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Victor, ou L'enfant de la forêt

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CHAPITRE II.
UN NOUVEL ACTEUR VIENT ENRICHIR LA SCÈNE

Victor avait marché pendant plusieurs heures, et commençait à se fatiguer beaucoup, lorsqu'il apperçut enfin l'entrée de la forêt, dans laquelle il pénétra sans rencontrer qui que ce soit. Il avait été déjà une fois au camp des brigands, et se rappelait très-bien l'endroit où ils avaient leur premier poste. Il s'y rend, et ne trouve encore rien. Ces malheureux auraient-ils fui cette contrée, se dit-il? Les pertes qu'ils ont éprouvées à l'attaque du château, la crainte peut-être d'être dénoncés à la justice et poursuivis, tout peut les avoir engagés à faire une prompte retraite.

Victor craignait de ne pas les rencontrer, et il était accablé, plus encore par les fortes émotions qu'il avait éprouvées, que par la fatigue. Il allait s'asseoir au pied d'un arbre, lorsqu'au détour d'une espèce d'allée, il apperçut une colline sur le sommet de laquelle était bâti un hermitage. Le saint homme qui avait ainsi consacré sa vie entière à la solitude, était au pied de la colline, occupé à puiser de l'eau, avec une coquille, dans un ruisseau limpide qui serpentait mollement sur des cailloux. Victor apperçut l'hermitage comme un port consolant qui allait le mettre à l'abri de la chaleur du jour: il ne se proposait point de demander à l'hermite des nouvelles des voleurs, dans la crainte de lui paraître suspect; mais il espérait que le saint homme voudrait bien partager avec lui et son toit et son eau. L'hermite, en l'appercevant, parut inquiet, et l'examina quelque temps avec attention. Mon père, lui dit doucement Victor, j'ai bien chaud, et je suis d'une lassitude… – Mon fils, répondit l'hermite, donnez-moi le bras, et suivez-moi dans cette cabane que vous voyez là-haut. Vous n'y trouverez pas le faste ni les ornemens qui décorent les palais des grands; mais au moins vous y recevrez l'hospitalité, et je vous donnerai de quoi calmer la soif qui vous dévore.

Victor prend le bras de l'hermite qui chemine tristement, et paraît consumé d'une sombre inquiétude. Au même instant un homme à cheval passe sur la grande route, qu'on apperçoit à un quart de lieue. Ce cavalier s'arrête, examine la cabane, l'hermite, Victor, et disparaît en s'enfuyant au grand galop.

L'hermite, qui a remarqué l'indiscrète attention du cavalier, murmure tout bas: Il nous a vus! c'est fait de moi!.. – Qu'avez-vous, mon père, lui demande Victor? – Peu de chose, mon cher fils; venez avec moi, je vous expliquerai cela là-haut.

Tous deux arrivent à l'hermitage, où Victor se hâte d'étancher sa soif avec de l'eau pure que son hôte lui donne. Un peu remis de sa fatigue, Victor remarquant le trouble de l'hermite, ne put s'empêcher de lui en demander la raison. Cette forêt, lui répondit le solitaire, est depuis long-temps infestée par des voleurs, que pousse au meurtre et au vol l'infâme Roger, leur chef (Victor pâlit). Je croyais y vivre tranquille; jusqu'à présent, ne possédant rien que le peu d'aumônes que je vais recueillir dans les villages voisins, je n'avais point fixé l'attention de ces misérables; mais depuis quelques jours un événement… bien douloureux pour moi, et que je ne puis vous confier, m'a mis en butte à leurs persécutions. Je ne sais s'ils me cherchent pour m'arracher la vie, ou dans une autre intention; mais je sens que je ne suis plus en sûreté ici, et je me détermine à prier le ciel de permettre que je lui rende le serment que je lui avais fait de passer ma triste vie en ce lieu sauvage. Tout m'y rappelle mes malheurs, et je ne puis les supporter!.. Qui que vous soyez, jeune inconnu, qui me paraissez être un homme de bien, retirez-moi d'ici, prenez-moi avec vous, à votre service? Vous voyagez, vous alliez peut-être rejoindre un père, une épouse, vous êtes un homme d'honneur! oh! ne rejetez point ma prière; sauvez-moi des mains de ces scélérats à qui je ne suis que trop connu! Par pitié, emmenez-moi avec vous? Je suis jeune encore; mais hélas! combien j'ai éprouvé de malheurs!

L'hermite, en disant ces mots, ôte son capuchon qu'accompagnait une barbe longue et postiche. Victor, étonné, voit en lui un jeune homme de vingt-cinq ans au plus, et d'une figure très-intéressante. Il est aux pieds de Victor, et le prie de l'emmener avec lui, loin des brigands dont, dit-il, il n'est que trop connu!.. Quelle position pour Victor! Comme elle est embarrassante! C'est justement vers ces brigands qu'il tourne ses pas! Osera-t-il le dire à ce jeune infortuné, que sa présence va tout-à-coup pénétrer d'horreur et d'effroi! Lui dira-t-il: Vous les fuyez, et moi, je les cherche; je les cherche, parce que ce Roger que vous détestez à juste titre, ce malheureux est mon père!… Non, Victor n'aura point le courage de se dévoiler ainsi; il n'aura pas la force d'affliger le jeune solitaire; mais, d'un autre côté, il ne peut céder à ses vœux, il ne peut l'emmener avec lui, s'en faire un compagnon, renoncer au projet qu'il a formé de voir Roger, pour arracher de ses mains un inconnu qui peut être son complice ou devenir sa victime. Toutes ces réflexions arrêtent l'effusion de l'ame de mon héros, prête à s'épancher dans le sein de l'inconnu: il est néanmoins troublé, et ne peut que lui dire ce peu de mots: Jeune homme, n'implorez pas plus long-temps l'assistance d'un homme plus infortuné que vous; je ne puis vous arracher de ces lieux, il faut que je sois seul, seul avec ma honte et mes regrets: vous l'avez bien pensé, je suis un homme d'honneur, digne de votre amitié, digne de votre confiance; mais le destin, qui me poursuit, ne doit pas vous associer aux coups dont il ne cesse de m'accabler. Laissez-moi continuer ma route, et cherchez ailleurs un homme plus heureux que moi, qui puisse céder à vos vœux. J'ai respecté vos secrets, c'est assez vous dire que les miens ne peuvent sortir de mon sein.

Le jeune solitaire regarde Victor avec étonnement; il n'ose le presser davantage; mais il se retourne, et pleure amèrement. Victor remarque sa douleur, et fait des efforts pour la calmer; pendant qu'ils sont occupés à ces doux épanchemens, un gros de gens à cheval vient tout-à-coup les circonvenir. On leur crie: Rendez-vous, ou vous êtes morts! – Qui êtes-vous, leur dit Victor? – Indépendans. – C'est vous que je cherche, leur répond fièrement l'amant de Clémence. – Toi, reprennent les brigands! et quel intérêt? – Qu'on me conduise à Roger? – Que lui veux-tu? – Vous le saurez; mais, pour le moment, qu'il vous suffise d'apprendre qu'il a pour moi la plus grande amitié, et qu'il vous saura gré de m'avoir offert à ses regards.

Les indépendans (nous leur donnerons pendant quelque temps ce nom qu'ils ont adopté), étonnés de l'air calme et fier de Victor, se contentent de le désarmer et de le placer au milieu d'eux. Pour le jeune solitaire qu'on garrotte d'un autre côté, il regarde avec douleur Victor, à qui il vient de donner l'hospitalité, et ne peut que lui dire: Vous, l'ami de Roger! oh, vous m'avez trompé!

Victor lui crie de loin: Ne craignez rien, vous serez libre, et vous me connaîtrez.

Cette petite brigade quitte la colline sur laquelle le jeune solitaire jette un dernier regard, et tous cheminent lentement à travers les bosquets touffus jusqu'à l'entrée d'une caverne sombre. Là, les guides de Victor descendent de cheval, et l'un d'eux se détache pour aller rendre compte au capitaine de la prise qu'ils viennent de faire, et du vœu que forme un jeune homme de se présenter devant lui. C'est dans cette caverne sombre que Victor se voit séparer de son jeune solitaire, pour qui il ressentait déjà le plus vif intérêt. En vain Victor supplie ses guides de lui laisser son ami, ils sont sourds à ses cris: nous le connaissons, lui disent ces cruels, c'est le petit Fritz; il a été élevé parmi nous, il est bien juste qu'il quitte sa maudite soutane de moine pour revenir à son premier métier.

Victor frémit à son tour, et sent l'indignation succéder à l'amitié qu'il portait déjà à l'inconnu; mais celui-ci le supplie, en versant des larmes, de ne pas le juger sans l'avoir entendu. On les sépare enfin, et Victor est resté seul avec ses gardes, qui semblent avoir pour lui, et sans le connaître, une sorte de considération; tant il est vrai que le courage et la fierté en imposent toujours aux hommes les plus téméraires.

Au bout d'une heure d'attente, un des capitaines de Roger se présente; c'est Dragowik, un des chefs qui avaient attaqué le château de Fritzierne. Dragowik reconnaît Victor, et roule ses yeux pleins de rage et d'espoir de la vengeance: C'est toi, dit-il à l'amant de Clémence, c'est toi, jeune insensé; quel heureux hasard t'a fait tomber dans nos mains? tu viens donc t'offrir toi-même en holocauste aux mânes plaintifs de nos camarades que tu as fait égorger ou brûler? je ne sais qui retient ma colère, à ton aspect! Je devrais…

Dragowik, furieux, soulève son énorme massue; il est prêt à en écraser Victor, mais ceux qui le gardent arrêtent le bras du géant: Victor lui dit, avec l'accent du mépris: Lâche! il est bien digne de toi d'insulter ton ennemi désarmé! si je disais un mot, tu rentrerais dans la poussière, et Roger lui-même prendrait soin de ma vengeance; mais tu es trop vil à mes yeux pour que je m'abaisse à t'expliquer le motif qui me fait chercher ton capitaine. Qu'on me conduise à l'instant devant lui, et tu vas pâlir en sachant qui je suis.

Dragowik, qui ne se connaît plus, se retire, en disant aux guides de Victor que Roger est prêt à entendre notre héros.

On l'y conduit enfin: après avoir traversé mille détours souterrains, Victor se trouve au pied d'une montagne dans une espèce de plaine où toutes les forces de Roger sont rassemblées. Les mines hideuses et rébarbatives des scélérats qui accourent en foule sur son passage, le font frémir malgré lui: plusieurs d'entr'eux le reconnaissent pour l'avoir vu à l'attaque du château, et l'accablent d'injures: Victor les méprise, et sent se ranimer sa fermeté par l'indignation qu'il éprouve. Il ne sait comment il abordera Roger; mais il est disposé à le traiter avec toute la supériorité que la vertu doit avoir sur le vice. On le lui montre enfin, ce Roger qu'il redoute et desire. Il est assis sur un canon, entouré de brigands comme lui, qui ont l'air de lui faire une cour assidue: Victor pâlit; et Roger, qui le reconnaît, puisque Roger a pensé expirer sous ses coups, fait un geste de surprise en s'écriant: C'est toi, jeune homme!..

 
victor

Je veux te parler en particulier.

roger

À moi?

victor

À toi, à toi seul.

roger

Qu'as-tu de si secret à me dire?

victor

Tu vas l'apprendre.

roger

Je n'ai rien de secret pour mes amis, pour mes camarades d'armes; ou renonce à me parler, ou parle librement devant eux.

victor

Je ne le puis… Il s'agit d'un secret qui te concerne.

roger

Qui me… concerne? eh! quel intérêt prends-tu?.. (Il s'adresse à ses officiers.) Mes amis, éloignez-vous un peu. Je ne sais, ce jeune homme, à qui d'ailleurs je dois la vie, excite en moi un intérêt que je ne puis définir.

(Tous les brigands s'éloignent, ainsi que ceux qui gardaient Victor.)

roger continue

Nous sommes seuls, personne ne peut t'entendre: voyons, qu'as-tu à me dire?

victor, fièrement

Me connais-tu, Roger?

roger

Je te connais… comme un ennemi que j'ai combattu.

victor

Sais-tu qui je suis?

roger

Non.

victor

Eh bien! monstre, je suis ton fils!..

roger

Mon…?

victor

Tu m'as donné le malheur d'exister: oui, homme cruel et sans honneur; tu es mon père, et tu juges assez de la rougeur qui couvre mon front, en te donnant ce titre qui fait ma honte et mon supplice.

roger

Quoi! tu serais…

victor

Le fils d'Adèle, d'une femme vertueuse, que tu as séduite et assassinée.

roger

Adèle!.. grand Dieu!..

victor

Reconnais-tu ce portrait qui fut mis autrefois dans mon berceau?

roger, ému

Ciel! c'est elle, la voilà? voilà ce portrait qu'elle me donna jadis comme un gage de sa tendresse.

victor, avec ironie

Dont tu l'as récompensée d'une manière digne de toi!

roger, très-ému

Jeune homme, épargne-moi? Tant de coups à-la-fois!.. Tu me parles d'un ton!..

victor

Que tes forfaits ont mérité.

roger

Un fils ose traiter ainsi…

victor

Tes crimes ont brisé tous les liens de la nature: ils n'ont laissé entre nous que l'infamie dont tu me couvres, et le désespoir qui va terminer mes jours!

roger

Téméraire! oublies-tu que tu es en ma puissance?

victor

Un forfait de plus ne peut te coûter. Rejoins donc le malheureux Victor à l'infortunée Adèle! Frappe.

roger, avec l'accent de la tendresse

Mon fils!.. mon cher fils, ah! plutôt, viens dans mes bras; viens sur ce sein paternel! Eh! crois-tu que je sois insensible au cri de la nature?

victor

Quoi! une vie si criminelle n'a pu l'étouffer, ce cri si puissant sur les ames pures?

roger

Tu ne me connais pas, mon fils; tu m'as jugé d'après les rapports mensongers d'un monde, d'un monde plus corrompu sans doute que ces braves gens qui s'offrent à tes regards.

victor, souriant avec mépris

Qu'oses-tu dire, insensé?

roger

Je te ferai juger d'eux et de moi: oui, je te dévoilerai mon ame toute entière: tu me connaîtras, et tu verras que je n'étais pas né pour le crime, que j'ai fait tous mes efforts, au moins, pour l'ériger en courage et en grandeur d'ame.

victor

Dieu! quel discours!

roger, avec sensibilité

Victor, viens seulement, viens dans les bras d'un père! il n'a pu te prouver sa tendresse dans ton enfance, puisqu'il n'a pas eu le bonheur de l'élever… Mais dis-moi donc, dis-moi qui m'a rendu mon fils, et qui a bien voulu se charger de son éducation?

victor

Madame Germain vient de me révéler le fatal secret de ma naissance; c'est elle qui m'a pris dans mon berceau pour me remettre aux mains du respectable baron de Fritzierne, qui m'a servi de père.

roger

Et je l'ignorais!

victor

Nous l'ignorions tous. Ce n'est que pour éviter un parricide, dont j'allais me rendre coupable, que madame Germain a parlé. Hélas! elle a détruit d'un seul mot mon bonheur, le calme de ma vie, et toutes mes espérances!

roger

Je ne t'entends pas, mon fils.

victor

Je crois bien que tu n'es pas fait pour m'entendre; mais je m'expliquerai; oui, je te dirai bientôt que toi seul peux me rendre le bonheur que ton titre de père m'a enlevé; tu sauras qu'il ne dépend que de toi que je sois heureux.

roger

Il ne dépend que de moi, mon fils! Ah! doutes-tu que les plus grands sacrifices me coûtent! ma vie même, je te la donnerais pour réparer les maux dont tu te plains, mais dont je ne conçois pas les motifs.

victor, se livrant à l'espoir

Parles-tu sincèrement, Roger?

roger

Reçois les embrassemens d'un père pour gages de sa tendresse et de son dévouement à tes moindres desirs.

victor, se jetant dans ses bras

Ah! Roger, rends-moi mon père? Oui, sois mon père, si tu veux te rendre digne de l'être!.. Je sens, je sens là, dans mon cœur, qu'il m'est impossible d'étouffer la voix qui me parle pour toi. Ah! qu'il est puissant le lien de la paternité!

roger, le pressant contre son cœur

Enfant d'Adèle, ô mon cher fils! qu'ils me sont doux, ces tendres épanchemens! Oh! non, non, l'homme qui sait s'y livrer n'est point un monstre: on est fait pour la vertu, dès le moment qu'on sent le bonheur d'être père… Mon ami, tu restes avec moi quelques jours?

victor

Renvoie-moi, Roger, renvoie-moi avant le coucher du soleil… Je ne puis m'habituer à l'air que tu respires ici.

roger

Eh quoi! mon fils voudrait déjà me quitter!.. N'as tu pas à me parler?

victor

Mais, si tu veux, je puis sur-le-champ te dire…

roger

Non, tu es fatigué… Il faut que tu prennes quelque nourriture, quelque repos; je ne puis me séparer si-tôt de toi. Mon bonheur est si grand!.. Permets que je te présente…

victor

À qui, Roger? à ces misérables! Tu voudrais me forcer à rougir à leurs yeux. Non, promets-moi le secret sur le malheureux lien qui nous unit, ou je te quitte à l'instant.

roger

Comme tu m'accables, mon fils! comme tu te plais à m'outrager! Je veux bien ménager, pour le moment, ta fausse délicatesse; mais bientôt…

victor

Jamais, Roger… Permets-moi cependant d'éprouver l'empire que j'ai sur ton cœur? Un malheureux jeune homme, un vertueux solitaire a été pris avec moi par tes gens; daigne lui rendre la liberté.

roger

Il l'aura, mon fils, il aura sa liberté; tu la desires, cela me suffit; mais permets que je tire de lui quelques renseignemens qui me sont nécessaires… En attendant que je juge s'il est de ma sûreté de le laisser aller, je veux qu'il soit libre, comme toi, dans mon camp. Vous ne vous quitterez point, et je vous logerai ensemble. Il te faut un ami étranger, puisque tu ne veux pas en voir un dans ton père!..

Victor se tut, pénétré de tant de marques de tendresse que lui donnait Roger. En effet était-il possible de joindre plus d'amitié à plus de sensibilité! Victor croyait aborder un scélérat incapable de procédés; il l'avait même traité avec une dureté, indigne peut-être d'un fils, et il trouve en un chef de voleurs, un homme tendre, doux et sensible à toutes les émotions de la nature. Victor le regardait d'un air étonné à-la-fois et touché. Il n'avait plus la force de lui dire de dures vérités. Il ne pouvait même résister au desir qu'il témoignait de se voir au moins un jour entier avec lui; il sentait son cœur agité par la tendresse filiale ensemble et l'horreur. Roger lui paraissait un homme surnaturel; et Victor ne put lui refuser de la délicatesse, lorsqu'il l'entendit appeler ses compagnons en leur disant: Messieurs, ce jeune homme est le fils d'une victime innocente qui est tombée sous mes coups: il m'est cher comme mon propre fils; j'entends que tout le monde ici ait pour lui les plus grands égards: la moindre insulte qui lui serait faite serait regardée, par moi, comme un outrage fait à ma personne, et je la vengerais dans le sang du coupable. Vous m'entendez? il n'y aura point de travaux aujourd'hui: que chacun se prépare aux honneurs que je veux rendre à ce jeune étranger. Berner et Flibusket viendront recevoir mes ordres.

Roger, après ce peu de mots, conduisit lui-même Victor dans une espèce de grotte assez bien ornée. Voilà, lui dit-il en riant, ton appartement: je te quitte pour un moment, mon cher fils; mais je reviendrai bientôt, et, en attendant, je vais t'envoyer ton ami.

Roger se retira en lui serrant la main, et Victor, resté seul, se livra à ses réflexions.

CHAPITRE III.
TRISTES SUITES D'UNE BONNE RÉCEPTION

Quel était donc l'ascendant que Roger venait de prendre sur Victor? Victor, tout-à-l'heure, le regardait avec horreur; il ne lui parlait qu'avec le ton insultant du mépris; il frémissait d'indignation à son aspect, et se proposait de quitter ce monstre, après en avoir tiré une réponse ou consolante, ou désespérante! À présent Victor n'est plus le même; il n'éprouve plus tous ces sentimens que le point d'honneur avait substitués à ceux de la nature; il a reçu sans effroi les embrassemens de Roger, il les lui a rendus même avec effusion. Aurait-il en effet de l'attachement pour cet homme étonnant? Il ne peut d'abord lui refuser une certaine estime pour la grandeur de son caractère; il ne peut repousser la satisfaction qu'il éprouve d'avoir été reçu de lui comme un père tendre qui retrouve un fils chéri… Roger d'ailleurs lui a promis de faire pour son bonheur tous les sacrifices, même celui de sa vie; ce n'est point sa mort que Victor lui demande, c'est son repos, c'est sa conversion, c'est son retour à la pratique des vertus privées. Roger, qui s'attend sans doute à des sacrifices plus grands, fera sans peine celui d'un métier infâme qu'il ne peut aimer, qu'il n'aimera plus dès que Victor lui en aura démontré toute la scélératesse et tout le danger. Il vaincra sa résistance, Victor, et cet espoir le ramène à la tendresse filiale; il est prêt à le nommer son père… Son père, grand Dieu! Victor cache son front dans ses deux mains, que brûle la rougeur qui le couvre… Victor ensuite pense aux périls auxquels lui-même est exposé dans ce camp de brigands: être témoin de leurs forfaits, de leur vie scandaleuse, se voir exposé à être confondu avec eux, si l'heure de la justice vient à sonner pour ces misérables; Victor ne peut repousser cette idée effrayante; à tout moment il croit entendre le cliquetis des armes, il croit voir les troupes de l'empereur qui cernent le repaire des indépendans, et qui les fusillent jusqu'au dernier… Victor se trouble, son imagination s'exalte, son esprit travaille; il est prêt à quitter ces lieux funestes pour la vertu; mais sans réponse, sans emporter l'espoir d'épouser Clémence!.. Dans quelques heures il sera instruit de son sort; il faut attendre; c'est pour l'amour, c'est pour l'honneur qu'il court d'aussi grands dangers; l'amour et l'honneur, s'il réussit, se joindront bientôt à la nature pour l'en récompenser. Pauvre Victor! quel homme s'est vu jamais dans une situation aussi cruelle que la tienne?.. Je frémis, Victor, moi qui suis ton historien, et je crains qu'il ne t'arrive un jour de plus grands malheurs.

Victor, en proie aux plus vives inquiétudes dans la grotte qu'on lui avait désignée pour être son appartement, vit bientôt arriver le jeune solitaire, dont on venait d'adoucir le sort. Le jeune homme entre avec timidité, ose à peine regarder son protecteur, et ne peut que lui dire: Qui êtes-vous donc, étranger généreux? à votre voix tout change ici. Ah! ne m'ôtez pas la douce certitude que vous êtes vertueux! j'aime à le croire, j'ai besoin de vous estimer; mais vos liaisons avec ces voleurs, pardon… elles me paraissent… – Désabuse-toi, homme honnête et confiant. – Désabusez-moi vous-même; dois-je voir en vous un ami? dois-je vous regarder comme un complice de ces vils coupables? – Oui, je suis ton ami, jeune homme, et je te le prouverai en te racontant mes aventures, si tu veux bien, avant cela, me témoigner assez de confiance pour me conter les tiennes. – Oui, je l'aurai pour vous, cette confiance, peut-être imprudente; mais, dussé-je après m'en repentir, je ne puis renoncer à l'estime, à l'amitié que vous m'avez inspirées: vous m'écouterez, et, si vous ne me connaissez point du tout les gens au milieu desquels nous nous trouvons tous deux, mon récit pourra les offrir à vos yeux sous différens aspects qui vous intéresseront.

 

«On m'a toujours nommé Fritz; ma naissance fut long-temps un mystère pour moi; elle l'est encore quant au nom de celle qui m'a donné le jour: je ne connais que mon père, un père hélas! bien infortuné. La Silésie fut mon berceau; un petit hameau près de Pisek»…

Le jeune solitaire n'eut pas le temps de continuer son récit; il fut interrompu après ce peu de mots par Roger, qui vint, suivi de ses gens portant une table somptueuse et couverte de mets. Mon fils, dit-il à Victor, je viens dîner avec toi. – Son fils, s'écrie le jeune Fritz étonné! – Oui, poursuit Roger, Victor est mon fils; je croyais, Fritz, qu'il t'en avait fait la confidence. – Rassurez-vous, Roger, interrompit Victor, ce n'est point une indiscrétion de votre part; mon ami allait l'apprendre ce fatal secret; à présent qu'il le sait, souffrez qu'il reste avec nous. – Je le veux bien, reprit Roger, cela ne nuira point à l'entretien particulier que je veux avoir avec lui. Reste, Fritz, et remercie mon fils de l'honneur qu'il te procure de dîner avec un homme tel que moi.

Victor ne mangea point, il ne fut occupé qu'à regarder, avec un sentiment d'horreur et d'effroi, les prétendus honneurs militaires que Roger lui faisait rendre, et dont je vais essayer de faire une courte description.

La grotte, ouverte dans tout son ceintre sur le devant, donnait sur une espèce de plaine, que terminait une montagne presqu'à pic, garantie par des halliers et des précipices; presque tout le camp de Roger était fortifié de cette manière: nous le décrirons dans un autre moment.

Pendant qu'un luxe recherché embellissait la table de Roger et de son fils, on vit défiler d'abord toute la troupe des indépendans, mieux vêtus, pour la plupart, que ne le sont les gens de cette espèce, et tous armés. Les ceintures, de différentes couleurs, distinguaient les compagnies; la toque blanche et l'aigrette rouge ornaient la tête des soldats du géant Dragowik; ceux de Morneck portaient l'écharpe en sautoir, et cette écharpe, hérissée de petits pistolets garnis d'un acier poli, brillait au soleil comme la plus riche broderie.

Après la compagnie de Morneck celle d'Alinditz se présenta: la tunique orange, les brodequins couleur de chair, la toque et la ceinture verte, distinguaient cette compagnie, qui portait pour armes un large cimeterre, et une espèce de carabine suspendue à un large baudrier.

La troupe favorite de Roger, ses gardes-du-corps, si je puis le dire, parurent ensuite: leur tunique était blanche; la toque, l'aigrette et l'écharpe fatiguaient la vue par la plus belle couleur écarlate. Un baudrier couleur de chair soutenait un sabre à riche poignée, et leur ceinture contenait trois paires de pistolets. Ils portaient, dans les cérémonies comme celle-ci, une longue pique dont le fer était doré.

Quand toute cette troupe eut passé en revue, au son bruyant des cors et des trompettes, elle forma, en face de Victor, plusieurs évolutions assez bien ordonnées, et telles qu'une troupe bien réglée aurait pu les faire. Ensuite il s'ouvrit une espèce de tournoi où les champions les plus distingués se mesurèrent. Mais c'était particulièrement dans ces sortes de luttes qu'on remarquait la férocité et la témérité des indépendans; et si le son éclatant d'un beffroi, que portaient deux nègres, ne les eut séparés à temps, on les eût vu passer de la rage à la fureur, et se massacrer pour faire briller réciproquement leur valeur.

Le tournoi fini, les vainqueurs furent conduits à Victor, que Roger pria de les couronner. Notre héros se sentit une répugnance si invincible pour rendre cette espèce d'hommage à des brigands qu'il méprisait, que son père, qui s'en apperçut, fut obligé de se charger lui-même de cet honneur distingué. Le couronnement terminé, la troupe défila dans le même ordre qu'à son arrivée, à la grande satisfaction de Victor, que la vue de tant de scélérats importunait.

Roger, se trouvant seul avec son fils et Fritz, adressa la parole à Victor en ces termes: Eh bien! mon fils, que dis-tu de mes soldats? – Je dis, Roger, que je réclame la parole que tu m'as donnée ce matin, de m'entendre, et de te résoudre aux plus grands sacrifices pour ton bonheur et le mien. – Parle. – Roger, je ne puis te le dissimuler, et il est impossible que tu te le caches à toi-même; après d'ailleurs la fermeté que je t'ai témoignée aujourd'hui, je dois te dire toute la vérité; écoute-moi. Un grand seigneur, qui m'a servi de père, le baron de Fritzierne, à qui je dois tout, a une fille charmante: Clémence était l'objet de tous mes vœux; nous nous aimions dans l'espoir d'être unis un jour; on nous avait élevés pour ce but et dans cet espoir: j'allais l'épouser, j'allais être heureux; le funeste secret de ma naissance se dévoile, on apprend que je suis ton fils! Le nuage du malheur nous enveloppe tous, la barrière du mépris sépare de mon bienfaiteur, de mon amante: on me rejette au loin comme le fils d'un chef de voleurs, et le sang de la vertu ne peut plus s'unir à un sang dont la source se perd dans le crime! Je veux fuir, je veux aller ensevelir ma honte dans le fond des déserts, une voix bienfaisante et protectrice me rappelle. Où vas-tu, malheureux, me crie mon père adoptif? penses-tu que je veuille t'abandonner à l'opprobre qui couvre ta vie entière; reviens dans mes bras, et profite de cette dernière marque de bonté, le seul effort dont je sois capable! Ton père est né avec de grands moyens; il eût été l'homme le plus grand de son siècle, s'il n'en eût fait la honte. Va le trouver; dis-lui que je puis oublier son nom s'il veut en changer; ajoute que je puis tirer le voile de l'oubli sur ses crimes, s'il ne veut plus en commettre de nouveaux. J'ai une terre, je la lui donne; j'ai de la fortune, je la partage avec lui: qu'il abandonne ses vils complices; qu'il fuie une terre qu'il a arrosée du sang de l'innocent; qu'il vienne, en un mot, vivre dans la retraite, ignoré, soustrait à la justice des hommes, qui tôt ou tard va l'atteindre; enfin qu'il ne soit plus Roger, et je te donne ma fille, et tu deviens mon héritier; mais s'il s'oppose à ton bonheur, au sien; s'il refuse mes bienfaits, fuis loin de moi, va traîner ta triste existence loin de ton bienfaiteur, loin de ton amante; ni l'un ni l'autre ne peuvent respirer l'air que respire le fils de Roger, si Roger s'obstine à vivre au milieu des forfaits dont lui et ses complices attristent tous les jours ma patrie!.. Voilà, Roger, voilà ce que m'a dit le plus généreux des hommes, voilà la loi qu'il m'a imposée, et c'est le motif qui m'a fait chercher ta présence. Parle à ton tour, Roger, parle… Te sens-tu la vertu nécessaire pour quitter le vil métier que tu professes, pour faire le bonheur de ton fils, et assurer le repos de tes vieux jours? J'attends ta réponse pour te serrer dans mes bras, ou pour te fuir à jamais.

Roger parut un moment interdit: cette proposition, à laquelle il ne s'attendait pas, faite avec véhémence par un fils qu'il adorait, le déconcerta pendant quelques instans; il eut l'air de se recueillir; mais bientôt il reprit sa fermeté, et dit à Victor avec un sourire ironique: Voilà bien, mon fils, la proposition inconsidérée d'un jeune étourdi, et les beaux sentimens d'un vieillard radoteur! Qui lui a dit, à ce vieillard insensé, que mon état fût plus vil que l'état qu'il a fait toute sa vie, celui de général d'armée? Qui t'a dit, à toi, que mon nom te déshonore, que je suis un chef de brigands, un scélérat qui répand le sang innocent? Pourquoi traites-tu mes camarades d'armes de voleurs et de misérables? Tu viens de les voir! demande à ton Fritzierne s'il a vu dans la Misnie, dans la Moldavie, dans toute l'Allemagne, des troupes mieux tenues, plus soumises et mieux disciplinées. Connaît-il nos principes, nos institutions? Les connais-tu, toi-même? Savez-vous tous deux que je fais trembler les souverains de l'Europe, et qu'un souverain n'est, comme moi, qu'un chef adroit qui gouverne par la force et par la terreur, qui prend le bien d'autrui à main armée, qui s'enrichit, dans son inaction, aux dépens de l'homme qui travaille pour le faire vivre, qui s'arroge le droit de vie et de mort sur ses sujets, qui dépouille ses voisins, et qui ne fait tout cela que parce qu'il a des troupes, de l'argent, des armes et du caractère? Que fais-je, moi? J'ai des troupes, de l'argent, des armes, du caractère, et je fais ce que fait un roi, un général d'armée: je prends le superflu de celui qui a trop, je mets à contribution les villages où je passe, les villes même, si j'ai la force de m'en emparer. Mon empire n'est point stable, il est vrai; mais il n'en est pas moins réel; j'ai des soldats et des courtisans; je les flatte sous le titre d'égal, de mon camarade d'armes, et mon empire sur eux est plus certain; ils sont plus heureux avec moi que les sujets des vastes empires de l'Europe ne le sont sous leurs souverains; ils se croient libres, et mes égaux: j'avoue qu'ils ne le sont point réellement, et je te dois cet aveu pour justifier l'ambition qui dévore mon cœur; il me suffit, il leur suffit à eux-mêmes qu'ils prennent l'apparence pour la réalité. Tu les traites de brigands! Leurs mœurs, mon fils, sont plus pures, plus austères que celles des citoyens d'une grande ville; tu en jugeras, lorsque je te ferai part des statuts que je fais observer dans ma troupe. Aucun d'eux ne sait ce que c'est que de dévaliser un passant; nous n'en voulons point au paisible voyageur qui porte sur lui son bagage et sa petite fortune; mais le riche insolent, le noble altier et couvert d'or, les peuplades entières, les petits despotes des petites cités, voilà les gens avec qui nous aimons à partager. Que fait un général d'armée, par exemple, qui porte le fer et la flamme chez des peuples paisibles, pour des intérêts que ceux-ci ne peuvent ou ne veulent pas connaître? Il pille, il tue, il incendie des villes entières: sa présence est comme le torrent dévastateur qui roule du sommet du rocher pour déraciner les arbres et entraîner dans son cours destructeur, les chaumières de la prairie. Par-tout il lui faut de l'argent, et cela dans deux heures, ou dans vingt-quatre heures au plus; par-tout le sang et le feu signalent son passage… Eh bien! l'état militaire, cet état spoliateur et meurtrier, est pourtant noble, grand, sublime aux yeux du monde, vous ne craignez pas de le professer, de le donner à vos enfans, et vous ceignez de lauriers le front du vainqueur, sans penser aux meurtres et aux pillages qui ont cimenté sa victoire!.. Le général d'armée, le souverain qui opprime ses sujets, mon fils, font en grand ce que je fais en petit, et d'une manière moins cruelle, moins vexatoire qu'eux. Je me crois, non-seulement leur égal en puissance, mais encore plus généreux qu'eux en procédés; et dès l'instant que mon opinion est ainsi formée, ma conscience est en repos. Ils règnent sur des millions d'hommes; moi, je n'en ai que douze cents sous mes ordres; mais ils me regardent tous comme leur père, et je les aime comme mes enfans. À présent, tu me proposes de les abandonner lâchement, pour vivre dans l'obscurité, dans l'inaction, comme l'homme que la nature a formé sans moyens, sans courage, sans caractère! Insensé! tu me connais bien peu, pour me croire lâche et égoïste à ce point. Mais, me dis-tu, la justice peut t'atteindre? qu'appelles-tu justice? dis donc la force, et je serai de ton avis. Oui, je puis succomber sous le nombre, et je croirai alors mourir pu champ d'honneur. C'est un général tué sur le champ de bataille, c'est un roi détrôné et immolé par un usurpateur. Mais je serai regardé, après ma mort, comme un brigand audacieux? L'homme qui ne réussit point, a toujours tort; celui qu'on sacrifie eut toujours des vices ou des faiblesses; ses ennemis, ses assassins ont intérêt à le noircir aux yeux de la postérité; mais l'homme qui sait juger et comparer, se dira toujours: Si l'infortuné avait triomphé, on l'aurait traité de grand homme… Eh! que m'importe, d'ailleurs, le jugement de mon siècle et de la postérité? Mon siècle et la postérité sont dans les générations des hommes; ils vivent tous pour eux, je vis pour moi; je jouis de ma propre estime, parce que je connais la force de mon ame, la pureté de mes intentions, et je n'attends point mon bonheur de l'estime d'un monde que je n'estime pas moi-même, quand je pense qu'il a plus de vices encore que moi. Je me résume donc, mon cher Victor; je ne puis céder à tes vœux. Mes trésors, ma vie même, j'aurais pu te les donner; le sort de mes camarades, leur bonheur, leur amour, tout cela n'est pas à moi, je ne puis en disposer. Ton baron est assez vain pour croire que l'alliance de Roger ne peut l'honorer! Si le sort des armes me jetait demain une couronne sur la tête, il ne balancerait plus. Que serais-je alors à ses yeux? toujours Roger, n'est-ce pas? Non, je serais un grand homme, un grand conquérant. Voilà ma réponse, mon fils, elle t'afflige; mais si je méprise les préjugés de ton Fritzierne, j'ai pitié des tiens, et j'espère les détruire en te faisant mieux connaître et moi, et mes amis.