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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite)

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Nous nous occuperons d'abord de ces clochers centrals, qui paraissent avoir été adoptés en France, dans les provinces du centre, de l'est et en Normandie, vers le commencement du XIe siècle. Nous avons donné, fig. 1, le clocher de la cathédrale de Périgueux, qui date de la fin du Xe siècle ou du commencement du XIe. Ainsi que nous l'avons dit, cette construction eut une influence sur la plupart de celles qui furent élevées, pendant les XIe et XIIe siècles, dans le Périgord, la Saintonge, l'Angoumois et le Poitou. Mais les imitateurs évitèrent les vices de construction que l'on remarque dans ce clocher et qui avaient nécessité le bouchement de presque tous ses ajours; ils cherchèrent, au contraire, à donner à leurs clochers une grande solidité, au moyen d'angles puissants en maçonnerie et de combinaisons ingénieuses. Les architectes de ces provinces, soit qu'ils fussent influencés par la position donnée au clocher de Saint-Front de Périgueux, bâti à cheval sur l'ancienne église latine, soit qu'ils eussent reconnu que le centre de la croisée des églises est le point le plus résistant et le mieux contre-butté de ces monuments, bâtirent de préférence leurs clochers à l'intersection des transsepts, à l'entrée du choeur, sur la dernière travée renforcée de la nef.

Il existe encore, sur l'église de l'abbaye des Dames, à Saintes, un gros clocher, de la fin du XIe siècle, qui, rappelant encore les dispositions primitives du clocher de Saint-Front, est déjà franchement roman et abandonne les formes antiques qui caractérisent le clocher de Périgueux.


Nous donnons (14) une vue de ce clocher. Il se compose, au-dessus des voûtes de l'église, d'un étage carré percé sur chaque côté de trois arcades soutenues par des piles formées de colonnes engagées. Une voûte hémisphérique porte, comme à Saint-Front, un étage circulaire, non plus composé d'un quillage de colonnes, mais de douze petits contre-forts cylindriques, entre lesquels s'ouvrent des arcades divisées par une colonne. Cet étage est surmonté du chapeau conique légèrement convexe, couvert d'écailles retournées, comme celui de Saint-Front. Mais ici l'architecte, plus habile que celui du clocher de Périgueux, a compris déjà qu'il devait charger les quatre angles de la base carrée par des pinacles, pour donner une résistance plus grande à ces angles.



Il peut paraître étrange que l'on ait décoré les cônes en pierre d'écailles retournées, car au premier abord il semblerait plus convenable, afin de faciliter l'écoulement des eaux pluviales, de placer les écailles dans leur sens naturel, comme des tuiles; mais lorsqu'on examine de près la construction de ces cônes en pierre, on comprend parfaitement pourquoi les constructeurs ont adopté cette singulière disposition. C'est que chaque intervalle entre ces écailles forme une petite rigole éloignant les eaux des joints verticaux. Une figure est nécessaire pour expliquer ce système de couverture en pierre. Soit (15) un détail perspectif d'une portion du cône squamé et une coupe; les lits des assises étant en A, les joints verticaux sont en B. L'eau suivant toujours les surfaces, est conduite naturellement d'une surface C sur la surface inférieure D, et n'est pas invitée ainsi à pénétrer les joints verticaux, qui sont d'autant plus garantis qu'ils se trouvent au point culminant E des écailles et qu'ils coupent leur parement vertical F. Et, en effet, ces cônes couverts d'écailles retournées résistent mieux à l'action des pluies que les cônes ou que les pyramides à parements unis.

La forme des clochers dont l'église de Saint-Front de Périgueux est le premier type connu, se perpétue et se perfectionne, pendant le XIIe siècle, dans les provinces de l'ouest. Beaucoup d'églises de l'Angoumois et de la Saintonge possèdent encore des clochers centrals bien conçus, bien construits, et qui affectent des formes plus sveltes à mesure qu'ils se rapprochent de la fin de ce siècle.



Entre plusieurs, nous en choisirons un qui, de la base au faîte, est combiné de façon à présenter une stabilité parfaite; c'est le clocher de l'église de Roulet (Charente). Cette église, comme la plupart des édifices religieux de second ordre de cette contrée, se compose d'une seule nef couverte par des coupoles. À l'entrée du choeur est une travée plus épaisse dans ses oeuvres basses qui porte un clocher. Voici (16) le plan de la travée à rez-de-chaussée, portant la tour qui s'élève de fond sur les deux murs latéraux et sur les deux arcs doubleaux transversaux bandés sur les quatre piles. Au-dessus du comble est un soubassement carré décoré d'arcatures aveugles, puis un étage également carré, mais percé d'arcades à jour; c'est l'étage destiné aux cloches. Sur ce dernier étage s'élève la flèche conique franche, non plus convexe.



Voici (17) le plan de l'étage carré du beffroi, et (18) le plan de la base du cône avec ses quatre petits pinacles à jour.



La fig. 19 donne la coupe de ce clocher et la fig. 20 son élévation 217. Ces croquis font voir que, déjà vers le milieu du XIIe siècle, les architectes occidentaux se préoccupaient de donner plus d'élégance à leurs clochers; les étages carrés sont d'une proportion heureuse, les flèches coniques s'élancent davantage, se couvrent d'écailles en dents de scie au lieu d'écailles circulaires, mais en conservant toujours le principe de construction présenté fig. 15; les pinacles des angles s'ajourent et prennent plus d'importance. Ils sont posés diagonalement, afin de profiter d'une base plus large. Jusqu'à la fin du XIIe siècle, cette forme de clocher persiste, en devenant chaque jour plus légère. Mais ce qui caractérise les clochers de l'ouest, ce sont ces étages carrés qui partent de fond, de la base à la flèche, et surtout cette couverture conique dont les écailles sont plus fines à mesure que l'art roman arrive à son dernier degré d'élégance.



En Auvergne, dès le XIe siècle, les clochers centrals portent sur une coupole inscrite dans un carré et arrivent brusquement au plan octogone à deux ou trois étages couronnés par une pyramide à huit pans. Tels étaient les clochers centrals, dernièrement rétablis 218, des églises d'Issoire, de Notre-Dame-du-Port à Clermont, de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme), bâtis pendant la seconde moitié du XIe siècle. Mais ces clochers portent sur un soubassement qui appartient exclusivement à l'Auvergne, et comprenant la coupole et deux demi-berceaux l'étayant dans le sens des transsepts (voy. ARCHITECTURE RELIGIEUSE, CONSTRUCTION, ÉGLISE); et ce système, qui consiste à planter un clocher à base octogone sur une énorme construction barlongue, n'est pas heureux, car il n'y a pas de transition entre les soubassements appartenant à l'église et la tour. L'oeil, ne devinant pas la coupole à l'extérieur, ne peut comprendre comment une tour prismatique porte sur un parallélogramme.



Nous trouvons, au contraire, ces transitions habilement ménagées dans le clocher central de la petite église d'Obasine (Corrèze). La coupole de la croisée, à Obasine, est toute périgourdine, portant sur quatre arcs doubleaux et des pendentifs; sur cette coupole s'élève un clocher octogonal à jour. Nous donnons (21) l'élévation de ce clocher 219. On voit comment les pendentifs de la coupole sont couverts par les triangles a ressauts, et comment, du socle carré portant sur les quatre piles et les arcs doubleaux, la construction arrive à l'octogone parfait. La coupe (22) indique l'ensemble de cette construction.



Ce système, dérivé de l'école de Périgueux, prévaut dans le Languedoc jusqu'à la fin du XIIIe siècle, et le grand clocher central de Saint-Sernin de Toulouse, bâti en pierre et en brique, vers le milieu du XIIIe siècle, est encore construit conformément à ce principe. Nous trouvons aussi des clochers centrals octogones de l'époque de transition dans les provinces du centre, dans l'église de Cogniat (Allier), par exempte 220, et jusqu'en Bourgogne. La belle église de Paray-le-Monial (Saône-et-Loire) possède encore un clocher central à huit pans, dont l'étage inférieur date de la fin du XIIe siècle et l'étage supérieur du XIIIe. Ce clocher, qui porte 10m,00 de largeur hors oeuvre, surmonte une coupole octogone percée d'un oeil pour le passage des cloches. À ce propos, il est utile de remarquer que, dans les voûtes inférieures des clochers primitifs, il n'est pas réservé de passage pour les cloches. Celles-ci étaient de dimensions assez petites pour pouvoir être introduites par les baies du clocher, ou, ce qui est plus probable, étaient montées avant la fermeture des voûtes inférieures.

 

Nous avons l'occasion de présenter un certain nombre de ces clochers de l'époque de transition et gothique au mot ÉGLISE, auquel nous renvoyons nos lecteurs.

La Normandie fut, de toutes les provinces françaises, celle qui persista le plus longtemps à élever des clochers gigantesques sur la croisée de ses églises. Les cathédrales de Bayeux, de Coutances, de Rouen, les églises de la Trinité de Caen, de Saint-Ouen de Rouen, possèdent encore des clochers centrals en pierre qui datent des XIIe, XIIIe, XIVe, XVe et XVIe siècles. Tandis que dans l'Île de France, la Picardie et la Champagne, on renonça, dès la fin du XIIIe siècle, à surmonter les croisées des églises par des clochers de pierre. La cathédrale de Paris ne posséda jamais qu'une flèche en bois, à l'intersection des transsepts, qui datait du commencement du XIIIe siècle; les cathédrales d'Amiens et de Beauvais furent surmontées de clochers centrals en pierre et bois; mais ces constructions s'étant écroulées ou ayant été détruites par le feu, ne furent remplacées que par des flèches en charpente recouvertes de plomb. Les provinces de l'est, pendant la période romane, élevèrent, sur un grand nombre de leurs églises, des clochers centrals en pierre; ceux-ci sont carrés sur la Haute-Saône, la Haute-Marne, le Rhône supérieur, et octogones, vers la fin du XIe siècle, en se rapprochant du Rhin.

Il paraîtrait que l'usage des clochers posés au centre de la croisée des églises était fort anciennement adopté dans les contrées qui subirent particulièrement l'influence carlovingienne ou de la renaissance des arts du Bas-Empire. On conçoit, en effet, qu'il était difficile de poser une tour sur la croisée d'une basilique latine; le peu d'épaisseur des murs de ces monuments, la largeur des nefs et la faiblesse des points d'appui du vaisseau principal, ne permettait guère de charger des constructions aussi légères de maçonneries s'élevant à une assez grande hauteur. Mais quand Charlemagne eut fait construire des édifices sacrés qui, comme l'église d'Aix-la-Chapelle, sont bâtis sur un plan circulaire ou à pans, épaulé par des niches à l'instar de certains édifices orientaux des premiers temps chrétiens, la résistance de ces constructions, parfaitement contrebuttées sur tous les points, leur forme même, appela nécessairement un couronnement central élevé.

Nous possédons, sur les bords de la Loire, à Germigny-des-Prés, près de Sully, une petite église qui est du plus grand intérêt, car sa date et son histoire sont connues. «Le moine Letalde, écrivain du Xe siècle, rapporte, dit M. Mérimée 221, que Théodulphe, d'abord abbé de Saint-Benoît-sur-Loire, puis évêque d'Orléans, fit bâtir l'église de Germigny à l'imitation de celle d'Aix-la-Chapelle.» Il faut avouer que l'imitation est fort libre, car ce qui existe du plan de Théodulphe, c'est-à-dire la partie principale de l'édifice, donne quatre piliers carrés entourés d'un bas-côté avec trois absidioles, une à l'orient et deux au sud et au nord. Ce plan rappelle bien plutôt les petites églises grecques de l'Asie et du Péloponèse que celui d'Aix-la-Chapelle. Quoi qu'il en soit, sur les quatre piles centrales s'élève un clocher carré portant sur les quatre arcs doubleaux. Son beffroi n'est séparé du vaisseau que par un plancher, et est percé, sur chacune des quatre faces, à l'étage inférieur formant lanterne, de quatre petites fenêtres décorées de stucs à l'intérieur; à l'étage supérieur destiné aux cloches, de quatre baies jumelles. On retrouve, dans les stucs et dans la construction même, faite en moellons recouverts d'enduits et d'une mosaïque sous la voûte de l'abside orientale, les traditions du bas-empire.

Mais nous avons l'occasion de revenir sur ce curieux monument au mot ÉGLISE. Nous devons nous borner à le signaler ici à cause de sa date et de la présence d'un clocher central antérieur à celui de Saint-Front de Périgueux, puisqu'il aurait été élevé au commencement du IXe siècle. On peut donc, jusqu'à présent, trouver deux origines distinctes à l'introduction des clochers centrals des églises en France: l'une, par les Vénitiens, sur les côtes occidentales; l'autre, par la renaissance carlovingienne de l'Est. Il est des provinces où ces deux influences se rencontrent et se mêlent: d'autres où elles dominent exclusivement. Or, si le clocher de Saint-Front servit de type à un grand nombre de tours d'églises dans l'Ouest, des clochers analogues à celui de Germigny (car nous ne pouvons faire à ce petit édifice l'honneur d'avoir servi de type), des clochers carlovingiens d'origine, influèrent sur les constructions entreprises sur les bords de la Saône, de la haute Marne et dans le Lyonnais. L'un des plus anciens clochers centrals de cette dernière contrée est celui de l'église d'Ainay à Lyon. La base massive de ce clocher date probablement du XIe siècle, et son étage à jour, supérieur, du XIIe. Si l'on considère la partie inférieure du clocher central d'Ainay, on pourrait supposer qu'elle était destinée à porter plusieurs étages, car ses murs massifs, percés seulement d'une petite baie sur chacune des faces, ont une résistance considérable. Cependant, cette base ne fut surmontée que d'un seul étage percé d'arcatures. Mais il n'est pas rare de rencontrer, dans l'ancien Lyonnais, ces clochers trapus, couronnés d'un toit plat en charpente, recouvert de tuiles romaines dans l'origine et plus tard de tuiles creuses.



La fig. 23 représente une vue du clocher central d'Ainay. Sa base est construite en moellons, avec angles en pierre, elle porte sur quatre arcs-doubleaux et contient une coupole; un escalier massif à pans monte jusqu'à l'étage supérieur, qui, plus moderne que la base, est en pierre. La corniche qui termine cet étage, formée d'une tablette portée sur des corbeaux, ne laisse pas supposer qu'on ait eu l'intention de construire plus d'un étage sur la large base qui surmonte les voûtes de l'église.

Vers la haute Marne et la haute Saône, c'est-à-dire en se rapprochant du Rhin, les clochers centrals des églises n'ont pas cette forme écrasée, et sont couverts par des flèches en pierre; ils conservent longtemps, cependant, le plan carré jusqu'à la corniche du couronnement; la flèche en pierre est souvent sur plan octogonal, et les angles restant entre les côtés du polygone et le carré sont remplis par des amortissements de pierre en forme de cornes détachées de la pyramide de la flèche. La présence de ces cornes ou pinacles triangulaires est motivée par la construction de la flèche en pierre, dont quatre des faces reposent sur des encorbellements ou des trompillons, la charge des pinacles étant destinée à empêcher la bascule des encorbellements ou le dévers des trompillons. Dans ces contrées, les constructions du XIe siècle et du commencement du XIIe sont brutes et les clochers d'une simplicité remarquable; fermés du côté de l'ouest, à cause des vents de pluie, ils sont percés seulement d'arcatures plein-cintre assez étroites sur trois côtés et surmontés de flèches carrées sans aucun ornement, ou, dans les derniers temps de la période romane, de pyramides à huit pans. Parmi les clochers de la haute Marne, un des plus anciens et des plus curieux, à cause de sa parfaite conservation, est le clocher de la petite église d'Isomes; il date de la seconde moitié du XIIe siècle.



Nous en présentons (24) la vue perspective. Le couronnement de ce clocher mérite de fixer l'attention des architectes. Il se compose, à la base de la flèche, de quatre pignons et de quatre amortissements aux angles, de l'effet le plus pittoresque. Les petites plates-formes qui terminent les quatre amortissements triangulaires étaient probablement destinées à recevoir les figures des quatre évangélistes, de quatre anges sonnant de l'olifant, ou des quatre Vents, conformément à un usage assez généralement établi en Bourgogne et en Champagne. Des gargouilles simplement épannelées reçoivent les eaux de la flèche entre les pignons et les amortissements. Notre figure démontre assez que ce clocher porte de fond sur les deux murs latéraux de la nef dépourvue de transsepts et sur deux arcs doubleaux. Mais si ces clochers carrés centrals ont une origine carlovingienne, il faut reconnaître que, dans les provinces mêmes où ils avaient pris naissance, le type primitif fut bientôt modifié, car presque tous les clochers centrals des bords du Rhin, des XIe et XIIe siècles, sont bâtis sur plan octogonal, ainsi que nous l'avons dit plus haut. On ne peut cependant méconnaître cette influence, sinon dans l'ensemble du plan, du moins dans les détails. Les amortissements des angles, la disposition des baies, les décorations des bandeaux et des chapiteaux des clochers de la haute Marne et de la haute Saône sont évidemment empruntés au style carlovingien primitif. Seulement, les constructeurs de ces dernières provinces, moins habiles et moins savants que ceux du Rhin, n'osaient probablement pas planter un octogone sur quatre piles. Si l'architecte qui a bâti l'église de Germigny a cru de bonne foi copier la construction de l'église d'Aix-la-Chapelle, on peut bien admettre que l'architecte du clocher d'Isomes s'est inspiré des constructions rhénanes; seulement, il n'a osé adopter le plan octogone que pour la flèche. Il nous faut étudier quelques-uns des clochers centrals des provinces rhénanes pour faire reconnaître l'influence qu'ils ont dû exercer sur les constructions des provinces françaises de l'Est.

Il existe, sur la croisée de l'église de Guebviller, un clocher central octogone dès sa base dont les quatre faces parallèles aux diagonales du carré sont portées sur des trompillons. La construction de ce clocher remonte à la fin du XIe siècle; elle est légère eu égard à sa hauteur.



Voici (25) en C le plan, en D l'élévation et en E la coupe sur A B de ce clocher. La nature des matériaux employés (grès rouge des Vosges) a pu permettre au constructeur de donner aux murs de l'octogone une épaisseur assez faible (0,80 c.); encore, les pierres de ces murs ne font pas parpaing; on remarquera que l'étage inférieur est construit en moellons à l'intérieur et parementé en pierre à l'extérieur. Les angles du prisme sont chargés de huit pinacles en pierre à la base de la flèche, et les quatre amortissements qui couvrent les trompillons à la base reçoivent sur leur pente quatre petites statues que nous pensons être les quatre Vents ou peut-être les quatre Saisons.

 

La curieuse église de Sainte-Foi à Schelestadt possède également un clocher central s'élevant sur la croisée, qui mérite d'être mentionné. Comme celui de Guebviller, le clocher de Sainte-Foi est octogone portant sur les quatre arcs doubleaux et sur des trompes. Il se compose d'un étage orné d'une arcature aveugle surmontant un soubassement, d'un étage à jour et d'une flèche pyramidale en pierre dont les côtés sont légèrement convexes en se rapprochant de la corniche.



Nous donnons (26) une vue perspective de ce clocher, bien construit en grès. On remarquera, aux angles de chacun des deux étages, les décorations plaquées qui rappellent les amortissements de couronnement que nous avons vus à la base des flèches des clochers d'Isomes et de Guebviller. Le clocher de Schelestadt est contemporain de celui-ci; il appartient à la fin du XIe siècle ou au commencement du XIIe. Peu variés dans leur composition d'ensemble et dans leurs détails, les clochers centrals rhénans de l'époque romane se rapprochent plus ou moins de ces deux exemples.

Il nous faut revenir maintenant aux dérivés les plus éloignés du clocher de Saint-Front de Périgueux. On a vu que l'un des caractères particuliers au clocher de Saint-Front consiste en certaines colonnes engagées qui séparent les arcades comme les ordres de l'architecture romaine. On retrouve cette disposition dans beaucoup de clochers centrals de l'Angoumois, de la Saintonge et du Périgord; elle est franchement adoptée dans le clocher de l'église de Montmoreau (Charente), dans ceux de Ségonzac, de Jonsac; et nous la voyons suivie jusque dans des provinces éloignées qui cependant subissent l'influence de l'architecture des côtes occidentales, comme dans le Poitou et jusque dans le Berry. Le clocher de l'église haute de Loches, bâti sur le sanctuaire, conserve non-seulement cette disposition des clochers périgourdins, mais aussi les pinacles d'angles; quant à sa flèche, elle est à huit pans au lieu d'être conique. Mais les architectes du XIIe siècle qui ont élevé ce clocher, habiles constructeurs, ont compris qu'une seule colonne engagée â l'angle des étages carrés, comme à Saint-Front, ne suffisait pas pour maintenir la poussée des arcs et qu'il fallait renforcer ces angles. Ils ont donc éloigné les colonnes engagées de ces angles, afin de leur laisser une grande force, et ont ainsi rapproché les arcades doubles l'une de l'autre, sur chaque face. D'après cette méthode les angles épais, chargés par des pinacles, pèsent verticalement sur les quatre points d'appui inférieurs et maintiennent la stabilité de la tour. Au point de vue de la construction, le clocher central de l'église de Loches est un des mieux étudiés suivant les traditions du Périgord, et la planche 27 en offre une vue perspective.



Profitant des deux styles venus de l'Est et de l'Ouest, les architectes des provinces du domaine royal élèvent sur leurs églises, pendant le XIIe siècle, des tours centrales qui subissent ces deux influences, mais prennent bientôt, comme toute l'architecture de cette époque et de ce territoire, un caractère propre qui est réellement le style français. Nous en trouvons un exemple remarquable à Poissy, dans l'église collégiale. Sur la dernière travée de la nef, à l'entrée du choeur (car cette église est dépourvue de transsepts), s'élève un clocher portant sur quatre piliers. Sa base est carrée; aux quatre angles de cette base s'élèvent quatre pinacles massifs (un seul renferme un petit escalier à vis); au-dessus est posée la souche du beffroi sur plan octogone irrégulier, c'est-à-dire ayant quatre grands côtés et quatre petits. Posant la tour sur quatre piles, il est évident que les constructeurs n'ont pas osé adopter l'octogone régulier, afin d'éviter des trompillons de grande dimension et de rapprocher, autant que possible, la charge totale sur ces quatre points d'appui. Mais les angles de l'octogone possèdent leurs colonnes engagées, les angles du carré leurs pinacles, ce qui rappelle l'influence occidentale, et le beffroi est octogone, comme la plupart des clochers centrals de l'Est. La flèche du clocher central de l'église de Poissy est en charpente, comme certaines flèches de clochers normands dans une situation analogue; et il n'y a pas lieu de supposer qu'elle ait été primitivement projetée en pierre. L'étage à jour du beffroi octogone se compose d'arcades jumelles sur les grands côtés et d'arcades simples sur les petits. La base de ce clocher ne renferme point une coupole ou une lanterne, comme les clochers centrals du Rhin ou de Normandie, elle n'est que l'étage inférieur du beffroi au-dessus de la voûte de la nef.



Nous présentons (28) une vue perspective de ce clocher, dont la construction remonte aux premières années du XIIe siècle. Cependant, dès la fin de ce siècle, on renonçait, dans l'Île de France, aux plans octogones pour les tours centrales des églises; le plan carré des tours normandes prévalait; les flèches seules conservaient la forme octogonale à la base, avec quatre pinacles aux angles.

Non loin de Poissy, en descendant la Seine, on voit, sur la rive gauche, une petite église bâtie au centre du village de Vernouillet. Cette église possède un clocher sur la croisée, à l'entrée du choeur. La construction du clocher de Vernouillet remonte aux dernières années du XIIe siècle (1190 environ); là, plus de tâtonnements, plus d'incertitudes; les diverses influences romanes de l'Est et de l'Ouest se sont fondues; un art nouveau, formé de ces divers éléments, mais franc et original, apparaît dans tout son éclat.

Avant la construction du clocher central de Vernouillet, on avait élevé celui de Limay, près de Mantes, et qui déjà donne une tour carrée surmontée d'une flèche à base octogone, de quatre pinacles pleins sur les angles et de lucarnes sur quatre des faces de la pyramide. Le clocher de Limay, lourd encore, soumis aux traditions romanes, est cependant l'un des premiers pas faits dans la voie nouvelle. Les clochers centrals du XIIe siècle sont fort rares dans cette partie de la France, dévastée par les guerres de la fin de ce siècle; aussi celui de Vernouillet, qui clôt l'époque de transition, doit-il être étudié avec attention. Il se compose d'une base carrée, sans ouverture, portant sur les quatre piles de la croisée et sur les quatre arcs doubleaux. Le beffroi à jour s'élève sur ce socle; ses angles sont renforcés de colonnes engagées formant contre-forts; les quatre faces sont percées chacune de deux baies. Une corniche à corbeaux termine cet étage à jour, destiné au placement des cloches, et arrive au plan carré parfait, sans ressauts ni saillies.



Voici (29) le plan de l'étage du beffroi. Sur la corniche, huit têtes monstrueuses, posées aux angles de l'octogone inscrit dans le carré, donnent naissance aux huit arêtiers de la pyramide à base octogone formant la flèche. Sur les angles saillants du carré, quatre colonnes 222 portent quatre pinacles qui viennent s'épauler sur huit colonnes engagées à la base de la flèche et se dégageant à mesure que celle-ci s'élève. Ces colonnes sont des monolithes ne faisant pas corps avec la construction de la pyramide. Quatre baies cintrées, percées entre les huit colonnes, permettent de passer de l'intérieur dans les pinacles. Sur les quatre autres faces de la pyramide, parallèles aux faces du carré, quatre autres baies forment de grandes lucarnes surmontées de gâbles. Le plan (30) est pris au niveau de la base de la pyramide et explique la disposition des pinacles et des lucarnes.



Une vue perspective (31) donne l'ensemble de ce monument. Cette construction, légère et bien pondérée, exécutée en petits matériaux, n'a subi aucune altération notable dans son ensemble. Les assises composant la flèche sont sculptées, à l'extérieur, en écailles circulaires et simulent des tuiles. Une coupe est nécessaire pour faire comprendre la construction simple, hardie et solide de ce clocher.



Nous la donnons (32). Les trompillons A qui portent quatre des faces de la pyramide viennent adroitement reposer leurs sommiers sur les clefs des arcs B des huit baies de l'étage carré. Les parements intérieurs de la tour s'élèvent verticalement jusqu'à leur rencontre avec les parements inclinés de la flèche, et à partir de ce point, celle-ci n'a pas plus de 0,25 c. d'épaisseur; mais quatre de ses faces sont renforcées par les sommets des gâbles C, qui remplissent l'office de contre-forts (voy. CONSTRUCTION). Entre cette charmante construction et la plupart des bâtisses passablement lourdes que nous avons données précédemment, il y a un pas immense de fait. Les proportions des différentes parties du clocher de Vernouillet sont étudiées par un véritable artiste et contrastent avec les étages divisés en zones égales des clochers de l'Est, avec les couronnements écrasés de ceux des provinces de l'Ouest. Les détails des moulures et de l'ornementation, bien exécutés, fins et fermes à la fois, sont habilement calculés pour la place qu'ils occupent; si bien que ce clocher, qui est d'une dimension très-exiguë, paraît grand, et grandit le très-petit édifice qu'il surmonte au lieu de l'écraser. On reconnaît là, enfin, l'oeuvre d'artistes consommés, de constructeurs savants et habiles. Un clocher de cette époque, bâti sur la croisée d'une cathédrale, et suivant ces données si heureuses, devait être un monument de la plus grande beauté; malheureusement, nous n'en possédons pas un seul en France. Les incendies et la main des hommes, plus que le temps, les ont tous détruits, et nous ne trouvons plus, sur nos grands édifices religieux, que les souches et les débris de ces belles constructions. La cathédrale de Coutances seule a conservé son clocher central du XIIIe siècle; encore n'est-il pas complet; sa flèche en pierre fait défaut. Quant à son style, il appartient à l'architecture normande et s'éloigne beaucoup du caractère de l'architecture française.

Ce n'est que dans l'Île de France et les provinces voisines que l'on voit les clochers centrals, aussi bien que ceux de façades, prendre tout à coup un caractère aussi déterminé dès la fin du XIIe siècle et abandonner les traditions romanes. Dans la Champagne, la Bourgogne, sur les bords de la haute Marne, de la Saône, les clochers centrals restent carrés et se terminent le plus habituellement par des pyramides à base rectangulaire jusqu'au commencement du XIIIe siècle. Le clocher central de l'église de Châteauneuf (Saône-et-Loire), bâti vers le milieu du XIIe siècle, est un exemple de ces sortes de constructions. Il se compose d'un soubassement plein en moellons, avec angles en pierre, posé, suivant l'usage, sur les quatre piliers de la croisée et les quatre arcs doubleaux; d'un étage percé d'une seule baie sur chaque face; d'un beffroi percé de quatre baies jumelles et d'une pyramide à base carrée maçonnée en moellons avec quatre lucarnes.

217217 Nous devons ces dessins, ainsi que ceux de Brantôme, à M. Abadie, l'architecte de Saint-Front.
218218 Par M. Mallay, architecte. Ces clochers avaient été détruits.
219219 La flèche en pierre n'existe plus et a été remplacée par un comble en charpente.
220220 Le clocher de l'église de Cogniat, qui ressemble beaucoup à celui de l'église d'Obasine et qui est plus ancien, a conservé sa flèche en pierre à base octogone. Il est gravé dans la Revue d'Architecture de M. César Daly, t. XII, nos 3, 4, 5 et 6.
221221 Voy. l'article du savant académicien, dans la Revue de l'Architecture, t. VIII, p. 113, sur l'église de Germigny, et les planches de M. Constant Dufeux, architecte.
222222 Ces quatre colonnes n'existent plus; mais on en voit la trace sur l'assise de corniche. Les pinacles qui les surmontaient ont, par conséquent, disparu; mais leur disposition est écrite par les huit colonnes dégagées et la direction de leurs chapiteaux.