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La race future

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XX

À partir de l'expédition que je viens de raconter, Taë me fit de fréquentes visites. Il s'était pris d'affection pour moi et je le lui rendais cordialement. Comme il n'avait pas encore douze ans et qu'il n'avait pas commencé le cours d'études scientifiques par lequel l'enfance se termine chez ce peuple, mon intelligence était moins inférieure à la sienne qu'à celle des membres plus âgés de sa race, surtout des Gy-ei, et, par-dessus tout, à celle de l'admirable Zee. Chez les Vril-ya, les enfants, sur l'esprit desquels pèsent tant de devoirs actifs et de graves responsabilités, ne sont pas très gais; mais Taë, avec toute sa sagesse, avait beaucoup de cette bonne humeur et de cette gaieté qui distinguent souvent des hommes de génie dans un âge assez avancé. Il trouvait dans ma société le même plaisir qu'un enfant du même âge, dans notre monde, éprouve dans la compagnie d'un chien favori ou d'un singe. Il s'amusait à m'apprendre les habitudes de son pays, comme certain neveu que j'ai s'amuse à faire marcher son caniche sur ses pattes de derrière ou à le faire sauter dans un cerceau. Je me prêtais avec complaisance à ces expériences, mais je ne réussis jamais aussi bien que le caniche. J'avais grande envie d'apprendre à me servir des ailes dont les plus jeunes Vril-ya se servent avec autant d'adresse et de facilité que nous de nos bras ou de nos jambes, mais mes essais furent suivis de contusions assez graves pour me faire renoncer à ce projet.

Ces ailes, comme je l'ai déjà dit, sont très grandes, tombent jusqu'aux genoux et, au repos, elles sont rejetées en arrière de façon à former un manteau fort gracieux. Elles sont faites des plumes d'un oiseau gigantesque qui est commun dans les rochers de ce pays; ces plumes sont blanches, quelquefois rayées de rouge. Les ailes sont attachées aux épaules par des ressorts d'acier légers mais solides; quand elles sont étendues, les bras glissent dans des coulisses pratiquées à cet effet et formant comme une forte membrane centrale. Quand les bras se lèvent, une doublure tubulaire de la veste ou de la tunique s'enfle par des moyens mécaniques, se remplit d'air, qu'on peut augmenter ou diminuer par le mouvement des bras, et sert à soutenir tout le corps comme sur des vessies. Les ailes et l'appareil, assez semblable à un ballon, sont fortement chargés de vril, et quand le corps flotte, il semble avoir beaucoup perdu de son poids. Je trouvai toujours facile de m'élancer du sol; même quand les ailes étaient étendues, il était difficile de ne pas s'élever; mais c'était là que commençaient la difficulté et le danger. J'étais tout à fait impuissant à me servir de mes ailes, quoique sur terre on me regarde comme un homme singulièrement alerte et adroit aux exercices du corps et que je sois excellent nageur. Je ne pouvais faire que des efforts confus et maladroits. J'obéissais à mes ailes au lieu de leur commander, et quand, par un violent effort musculaire, et, je dois le dire franchement, avec cette force que donne une excessive frayeur, j'arrêtais leur mouvement et les ramenais contre mon corps, il me semblait que ni les ailes ni les vessies n'avaient plus la force de me soutenir, comme quand on laisse échapper l'air d'un ballon, et je tombais précipité à terre. Quelques mouvements spasmodiques me préservaient d'être mis en pièces, mais ne me sauvaient pas des contusions ni de l'étourdissement d'une lourde chute. J'aurais cependant persévéré dans mes tentatives, sans les avis et les ordres de la savante Zee, qui avait eu l'obligeance d'assister à mes essais et qui, la dernière fois, en volant au-dessous de moi, me reçut dans ma chute sur ses grandes ailes étendues et m'empêcha de me briser la tête sur le toit de la pyramide d'où j'avais pris mon vol.

–Je vois,—dit-elle,—que vos tentatives sont vaines, non par la faute des ailes et du reste de l'appareil, ni par suite d'aucune imperfection ou d'aucune mauvaise conformation de votre corps, mais à cause de la faiblesse naturelle et par suite irrémédiable de votre volonté. Sachez que l'empire de la volonté sur les effets de ce fluide que les Vril-ya ont maîtrisé ne fut jamais atteint par ceux qui le découvrirent, ni par une seule génération; il s'est accru peu à peu comme les autres facultés de notre race, en se transmettant des pères aux enfants, de sorte qu'il est devenu comme un instinct. Un petit enfant, chez nous, vole aussi naturellement et aussi spontanément qu'il marche. Il se sert de ses ailes artificielles avec autant de sécurité qu'un oiseau se sert de ses ailes naturelles. Je n'avais pas assez pensé à cela quand je vous ai permis de tenter une expérience qui me séduisait, car je désirais vous avoir comme compagnon. J'abandonne maintenant ces essais. Votre vie me devient chère.

Ici la voix et le visage de la jeune Gy s'adoucirent et je me sentis plus alarmé que je ne l'avais été dans mes tentatives aériennes.

Pendant que je parle des ailes, je ne dois pas omettre de rapporter une coutume des Gy-ei, qui me paraît charmante et qui indique bien la tendresse de leurs sentiments. Tant qu'elle est jeune fille, la Gy porte des ailes, elle se joint aux Ana dans leurs jeux aériens, elle s'aventure seule dans les régions éloignées du monde souterrain: par la hardiesse et la hauteur de son vol elle l'emporte sur les Ana, aussi bien que par la grâce de ses mouvements. Mais à partir du jour du mariage, elle ne porte plus d'ailes, elle les suspend de ses propres mains au-dessus de la couche nuptiale, pour ne les reprendre que si les liens du mariage sont rompus par la mort ou le divorce.

Quand les yeux et la voix de Zee s'adoucirent ainsi, et à cette vue j'éprouvai je ne sais quel pressentiment qui me fit frissonner, Taë, qui nous accompagnait dans notre vol et qui, comme un enfant, s'était amusé de ma maladresse, plus qu'il n'avait été touché de mes frayeurs et du danger que je courais, se balançait au-dessus de nous sur ses ailes étendues et planait immobile et calme dans l'atmosphère toujours lumineuse; il entendit les tendres paroles de Zee, se mit à rire tout haut, et s'écria:—

–Si le Tish ne peut apprendre à se servir de ses ailes, tu pourras encore être sa compagne, Zee; tu suspendras les tiennes.

XXI

J'avais depuis longtemps remarqué chez la savante et forte fille de mon hôte ce sentiment de tendre protection que, sur terre comme sous terre, le Tout-Puissant a mis au cœur de la femme. Mais jusqu'à ce moment je l'avais attribué à cette affection pour les jouets favoris que les femmes de tout âge partagent avec les enfants. Je m'aperçus alors avec peine que le sentiment avec lequel Zee daignait me regarder était bien différent de celui que j'inspirais à Taë. Mais cette découverte ne me donna aucune des sensations de plaisir qui chatouillent la vanité de l'homme quand il s'aperçoit de l'opinion flatteuse que le beau sexe a de lui; elle ne me fit éprouver au contraire que la peur. Cependant de toutes les Gy-ei de la tribu, si Zee était la plus savante et la plus forte, c'était aussi, sans contredit, la plus douce et la plus aimée. Le désir d'aider, de secourir, de protéger, de soulager, de rendre heureux semblait remplir tout son être. Quoique les misères diverses qui naissent de la pauvreté et du crime soient inconnues dans le système social des Vril-ya, toutefois aucun savant n'a encore découvert dans le vril une puissance qui pût bannir le chagrin de la vie. Or, partout où le chagrin se montrait, on était sûr de trouver Zee dans son rôle de consolatrice. Une Gy ne pouvait-elle s'assurer l'amour de l'An pour lequel elle soupirait? Zee allait la trouver et employait toutes les ressources de sa science, tous les charmes de sa sympathie, à soulager cette douleur qui a tant besoin de s'épancher en confidences. Dans les rares occasions où une maladie grave attaquait l'enfance ou la jeunesse, et dans les cas, moins rares, où les rudes et aventureuses occupations des enfants causaient quelque accident douloureux ou quelque blessure, Zee abandonnait ses études ou ses jeux pour se faire médecin et garde-malade. Elle prenait pour but habituel de ses promenades aériennes les frontières où des enfants montaient la garde pour surveiller les explosions des forces hostiles de la nature et repousser l'invasion des animaux féroces, de façon à pouvoir les prévenir des dangers que sa science devinait ou prévoyait, ou les secourir si quelque mal les atteignait. Ses études mêmes étaient dirigées par le désir et la volonté de faire le bien. Était-elle informée de quelque nouvelle invention dont la connaissance pût être utile à ceux qui exerçaient un art ou un métier? Elle s'empressait de la leur communiquer et de la leur expliquer. Quelque vieillard du Collège des Sages était-il embarrassé et fatigué d'une recherche pénible? Elle se consacrait patiemment à l'aider, s'occupait pour lui des détails, l'encourageait par un sourire plein d'espérance, l'excitait par ses idées lumineuses; elle devenait en un mot pour lui un bon génie visible qui donnait la force et l'inspiration. Elle montrait la même tendresse pour les créatures inférieures. Je l'ai souvent vue rapporter chez elle des animaux malades ou blessés et les soigner comme un père pourrait soigner un enfant. Plus d'une fois assis sur le balcon, ou jardin suspendu, sur lequel s'ouvrait ma fenêtre, je l'ai vue s'élever dans l'air sur ses ailes brillantes. Tout à coup des groupes d'enfants qui l'apercevaient au-dessus d'eux s'élançaient vers elle en la saluant de cris joyeux, se groupaient et jouaient autour d'elle, l'entourant comme d'un cercle de joie innocente. Quand je me promenais avec elle dans les rochers et les vallées de la campagne, les élans la sentaient ou la voyaient de loin, ils venaient la rejoindre en bondissant et en demandant une caresse de sa main, et ils la suivaient jusqu'à ce qu'elle les renvoyât par un léger murmure musical qu'elle les avait habitués à comprendre. Il est de mode parmi les jeunes Gy-ei de porter sur la tête un cercle ou diadème, garni de pierres semblables à des opales qui forment quatre pointes ou rayons en formes d'étoiles. Les pierres sont ordinairement sans éclat, mais si on les touche avec la baguette du vril elles jettent une flamme brillante qui voltige et qui éclaire sans brûler. Cette couronne leur sert d'ornement dans les fêtes, et de lampe quand elles voyagent au delà des régions artificiellement éclairées et se trouvent dans l'obscurité. Parfois, quand je voyais la figure pensive et majestueuse de Zee illuminée par l'auréole de ce diadème, je ne pouvais croire qu'elle fût une créature mortelle et je courbais mon front, comme devant une apparition céleste. Mais jamais mon cœur n'éprouva pour ce type superbe de la plus noble beauté féminine le moindre sentiment d'amour humain. Peut-être cela vient-il de ce que dans notre race l'orgueil de l'homme domine assez ses passions pour que la femme perde à ses yeux tous ses charmes de femme dès qu'il la sent de tous points supérieure à lui-même. Mais par quelle étrange fascination cette fille incomparable d'une race qui, dans sa puissance et sa félicité, mettait toutes les autres races au rang des barbares, avait-elle daigné m'honorer de sa préférence? Je passais parmi les miens pour avoir bonne mine, mais les plus beaux hommes de ma race auraient paru insignifiants à côté du type de beauté sereine et grandiose qui caractérise les Vril-ya.

 

Il est probable que la nouveauté, la différence même qui existait entre moi et les hommes qu'elle était habituée à voir avaient tourné vers moi les pensées de Zee. Le lecteur verra plus loin que cette cause pouvait suffire à expliquer la prédilection que me témoigna une autre Gy, à peine sortie de l'enfance et à tous égards inférieure à Zee. Mais tous ceux qui réfléchiront à la tendresse de caractère de la fille d'Aph-Lin comprendront que la principale source de l'attrait qu'elle ressentait pour moi était son désir instinctif de secourir, de soulager, de protéger les faibles et, par sa protection, de les soutenir et de les élever. Aussi, quand je regarde en arrière, est-ce ainsi que je m'explique cette unique faiblesse, indigne de son grand cœur et qui abaissa la fille des Vril-ya jusqu'à ressentir une affection de femme pour un être aussi inférieur à elle-même que l'était l'hôte de son père. Quoi qu'il en soit, la pensée que j'avais inspiré une pareille affection me remplissait de terreur. J'étais effrayé de ses perfections mêmes, de son pouvoir mystérieux et des ineffaçables différences qui séparaient sa race de la mienne. À cette terreur se mêlait, je dois le confesser, la crainte, plus matérielle et plus vile des périls auxquels devait m'exposer la préférence qu'elle m'accordait.

Pouvait-on supposer un instant que les parents et la famille de cet être supérieur vissent sans indignation et sans dégoût la possibilité d'une union entre elle et un Tish? Ils ne pouvaient ni la punir, elle, ni l'enfermer, ni l'empêcher d'agir. Dans la vie domestique, pas plus que dans la vie politique, ils n'admettent l'emploi de la force. Mais ils pouvaient guérir sa folie par un éclair de vril à mon adresse.

Dans ce péril, heureusement, ma conscience et mon honneur ne me reprochaient rien. Mon devoir, si la préférence de Zee continuait à se manifester, devenait bien clair. Il me fallait avertir mon hôte, avec toute la délicatesse qu'un homme bien élevé doit montrer quand il confie à un autre la moindre faveur dont une femme a daigné l'honorer. Je serais ainsi délivré de toute responsabilité; l'on ne pourrait me soupçonner d'avoir volontairement contribué à faire naître les sentiments de Zee: la sagesse de mon hôte lui suggérerait sans doute un moyen de me tirer de ce pas difficile. En prenant cette résolution j'obéissais à l'instinct ordinaire des hommes honnêtes et civilisés, qui, tout capables d'erreur qu'ils soient, préfèrent le droit chemin toutes les fois qu'il est évidemment contre leur goût, leur intérêt et leur sécurité de prendre le mauvais.

XXII

Comme on a pu le voir, Aph-Lin n'avait pas essayé de me mettre en rapports fréquents et libres avec ses compatriotes. Tout en comptant sur ma promesse de ne rien révéler du monde que j'avais quitté, et encore plus sur celle des gens auxquels il avait recommandé de ne pas me questionner, comme Zee l'avait fait pour Taë, cependant il n'était pas assuré, que si l'on me laissait communiquer avec des personnes que mon aspect surprendrait, j'eusse la force de résister à leurs questions. Quand je sortais, je n'étais donc jamais seul; j'étais accompagné par un des membres de la famille de mon hôte ou par mon jeune ami Taë. Bra, la femme d'Aph-Lin, sortait rarement au delà des jardins qui entouraient la maison; elle aimait à lire les œuvres de la littérature ancienne, où étaient racontées quelques aventures romanesques qu'on ne trouvait pas dans les livres modernes, ainsi que la peinture d'existences extraordinaires à ses yeux et intéressantes pour son imagination. Cette peinture, qui ressemblait assez à notre vie sur la terre avec nos douleurs, nos fautes, nos passions, lui faisait le même effet qu'à nous les Contes de Fées ou les Mille et une Nuits. Mais son amour de la lecture n'empêchait pas Bra de s'acquitter de ses devoirs de maîtresse de maison dans l'intérieur le plus riche de toute la ville. Elle faisait chaque jour la ronde dans toutes les chambres, afin de voir si les automates et les autres machines étaient en bon ordre; si les nombreux enfants qu'Aph-Lin employait, soit à son service particulier, soit à un service public, recevaient les soins qui leur étaient dus. Bra s'occupait aussi des comptes de toute la propriété, et son grand plaisir était d'aider son mari dans les affaires qui se rapportaient à son office de grand administrateur du Département des Lumières. Toutes ces occupations la retenaient beaucoup chez elle. Les deux fils achevaient leur éducation au Collège des Sages. L'aîné, qui avait une vive passion pour la mécanique, surtout en ce qui touchait les horloges et les automates, s'était décidé en faveur de cette profession et travaillait, en ce moment, à construire une boutique ou un magasin où il pût exposer et vendre ses inventions. Le plus jeune préférait l'agriculture et les travaux de la campagne, et, quand il ne suivait pas les cours du Collège, où il étudiait surtout les théories agricoles, il se consacrait aux applications pratiques qu'il en faisait sur le domaine paternel. On voit par là combien l'égalité des rangs est complètement établie chez ce peuple. Un boutiquier jouit exactement de la même considération qu'un grand propriétaire foncier. Aph-Lin était le membre le plus riche de la communauté; son fils aîné préférait le commerce à toute autre profession, et ce choix ne passait nullement pour dénoter un manque d'élévation dans les idées. Il avait examiné ma montre avec un grand intérêt; le travail en était nouveau pour lui; et il fut enchanté quand je lui en fis cadeau. Peu de temps après, il me rendit mon présent avec intérêts en m'offrant une montre qui était son œuvre et qui marquait à la fois les heures qu'indiquait la mienne et les divisions du temps en usage chez les Vril-ya. J'ai encore cette montre qui a été fort admirée des meilleurs horlogers de Londres et de Paris. Elle est en or, les chiffres et les aiguilles en diamants, et elle joue en sonnant les heures un air favori des Vril-ya. Elle n'a besoin d'être remontée que tous les dix mois et elle ne s'est jamais dérangée depuis que je l'ai. Ces deux frères étant ainsi occupés, mes compagnons ordinaires, quand je sortais, étaient mon hôte ou sa fille. Pour exécuter l'honorable dessein que j'avais formé, je commençai à m'excuser quand Zee m'invita à sortir seul avec elle, et je saisis une occasion où la savante jeune fille faisait une conférence au Collège des Sages pour demander à Aph-Lin de me conduire à sa maison de campagne. Cette maison était à quelque distance de la ville et, comme Aph-Lin n'aimait pas à marcher et que j'avais renoncé à voler, nous nous dirigeâmes vers notre destination dans un bateau aérien appartenant à mon hôte. Un enfant de huit ans à son service nous conduisit. Nous étions couchés, mon hôte et moi, sur des coussins et je trouvai ce mode de locomotion très doux et très confortable.

–Aph-Lin,—dis-je,—j'espère ne pas vous déplaire, si je vous demande la permission de voyager pendant quelque temps et de visiter d'autres tribus de votre illustre race. J'ai aussi un vif désir de voir ces nations qui n'adoptent pas vos coutumes et que vous considérez comme sauvages. Je serais très content de voir en quoi elles peuvent différer des races que nous regardons comme civilisées dans notre monde.

–Il est tout à fait impossible que vous fassiez seul un pareil voyage,—me dit Aph-Lin.—Même parmi les Vril-ya vous seriez exposé à de grands dangers. Certaines particularités de forme et de couleur et le phénomène extraordinaire des touffes de poils hérissés qui vous couvrent les joues, vous faisant reconnaître comme étranger à notre race et à toutes les races barbares connues jusqu'ici, attireraient l'attention du Collège des Sages dans toutes les tribus de Vril-ya et il dépendrait du caractère personnel de l'un des sages que vous fussiez reçu d'une façon aussi hospitalière que parmi nous ou disséqué séance tenante dans l'intérêt de la science. Sachez que quand le Tur vous a amené chez lui et pendant que Taë vous faisait dormir pour vous guérir de vos douleurs et de vos fatigues, les Sages appelés par le Tur étaient partagés sur la question de savoir si vous étiez un animal inoffensif ou malfaisant. Pendant votre sommeil, on a examiné vos dents, et elles ont montré clairement que vous n'étiez pas seulement herbivore, mais carnassier. Les animaux carnassiers de votre taille sont toujours détruits comme naturellement dangereux et sauvages. Nos dents, comme vous l'avez sans doute observé9, ne sont pas celles des animaux qui déchirent la chair. Certains philosophes et Zee avec eux soutiennent, il est vrai, que, dans les siècles passés, les Ana faisaient leur proie des animaux et qu'alors leurs dents étaient faites pour cet usage. Mais s'il en est ainsi elles se sont transformées par l'hérédité et se sont adaptées au genre de nourriture dont nous nous contentons aujourd'hui. Les barbares même, qui adoptent les institutions turbulentes et féroces du Glek-Nas, ne dévorent pas la chair comme des bêtes sauvages. Dans le cours de cette discussion, on proposa de vous disséquer; mais Taë vous réclama et le Tur, étant par ses fonctions l'ennemi de toute nouvelle expérience, qui déroge à notre habitude de ne tuer que quand cela est indispensable au bonheur de la communauté, m'envoya chercher, car mon rôle, comme l'homme le plus riche du pays, est d'offrir l'hospitalité aux étrangers venus d'un pays éloigné. On me laissa le soin de décider si vous étiez un étranger que je pusse admettre ou non avec sécurité dans ma maison. Si j'avais refusé de vous recevoir, on vous aurait remis au Collège des Sages, et je n'aime pas à penser à ce qui aurait pu vous arriver en pareil cas. Outre ce danger, vous pourriez rencontrer un enfant de quatre ans, entré récemment en possession de sa baguette de vril et qui, dans la frayeur que lui causerait l'étrangeté de votre aspect, pourrait vous réduire en une pincée de cendres. Taë lui-même fut sur le point d'en faire autant quand il vous vit pour la première fois; mais son père arrêta sa main. Je dis en conséquence que vous ne pouvez voyager seul; mais avec Zee vous seriez en sûreté, et je ne doute pas qu'elle veuille bien vous accompagner dans un voyage chez les tribus voisines des Vril-ya.... pour les sauvages, non! Je le lui demanderai.

Comme mon but principal était d'échapper à Zee, je m'écriai aussitôt:—

–Non, je vous en prie, n'en faites rien! Je renonce à mon projet. Vous en avez dit assez sur les dangers que je pouvais courir pour m'arrêter; et je ne puis m'empêcher de penser qu'il n'est pas convenable pour une jeune Gy douée d'autant d'attraits que votre fille de voyager en un pays étranger avec un aussi faible protecteur qu'un Tish de ma force et de ma taille.

Avant de me répondre, Aph-Lin laissa entendre le son doux et sifflant qui est le seul rire que se permette un An d'âge mûr.

–Pardonnez-moi la gaieté peu polie, mais momentanée, que m'inspire une observation faite sérieusement par mon hôte. Je n'ai pu m'empêcher de rire à l'idée de Zee, qui aime tant à protéger que les enfants la surnomment la Gardienne, ayant besoin d'un protecteur contre les dangers résultant de l'admiration audacieuse des hommes. Sachez que nos Gy-ei, tant qu'elles ne sont pas mariées, voyagent seules au milieu des autres tribus, pour voir si elles trouveront un An qui leur plaise mieux que ceux de leur propre tribu. Zee a déjà fait trois voyages semblables, mais jusqu'ici son cœur est resté libre.

 

L'occasion que je cherchais s'offrait à moi, et je dis en baissant les yeux et d'une voix tremblante:—

–Voulez-vous, mon cher hôte, me promettre de me pardonner, si je dis quelque chose qui puisse vous offenser?

–Dites la vérité, et je ne pourrai être offensé; ou, si je le suis, ce sera à vous et non à moi de pardonner.

–Eh bien! alors, aidez-moi à vous quitter. Malgré le plaisir que j'aurais eu à voir toutes vos merveilles, à jouir du bonheur qui appartient à votre pays, laissez-moi retourner dans le mien.

–Je crains qu'il n'y ait de graves raisons qui m'en empêchent; dans tous les cas, je ne puis rien faire sans la permission du Tur et il ne me l'accordera probablement pas. Vous ne manquez pas d'intelligence; vous pouvez, bien que je ne le pense pas, nous avoir caché la puissance destructive à laquelle est arrivé votre peuple; bref, vous pouvez nous causer quelque danger; et, si le Tur est de cet avis, son devoir serait de vous supprimer, ou de vous enfermer dans une cage pour le reste de vos jours. Mais pourquoi désirer quitter un peuple que vous avez la politesse de déclarer plus heureux que le vôtre?

–Oh! Aph-Lin, ma réponse est simple. De peur que, sans le vouloir, je trahisse votre hospitalité; de peur que, par un de ces caprices que dans notre monde on attribue proverbialement à l'autre sexe et dont une Gy elle-même n'est pas exempte, votre adorable fille daigne me regarder quoique Tish, comme si j'étais un An civilisé, et.... et.... et....

–Vous faire la cour pour vous épouser,—ajouta Aph-Lin gravement et sans le moindre signe de déplaisir ou de surprise.

–Vous l'avez dit.

–Ce serait un malheur,—répondit mon hôte après un instant de silence,—et je sens que vous avez bien agi en m'avertissant. Comme vous le dites, il n'est pas rare qu'une jeune Gy montre un goût que les autres trouvent étrange; mais il n'existe pas de moyen de forcer une Gy à changer ses résolutions. Tout ce que nous pouvons faire, c'est d'employer le raisonnement, et l'expérience nous prouve que le Collège entier des Sages essaierait en vain de raisonner avec une Gy en matière d'amour. Je suis désolé pour vous, parce qu'un tel mariage serait contre l'A-glauran, ou bien de la communauté, car les enfants qui en naîtraient altéreraient la race; ils pourraient même venir au monde avec des dents de carnassiers; on ne peut permettre une chose pareille: on ne peut rien contre Zee; mais vous, comme Tish, on peut vous détruire. Je vous conseille donc de résister à ses sollicitations; de lui dire clairement que vous ne pouvez répondre à son amour. Cela arrive très souvent. Plus d'un An, ardemment aimé d'une Gy, la repousse et met fin à ses persécutions en en épousant une autre. Vous pouvez en faire autant.

–Non, puisque je ne puis épouser une autre Gy, sans mettre en danger le bien de la communauté et l'exposer au péril d'élever des enfants carnivores.

–C'est vrai. Tout ce que je puis dire, et je le dis avec tout l'intérêt dû à un Tish et le respect dû à un hôte, mais je le dis franchement, c'est que si vous cédez, vous serez réduit en cendres. Je vous laisse le soin de trouver le meilleur moyen de vous défendre. Vous feriez peut-être bien de dire à Zee qu'elle est laide. Cette assurance, venant de la bouche de l'An qu'elle aime, suffit d'ordinaire à refroidir la Gy la plus ardente. Nous voici arrivés à ma maison de campagne.

9Je ne l'avais jamais observé; et, l'eussé-je fait, je ne suis pas assez physiologiste pour avoir remarqué la différence.