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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite)

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Il ne faudrait pas croire cependant que les sculpteurs au XIIIe siècle renoncent à la représentation des figures dans les clefs de voûtes, mais ils les réservent plus particulièrement pour les sanctuaires; les couronnes de feuillages garnissent les clefs, comme les crochets et bouquets de feuilles les chapiteaux. Lorsqu'à cette époque les clefs représentent des sujets, ceux-ci sont traités avec une finesse d'exécution remarquable. Une des plus belles clefs à sujets que nous connaissions se trouve sculptée au-dessus du sanctuaire de l'église collégiale de Sémur en Auxois, dont les voûtes furent élevées vers 1235. Cette clef représente le couronnement de la Vierge au milieu de feuillages. Le Christ s'appuie sur le livre saint et bénit sa mère. Un ange pose la couronne divine sur la tête de Marie. Deux autres anges, sortant à mi-corps des branchages, portent chacun un cierge. Toute la sculpture qui couvre un plateau de près d'un mètre de diamètre est complétement peinte, les feuillages en vert, les fonds en brun rouge et les vêtements des deux personnages de diverses couleurs, dans lesquelles le bleu et le rouge dominent. Nous donnons (14) une copie de cette belle clef.




Il arrivait souvent qu'en construisant, les sculpteurs n'avaient pas le temps de ciseler les clefs de voûtes avant la pose, ou que, la saillie de la sculpture gênant les appareilleurs pour poser la clef sur les cintres, on laissait celle-ci unie à l'intérieur et que l'on accrochait après coup des rosaces sculptées dans du bois, sous le plateau lisse de la pierre; c'est ainsi que sont décorées la plupart des clefs des voûtes de la Sainte-Chapelle basse à Paris, et ces rosaces sont taillées de main de maître. Nous en montrons ci-après un exemple (15) qui date de 1240, ou environ. Le feuillage y est rendu avec une souplesse qui accuse déjà la recherche de l'imitation scrupuleuse de la nature 198.

La clef d'une voûte en arcs d'ogives doit être placée tout d'abord au sommet des cintres avant la pose des claveaux d'arêtiers, car c'est elle qui sert de guide, de repère pour bander les deux arcs croisés de manière à ce qu'ils se rencontrent exactement au même niveau à leur point de jonction. Sans cette précaution, on ne serait jamais certain, à la pose, quelque bien taillés que soient les cintres, de joindre les arcs croisés au même niveau (voy. CONSTRUCTION); on concevra dès lors que, souvent, pour ne pas retarder la construction de la voûte, on ne prenait pas le temps de permettre au sculpteur de sculpter la rosace; de là les rosaces en bois rapportées après coup, de là aussi l'absence de sculpture sur quelques clefs de voûte, si, plus tard, on omettait d'accrocher les rosaces de bois sous les plateaux de pierre laissés unis. Si les arcs ogives sont extradossés et ne pénètrent jamais dans les remplissages qu'ils sont destinés à porter, il n'en est pas de même des clefs; celles-ci ont le plus souvent une queue qui vient pénétrer le remplissage. Elle s'offraient ainsi un point parfaitement fixe au sommet de la voûte, et d'ailleurs, étant presque toujours percées d'un trou pour le passage d'un fil de suspension, il était nécessaire que leur épaisseur atteignît l'extrados des remplissages.



La fig. 16, qui représente une clef en coupe, fera comprendre l'utilité de ce mode de construction. Mais la clef étant solidaire des remplissages de la voûte, ne pouvant se prêter, par conséquent, aux mouvements des arêtiers, il ne fallait pas donner aux branches d'arcs ogives qui s'en échappaient une grande longueur; car si ces branches d'arêtiers eussent été très-saillantes, le moindre mouvement dans les arcs les eût fait casser, et la clef ne remplissait plus dès lors son office. Aussi les amorces des arcs ogives tenant aux clefs sont-elles coupées aussi près que possible du corps circulaire de ces clefs, comme l'indique la fig. 17.



Quant au profil donné au corps de la clef de la voûte en arcs d'ogives, il reproduit le plus souvent celui des arcs, comme dans la fig. 17, ou, s'il s'en éloigne, c'est pour adopter un profil plus mâle et moins refouillé. Soit, dans ce cas (18), A le profil de l'arc ogive, B sera le profil du corps de la clef. Sous le corps cylindrique, un plateau orlé C reçoit la rosace sculptée qui se détache sur le fond concave de ce plateau C, dont le point le plus creux D ne s'enfonce pas au delà du niveau E du prolongement de la courbe intrados des arcs ogives. Ces détails paraîtront peut-être minutieux; mais dans le mode de la construction gothique, rien n'est indifférent, et c'est par des recherches de ce genre, résultat du raisonnement et de l'expérience acquise par des observations suivies, que les constructeurs de la belle époque du moyen âge sont arrivés à produire des effets surprenants avec des moyens très-simples. Nous renvoyons, du reste, nos lecteurs au mot CONSTRUCTION, pour tout ce qui touche à la facture des voûtes dans lesquelles les clefs jouent un rôle très-important.



Le XIVe siècle ne changea rien au mode de construction adopté pour les voûtes en arcs d'ogives pendant la première moitié du XIIIe siècle, et les clefs, par conséquent, furent taillées suivant le même principe; mais leur sculpture devint plus maigre et plus confuse, les larges feuilles visibles à une grande hauteur furent remplacées par des branchages et des feuillages délicats qui sont loin de présenter un effet aussi satisfaisant. Examinées de près, ces clefs sont cependant d'une exécution parfaite, refouillées avec un soin et une finesse surprenante. Nous donnons (19) une clef du commencement du XIVe siècle appartenant aux voûtes de l'ancienne cathédrale de Carcassonne, qui conserve encore la disposition des clefs primitives du XIIIe siècle, c'est-à-dire les deux têtes venant remplir les deux angles les plus ouverts formés par la rencontre des arêtiers. L'une de ces têtes représente le Christ, l'autre la sainte Vierge. La rosace se compose d'une couronne de feuilles sortant d'une branche circulaire. En A, nous avons tracé le profil du plateau.



Vers la fin du XIIIe siècle, les clefs d'arcs ogives furent décorées fréquemment d'écussons armoyés, d'abord entourés d'ornements, de feuillages, puis plus tard soutenus par des anges, ou dépouillés d'accessoires. L'église de Saint-Nazaire, cathédrale de Carcassonne, possède des clefs sous lesquelles sont sculptées les armes de France (anciennes) et celles du fondateur du choeur, Pierre de Roquefort; voici l'une de ces dernières clefs (20); l'écu est d'azur aux trois rocs d'or posés deux en chef et un en pointe; il se détache au milieu d'une couronne de feuilles de chêne. Comme dans l'exemple précédent, deux têtes remplissent les deux angles les plus ouverts entre les arcs ogives. Rarement, au XIVe siècle, des personnages figurent sous les plateaux des clefs.

Nous ne devons pas omettre de dire ici que, presque toujours, les clefs des voûtes en arcs d'ogives sont peintes, même dans des monuments d'ailleurs totalement dépourvus de ce genre de décoration. La peinture appliquée sur les clefs s'étendit sur les arêtiers jusqu'à une certaine distance du centre (voy. PEINTURE) 199.

Il serait inutile ici de donner de nombreux exemples des clefs de voûtes du XIVe siècle; ce sont toujours des rosaces feuillues plus ou moins bien composées et traitées, et qui ne diffèrent pas des rosaces sculptées dans les tympans des gâbles ou sur tout autre membre de l'architecture (voy. ROSACE). Mais le XVe siècle apporta dans la sculpture des clefs l'exagération qu'il mit en toute chose. La rosace des clefs d'arcs ogives du XVe siècle forme comme une sorte de découpure à jour plaquée à la rencontre des deux arcs. Au lieu de présenter des couronnes de feuillages, des rosaces, elle s'épanouit en redents compris dans des lignes géométriques et d'une délicatesse de taille qui rappelle les formes propres au métal plutôt que celles qui conviennent à de la pierre. Souvent, ces rosaces sont d'une telle finesse de travail, si bien découpées à jour sur toute leur surface, qu'il a fallu les rapporter après coup, car il eût été impossible de les poser sur l'extrémité des cintres sans les briser. Alors elles sont accrochées à la clef réelle par une tigette de fer qui passe à travers le trou central avec une clavette en travers de ce trou à l'extrados. Nous donnons (21) une de ces clefs, du milieu du XVe siècle, provenant des voûtes des bas-côtés du choeur de l'église abbatiale d'Eu, restaurées vers cette époque, et (21 bis) la coupe sur la ligne a b de cette clef, qui n'est qu'une dalle ajourée et sculptée de 0,08, c. d'épaisseur.

 



Vers la fin de ce siècle, on ne se contenta pas de décorer les voûtes par ces sortes de clefs. Lorsque l'étude des arts antiques et de la renaissance italienne vint se mêler aux traditions gothiques dégénérées, on ne changea pas tout d'abord les formes principales de l'architecture. Ces nouveaux éléments s'attachèrent aux détails, à l'ornementation. Il semble que les architectes français se plaisaient à jeter, au milieu de leurs combinaisons toutes gothiques encore, comme ensemble et comme système de construction, des fragments qu'ils allaient chercher dans les monuments romains ou de la renaissance italienne. En cela, notre renaissance diffère essentiellement de la renaissance d'outre-monts. Les Brunelleschi et, plus tard, les Bramante s'emparèrent des dispositions générales de l'architecture antique, bien plus encore que des détails; ou plutôt les architectes italiens n'avaient jamais complétement perdu de vue les arts romains, et n'eurent, pour y revenir, qu'à laisser de côté des traditions corrompues des arts du Nord, qui, pendant les XIIIe et XIVe siècles, avaient pénétré à Florence, à Sienne, à Pérouse et jusque dans les États du pape.

Vers la fin du XVe siècle donc, nos architectes imaginèrent de placer, dans leurs édifices, tout gothiques comme construction, des réminiscences des arts d'Italie. Ils trouvèrent ingénieux, par exemple, de suspendre aux voûtes, des chapiteaux, des culots d'ornements quasi antiques et même parfois de petits modèles de monuments qui, eux, n'avaient plus rien de gothique. Partant de cet axiome de construction de la voûte gothique, que la clef doit être pesante afin d'empêcher le relèvement des nervures sous la pression des reins, ils posèrent des clefs dont les ornements pendants ressemblent à des stalactites. C'était le temps des plus grands écarts de l'architecture; on ne se contenta plus d'un morceau de pierre, et on alla jusqu'à composer les clefs pendantes de pièces de rapport attachées à la clef véritable par des boulons en fer, et même quelquefois aux entraits des charpentes. Il n'est pas besoin de faire ressortir les inconvénients et les dangers de ce genre de décoration. Les clefs pendantes fatiguent les voûtes par leur poids exagéré, au lieu de les maintenir dans un juste équilibre; elles risquent de se détacher par l'oxydation des fers et de tomber sur la tête des assistants.

Nous disions tout à l'heure que quelques-unes de ces clefs sont de petits modèles de monuments. Nous citerons entre autres celle de la chapelle de la Vierge de l'église de Saint-Gervais et Saint-Protais à Paris, qui représente, suspendu sous la voûte, toute une enceinte entourant des édifices. Celles de l'église de Saint-Florentin en Bourgogne, de l'église de Saint-Pierre de Caen, qui datent du commencement du XVIe siècle, celles des voûtes hautes du choeur de l'église d'Eu, etc. Les exemples abondent. Alors les voûtes en arcs d'ogives ne se composent pas seulement des deux arcs diagonaux; mais d'une quantité d'arcs qui s'entrecroisent (voy. VOÛTE); aux points d'intersection de ces arcs se trouvent souvent des clefs pendantes, plus ou moins saillantes et décorées, ce qui donne à ces voûtes l'apparence d'une grotte tapissée d'énormes stalactites. Ce sont là de ces fantaisies de pierre plus surprenantes que belles, qui fatiguent et préoccupent plutôt qu'elles ne satisfont les yeux. La raison et le goût se choquent de ces raffinements dont on ne comprend pas le motif, et qui détruisent l'unité des intérieurs.



Nous donnons (22) une de ces clefs provenant des voûtes du choeur de l'église d'Eu. Nous choisissons cet exemple comme un des plus anciens, car il date de la fin du XVe siècle. C'est aussi, à notre sens, un des plus beaux. Les clefs pendantes des voûtes du choeur de cette église, rebâties à cette époque sur un édifice de la fin du XIIe siècle, sont encore à peu près gothiques comme ornementation. Déjà, cependant, on sent l'influence du chapiteau corinthien dans la clef que nous donnons ici. Elle est d'ailleurs prise dans un seul morceau de pierre et n'est point composée de pièces accrochées. Dans la même église, nous voyons aussi les arcs-doubleaux de la voûte du choeur décorés de clefs pendantes assez adroitement agencées; nous donnons plus loin l'une d'elles (23).



La Normandie, l'Angleterre et la Bretagne ont surtout abusé de ce genre de décoration; mais les reproductions de ces étrangetés sont trop connues pour qu'il soit nécessaire d'en donner ici de nombreux exemples; on a pris si longtemps les abus et les exagérations de la décadence du style gothique pour l'expression la plus complète et la plus heureuse de cet art, que les ouvrages traitant de l'architecture du moyen âge sont pleins de ces extravagances, bonnes pour amuser les personnes qui ne voient dans l'art que nous professons qu'un jeu d'esprit. Nous croirions manquer à nos lecteurs si nous remplissions nos pages de figures n'ayant tout au plus qu'un attrait de curiosité.

Par exception, les constructeurs du XIIe siècle ont parfois posé des clefs sculptées dans les remplissages des voûtes en arcs d'ogives. En Angleterre surtout, ce genre de décoration est assez fréquent au XIIIe siècle. La grande clef de la voûte de Notre-Dame d'Étampes, que nous avons donnée (fig. 3), se compose de contre-clefs et de ces clefs posées dans les remplissages; mais, par le fait, les quatre clefs des remplissages font partie d'une composition unique. Nous ne connaissons guère en France qu'un exemple de ces clefs de remplissage isolées, qui existe sous les voûtes de l'ancienne sacristie de l'église abbatiale de Vézelay (XIIe siècle). Ainsi que le représente la fig. 24, entre les deux arcs ogives, en A, sont posées des clefs sculptées, saillantes sous le parement des remplissages, et qui n'ont guère que 0,30 c. de côté. La fig. 24 bis donne le détail de l'une d'elles, représentant un guerrier combattant un dragon. La salle est couverte par six voûtes ainsi décorées, et parmi ces clefs on reconnaît les quatre signes des Évangélistes dans des cercles de feuillages. Les voûtes fermées sous les clochers centrals des églises sont, à dater du XIIIe siècle, presque toujours munies de clefs d'un grand diamètre, percées d'un trou large pour le passage des cloches; mais ces clefs sont décrites au mot OEIL.



Sous les charpentes lambrissées construites pendant les XIVe, XVe et XVIe siècles, au point de la rencontre de la tête des poinçons avec les courbes et l'entre-toise supérieure, on attache des clefs sculptées sur bois, formant comme un épanouissement de feuillages et d'ornements qui masque les assemblages des pièces de charpente au-dessus du chapiteau de ces poinçons. Ces clefs ne sont qu'un ornement sans utilité réelle, une bague découpée à la tête du poinçon; elles produisent un bon effet et contribuent à meubler ces lambris en berceau, d'un aspect assez pauvre. Quelquefois même des clefs de bois découpé et sculpté sont posées à la rencontre des filières ou pannes longitudinales avec les courbes divisant les lambris et servant de couvre-joints.




Nous reproduisons (25) une clef de tête de poinçon, et (26) une clef masquant la rencontre d'une filière avec une courbe. Ces dernières clefs sont très-fréquentes dans les charpentes anglo-normandes du XVe siècle, elles sont ajourées, et sculptées avec beaucoup d'adresse, et rompent la monotonie de ces grands berceaux en bardeaux. La grand'salle du palais ducal de Dijon conserve encore, sous sa voûte en bois du XVe siècle, de jolies clefs ainsi disposées, qui sont rehaussées d'or et de peinture.

CLEF, terme de charpenterie. On désigne par le mot clef; dans les oeuvres de charpente, une petite pièce de bois destinée à réunir et serrer deux moises. Le fer n'étant pas employé dans les charpentes anciennes, on réunissait les moises au moyen de clefs en bois passant à travers deux mortaises et serrées par une clavette ou une cheville. On avait le soin de tailler ces clefs dans du bois de fil, bien sain et sans noeuds, afin qu'elles pussent être facilement chassées à coup de masse dans les mortaises. Nous donnons (27), en A, une de ces clefs non posée, et, en B, deux clefs posées pour serrer deux moises contre une pièce de bois horizontale. La tête C de la clef portait contre une moise, tandis que la clavette D, enfoncée à force, venait serrer le tout.



Mais, dans certaines fermes armées au moyen de moises ou aiguilles pendantes, si, par exemple, un entrait étant destiné à porter une charge considérable, on voulait le soulager de distance en distance au moyen de moises en bois suspendues aux arbalétriers, alors, au lieu de boulonner ces moises pendantes après les arbalétriers au moyen de boulons en fer, ainsi que cela se pratique aujourd'hui, on passait des clefs en bois à cheval sur ces arbalétriers. Dans ce cas, on donnait une grande force aux clefs de bois.

La fig. 28 nous donnera la disposition de cette pièce de charpente. Soit A l'entrait qu'il s'agit de soulager, B l'arbalétrier, on posait deux moises pendantes CC qui venaient s'assembler et s'embréver dans une clef D supérieure; deux chevilles empêchaient les moises de sortir de leur embrévement et de quitter les tenons; une cale G, taillée en coin, évitait le glissement de la clef supérieure sur l'arbalétrier incliné; en E était une autre clef également embrévée, suspendant l'entrait. Un pareil assemblage avait une grande puissance. C'est ainsi que les entraits des fermes qui portent les poteaux d'arêtiers de la flèche de la cathédrale d'Amiens (commencement du XVIe siècle) sont suspendus aux arbalétriers. Mais on trouve des assemblages identiques dans des charpentes beaucoup plus anciennes, notamment dans celle de la cathédrale de Paris, qui date du XIIIe siècle.

CLEF, terme de menuiserie. C'est une petite barre de bois dur, embrévée à queue d'aronde derrière des panneaux composés de planches assemblées afin de les maintenir planes et de les empêcher de coffiner. On désigne aussi ces clefs sous le nom de barres à queues (voy. MENUISERIE).

CLEF, terme de serrurerie (voy. SERRURERIE).

CLOCHE, s. f. Saint, sein (signum). «Le petit peuple et la canaille, dit Thiers dans son Traité des superstitions 200, accourent en foule de toutes parts à l'église, non pour prier, mais pour sonner..... Car il faut remarquer en passant que les gens les plus grossiers sont ceux qui aiment davantage les cloches et le son des cloches. Les Grecs, qui sont des peuples fort polis, avaient peu de cloches avant qu'ils eussent été réduits sous la domination ottomane, et ils n'en ont presque point aujourd'hui, étant obligés de se servir de tables de fer ou de bois pour assembler les fidèles dans les églises. Les Italiens, qui se piquent de spiritualité et de délicatesse, ont aussi peu de cloches; encore ne sont-elles pas fort grosses. Les Allemands et les Flamands, au contraire, en ont de grosses et en grand nombre; cela vient de leur peu de politesse. Les païsans, les gens de basse condition, les enfans, les foux, les sourds et muets, aiment beaucoup à sonner les cloches ou à les entendre sonner. Les personnes spirituelles n'ont pas de penchant pour cela. Le son des cloches les importune, les incommode, leur fait mal à la tête, les étourdit.» Thiers n'aime pas les cloches, sa boutade le dit assez. Cependant il faut avouer que le moyen âge les aimait fort et en fabriqua une quantité prodigieuse. Les églises paroissiales possédaient souvent deux clochers; les églises abbatiales et cathédrales en élevèrent quelquefois jusqu'à sept, qui tous contenaient des cloches.

 

Les cloches, ou du moins les clochettes, étaient connues dès l'antiquité grecque et romaine. Quelques auteurs prétendent que ce fut le pape Sabinien (an 604), successeur immédiat de saint Grégoire, qui, le premier, prescrivit l'usage des cloches pour annoncer les saints offices. Ce qui ne peut être mis en doute, c'est que des cloches étaient suspendues au-dessus des églises dès le VIIe siècle 201. Ces cloches primitives, toutefois, n'étaient que d'un faible poids relativement aux nôtres. La plus grosse des cloches données par le roi Robert à l'église Saint-Agnan d'Orléans, au XIe siècle, et qui passait pour une pièce admirable, ne pesait pas plus de 2,600 livres. Les cloches données par Rodolphe, abbé de Saint-Trond, au commencement du XIIe siècle, pour l'église de son monastère, pesaient depuis 200 jusqu'à 3,000 livres.

Guillaume Durand 202 commence ainsi son chapitre sur les cloches des églises: «Les cloches ou campanes (campanæ) sont des vases d'airain inventés d'abord à Nole, cité de Campanie; c'est pourquoi les plus grands de ces vases sont appelés campanæ, du pays de Campanie, et les plus petits ou clochettes, nolæ, de la cité de ce nom.» Mais l'opinion de l'évêque de Mende, partagée par saint Anselme, par Honoré, prêtre de l'église d'Autun, et par Binsfeld, n'est appuyée sur aucun monument, sur aucune preuve. Ce n'est guère qu'à dater du XIIIe siècle que l'on donna aux cloches des dimensions considérables; à cette époque, l'art du fondeur était déjà très-perfectionné; il dut nécessairement s'appliquer à la fabrication des cloches. Il est vraisemblable que ce fut seulement vers cette époque que l'on observa, dans la fabrication des cloches, deux sortes de proportions, la proportion absolue et la proportion relative; l'une qui produit la sonorité de la cloche, l'autre qui établit des rapports d'harmonie, des accords entre plusieurs cloches. Il y a aujourd'hui, pour obtenir ces résultats, des formules que l'on déclare infaillibles quant à l'alliage des métaux et aux formes à donner aux cloches; ce qui n'empêche pas nos fondeurs de fabriquer trop souvent des cloches d'un mauvais son, tandis que toutes les cloches anciennes encore existantes sont remarquables par la beauté 203 et la pureté des vibrations sonores. Toutefois, comme nous ne voulons pas nous faire de querelles avec les fondeurs de cloches, nous reconnaissant incapables de discuter sur leur art en connaissance de cause, nous admettrons, si l'on veut, que, si les anciennes cloches connues sont particulièrement remarquables par la qualité de leur son, c'est qu'on a brisé de préférence toutes celles qui étaient défectueuses; or, comme on en a brisé un nombre considérable, nos fondeurs peuvent soutenir que la plupart d'entre elles ne valaient rien.

On distingue dans les cloches plusieurs parties qui, chacune, ont un nom: la patte, ou le bord inférieur qui est mince; la panse (d'autres disent la pinse), c'est la partie la plus épaisse contre laquelle frappe le battant; les saussures, c'est la partie moyenne de la cloche se rapprochant de la forme cylindrique; la gorge ou la fourniture, c'est le passage entre les saussures et la panse, le point où le métal s'épaissit et où la cloche commence à prendre un diamètre plus fort; le vase supérieur, c'est la partie supérieure de la cloche à peu près cylindrique, entre les saussures et le cerveau; le cerveau, c'est la calotte supérieure, recevant l'anneau auquel le battant est suspendu; les anses, qui sont les bras supérieurs au moyen desquels on suspend la cloche au mouton; le battant, qui est de fer forgé, en forme de poire très-allongée terminée par un appendice ou poids, destiné à lui donner de la volée. Le battant porte au sommet de sa tige un anneau qui sert à l'attacher à l'intérieur du cerveau au moyen d'une forte courroie en cuir. Le P. Marsenne 204 a laissé le premier une méthode sûre pour fondre les cloches; il établit les rapports qui doivent exister entre les diamètres de l'instrument à toutes les hauteurs et les épaisseurs relatives des diverses parties. La matière qui sert à fondre les cloches est un composé de cuivre rosette et d'étain fin. Le cuivre entre pour trois quarts et l'étain pour un quart. On a cru longtemps que l'argent mêlé à cet alliage donnait aux cloches un son plus pur, et la piété des fidèles ajoutait cet appoint à l'alliage dans d'assez fortes proportions. Il est certain qu'aujourd'hui on a renoncé à jeter de l'argent dans le fourneau des fondeurs de cloches, et nous sommes assez disposés à croire qu'autrefois il en entrait plus dans la bourse de ces industriels que dans leurs creusets, car nos sous, dits de métal de cloches, et façonnés, à la fin du dernier siècle, avec les débris de ces instruments, ne contiennent qu'une très-faible partie d'argent; cependant il s'y en trouve.

La fonte des cloches était autrefois une affaire majeure. Les fondeurs n'avaient pas d'usine, mais se transportaient dans les localités où l'on voulait faire fondre des cloches. On creusait une fosse près de l'église, on bâtissait un fourneau, et c'était, pour les habitants des paroisses, une préoccupation grave de savoir si la fonte réussirait ou non. On lit, dans les registres des comptes de l'oeuvre de l'église de Troyes, qu'en 1475 Jacques de la Bouticle et Robinet Reguin viennent à Troyes fondre plusieurs cloches. Pour les exciter à bien faire, «les chanoines leur font présent de harengs, de carpes et d'autres choses; Me J. de la Hache, marchand, leur donne en outre 10 pintes de vin. Les vicaires de l'église visitent les ouvriers, chantent le Te Deum et assistent à la bénédiction des cloches 205



La plus ancienne cloche fondue que nous ayons vue est celle qui se trouvait encore, en 1845, dans la tour de l'église abbatiale de Moissac. Elle était fort belle, d'une fonte admirable, non retouchée au burin et d'un son plein. La forme était assez remarquable pour que nous croyions devoir en donner le profil, à 0,05 c. pour mètre, rapporté très-exactement (1) 206.

Cette cloche, fort simple, avait, pour tout ornement, deux inscriptions, entre le vase et le cerveau, placées l'une au-dessus de l'autre; voici la première:

SALVE REGINA MISERICORDIÆ

Entre les mots regina et misericordiæ était une petite figure de la sainte Vierge, entourée d'un orle à deux pointes, comme les sceaux; après le dernier mot, il y avait trois sceaux.

L'inscription inférieure portait, en une seule ligne et en lettres plus petites:

ANNO DOMINI MILLESIMO CCº LXX TERCIO GOFRIDUS
ME FECIT ET SOCIOS MEOS. PAULUS VOCOR 207

La première inscription avait été façonnée au moyen de filets de cire appliqués sur le modèle. Nous donnons (2) une des lettres de cette inscription, grandeur d'exécution, afin de faire comprendre le procédé employé par les fondeurs. La fonte de cette cloche était tellement pure que tous les fins linéaments de ces lettres étaient parfaitement venus et les sceaux aussi nets qu'une empreinte de cire d'Espagne.

La cloche de Moissac, de 1273, était un monument fort rare, car nous n'en connaissons pas d'aussi anciennes; le métal était sombre et assez semblable au bronze des statues grecques; le cuivre y entrait certainement pour une forte part.

Mais c'est à dater du XVe siècle surtout que l'on donna aux cloches des dimensions et un poids considérables. Le premier bourdon de la cathédrale de Paris fut fondu, en 1400, par Jean de Montaigu, frère de Gérard de Montaigu, quatre-vingt-quinzième évêque de Paris; on le nomma Jacqueline, du nom de l'épouse de Jean. Il pesait, dit-on, 15,000 livres 208. Un second bourdon fut donné à l'église de Paris en 1472; il pesait 25,000 livres. La célèbre cloche de Rouen, donnée par le cardinal d'Amboise, et fondue en 1501, pesait 36,364 livres. Elle fut fêlée en 1786 et ne fut pas refondue.

Un des plus anciens bourdons qui ait été conservé est celui de la cathédrale de Reims; il fut fondu en 1570 et pèse 23,000 livres. Il existe encore des cloches de moyenne grandeur, des XVe et XVIe siècles, dans les cathédrales d'Amiens, de Beauvais, de Sens, de Metz, de Chartres, dans l'ancienne cathédrale de Carcassonne, dans les églises de Saumanes (Vaucluse), de Notre-Dame de Bon-Secours à Orléans, de Trumilly (Oise), etc., dans les beffrois des villes de Valenciennes, de Béthune, de Compiègne.

À dater du XVIe siècle, les cloches sont décorées de filets d'ornements, de rinceaux, de fleurs de lis, d'armoiries, de petits bas-reliefs représentant le crucifiement de Notre-Seigneur, avec la sainte Vierge et saint Jean, Jésus descendu de la croix entre les bras de sa mère, de sceaux des chapitres, abbayes, églises et donateurs; il faut dire que plus on se rapproche du XVIIe siècle et moins la fonte des cloches est pure.



Les inscriptions façonnées dans les moules pour chaque cloche, pendant les XIIIe et XIVe siècles, ainsi que le démontre la fig. 2, sont faites, à partir de la fin du XVe siècle, au moyen de caractères de plomb ou de bois servant à imprimer chaque lettre sur une petite plaque de cire que l'on appliquait sur le modèle avant de faire le creux; par suite de ce procédé, les lettres se trouvent inscrites chacune dans une petite tablette plus ou moins décorée, ainsi que l'indique la fig. 3, copiée sur l'inscription de l'une des cloches de la cité de Carcassonne, fondue vers le milieu du XVIe siècle.

Nous ne pensons pas que l'usage de sonner les cloches à grande volée soit très-ancien; autrefois, on se contentait probablement de les mettre en branle de manière à ce que le battant vînt frapper le bord inférieur, ou de les tinter en attirant le battant sur le bord de la cloche. L'extrême étroitesse de beaucoup de clochers anciens ne peut permettre de sonner des cloches de dimension moyenne à grande volée; et, autant qu'on en peut juger, la disposition des plus anciens beffrois est telle qu'elle n'eût pu résister à l'action de la cloche décrivant un demi-cercle.

198198 Ce sont des feuilles d'érable des forêts.
199199 Jusqu'au XVIe siècle, l'usage s'est perpétué de peindre les clefs de voûtes et de les peindre aux armes des souverains, évêques, abbés, seigneurs, villes, etc. Dans les registres des comptes de l'oeuvre de l'église de Troyes (f° 348 à 352), on lit qu'en 1463, un certain Jacquet peint, en la clef de l'une des grandes voûtes, les armes du cardinal d'Avignon; qu'en 1494, Nicolas Cordonnier, peintre, peint la clef de la première voûte de la nef alors achevée, «où sont les armes de Mgr le grand archidiacre de Refuge;» que sur la clef de la deuxième voûte il peint les armes de la ville, puis, sur les voûtes suivantes, celles du roi et de l'évêque de Troyes; qu'enfin la clef de la cinquième voûte est dorée (voy. les Comptes de l'oeuvre de l'église de Troyes. Troyes, Bouquot, édit. 1855).
200200 T. II, chap. XII, p. 160, Paris, 1741.
201201 Voy. les Notices sur les cloches, par M. l'abbé Barraud, insérées dans le Bulletin monumental, publié par M. de Caumont, t. X, p. 93, et dans les Annal. Archéol., t. XVI, p. 325.
202202 Rational, lib. I, Cap. IV.
203203 Harmonie univers., t. II, liv. VII.
204204 Harmonie univers., t. II, liv. VII.
205205 Comptes de l'oeuvre de l'église de Troyes.
206206 Cette même année 1845, la cloche de Moissac se fêla; elle fut refondue, mais les fondeurs se gardèrent de reproduire la forme ancienne.
207207 Nous avons fait faire des estampages en plomb de ces inscriptions qui sont déposés au musée de Cluny.
208208 Presque toujours les poids des bourdons ont été exagérés, et les inscriptions qui les mentionnent sur leurs parois sont souvent fautives. Ainsi, le bourdon actuel de Notre-Dame, qui passe pour peser plus de 32,000 livres, ne pèse en réalité que 13,000 kilogrammes.