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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite)

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CIMETIÈRE, s. m. Enclos consacré dans lequel on ensevelit les morts. Il était d'usage, chez les Grecs et les Romains, de brûler les cadavres, de renfermer leurs cendres dans des urnes de marbre, de pierre ou de terre cuite, ou dans des sarcophages, et d'entourer ces restes de monuments élevés à la mémoire du défunt, ou au milieu de cavités pratiquées dans le roc. Les villes antiques, comme Syracuse, Agrigente, Athènes, Rome, sont entourées encore de nombreuses excavations ou de monuments qui servaient de dernière demeure aux morts de la cité. Les premiers chrétiens ne brûlèrent pas les cadavres. Comment l'eussent-ils pu faire? À Rome, réfugiés dans les catacombes, vastes carrières antiques, où ils célébraient leurs saints mystères; ils voulurent y déposer les restes de leurs martyrs et de leurs frères en religion morts de mort naturelle. À cet effet, ils creusèrent dans les parois de ces souterrains immenses des cavités de la grandeur d'un corps humain, et, après y avoir déposé les cadavres, ils scellaient l'ouverture soit avec une dalle de pierre ou de marbre, soit au moyen d'une simple cloison de maçonnerie. C'est ainsi que l'idée d'être enseveli près des lieux consacrés au culte prit racine chez les premiers chrétiens.

Saint Augustin dit, dans son livre: «De cura pro mortuis agenda,» qu'ensevelir un mort auprès des monuments élevés à la mémoire des martyrs, cela devient profitable à l'âme du défunt.

Lorsque les églises purent s'élever sur le sol, on voulut être enterré, sinon dans leur enceinte, ce qui n'était pas permis dans les premiers siècles, au moins le plus près possible de leurs murs, sous l'égout du toit, et ces églises furent bientôt entourées de vastes champs de repos. Mais, dans les villes populeuses, on ne tarda pas à reconnaître les inconvénients et les dangers même de cet usage. Les églises devaient grouper autour d'elles certaines dépendances nécessaires. Au milieu des cités encloses de murailles, le terrain devenait rare à mesure que la population augmentait, et il fallut renoncer à conserver ces enceintes uniquement destinées à la sépulture des morts. Vers la fin du XIIe siècle, les églises commencèrent à recevoir, sous leur pavé, les corps de leurs évêques, de leurs abbés, chanoines, puis des princes, des seigneurs et même, vers la fin du XIIIe siècle, de laïques roturiers assez riches pour obtenir cette faveur. Dans les campagnes et les petites villes, les églises conservèrent leurs cimetières autour de leurs murs. Ces cimetières contenaient habituellement, outre les tombeaux, une chapelle, une chaire à prêcher et une lanterne des morts (voyez ces mots). Quelquefois des portiques élevés le long des murs de clôture servaient de promenoirs et de lieu de sépulture réservé à des familles privilégiées. Il fallut, dans le voisinage des grandes villes, ou souvent à l'abri de leurs murs, établir des cimetières, ceux qui entouraient les églises ne suffisant plus, ou les habitations privées ayant peu à peu empiété sur les terrains sacrés. Ces cimetières, qui, le plus souvent, servaient de lieu de retraite la nuit aux malfaiteurs et aux prostituées, durent être enclos; ils devinrent alors des lieux d'asile. Pendant la guerre, les cimetières des campagnes étaient considérés par les paysans comme des enceintes inviolables; ils y déposaient leurs instruments aratoires, leurs meubles et même leurs bestiaux:

 
«Grant fu la guerre, si s'esmaient (s'inquiètent),
As cimetieres tot atraient,
Ne laissoent rien as maisons
Por robéors è por larrons 195
 

La nuit, la lanterne des morts, sorte de colonne creuse au sommet de laquelle brûlait une lampe, avertissait les étrangers que là était un champ de repos. Cette lanterne était aussi destinée à conjurer les apparitions de mauvais esprits, vampires, loups-garous qui causaient la terreur des populations du nord et de l'ouest: «Item en ung aittre, ou cimetire, estant en Escoce, estoit une biere dont par nuit yssoit une chose nommée Gargarouf, qui dévoroit et occioit quant que trouvoit. 196»

Quelques-uns de ces cimetières de grandes villes furent assez richement décorés de cloîtres, sur les murs desquels on retraça en peinture la danse macabre, la légende des trois morts et des trois vifs, les scènes de la Passion de Notre-Seigneur. Toutefois, pendant le moyen âge, les cimetières indépendants des églises furent l'exception; ils ne constituaient pas, comme en Italie, un édifice complet; ce n'était guère qu'une clôture au-dedans de laquelle les siècles accumulaient, sans ordre, les monuments privés, des portions de galeries, de petites chapelles, des croix, des ossuaires, des édicules de toutes sortes. Le cimetière monumental disposé d'une façon symétrique n'appartient qu'aux établissements religieux, et, quand il n'est pas une simple clôture, il affecte alors les dispositions des cloîtres (voy. CLOÎTRE).

CIRCONVALLATION ET CONTREVALLATION (LIGNES DE). Fossés avec ou sans remparts de terre et de palissades que les assiégeants faisaient autour d'une place investie, pour se mettre à l'abri des sorties ou des secours du dehors et enfermer complétement les assiégés (voy. ARCHITECTURE MILITAIRE, CHÂTEAU, SIÈGE).

CITERNE, s. f. Cave destinée à recueillir et conserver les eaux pluviales. Les abbayes et les châteaux du moyen âge, situés souvent sur des collines élevées, étaient dépourvus de sources naturelles; on suppléait à ce manque d'eau par des citernes creusées dans le roc ou maçonnées, dans lesquelles venaient se réunir, par des conduites, les eaux pluviales tombant sur les combles des bâtiments et sur l'aire des cours.

Le cloître de l'abbaye de Vézelay possède une belle citerne, du XIIe siècle, qui se compose de deux nefs voûtées soutenues par une rangée de petits piliers carrés.


Cette citerne n'était pas la seule que possédât l'abbaye; elles étaient toutes creusées dans le rocher et soigneusement enduites à l'intérieur. Presque toutes les citernes du moyen âge sont pourvues d'un citerneau, destiné à recevoir tout d'abord les eaux et à les rejeter, clarifiées, dans la citerne. À cet effet, le citerneau est placé à un niveau supérieur à celui du fond de la citerne, et se compose d'une auge percée de trous latéraux, ainsi que l'indique la fig. l. Le citerneau était rempli de gravier et de charbon. On tirait l'eau de la citerne par un orifice percé dans la voûte, garni d'une margelle et d'une manivelle munie de seaux. Les citernes possèdent toujours un canal de trop plein et quelquefois un canal de vidange. Nous avons remarqué que, dans les citernes du moyen âge, le canal de trop plein est placé de façon à ce que le niveau de l'eau ne dépasse pas la naissance des voûtes.

CLAVEAU, s. m. Nom que l'on donne aux pierres taillées en forme de coin qui composent un arc ou une plate-bande appareillée et qui se trouvent comprises entre le sommier et la clef. Les constructeurs du moyen âge n'ayant employé la plate-bande appareillée qu'exceptionnellement, nous nous occuperons d'abord des claveaux d'arcs. En règle générale, la coupe d'un claveau est toujours normale à la courbe de l'arc; en d'autres termes, la coupe du claveau doit être faite suivant la direction du rayon de l'arc (voy. CONSTRUCTION). Les claveaux, dans l'architecture du moyen âge, étant toujours intradossés et extradossés, sauf de très-rares exceptions, il en résulte que les claveaux d'un même arc sont tous de même forme et de même dimension, ainsi que le démontre la fig. 1. A sont les sommiers, B la clef et C les claveaux.



Pendant les premiers siècles du moyen âge, en France, on rencontre souvent des claveaux de pierre alternés dans les arcs avec des briques. C'était là un reste des traditions de la construction romaine des bas-temps. Les fenêtres de la Basse-oeuvre de Beauvais, dont la construction remonte probablement au VIIIe siècle, ont leurs arcs ainsi composés de claveaux de pierre séparés par une ou deux briques (2). On obtenait ainsi une décoration à peu de frais. Un rang de briques extradossait l'arc. Les claveaux des arcs reçoivent souvent des moulures à dater du XIIe siècle; jusqu'à cette époque, ils sont généralement taillés à vives arêtes, ou parfois en demi-cylindres (voy. ARC). Les membres de l'architecture romane à son déclin sont très-chargés d'ornements; non-seulement les chapiteaux, les frises en sont couverts, mais encore les colonnes et les archivoltes qu'elles supportent. Les ornements les plus ordinairement sculptés sur les archivoltes, pendant le XIIe siècle, sont des billettes, des dents de scie, des damiers, des besans, des zigzags, des méandres, des entrelacs, etc.

 


Ces ornements sont toujours compris dans la hauteur de chaque claveau, afin de pouvoir les sculpter avant la pose, et de les raccorder bout à bout, en formant ainsi une décoration continue. Cette règle est suivie d'une manière si absolue, que, lorsque dans un même archivolte les claveaux sont inégaux d'épaisseur, l'ornement se conforme à la dimension de chaque pierre, quitte à déranger ainsi la symétrie de la décoration.

La fig. 3 explique ce que nous disons ici.

Quelquefois, vers la fin du XIIe siècle, les claveaux des arcs moulurés sont, de deux en deux, chargés d'un ornement. Cette disposition est fréquente dans les monuments de l'Auvergne. Ainsi, les arcs ogives du porche sud de la cathédrale du Puy-en-Vélay (4), qui datent du milieu du XIIe siècle, se composent de claveaux alternativement moulurés et sculptés. La porte sud de l'église d'Ennezat, près de Riom, d'une époque plus récente (commencement du XIIIe siècle), présente, dans son archivolte, une disposition analogue (5). Dans cette province, le midi de la France, et en Bourgogne même, lorsque la nature des matériaux le permet, les claveaux des arcs sont taillés dans des pierres de deux couleurs. La construction, rendue apparente, contribuait ainsi à la décoration, sans avoir recours à la sculpture ou à la peinture appliquée.




Pendant le cours du XIIe siècle, dans le Beauvoisis et en Normandie particulièrement, les claveaux des archivoltes sont refouillés, évidés, de façon à présenter des entrelacs de zigzags, de bâtons rompus et même d'ornements sculptés. C'est dans l'architecture anglo-normande de cette époque que l'on trouve les combinaisons les plus compliquées, les évidements les plus précieux. Les deux portes latérales de la façade occidentale de la cathédrale de Rouen, dont les pieds-droits et les archivoltes datent de 1160 environ, nous fournissent un des exemples les plus riches de ces claveaux appareillés, évidés, découpés et sculptés avec une finesse et une précision rares.



Voici (6) deux rangs de ces claveaux; les uns, ceux figurés en A, présentent un rang de feuillages entrelacés complétement à jour, derrière lequel les sculpteurs ont eu la patience de ciseler des palmettes qui garnissent le fond de la gorge, ainsi que l'indique la section B. En C est tracé le fond de la gorge; en D les palmettes, et en E les feuillages ajourés compris exactement dans l'épannelage du claveau. L'autre rang de claveaux, figuré en F, présente des dessins découpés à vif sur l'épannelage; cette sorte de broderie, creusée profondément, donne la section G. Plus tard, les rinceaux de feuillages, et plus fréquemment des figures, décorent les claveaux d'archivoltes, mais en observant toujours la règle primitive, savoir: que chaque ornement ou figure doit être comprise dans un claveau. Il y a très-peu d'exceptions à cette règle. Cependant, au portail occidental de l'église abbatiale de Saint-Denis, on voit les figures des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse sculptées dans deux ou trois claveaux, et, par conséquent, taillés sur le tas après la pose.

Les claveaux de plates-bandes sont rares pendant les périodes romane et gothique; cependant force fut, dans quelques contrées où la pierre à bâtir n'était extraite qu'en petites dimensions, de faire des linteaux de porte composés de claveaux. Dans le Beauvoisis on rencontre assez fréquemment des linteaux de porte appareillés appartenant au XIIe siècle; mais les claveaux de plate-bande ne présentent jamais, à cette époque, des coupes tendant à un centre, comme dans l'architecture romaine; ils sont maintenus dans leur plan au moyen de coupes enchevêtrées, qui rendent tout glissement impossible. On voit un de ces linteaux de porte le long du flanc nord de l'église Saint-Étienne de Beauvais (7).



La difficulté résultant de la taille et de la pose de plates-bandes ainsi appareillées fit qu'au XIIIe siècle, alors que l'on extrayait des carrières des pierres d'un fort volume, on abandonna ces moyens de construction compliqués, à moins d'une nécessité absolue, comme, par exemple, pour les manteaux de cheminée; et, dans ce cas particulier, les claveaux des manteaux sont appareillés à crossettes, ou suivant des coupes tendant à un centre (voy. APPAREIL, CHEMINÉE).



Lorsqu'au XIIIe et au XIVe siècle on adopta les voûtes en arcs d'ogive, divisés en un certain nombre de moulures, boudins, filets, cavets, gorges, il arrivait quelquefois que, les sommiers étant posés tout taillés, suivant l'usage, les claveaux ne venaient pas raccorder exactement leurs membres de moulures avec ceux des sommiers, il restait des balèvres. Le boudin A des claveaux (8), par exemple, ne retombait pas exactement sur le profil du boudin B du sommier; les appareilleurs, s'apercevant de ce défaut de taille, posaient un claveau de transition C, sur les moulures duquel on réservait un petit ornement, une feuille, qui dissimulait les balèvres. Il existe un certain nombre de claveaux de contre-clefs et de sommiers possédant cet appendice dans les arcs ogives des voûtes de l'église de Saint-Nazaire de Carcassonne (commencement du XIVe siècle). Ceci est encore une preuve certaine de la taille de tous les membres de moulures avant leur pose. Parfois aussi les claveaux possèdent des membres de moulures que les appareilleurs n'avaient pas eu la précaution de réserver dans les sommiers. Alors une tête, une fleur forme comme un petit cul-de-lampe servant de naissance à ce membre supplémentaire. Ces détails sont intéressants à observer, car ils démontrent comment les constructeurs savaient dissimuler les erreurs ou irrégularités qui ne pouvaient manquer de se présenter dans les détails compliqués de l'architecture gothique, comme ils trouvaient toujours des ressources lorsqu'il s'agissait de s'affranchir des difficultés qui se présentaient dans l'ensemble aussi bien que, dans les plus minces détails de leurs constructions.

CLAVETTE, s. f. Petite clef. C'est le nom que l'on donne à une chevillette de fer plat servant à arrêter l'extrémité d'un boulon (voy. BOULON) ou les panneaux des vitraux.

Pendant le moyen âge, les vitraux formés de la réunion de verres maintenus par des plombs se posaient par panneaux entre des barres de fer garnies de pitons. Des clavettes, passant à travers ces pitons, étaient destinées à empêcher les panneaux de sortir de leur place; afin que ces clavettes pussent serrer les bords des panneaux, sans fêler les verres, contre les traverses et montants en fer, et pour pouvoir les enlever facilement en cas de réparations, on leur donnait la forme indiquée dans la fig. 1 (voy. ARMATURE, VITRAIL).



Dans la charpente, la serrurerie et la grosse menuiserie, les clavettes qui passent à travers l'extrémité des boulons sont souvent doubles à la queue; les deux pointes étant recourbées, la clavette ne pouvait plus sortir (voy. fig. 2).

CLEF, s. f. Ce mot, appliqué aux ouvrages de maçonnerie, signifie le claveau qui ferme un arc, celui qui est posé sur la ligne verticale élevée du centre de cet arc. Il n'y a de clefs que pour les arcs plein-cintres; les arcs en tiers-point, étant formés de deux segments de cercle, n'ont que des sommiers et des claveaux; la clef, dans ce cas, est remplacée par un joint.

CLEF D'ARCHIVOLTE. Les Romains, et avant eux les Étrusques, décoraient souvent la clef des archivoltes de la manière la plus riche, principalement lorsque ces archivoltes surmontaient l'entrée d'un édifice ou la maîtresse baie d'un arc de triomphe. La clef, dans ce cas, était comme un signe indiquant un passage. Chacun connaît les clefs admirablement sculptées des arcs de Trajan, de Titus, de Septime-Sévère, de Constantin à Rome. Nous voyons des clefs sculptées au-dessus des entrées principales des arènes de Nîmes, ces entrées n'ayant aucun autre signe qui les distingue des autres arcades pourtournant l'édifice. Le moyen âge ne parait pas, même dans les premiers temps, avoir continué cette tradition; ses archivoltes présentent une suite de claveaux uniformes, et le plus souvent même les constructeurs négligent de réserver la place régulière donnée à la clef; un joint la remplace.



Les archivoltes du cloître de la cathédrale du Puy-en-Vélay nous montrent, à l'extérieur, des clefs décorées de sculptures. Une partie de ce cloître date du Xe siècle, mais il fut presqu'entièrement rebâti au XIIe, et les derniers architectes conservèrent aux clefs des archivoltes ce genre de décoration probablement pour ne pas déranger l'harmonie de l'ensemble. Nous donnons ici (1) une de ces clefs représentant un animal à tête de femme. Bien que dans les arcs en tiers-point il n'y ait point de clef à proprement parler, cependant les architectes de l'époque gothique ont quelquefois terminé les archivoltes des portails d'églises par une clef, ou plutôt par deux contre-clefs prises dans une seule pierre, et sur laquelle ils ont sculpté une figure devant occuper une place d'honneur, comme le buste du Christ, par exemple, ou quelquefois, vers le XVe siècle, celui du Père Éternel.

CLEF D'ARC OGIVE. Les architectes du XIIe siècle, ayant inventé la voûte en arcs d'ogives, cherchèrent bientôt à placer un des plus beaux motifs de décoration intérieure à la rencontre des deux arcs croisés qui portent la voûte d'arête gothique. La rencontre de ces deux arcs saillants exige, au point de vue de la construction, une clef, c'est-à-dire un seul morceau de pierre venant fermer, par des coupes normales aux courbes, la rencontre des deux arcs. S'il y eut quelques tâtonnements quant à la manière de joindre ces arcs (voy. CONSTRUCTION), ils ne furent pas de longue durée; car sitôt que nous voyons les arcs ogives adoptés, apparaissent les clefs sculptées. Toutefois cette décoration ne se développe pas partout avec la même franchise; abondante et riche dans quelques provinces dès l'origine, elle est pauvre et timide dans d'autres. Quand il s'agit de la sculpture, c'est presque toujours à la Bourgogne qu'il faut d'abord avoir recours, ou plutôt à l'ordre de Cluny et à l'Île de France. En effet, la clef d'arcs ogives la plus ancienne que nous connaissions se voit dans la tribune du porche de Vézelay. Toutes les voûtes de ce porche, sauf deux, sont encore dépourvues d'arêtiers; l'une de ces deux voûtes, dont la construction remonte à 1130 environ, présente, à l'intersection des deux arcs, une belle clef richement sculptée, que nous donnons (2).



Percée au centre, pour permettre le passage d'un fil propre à suspendre un lustre, cette clef présente, sur deux côtés, entre les arêtiers, des figures de chérubins nimbés dont les yeux sont remplis d'un mastic noir figurant les prunelles. Autour du trou central se renversent des feuilles largement refouillées 197.

L'idée de suspendre des figures d'anges aux voûtes devait naturellement se présenter la première, et beaucoup de voûtes d'églises de la seconde moitié du XIIe siècle étaient décorées de cette façon. Mais il en existe peu aujourd'hui qui datent de cette époque reculée, les XIIIe et XIVe siècles ayant reconstruit une grande quantité de voûtes par suite d'incendies ou de vices dans ces constructions primitives, exécutées souvent par des architectes qui tâtonnaient. On peut admettre, si l'on examine les quelques exemples existant encore de nos jours, que les artistes du XIIe siècle avaient prodigué la sculpture dans les voûtes, genre de décoration qui fut abandonné par les maîtres des XIIIe et XIVe siècles.

 

Non-seulement, vers 1160, les architectes sculptent les clefs, mais les arcs ogives eux-mêmes, et souvent ils font tailler des statues dans leurs sommiers, au-dessus des chapiteaux (voy. SOMMIER). Après l'exemple de clef représenté dans la fig. 2, l'un des plus anciens et des plus remarquables est certainement la collection de clefs d'arcs ogives que l'on voit encore dans l'église Notre-Dame d'Étampes. Trois de ces voûtes sont décorées à la rencontre des arcs diagonaux, l'une de figures de rois représentés à mi-corps, issant du sommet des angles formés par l'intersection de ces arcs, et les deux autres de huit figures d'anges assis, quatre sur les arêtiers les ailes abaissées, et quatre dans les angles les ailes éployées.



Nous donnons (3) l'une de ces clefs magnifiques, bien qu'à proprement parler les anges ne fassent pas partie de la clef, ceux sculptés sur les arêtiers tenant aux contre-clefs, et ceux des remplissages étant rapportés dans les rangs de moellons supérieurs. Les ailes de ceux-ci sont accrochées à la voûte par des crampons. Autrefois ces figures étaient peintes, aujourd'hui un badigeon jaunâtre les couvre ainsi que le reste de la voûte.

Nous voyons de belles clefs sculptées, datant de la fin du XIIe siècle, dans les voûtes de la cathédrale de Laon, et ici les figures ne sont pas rapportées, comme à Étampes, autour de la clef, mais tiennent à cette pièce principale de la voûte. À la rencontre des huit arcs ogives portant la voûte absidale de la chapelle du transsept nord de cette église est une clef représentant un ange tenant un phylactère au milieu d'une couronne de feuillages. La tête et les ailes de l'ange se présentent, vers l'entrée de la chapelle, dans l'angle le plus ouvert réservé entre ces arcs, et remplissent ainsi d'une façon gracieuse le vide produit par la rencontre des deux premières nervures.



Voici (4) cette clef finement sculptée, et qui, suivant l'usage alors adopté, était peinte de diverses couleurs. À cette époque déjà, cependant, on ne sculptait pas seulement sur les clefs de voûtes des figures sacrées, on tentait parfois de les décorer par des feuillages agencés avec élégance. La voûte de la chapelle supérieure du transsept sud de la cathédrale de Laon nous présente une de ces clefs entourée de feuilles finement sculptées et peintes; du côté de l'angle le plus ouvert, comme dans l'exemple précédent, les feuillages s'échappent de la rosace centrale, s'entrelacent et viennent garnir la rencontre des deux premiers arcs. Nous donnons (5) cette jolie clef.



Mais ces deux derniers exemples appartiennent à des voûtes de petite dimension. En construisant les voûtes en arcs ogives, les architectes de la seconde moitié du XIIe siècle avaient reconnu qu'il était d'une grande importance, pour la solidité de ces voûtes, que les clefs eussent une certaine force de pression, et, par conséquent, un poids considérable relativement aux claveaux. Aussi, partant de ce principe, ils donnèrent un volume extraordinaire aux clefs, les renforcèrent de puissantes saillies, et, pour dissimuler la lourdeur apparente de ces gros morceaux de pierre suspendus au point culminant des voûtes, ils les couvrirent de sculptures savamment combinées en raison de leur place élevée et de l'effet qu'elles devaient produire.

La grande voûte absidale de l'église abbatiale de Saint-Germer en Beauvoisis nous montre une de ces clefs volumineuses. Les arêtiers de cette voûte absidale viennent se rencontrer au sommet d'un arc doubleau, disposition assez vicieuse qui ne se rencontre guère que dans les monuments gothiques primitifs; la clef n'est qu'une demi-clef buttant contre la pointe de l'arc doubleau; elle est d'une dimension considérable; les arêtiers sont couverts de sculptures dans tout leur développement, et les angles rentrants laissés entre eux sont renforcés et ornés d'une croix, de figures de dragons et de basilics (6).



Dès la fin du XIIe siècle, les clefs des voûtes absidales ou des chapelles ne représentent pas seulement, sculptés sur leur face intérieure, des personnages sacrés, tels que le Christ bénissant, le Christ entouré d'anges, la Vierge, l'Agneau, les signes des évangélistes, comme dans la chapelle terminale de la grand'salle de l'Hôtel-Dieu de Chartres; des saints, des martyrs; mais aussi parfois des évêques ou abbés fondateurs, des sujets, comme, par exemple, les signes du zodiaque, des animaux tirés des bestiaires, etc. Dans la voûte de la chapelle absidale de l'église abbatiale de Vézelay, dont la construction remonte aux dernières années du XIIe siècle, on voit une fort belle clef sculptée représentant le signe du Verseau sous la forme d'un jeune homme à peine vêtu, tenant un long vase d'où s'échappe de l'eau, et entouré d'enroulements.



Nous donnons une copie de cette clef (7). On observera qu'ici la clef n'est qu'un ornement détaché des arcs de la voûte; cette clef n'a pas de fond et les arcs passent et se pénètrent derrière elle. C'est là un des caractères particuliers aux clefs riches de la fin du XIIe siècle. Lorsqu'on examine les clefs de voûtes de cette époque, il est facile de reconnaître que les architectes confiaient ces parties de la décoration intérieure aux sculpteurs les plus habiles. Quelle que soit la hauteur à laquelle sont placées les clefs de voûtes des XIIe et XIIIe siècles, elles sont toujours composées avec une élégance et exécutées avec un soin qui indiquent l'importance que l'on attachait à ces pièces de sculpture. Mais il faut dire que les artistes du XIIe siècle ne se rendaient pas toujours un compte bien exact de l'effet qu'elles devaient produire à de grandes hauteurs, et certaines clefs qui, vues de près, sont de véritables chefs-d'oeuvre, ne produisent que peu ou point d'effet, à cause de la distance qui les sépare de l'oeil du spectateur; les sculpteurs du XIIIe siècle, sous ce rapport, comprirent beaucoup mieux que ceux du XIIe le parti que l'on pouvait tirer de ces rosaces posées à la rencontre des arcs.

Mais, avant de présenter des exemples de ces clefs du XIIIe siècle, il est nécessaire que nous parlions des clefs des voûtes secondaires. Généralement celles-ci, pendant la seconde moitié du XIIe; siècle, sont petites et très-simples; parfois même elles disparaissent, et les arcs ogives se croisent sans être renforcés de cet appendice décoratif.



À Paris, à Saint-Denis en France, à Noyon, à Senlis, à Saint-Étienne de Beauvais, nous voyons les arcs ogives des voûtes percés à la clef d'un trou entouré d'une maigre rosace. Il est arrivé, comme dans cette dernière église (8), que les appareilleurs n'ont su comment faire pénétrer les deux arcs croisés. Ici la rosace décorative ne couvrant pas l'intersection des arcs, leurs doubles boudins se rétrécissent en se réunissant à la clef. À la cathédrale de Senlis, les arcs ogives des voûtes des bas-côtés n'étant composés que d'un seul boudin, la petitesse de la rosace formant décoration à la clef couvre à peine l'intersection de ces boudins. Voici (9) une de ces clefs. Quelquefois, comme dans les voûtes des bas-côtés de l'église de la Madeleine de Châteaudun, l'ornement de la clef ne se compose que d'un entrelac couvrant la rencontre des boudins (10).

Dans la partie de la cathédrale de Paris construite par Maurice de Sully (1170 environ), les clefs des arcs ogives ne présentent que des rosaces peu saillantes ne débordant pas l'intersection des arcs ogives, et leur décoration ne consiste qu'en des plateaux dans lesquels sont sculptées des croix grecques pattées. Mais les grandes voûtes de cette église, comme la plupart de celles de toutes les églises françaises de cette époque, se composent de deux arcs ogives et d'un arc doubleau se rencontrant à la clef.



Dans ce cas particulier (11), il reste en A et B deux espaces libres que le sculpteur remplit par des têtes humaines se dressant le long des profils. La clef sculptée à la réunion des nervures de la voûte absidale de la cathédrale de Paris consiste simplement en une croix grecque pattée, avec une tête dans l'espace opposé à la rencontre des nervures rayonnantes.



Nous donnons (12) un dessin de cette clef qui fait bien voir quelle était l'utilité de ces têtes de remplissage: elles donnaient de la force à la clef au point où un évidement considérable eût pu occasionner une brisure, et reliaient les deux branches les plus ouvertes des arcs ogives. L'ornementation des monuments gothiques trouve toujours son origine dans un besoin de la construction; nous sommes trop disposés à ne voir dans la sculpture de ces édifices qu'une fantaisie d'artiste, tandis qu'elle n'est souvent que le résultat d'un raisonnement.

Au XIIIe siècle, la sculpture des clefs se compose le plus habituellement de feuillages admirablement agencés, sans confusion, et d'une dimension en rapport avec la grandeur des voûtes. La nef de Notre-Dame de Paris, dont les voûtes ont été élevées vers 1225, possède des clefs disposées comme celles du choeur, mais d'une composition beaucoup plus belle et savante. Celles du réfectoire de l'abbaye de Saint-Martin-des-Champs, à Paris, qui datent de la même époque, sont remarquablement belles. Les arcs ogives se croisant à angle droit sans arcs doubleaux, il n'était pas nécessaire de réserver là des têtes saillantes dans les angles rentrants; ces clefs se composent d'une simple rosace feuillue. Nous donnons l'une d'elles (13).

195195 Le Roman de Rou, vers 15,978 et suiv.
196196 Voy. la Préf. des Chron. de Normandie, par Francisque Michel, p. xlij.
197197 Cette clef, qui était brisée en plusieurs morceaux, a dû être remplacée par mesure de solidité; mais elle a été scrupuleusement reproduite, et les fragments de l'ancienne clef sont déposés dans le musée de l'église.