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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite)

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Il existe des clochers d'une époque plus récente dans la Guyenne et le Languedoc, où les constructions de brique sont si fréquentes, qui possèdent jusqu'à cinq, six et même dix arcades propres à recevoir des cloches; ce sont le plus souvent de simples pignons percés de baies posées trois trois, ou trois et deux, trois, deux et une, ou quatre, trois, deux et une. Ces sortes de clochers n'ont pas généralement de caractère architectonique qui les distingue des bâtisses les plus vulgaires; cependant on rencontre près de Toulouse quelques clochers assez élégants élevés d'après ce principe: nous citerons entre autres celui de Ville-Nouvelle, dont les deux étages d'arcades triples sont flanqués de deux tourelles contenant des escaliers avec passage d'une tourelle à l'autre devant les arcades.

Quant aux clochers couronnés par des pignons et des toits à double égout, on les rencontre en grand nombre annexés à de petites églises et qui datent des XIIIe, XIVe et XVe siècles, dans le Beauvoisis et la Brie. Parfois même, au lieu de deux pignons, les tours en possèdent quatre ou deux combles se pénétrant, formant ainsi quatre noues, et couronnées par une flèche. La petite église de la Chapelle-sous-Crécy (Seine-et-Marne) a conservé un clocher de ce genre, qui est un des plus complets que nous connaissions; il date de la seconde moitié du XIIIe siècle. Nous en présentons l'élévation (83). À l'extrémité dès quatre noues, quatre gargouilles en pierre rejettent les eaux des combles loin des parements. La petite flèche en bois, recouverte d'ardoise, est sur plan octogone; ses arêtiers sont posés sur les faîtages des combles et dans les noues, ce qui est parfaitement entendu 241 (voy. FLÈCHE).

Les clochers à quatre pignons sont très-fréquents sur les bords du Rhin, à dater du XIIe siècle; mais leurs couronnements présentent une singularité qui appartient uniquement à ces provinces et qui n'est guère imitée en France que dans leur voisinage. Ces couronnements consistent en une pyramide à huit pans, dont quatre des arêtiers posent sur les angles de la tour et les quatre autres sur l'extrémité des quatre pignons; de sorte que c'est l'inclinaison des faces de la pyramide qui donne forcément la hauteur des pignons; plus la pyramide est aiguë, plus ces pignons sont élevés.



En effet, soit (84) A B C D le plan de la tour carrée sur laquelle est posée la pyramide à plan octogonal. En élevant un pignon sur le côté du carré A C, ce pignon devra puisqu'il porte l'arêtier E O rencontrer cet arêtier au point G. Or, fig. 84 bis, E O étant l'arêtier, EP l'axe de la pyramide, le pignon A C G du plan figurée en coupe, élevé sur le point G, rencontrera l'arêtier en L; mais si l'arêtier présente une plus forte inclinaison, suivant la ligne E'O par exemple, le pignon figuré en coupe, élevé sur le point G, rencontrera le second arêtier en M. Donc, les pignons ont d'autant plus d'élévation que la flèche est plus aiguë.

Une vue (85) de l'un des clochers de la cathédrale de Spire fera comprendre notre démonstration. À Spire, les flèches de couronnement sont en grès; mais souvent ces couvertures des clochers sont en charpente, quoiqu'elles affectent la forme indiquée ici. L'effet de ces couronnements de clochers n'est pas heureux, car il semble que les arêtiers qui rencontrent les sommets des pignons n'ont pas une assiette suffisante, qu'ils poussent au vide, et nous ne saurions blâmer nos architectes du moyen âge de n'avoir pas adopté ce système de construction. Ce n'est pas là, d'ailleurs, le seul défaut que nous pouvons reprocher aux clochers des bords du Rhin, de l'époque romane. On voit (fig. 85) que les deux derniers étages de la tour sont identiques: or il arrive souvent que ces tours possèdent jusqu'à six étages pareils ainsi superposés; cela donne à ces édifices un aspect monotone qui fatigue; on ne sait quel est celui ou ceux de ces étages qui contiennent des cloches, ou s'ils n'en contiennent pas tous. Les clochers du Rhin n'ont ni commencement ni fin, et on ne comprend pas pourquoi la construction comporte tant d'étages, ou pourquoi elle s'arrête au cinquième ou au sixième plutôt qu'au second. Les couronnements ne se relient d'aucune manière avec les étages carrés. Il y a là un manque total de goût et du sentiment des proportions, bien éloigné de nos conceptions françaises de la même époque, dont toutes les parties se lient avec art, et auxquelles il ne semble pas qu'on puisse rien retrancher ni rien ajouter.

Puisque nous venons de faire une excursion hors de France, nous parlerons aussi des clochers de Provence, qui ne sont pas plus français que les clochers du Rhin. Si les arts de Lombardie et des côtes de l'Adriatique avaient eu sur les bords du Rhin une puissante influence, les monuments romains qui couvraient le sol de la Provence régnaient encore en maîtres dans cette contrée au XIIe siècle. Les Romains de l'antiquité n'avaient pas construit de clochers, mais ils avaient érigé certains monuments votifs ou funéraires, comme celui de Saint-Remy par exemple, qui, à la rigueur, pouvaient fournir des types de clochers aux architectes du moyen âge. Ceux-ci, à défaut d'autres traditions ou influences, ne manquèrent pas de prendre pour modèles ces débris de l'architecture romaine. Nous trouvons, planté sur le pignon de la façade de l'église de Molléges (Bouches-du-Rhône), un petit clocher du XIIe siècle qui reproduit assez exactement, quoique d'une manière barbare, le monument antique de Saint-Remy. Le clocher de Molléges n'a pas plus de 2m,06 à sa base hors oeuvre: il se compose d'un étage carré, porté sur quatre piliers réunis par quatre archivoltes, et d'une lanterne sur plan circulaire.




Nous donnons (86) le plan de l'étage inférieur, (87) le plan de la lanterne, et (88) l'élévation, géométrale de ce clocher, dont l'unique cloche était suspendue au centre de la lanterne circulaire 242. Cette cloche, dont le bord inférieur devait se trouver au niveau B, ne pouvait être mise en branle; elle était fixée très-probablement à une traverse intérieure posée sur la corniche au niveau A, et le sonneur, placé sous l'arcature en C, se contentait de frapper le battant contre le bord de la cloche, autrement dit, de tinter au moyen d'une cordelle attachée à l'extrémité inférieure du battant, ainsi que cela se pratique encore dans toute l'Italie méridionale. La partie supérieure de ce clocher de Molléges, à partir du niveau A, n'existe plus.

Nous ne croyons pas nécessaire de nous étendre sur les diverses applications de l'art antique romain aux clochers des églises provençales, car ce serait sortir de notre sujet, ces exemples n'ayant aucun des caractères de l'architecture française proprement dite, et ne devant être signalés que comme ayant pu exercer une certaine influence sur les constructions élevées le long du Rhône, en dehors de cette province et jusque dans le Lyonnais.

Avant de terminer, nous devons signaler l'existence de clochers bâtis sur plan barlong très-prononcé, qui servent de transition entre le clocher à arcades simples comme ceux donnés fig. 80, 81 et 82, et les clochers tours. Ces clochers sur plan barlong sont rares. Il en existe un fort gros et fort ancien sur la façade de l'ancienne cathédrale de Carcassonne servant originairement à la défense de la cité. Nous en possédons un autre d'une époque plus récente (commencement du XIIIe siècle), bâti sur le mur renforcé de l'unique chapelle latérale de la petite église de Thoureil (Maine-et-Loire). Élevé dans le voisinage de la sacristie et du sanctuaire, ce clocher était ainsi à portée du desservant. Voici comment il est placé à rez-de-chaussée (89).



A est le plan de la chapelle latérale bâtie sur le bord de la Loire; un berceau bandé sur le renfoncement B porte sur le pilier C et sur le massif E contrebutté par un épais contre-fort descendant jusque dans le fleuve. Au-dessus du comble de l'église, le beffroi du clocher de Thoureil présente le plan (90). La figure allongée de ce plan fait assez voir que les cloches devaient être mises en branle dans le sens de la longueur. En élévation (91), ce clocher, dont le couronnement n'existe plus à partir du niveau F, est enrichi d'une arcature aveugle sous le beffroi, et ne laisse pas d'être assez élégant, malgré l'extrême simplicité de son plan 243.

 


À dater du XIVe siècle, en France, les clochers des églises conservent longtemps la forme et les dispositions adoptées au XIIIe siècle, et n'en diffèrent que par les détails qui suivent le mouvement imprimé dès cette époque aux arts de l'architecture; c'est-à-dire que leurs points d'appui tendent à devenir plus grêles, leurs flèches et couronnements de plus en plus élancés. Les clochers se couvrent de découpures de pierre, se percent d'ajours surprenants, mais la masse reste la même. Or ces détails trouvant leur place dans le Dictionnaire, nous n'avons pas à nous en occuper ici. D'ailleurs, ainsi que nous l'avons dit déjà, les désastres politiques des XIVe et XVe siècles ne laissèrent pas aux monastères, aux évêques et aux paroisses, le loisir d'élever des clochers d'une certaine importance. Beaucoup de ces tours, commencées vers le milieu du XIIIe siècle, restèrent inachevées et ne furent terminées qu'à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe. Lorsque l'architecture qui avait pris naissance, pendant le XIIe siècle, dans le domaine royal et les provinces voisines, se fut répandue sur toute la surface de la France, ces différences d'écoles, si intéressantes à étudier pendant la période romane, disparurent pour faire place à des reproductions à peu près uniformes d'un type unique. Le clocher est le monument qui indique le plus nettement les nombreuses variétés de l'art de l'architecture sur le sol des provinces françaises jusqu'au XIIe siècle. L'esprit provincial s'éteignant sous la main du pouvoir royal, cette variété s'efface. Si la nation y gagna au point de vue de la politique, l'art y perdit de son originalité, et les reproductions des types mis en honneur dans le domaine royal furent souvent incomplètes ou mal comprises dans les provinces éloignées. Cependant les clochers furent longtemps les monuments affectionnés par les villes; après chaque désastre, les populations s'empressaient de les reconstruire ou de les réparer du mieux qu'elles pouvaient. On dit encore, de notre temps, l'influence de clocher, pour désigner l'esprit local, la défense exclusive des intérêts de la ville, et nous voyons chaque jour de pauvres villages s'imposer de lourdes charges pour élever un clocher sur leur église.

L'état des arts de l'architecture aujourd'hui ne répond pas aux désirs et aux efforts des populations des villes ou des campagnes, et les clochers, en grand nombre, construits dans notre pays depuis trente ans, ne fourniront pas, dans quelques siècles, un sujet d'étude intéressant pour nos successeurs: mal conçus généralement, plus mal bâtis, présentant des silhouettes lourdes ou démanchées, ils ne dureront guère, et s'ils sont laids la plupart, nous pouvons au moins nous en consoler en pensant qu'ils ne témoigneront pas longtemps de ce retour vers l'un des goûts les plus vifs des populations au moyen âge. Après les tours carrées, froides et flanquées de pilastres, élevées sur nos églises, de 1815 à 1840, on a cherché à se rapprocher des types laissés par les XIIe et XIIIe siècles; mais ces derniers essais font, la plupart, ressortir la faiblesse de nos études et la pauvreté d'invention des artistes modernes.

CLOÎTRE, s. m. Cloistre, clouastre. Cour entourée de murs et de galeries établies à côté des églises cathédrales, collégiales et monastiques. Dès les premiers temps du christianisme, des cloîtres furent élevés dans le voisinage immédiat des églises. La forme des cloîtres en plan est généralement celle d'un carré 244. Les abbayes possédaient deux cloîtres: l'un près de l'entrée occidentale de l'église; l'autre à l'Orient, derrière l'abside. Le premier donnait accès dans les réfectoires, les dortoirs, la salle capitulaire, la sacristie, le chauffoir et les prisons; c'était le cloître des religieux dans lequel tous pouvaient circuler. Le second était particulièrement réservé à l'abbé, aux dignitaires et aux copistes; plus retiré, plus petit que le premier, il était bâti dans le voisinage de la bibliothèque, de l'infirmerie et du cimetière. Les cathédrales avaient toutes un cloître accolé à l'un des flancs de la nef, soit au nord, soit au sud; celui-ci était entouré par les habitations des chanoines qui vivaient sous une règle commune. Souvent les écoles étaient élevées dans le voisinage des cloîtres des abbayes et des cathédrales. Dès le IXe siècle, les synodes s'étaient occupés de la clôture des chapitres des cathédrales 245. «Il est nécessaire, disent ces assemblées, que les évêques établissent des cloîtres à proximité des églises cathédrales, afin que les clercs vivent suivant la règle canonique, que les prêtres s'y astreignent, ne délaissent pas l'église et n'aillent point habiter ailleurs.» Il est dit aussi qu'un réfectoire et un dortoir doivent être bâtis dans l'enceinte de ces cloîtres.

«La diversité des demeures et des offices dans le cloître, dit Guillaume Durand 246, signifie la diversité des demeures et des récompenses dans le royaume céleste: «Car, dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de «demeures,» dit le Seigneur. Et, dans le sens moral, «le cloître représente la contemplation dans laquelle l'âme se replie sur elle-même, et où elle se cache après s'être séparée de la foule des pensées charnelles, et où elle médite les seuls biens célestes. Dans ce cloître, il y a quatre murailles, qui sont le mépris de soi-même, le mépris du monde, l'amour du prochain et l'amour de Dieu. Et chaque côté a sa rangée de colonnes... La base de toutes les colonnes est la patience. Dans le cloître, la diversité des demeures, c'est celle des vertus.»

La disposition la plus habituelle du cloître d'abbaye est celle-ci: une galerie adossée à l'un des murs de la nef, avec une entrée sous le porche et une entrée dans le voisinage de l'un des transsepts; une galerie à l'ouest, à laquelle viennent s'accoler les bâtiments des étrangers, ou des magasins et celliers ayant des entrées sur le dehors; une galerie à l'est donnant entrée dans la sacristie, dans la salle capitulaire et les services ecclésiastiques; la dernière galerie, opposée à celle longeant l'église, communique au dortoir et au réfectoire. Les cloîtres des cathédrales étaient entourés de maisons servant de demeure aux chanoines; quelquefois ceux-ci mangeaient en commun. Les écoles étaient adossées à la galerie de l'ouest proche de l'entrée de l'église. Nous devons ajouter ici qu'habituellement les cloîtres des abbayes sont bâtis du côté méridional de l'église, tandis que ceux des cathédrales sont le plus souvent au nord 247. L'orientation du midi est de beaucoup la plus agréable dans notre climat, et il n'est pas surprenant que les religieux l'aient adoptée pour leur cloître. Mais, dès une époque très-reculée, les évêchés avaient naturellement pris cette situation comme la meilleure, et le côté nord des cathédrales restait seul pour bâtir les cloîtres.

Les dispositions des cloîtres d'abbayes ne furent guère modifiées jusqu'au XVIe siècle; tandis que les cloîtres des cathédrales, au contraire, subirent de notables changements, par suite des usages des chapitres, plus variables que ceux des religieux réguliers. On continuait à désigner sous la dénomination de cloître des cathédrales des amas de constructions qui n'avaient plus rien, dans leur ensemble ou leurs détails, des dispositions que nous avons indiquées en commençant cet article. Ainsi, par exemple, le cloître de Notre-Dame de Paris, du temps de Louis le Gros, se composait de maisons canoniales bâties dans son enceinte et de plusieurs autres au dehors. Ce prince, avant de monter sur le trône, fit abattre une partie de ces maisons sises hors du cloître, mais qui jouissaient cependant des mêmes franchises que celles de l'intérieur; il répara ce tort fait au chapitre le jour de son mariage. Au commencement du XIVe siècle, le cloître de Notre-Dame de Paris, qui s'étendait, au nord et à l'est de la cathédrale, jusqu'aux bords de la Seine, renfermait trente-sept maisons canoniales. «Lorsqu'un chanoine venait à mourir 248, la maison, si elle était dans le cloître, pouvait être occupée par la famille pendant quinze jours; ensuite elle était visitée par le chapitre, et réparée, s'il y avait lieu, aux frais de la succession du défunt; puis elle était vendue par licitation à un autre chanoine, sur la mise à prix fixée par le chapitre. Dans le cas où l'adjudicataire aurait eu déjà une maison dans le cloître, il pouvait la vendre, toujours à un chanoine, et disposer du prix à sa volonté; mais le prix de la maison du chanoine défunt devait être converti en rentes pour la célébration de son anniversaire... Tout chanoine qui recevait une maison dans le cloître était tenu de jurer que, dans l'année précédant le jour où il l'avait reçue, il avait fait son stage à Paris pendant vingt semaines, en passant une heure par jour soit au chapitre, soit dans l'église, et qu'il se proposait d'agir de même dans la suite. Il s'engageait en outre, par serment, à entretenir la maison et ses dépendances en aussi bon état, sinon en meilleur état qu'elles lui avaient été remises; enfin, à acquitter exactement la pension et les autres charges auxquelles la maison était imposée 249.» Ces maisons étaient dotées de terres et de rentes, mais elles étaient en même temps grevées de charges nombreuses et très-variées; aussi les chanoines cherchaient-ils les moyens de diminuer, autant que faire se pouvait, l'étendue de ces charges par des bénéfices étrangers à leur état. Ils vendaient du vin en détail, ouvraient même des tavernes, louaient partie des locaux qui leur étaient affectés; aussi les statuts capitulaires suppriment expressément ces abus, ce qui prouve qu'ils existaient. Ils défendent aussi à tout chanoine de laisser passer la nuit dans la maison claustrale «à aucune femme, religieuse ou autre, à l'exception de sa mère, de sa soeur, de sa parente au troisième degré, ou d'une femme de haut rang qu'on ne peut éconduire sans scandale 250.» Ces statuts s'élèvent à plusieurs reprises, pendant les XIIIe et XIVe siècles, contre les abus résultant de la présence des femmes dans le cloître des chanoines. Le cloître de Notre-Dame de Paris, comme la plupart de ceux des grandes cathédrales, était donc plutôt une agglomération de maisons comprises dans une enceinte fermée qu'un cloître proprement dit. Cependant nous verrons tout à l'heure que les maisons capitulaires n'excluaient pas les galeries de cloîtres dans certaines églises cathédrales. Les cloîtres de cathédrales conservaient ainsi souvent la physionomie d'un quartier ayant son enceinte particulière, ses rues et ses places. L'abbé Lebeuf 251 nous apprend que le cloître de la cathédrale d'Auxerre n'était, vers 1350, «qu'un amas de maisons voisines de l'église Saint-Étienne, dont la plupart appartenoient au Chapitre par donation des particuliers, par échange ou par acquisition... Qu'il n'y avoit que deux portes à ce cloître, vers la rivière de l'Yonne... L'on n'est pas bien certain, ajoute-t-il, quelles étoient les bornes du cloître dans le quartier d'en haut. Il y avoit seulement quelques marques qui en désignoient les limites, comme de grandes fleurs de lis et des croix de fer. Mais cet espace, quoique non fermé de ce côté-là, contenoit environ la moitié de l'ancien Auxerre. Il y avait franchise et immunité dans tout ce territoire pour tous les laïques même qui y demeuroient et qui la vouloient reconnaître et la requéroient. L'évêque y avoit seul toute seigneurie et justice temporelle haute, moyenne et basse, excepté dans les maisons des chanoines que l'évêque Érard avoit exemptées de sa juridiction temporelle... Le comte qui avoit disputé cette justice à l'évêque avoit succombé. Il avoit aussi reconnu que ce que l'évêque Érard en avoit cédé au Chapitre pour les maisons canoniales, et que ce qui en dépend au delà des anciens murs, c'est-à-dire ce qui constituoit dès lors les jardins de quelques-uns, appartenoit légitimement au Chapitre. En conséquence, un de ces comtes avoit accordé à l'évêque et au Chapitre de pouvoir faire des murs et des portes dans les endroits où se terminoit le cloître vers le milieu de la cité, à condition de les tenir ouvertes depuis le point du jour jusqu'au couvre-feu, comme on le faisoit à l'égard des deux anciennes portes: et ce traité avoit été confirmé par le roi, qui avoit permis la clôture aussi bien que l'évêque; mais cette clôture, quoique bien autorisée; n'avoit point été consommée. Le Chapitre avoit seulement fait pour cela des préparatifs de matériaux. Ainsi, les bourgeois avoient toujours passé librement de nuit comme de jour dans les rues du cloître Saint-Étienne, et y avoient fait passer leurs voitures... Les chanoines étoient cependant toujours en droit d'user de la permission qu'ils avoient obtenue. Ils s'appuyoient sur le pouvoir de l'évêque qui la leur avoit accordée, disant qu'un seigneur haut justicier peut se fermer quand il le juge à propos; que l'abbé de Saint-Germain avoit bien fait bâtir nouvellement, dans sa justice, une tour pour les prisonniers qui occupoit une partie de la rue, et que les habitants d'Auxerre, qui s'y étoient opposés d'abord, avoient ensuite quitté prise; que l'on avoit plusieurs exemples de rues du cloître Saint-Étienne qui avoient été fermées avec la permission de l'évêque, et dans lesquelles on avoit construit des arcades ou allées, pour passer d'une maison à l'autre par-dessus le chemin..... etc.» Les chanoines fondaient leur demande de clôture principalement sur ce que des accidents étaient arrivés récemment pendant la nuit. Un chanoine avait été tué en allant à matines; des cavaliers avaient enfoncé des portes; un autre chanoine avait été blessé par des sergents du comte; le prévôt et les châtelains d'Auxerre étaient venus une autre fois, au point du jour, chez un chanoine collecteur des décimes du roi, avaient brisé ses portes, abattu un escalier, maltraité ce chanoine et pillé la maison. Une autre fois, le bailli et le prévôt d'Auxerre avec leurs gens, au nombre de plus de quatre-vingts, avaient assiégé le chanoine Raoul Jouvain dans sa maison. Des cavaliers étaient venus, la nuit, dans le cloître, pour s'emparer des chevaux des chanoines. Enfin, les insultes étaient devenues si communes que, quand on voulait menacer un chanoine ou un clerc de l'église, on disait: «Je te trouverai quand tu iras à matines.» Au mois d'octobre 1351, cinq ou six cents des plus notables de la ville d'Auxerre, immédiatement après complies, se fondant sur ce que le bailli de Sens, ignorant ces insultes récentes, avait rendu une sentence qui maintenait aux bourgeois le droit de passer quand bon leur semblait par le cloître Saint-Étienne, vinrent se promener par toutes les rues du cloître en menaçant les chanoines d'abattre leurs maisons et de leur faire leurs couronnes rouges; ils ne se retirèrent qu'après avoir rempli d'immondices les rues du cloître en plein jour et par dérision. L'affaire fut portée à la cour du parlement, et le chapitre de Saint-Étienne se dessaisit de ses droits de clôture moyennant une somme de deux mille livres, que la ville paya en quatre termes. Nous avons résumé cette longue discussion, afin de faire connaître à nos lecteurs l'extension qu'avaient prise certains cloîtres de cathédrales, et aussi les graves désordres que faisaient naître dans une ville populeuse les priviléges accordés ainsi à des quartiers tout entiers formant comme une cité dans la cité.

 

Les dispositions générales des cloîtres de cathédrales ou de monastères étant connues, nous nous occuperons seulement des édifices auxquels ce nom est particulièrement resté, c'est-à-dire des galeries couvertes bâties dans le voisinage des églises.

Il est à croire que les premiers cloîtres n'étaient que des portiques dans le genre des portiques antiques, c'est-à-dire des appentis en charpente portés sur des colonnes dont la base reposait sur le sol. Nous avons cherché vainement à découvrir à quelle époque la disposition si connue de l'impluvium romain fut modifiée pour adopter celle que nous voyons admise dans les cloîtres les plus anciens. Il dut y avoir une transition qui nous échappe, faute de monuments décrits ou bâtis existant encore. Car il est une démarcation bien tranchée entre l'impluvium romain et le cloître chrétien de nos contrées, c'est que, dans le premier, les rangées de colonnes portent directement sur le sol et que l'on peut passer de la galerie dans le préau entre chaque entre-colonnement; tandis que, dans le second, les piles ou colonnes sont toujours posées sur un socle, bahut ou appui continu qui sépare la galerie du préau et qui n'est interrompu que par de rares coupures servant d'issues. Cette disposition et le peu de hauteur des colonnes caractérisent nettement le cloître en Occident, et en font un monument particulier qui n'a plus de rapport avec les cours entourées de portiques des Romains.

Un des cloîtres les plus anciens que nous possédions en France est le cloître de la cathédrale du Puy-en-Vélay, dont la construction remonte en partie au Xe siècle. Au XIIe siècle, ce cloître fut reconstruit sur trois côtés; mais une des galeries anciennes existe encore. Les cloîtres primitifs ne sont pas voûtés, mais sont couverts par des charpentes apparentes disposées en appentis, ou, si le cloître est surmonté d'un étage, par un plafond formé de solives posées en travers de la galerie. Ces cloîtres primitifs, dans le midi de la France aussi bien que dans le nord, ne sont pas vitrés et se composent d'une suite d'arcades portant sur des colonnes simples ou accouplées, avec des points d'appui plus résistants et plus épais aux angles. Cependant le cloître de la cathédrale du Puy-en-Vélay ne se conforme point à ces dispositions. Il est couvert par une suite de voûtes d'arêtes romaines portant sur les murs extérieurs, et, du côté de la cour, sur de grosses piles flanquées de colonnettes dégagées.



Ce cloître est tracé conformément au plan (1) vers ses angles. Les piles portent sur un bahut épais élevé de 0,45 c. au-dessus du pavé des galeries, et forment ainsi un banc continu A à l'intérieur aussi bien que sur le préau; un autre banc B pourtourne le mur et sert de socle aux colonnes adossées à ce mur. On observera la disposition singulière de la pile d'angle C, dont le plan est donné par les écartements que l'on voulait maintenir égaux entre les colonnes D, afin de pouvoir construire des voûtes d'arêtes régulières.

Voici l'élévation et la coupe de ce cloître prises sur la ligne EG (2). Les piles sont construites en assises et les colonnes sont monolithes; les archivoltes extradossées sont composées de claveaux noirs et blancs alternés, et doublées d'incrustations de brique et pierre formant une suite de losanges. Les tympans sont incrustés de la même manière; au-dessus est posée une frise également incrustée de morceaux de lave noire et de briques. Une corniche sculptée termine le tout et portait le comble avant la construction de la galerie supérieure, qui date du XIVe siècle. Afin de mieux faire comprendre le mode de construction et de décoration de ce curieux monument, nous présentons (3) l'élévation géométrale de l'une des arcades à l'échelle de 0,025 millimètres pour mètre.



Cette bâtisse est d'ailleurs grossièrement exécutée, et les chapiteaux sont d'un travail barbare qui rappelle la décadence romaine. Son aspect général et le système de décoration employé ne laissent pas cependant d'avoir un certain air de solidité et de grandeur empreint encore des traditions antiques. Les constructeurs romans voulaient obtenir, dans la composition des cloîtres, des galeries assez larges et basses, pour que les religieux ne fussent pas incommodés par le soleil ou le vent. Ils ne se départirent jamais de ce programme fort sensé, et même dans les provinces septentrionales, lorsque l'on se décida à vitrer les galeries des cloîtres en totalité ou en partie, on continua de leur donner une grande largeur comparativement à leur hauteur. Les cloîtres étant toujours entourés de bâtiments, cette disposition permettait encore d'éclairer les salles voisines au-dessus des combles des galeries.

Dès le XIe siècle, les abbayes construisirent des cloîtres d'une grande richesse, car c'était, après l'église, la partie la plus importante de ces établissements, celle dans laquelle les religieux passaient les heures que l'on ne consacrait pas à la prière en commun ou aux travaux extérieurs et intérieurs, les cloîtres servant non-seulement de galeries de service, mais de promenoirs, de lieu de méditation. Quelquefois, dans l'un des angles du préau ou sur l'une des parois des galeries, était placée une fontaine avec une grande cuve pour les ablutions. Un petit portique; sorte de loge couverte, protégeait la cuve et mettait ainsi les religieux qui venaient s'y laver à l'abri des intempéries. Cependant il faut dire que cette disposition, fréquente dans les cloîtres d'Italie, de Sicile et d'Espagne, est assez rare en France 252. Dans notre pays, les cuves étaient souvent placées au milieu ou dans l'un des angles du préau sans abri, ou dans le voisinage du réfectoire (voy. le Dictionnaire du Mobilier, au mot LAVOIR).

On décorait les cloîtres le plus souvent de peintures appliquées sur les murs et représentant, dans l'origine, des scènes de l'Ancien et du Nouveau-Testament, les légendes de saint Antoine et de saint Benoît; plus tard, la danse Macabre ou des légendes plus modernes.

Lorsque, vers le XIIe siècle, les établissements monastiques furent arrivés à leur apogée de grandeur et de richesse, les galeries des cloîtres furent soutenues par des colonnes de marbre apportées à grands frais; et les sculptures des chapiteaux, exécutées avec un soin tout particulier, retracèrent aux yeux des religieux des scènes de l'histoire sainte ou des légendes.

241241 Ce dessin nous a été donné par M. Millet.
242242 M. Révoil a bien voulu nous donner le relevé exact de ce clocher.
243243 M. Darcel a bien voulu nous communiquer les dessins du clocher de Thoureil que nous donnons ici.
244244 «Quadratam speciem structura domestica præfert, Atria bis binis inclyta particibus. Quæ tribus inclusæ domibus, quas corporis usus Postulat, et quarta quæ domus est Domini, Quarum prima domus servat potumque cihumque Ex quibus hos reficit juncta secunda domus. Tertia membra fovet vexata labore diurno, Quarta Dei laudes assidue resonat.» Carmen de Laude vitæ monasticæ edit. a Sirmondo ad Goffrid. Vindocin. (Voy. Ducange, Gloss.)
245245 In synod. Pontigonensi, ann. 876. In synod. Rom. sub Eugenio II.
246246 Lib. 1, cap. 1, § 43.
247247 Ce n'est pas là, bien entendu, une règle absolue; diverses causes venaient modifier ces dispositions: la nature du terrain, des constructions plus anciennes dans les villes, des rues existantes, obligeaient les abbés ou les chapitres à ne pas être fidèles à leur programme. Cependant les cloîtres des abbayes de Cluny, de Vézelay, de Clairvaux, de Fontenay, de la Charité-sur-Loire, de Saint-Denis, de Saint-Jean-des-Vignes à Soissons, de Saint-Front de Périgueux, de Poissy, de Sainte-Geneviève à Paris, de la Trinité de Caen, etc., et particulièrement de l'abbaye type de l'abbé de Saint-Gall (voy. ARCHIT. MONAST., fig. 1), sont situés sur le flanc méridional de l'église; tandis que les cloîtres des cathédrales de Paris, de Noyon, de Rouen, de Reims, de Beauvais, de Séez, de Bayeux, de Puy-en-Vélay, etc., étaient situés au nord. Quelquefois le cloître et l'évêché se touchent et sont tous deux bâtis du côté méridional, comme à Langres, à Évreux, à Verdun; mais ce sont là des exceptions; les évêques et les chapitres préféraient généralement occuper des terrains séparés par l'église.
248248 Voy. le Cartul. de l'égl. N.-Dame de Paris, publ. par M. Guérard, et la préface, p. CIX.
249249 «Canonicus qui recipit domum in claustro jurat quod, anno precedenti diem qua recepit illam, fecit stagium suum Parisiis per vigenti septimanas; ita quod qualibet die fecit horam unam vel in capitulo vel in ecclesia... Item jurat quod domum illam et appendicias domus illius tenebit in eque bono statu in quo est, quando accipit illam, vel etiam meliori. Jurat etiam quod solvet pensionem domus illius et alia onera diebus statutis ad hoc, nisi dilationem habuerit ab illis ad quos pertinet receptio predictorum.» Chartul. Eccles. Parisiensis, Pars II, lib. IX, feb. 1240, XXVIII.
250250 ... «Vel nisi alique magnates mulieres, que sine scandalo evitari non possunt...» Ibid., Pars III, lib. XX, nov. 1245, 1.
251251 Mém. concern. l'hist. civ. et ecclés. d'Auxerre, par l'abbé Lebeuf, publié par MM. Challe et Quantin, t. III, p. 227.
252252 Le cloître de l'abbaye de Thoronet (Var) possède encore un lavoir couvert sur la face de l'une de ses galeries. À l'abbaye de Fontenay (Côte-d'Or), il existait de même un lavoir couvert.