L'ordre corinthien était celui qui, sous l'Empire, avait été presque exclusivement employé, surtout dans les derniers temps; aussi les architectes romans cherchèrent-ils à imiter les chapiteaux de cet ordre, de préférence à tout autre. Mais la diminution des fûts antiques, leur galbe, était un détail de l'art trop délicat pour être apprécié par des hommes grossiers; aussi lorsqu'ils élevèrent des colonnes, ils les taillèrent le plus souvent suivant la forme cylindrique parfaite, c'est-à-dire qu'ils leur donnèrent le même diamètre dans toute leur hauteur. Nous devons observer en passant que les colonnes isolées sont de préférence adoptées pendant l'époque romane dans les contrées où il restait des débris considérables d'édifices antiques. Dans les provinces méridionales, le long du Rhône, de la Saône, de la Marne, nous trouvons la colonne isolée fréquemment employée comme pile; tandis que, dans les contrées où les traditions antiques étaient plus effacées, les colonnes ne sont guère usitées que pour cantonner des piles à plan carré; elles sont alors engagées et reçoivent les retombées des arcs, ou bien elles tiennent lieu, à l'extérieur, de contre-forts, et ne portent rien (voy. ARCHITECTURE RELIGIEUSE, CLOCHER, CONSTRUCTION, ÉGLISE).

Chez les Romains, la colonne n'était guère adoptée à l'intérieur, comme support nécessaire, que dans les basiliques. Les architectes romans, même lorsqu'ils tentèrent de remplacer les charpentes des basiliques par des voûtes, voulurent parfois, cependant, conserver la colonne comme point d'appui; seulement ils en augmentèrent le diamètre afin de résister à la charge des maçonneries supérieures.



La nef de l'église abbatiale de Saint-Savin en Poitou, qui date du XIe siècle, voûtée en berceau plein cintre avec bas-côtés en voûtes d'arêtes, présente deux rangées de colonnes cylindriques isolées formées de tambours de pierre. La nef de l'église cathédrale de la cité de Carcassonne présente des colonnes isolées alternées avec des piles à base carrée cantonnées de colonnes engagées. Ces colonnes cylindriques portent directement sur leurs chapiteaux circulaires les sommiers des archivoltes longitudinaux de la nef, des arcs doubleaux des bas-côtés et des colonnes engagées recevant les arcs doubleaux du berceau principal. La fig. 1 présente l'une de ces colonnes composée de tambours de pierre en plusieurs pièces. Ce ne sont là, en réalité, que des piles cylindriques bâties en gros moellons assez mal parementés.

Si les architectes romans ne dressaient que rarement des colonnes monolythes, c'était faute de pouvoir extraire et tailler des blocs de pierre d'une grande dimension; car toutes fois qu'ils purent trouver des colonnes antiques, ils ne manquèrent pas de les employer. Dans les cryptes romanes on rencontre souvent des colonnes monolythes en marbre qui ne sont que des dépouilles de monuments antiques. Lorsque les moyens de transport devinrent plus faciles et plus puissants, que l'habileté des tailleurs de pierre égala et dépassa même celle des ouvriers romains, on se mit à dresser des colonnes monolythes là où leur emploi était nécessaire. Presque tous les choeurs des grandes églises du XIIe siècle possèdent des colonnes monolythes en pierre dure d'une hauteur et d'un diamètre considérables, et presque toujours ces colonnes sont diminuées, c'est-à-dire qu'elles sont taillées en cône de la base au sommet. D'ailleurs il est rare de voir ces colonnes porter, comme la colonne romaine, un filet et un congé sur la base et une astragale sous le chapiteau. Ces saillies réservées exigeaient un évidement dispendieux et inutile sur toute la longueur du fût; les architectes préféraient faire porter le congé et le filet inférieur à la base, ou supprimaient ces membres, l'astragale au chapiteau (voy. BASE, CHAPITEAU).

Les colonnes monolythes ne sont pas rares pendant les XIIe et XIIIe siècles. Les cathédrales de Langres, de Mantes, les églises de Saint-Leu d'Esserent, de Vézelay, de Beaune, de Pontigny, de Semur-en-Auxois, etc., nous en font voir dont la dimension et la taille ne le cèdent en rien aux colonnes des monuments romains. Toutefois les architectes du moyen âge n'ont creusé des cannelures sur les fûts des colonnes que très rarement. À l'extérieur du choeur de l'église abbatiale de Saint-Rémy de Reims (XIIe siècle), on trouve cependant un exemple de colonnes cannelées sous l'arrivée des arcs-boutants. Mais à Reims il existait et il existe encore des monuments antiques qui ont été évidemment l'origine de ce genre de décoration. Dès le XIe siècle, on taillait déjà les colonnes au tour, suivant la méthode antique. Les colonnes monolythes du choeur de l'église de Saint-Étienne de Nevers sont taillées au tour. En Auvergne, où l'art de bâtir avait, à cette époque, atteint un degré de perfection remarquable, on trouve, dans les choeurs des églises, des colonnes monolythes tournées. Dans le Berry et le Poitou, pendant le XIIe siècle, les colonnes tournées sont très-fréquentes, et les ouvriers avaient le soin de laisser sur les fûts la trace du tour indiquée par des filets très-peu saillants ou des stries horizontales très-fines. Les architectes qui élevèrent des colonnes pendant la période romane ne s'inquiétaient pas d'établir une proportion conventionnelle entre la hauteur du fût et son diamètre; la nature des matériaux employés, la charge qu'il fallait supporter, le lieu, l'ordonnance générale du monument étaient les seules lois qui imposaient ces proportions. Au XIIe siècle, lorsque l'art de l'architecture se développa et devint l'objet d'une étude approfondie et raisonnée, les architectes donnèrent généralement aux fûts de leurs colonnes monolythes des proportions qui varient peu; cependant il est visible que déjà la résistance des matériaux influait sur ces proportions; si ces matériaux étaient très-forts, les colonnes étaient d'un diamètre moindre, eu égard à leur hauteur, que si ces matériaux étaient fragiles. Lorsqu'au commencement du XIIIe siècle, on employa encore les colonnes cylindriques non cantonnées, on chercha à réduire leur diamètre autant que la qualité des matériaux le permettait, afin de laisser, suivant le principe adopté par les architectes de cette époque, les plus grands vides possibles entre les points d'appui. C'est alors qu'on porta des voûtes sur des colonnes dont la maigreur égale presque celle qu'on donnerait à des supports en bois ou en métal en pareil cas. Le réfectoire du prieuré de Saint-Martin-des-Champs à Paris nous a conservé un des meilleurs exemples de ces colonnes en pierre d'une hauteur considérable et d'un diamètre extrêmement faible. Mais telle est l'heureuse disposition de ces colonnes, portées sur un stylobate à base octogone et séparées vers le milieu de leur hauteur par une bague moulurée, que l'oeil n'est pas choqué par leur excessive maigreur, et qu'elles semblent d'une force suffisante, comme elles le sont en effet, pour porter les deux rangs de voûtes qui viennent reposer sur leurs chapiteaux évasés (voy. BAGUE, CHAPITEAU, CONSTRUCTION).

 

L'Île de France semble avoir conservé les colonnes dans les nefs de ses églises plus tard que les autres provinces. Notre-Dame de Paris, la partie ancienne de l'église Saint-Severin à Paris, les églises de Champeaux, de la Chapelle sous Crécy, de Bagneux, etc., portent leurs nefs, bâties vers la fin du XIIe siècle et le commencement du XIIIe, sur des colonnes qui s'élèvent jusqu'à la hauteur des archivoltes des bas-côtés, et dont les chapiteaux portent les faisceaux de colonnettes recevant les voûtes hautes.



Les colonnes cantonnant les piliers romans sont généralement, pendant les XIe et XIIe siècles, engagées d'un tiers seulement; quelle que soit la dimension des édifices, leur diamètre varie de 0,33 c.(un pied) à 0,42 c. (quinze pouces). Sur les bords de l'Oise, pendant les premières années du XIIe siècle, ces colonnes engagées offrent une singularité qui mérite d'être signalée. Leur section horizontale, au lieu de présenter un segment de cercle, est composée de deux segments formant une arête au point de la tangente parallèle à la face du pilier, ainsi que le démontre la fig. 2. Nous trouvons de ces colonnes dans la partie ancienne de l'église de Saint-Maclou à Pontoise et dans l'église de Saint-Étienne de Beauvais. Nous devons supposer que les architectes ont donné cette figure à leurs colonnes engagées, afin d'éviter la mollesse et l'indécision d'une surface cylindrique. Ces colonnes n'ont que 0,30 c. de diamètre; mais, grâce à cette arête que forment les deux segments de cercle, elles offrent à l'oeil, de chaque côté, des surfaces plus développées que celles présentées par un cylindre. Dans tous les membres de l'architecture romane de transition des bords de l'Oise, on remarque d'ailleurs une certaine recherche qui se traduit par une grande finesse dans les profils et les détails.

COLONNETTE, s. f. Petite colonne; s'applique aussi, lorsqu'il est question de l'architecture du moyen âge, aux colonnes dont le fût très-allongé est d'un faible diamètre, aux colonnes cantonnant les piles de l'architecture gothique, ou aux colonnes secondaires cantonnant les piles de l'architecture romane de transition.

Les colonnettes cantonnant les piles romanes de transition dépendent toujours de la construction jusque vers 1160, c'est-à-dire qu'elles font partie des assises de ces piliers; mais, à partir de cette époque jusque vers 1220, elles sont indépendantes de la construction en assises, sont détachées et posées en délit. À dater de 1230, on les voit de nouveau faire partie des assises jusqu'à la fin de la période gothique (voy. CONSTRUCTION). Il va sans dire que cette règle n'est pas sans exceptions.

Les architectes romans placèrent souvent, dans les cloîtres, les galeries, dans les baies jumelles, des colonnettes isolées ou accouplées portant des arcs; ces colonnettes sont faites en pierre dure et même en marbre. Dans les cloîtres des provinces méridionales, elles sont souvent sculptées; leurs fûts sont ornés de torsades, de cannelures, d'enroulements, de rinceaux, de feuillages, d'imbrications, quelquefois même de sujets légendaires. Le cloître d'Elne près Perpignan présente une quantité de ces colonnettes de marbre dont tous les fûts sont couverts d'ornements variés des XIIe et XIVe siècles.



Nous donnons (1) deux de ces fûts: l'un, celui A, date du XIIe siècle; l'autre, celui B, appartient à la restauration entreprise au XIVe 291.

L'antiquité romaine et beaucoup de monuments gallo-romains possédaient déjà des colonnes ornées de sculptures peu saillantes; cette tradition fut suivie par les architectes des XIe et XIIe siècles. Cependant ceux-ci n'employèrent ce genre de décoration que dans des cas particuliers, pour les cloîtres, ainsi que nous venons de le dire, et pour les portails, afin de donner une grande richesse apparente aux entrées des édifices. Le XIIe siècle fut prodigue de colonnettes sculptées.



Il nous suffira d'en donner quelques exemples. Ceux présentés (2) proviennent de l'église paroissiale de Tournus, XIIe siècle (basse ville). La cathédrale d'Autun, les églises de Saint-Andoche de Saulieu, de l'abbaye de Vézelay, de Saint-Lazare d'Avallon, et en général les monuments de la Saône, du Rhône, de la Haute Marne et de la Haute Loire, montrent, sur leurs portails, des colonnettes curieusement sculptées. Le porche nord de la cathédrale du Puy-en-Vélay, si remarquable par son ornementation, conserve des fûts de colonnettes d'une extrême délicatesse de sculpture (3).



Celui-ci est composé de tambours alternativement noirs et blancs; ce qui, joint à la gaufrure qui le couvre, produit beaucoup d'effet. On remarquera encore ici que l'astragale est taillée sur plan carré, et que la colonnette arrive du cylindre à ce plan carré par un ornement C. Les lits des tambours noirs et blancs sont alternativement placés en A et en B.

Si nous nous rapprochons de l'Île-de-France, l'architecture du XIIe siècle est plus avare de ces sortes de décorations appliquées aux colonnettes; et lorsqu'elle les emploie, c'est toujours dans des cas particuliers, comme, par exemple, pour les colonnettes qui sont placées entre les statues des portails, et ces décorations ne détruisent pas ainsi la solidité apparente que doit conserver un support. Le portail de l'église de Saint-Denis, le portail Royal de la cathédrale de Chartres nous fournissent de beaux exemples de colonnettes sculptées posées dessous ou entre les statues.



Voici (4) une des colonnettes d'entre-deux des statues (portail Royal de la cathédrale de Chartres), et (5) une de celles qui supportent les statues.

Les colonnettes du XIIe siècle sont souvent torses et quelquefois à six ou huit pans. Le portail de l'église de Saint-Lazare d'Avallon, qui est un des exemples les plus remarquables de l'architecture fleurie du XIIe siècle, possède des colonnettes à pans, torses (6), taillées avec une rare perfection dans un seul morceau de pierre. L'imagination des derniers architectes romans va très-loin dans l'ornementation des colonnettes, et jusqu'à leur donner l'apparence d'un corps élastique, flexible. Sur les ébraiements de cette même porte de Saint-Lazare d'Avallon, nous voyons un fût de colonnette torse qui présente un réseau de cordelettes (7).



L'architecture du XIIIe siècle renonça entièrement à décorer les colonnettes. Les architectes gothiques étaient trop rationalistes pour donner à des supports cette apparence flexible. Ils se contentèrent parfois, seulement, de les orner de peintures (voy. PEINTURE).

À partir de cette époque, on voit les colonnettes (quelle que soit d'ailleurs la longueur de leur fût) adopter des diamètres qui varient peu, 0,16 c. (six pouces), 0,11 c. (quatre pouces), et les plus fines, celles des meneaux, par exemple, 0,08 c. (trois pouces).

Les architectes romans diminuent généralement les colonnettes isolées des cloîtres et des galeries, jamais celles occupant des angles rentrants et cantonnant des piles: car, dans ce dernier cas, la diminution des fûts eût produit un fâcheux effet. C'est sur les bords du Rhin que nous trouvons des édifices romans dans lesquels les colonnettes sont taillées en cône très-prononcé. Dans la cathédrale de Worms, par exemple, les galeries extérieures présentent une suite de colonnettes dont la diminution au sommet est très-sensible (8). Les architectes gothiques ne diminuent leurs colonnettes isolées que très-rarement. Cependant celles de l'arcature de la Sainte-Chapelle de Paris le sont, mais très-faiblement. Au XIVe siècle, on ne trouve plus guère de colonnettes isolées; celles-ci se subdivisent en plusieurs membres comme les arcatures qu'elles portent. Elles commencent, à cette époque, à porter un nerf saillant, qui peu à peu arrive à la forme prismatique.

289289 Nous devons ces dessins à l'obligeance de M. Patoueille, architecte.
290290 Ces dessins nous ont été fournis par M. Olivier, architecte à Montauban.
291291 Nous devons ces dessins à l'obligeance de M. Laisné, architecte.