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Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

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1855

Sagan, 5 janvier 1855.– Le passage par Paris, pour se rendre à Nice, de Mme de Lieven (qui sera à mon avis un retour définitif à Paris), me semble avoir le retentissement d'un événement politique; les lettres et les journaux le répètent à l'envi141. On dit que la voiture de M. de Morny l'attendait à la gare du chemin de fer de Paris. C'est bien drôle, le monde, quand il n'est pas bien laid! Je lis des articles de journaux où cette rentrée à Paris fait conclure à des reprises de négociations pacifiques avec la Russie. Pour mon compte, je crois que cette conjecture n'est fondée que relativement à quelques membres du Ministère français, mais point en ce qui regarde Louis-Napoléon.

Je suis de plus en plus frappée des altérations profondes qui se manifestent dans la conduite du Gouvernement anglais. On ne retrouve plus ce grand accord, ni ces ménagements mutuels qu'entraînait si naturellement jadis une crise extérieure. Les Ministres tirent les uns sur les autres, les deux Chambres sur le Ministère, les journaux sur les Ministres, sur les deux Chambres, et, ce qui me paraît sans exemple, sur l'armée, sur les généraux en pleines opérations de guerre, et de quelle guerre! Ne sont-ce pas là des signes infaillibles de l'avènement de la démocratie en Angleterre! J'y vois, de mes faibles yeux, le véritable secret de l'alliance entre la France et l'Angleterre.

Lady Westmorland m'écrit de Vienne qu'à Londres on trouve très mauvais qu'on permette à Mme de Lieven de venir à Paris et d'y rester. Londres proscrivant Mme de Lieven! Ah! George IV, où es-tu?

Sagan, 8 janvier 1855.– Lady Westmorland m'écrit de Vienne, en date du 4 janvier: «Nous sommes dans un moment bien critique, car la réponse faite à la référence faite à Saint-Pétersbourg, qui doit être ici avant le 15, décidera s'il y a un espoir de paix, ou si la guerre doit devenir générale et éternelle. Mon espérance pacifique s'affaiblit de plus en plus, non par ce qui se passe ici, mais par ce qui est la pensée actuelle à Paris. Si l'Empereur Napoléon avait envie de faire la paix, je crois que l'Angleterre ne pourrait y mettre de sérieuses entraves, malgré nos infâmes gazettes, notre sot public et les mischievous142 diplomates. Mais il me paraît certain que l'Empereur Napoléon pousse à la guerre plus violemment que jamais. Le petit Bourqueney est en convulsion quand il voit une ombre de négociation possible. L'état de nos armées et l'attitude des Russes en Crimée devraient, ce me semble, nous rendre plus traitables. J'avoue que je ne puis partager la sécurité de ceux qui voient déjà Sébastopol pris, la flotte russe détruite et l'Empereur Nicolas à genoux!

«Le Duc et la Duchesse de Brabant ont eu la bonté de venir me voir, pendant que mon mari était malade. Elle est embellie; il m'a paru qu'elle a grandi et maigri. Ce qui est sûr, c'est qu'elle est bien mise, que sa tournure est moins lourde et qu'elle a des manières douces et naturelles qui plaisent. Son mari n'a pas l'air d'avoir un jour de plus que quand il était ici, il y a vingt mois; on lui donnerait seize ans. C'est une grande asperge avec la poitrine étroite, et sans ombre de barbe; il parle beaucoup, ne manque pas d'esprit, mais si son corps est trop jeune, son esprit ne l'est pas du tout; il parle non pas en homme, mais en vieillard. Jugez s'il doit être amusant pour sa jeune femme, avec laquelle il prend des airs de maître. Ils vont voyager en Égypte pour la santé du mari, qui a la manie des voyages.»

Sagan, 13 janvier 1855.– Je suis revenue hier de Breslau où j'ai passé un jour plein, en grande partie avec le Prince-Évêque à causer de ce qu'il vient de quitter à Rome et de ce qu'il trouve ici; et ce qu'il trouve ici est grave et triste; car il n'est que trop évident que le Gouvernement prussien, conduit par les piétistes, cherche par tous les moyens, surtout par des voies occultes, qui n'en sont que plus dangereuses, à saper l'Église catholique et à en paralyser les Ministres. Ces voies occultes se trouvent même mises en jeu, à Rome, au point que le Saint-Père, loin de redouter le retrait de la Légation de Prusse, le désire, tant celle-ci a fait de protestantisme et de franc-maçonnerie au palais Cafarelli143. Il y aurait des volumes à écrire sur tout ceci.

Sagan, 20 janvier 1855.– Voici une lettre de lady Westmorland, en date du 17, de Vienne: «Tous les jours, les chances de paix me paraissent moindres, et cependant nous sommes au seul moment où elle serait possible, car on pourrait la faire avec honneur de tous les côtés144. Je crois l'Empereur de Russie sincère; il fait de grandes concessions pour terminer une guerre qui, jusqu'à présent, n'a pas eu pour lui des conséquences trop désastreuses. Mais l'idée seule qu'on pourrait entrer en négociation avec l'Empereur Nicolas met Bourqueney en fureur. Il me semble, cependant, bien difficile de refuser la négociation, quand les conditions, qu'on a posées soi-même comme nécessaires, ont été acceptées sous réserve. Mais le fait est que, lorsqu'on a posé les conditions, on était convaincu qu'elles ne seraient pas acceptées. Les détails de la Conférence du 8 ont été reçus à Londres le 9; et, aujourd'hui 17, encore point de réponse, excepté un simple accusé de réception. C'est qu'on attend les ordres de Paris pour savoir ce que l'on doit faire. Soyez sûre que c'est l'Empereur Napoléon qui est le maître de la situation. La paix se ferait demain s'il le voulait; mais il ne le veut pas, il ne l'a jamais voulu. Je ne sais quelles sont ses arrière-pensées; mais il en a. Le Gouvernement anglais est trop faible et trop divisé, trop soumis au joug de la presse pour agir selon les lois du bon sens; et puisque la nation anglaise entière est dans un paroxysme fiévreux en faveur de l'alliance française, il faut bien que le Cabinet cherche sa seule force dans le soutien de la France. Voilà pourquoi je désespère de la paix. On s'acharne à ne rien écouter, jusqu'à ce que l'on se soit rendu maître de Sébastopol par quelque succès éclatant; mais, si on y parvient, je doute fort qu'alors la Russie soit aussi bien disposée qu'elle l'est en ce moment à désarmer. Mais obtiendrons-nous ce succès? J'en doute. Nous pourrons, peut-être, avec des sacrifices énormes, détruire la ville et les vaisseaux, mais je ne crois pas qu'il soit possible de prendre et d'occuper Sébastopol sans avoir pris les forts du nord, c'est-à-dire sans un second siège plus difficile que le premier. Si on manque la chance que les concessions actuelles de la Russie offrent en ce moment, je ne vois plus qu'un avenir plein de périls pour le monde entier. Ici, on désire ardemment la paix, on cherche à avancer les négociations; et, tout en adhérant aux garanties demandées, on voudrait ne pas rendre les choses trop difficiles pour la Russie. On serait bien aise de voir la Prusse entrer dans l'alliance; on le désire aussi à Londres, mais la France fera tout ce qu'elle pourra pour l'empêcher, car c'est ce qu'elle craint par-dessus tout

Sagan, 23 janvier 1855.– On me mande de Paris que la Cour féminine de l'Impératrice Eugénie, par des démissions peu regrettables, va se recruter dans le faubourg Saint-Germain, non pas, à la vérité, dans ses sommités, mais cependant dans le beau monde.

On ajoute que le traité avec l'Autriche a adouci beaucoup de récalcitrants. Il en reste cependant un petit nombre, entre autres le côté Molé, plus fortement accentué chez Mme de La Ferté145. Sa cousine, Mme de La Grange, s'était annoncée à Champlâtreux; elle a reçu, pour réponse, de la part de l'intolérante Mme de La Ferté, refus absolu de recevoir une personne ralliée. Là-dessus, Mme de Flavigny, mère de la refusée, écrit avec furie à son cousin M. Molé. Celui-ci répond plus courtoisement, mais avec une merveilleuse impudence, qu'il a toujours été légitimiste. Et voilà le monde et la société de Paris! Du reste, on dit que celle de Berlin, celle de Vienne, ne sont pas plus commodes, que partout, il y a division, aigreur, hostilité.

 

Sagan, 27 janvier 1855.– On m'écrit de Berlin que le Prince de Prusse y est fort triste et fort peiné. On croyait, avant-hier, à la sortie de M. de Manteuffel des affaires et à l'entrée de M. de Bismarck-Schœnhausen aux Affaires étrangères. Cependant, il n'y avait rien de fait, rien de décidé. Si ce bruit se vérifiait, la guerre entre l'Autriche et la Prusse, déjà probable, deviendrait certaine; car M. de Bismarck déteste l'Autriche, autant que moi je déteste les chats146, et il brûle de la combattre en brandissant une lance qui pourrait bien avoir les mêmes proportions que celle de Don Quichotte.

Voici une singulière anecdote dont des personnes graves m'assurent la parfaite exactitude; la police militaire et civile en étouffent, comme de raison, la circulation. Il y a fort peu de jours que deux sentinelles, placées au musée de Berlin, ont vu la nuit les portes du Château s'ouvrir et un cortège funèbre, entouré de force flambeaux, en sortir et se diriger vers l'église qu'on nomme le Dom. Sur le char funèbre, se trouvait une couronne royale, et le Prince de Prusse conduisait le deuil. Une des sentinelles, saisie d'effroi, a perdu connaissance; l'autre a vu entrer le cortège dans l'église. Toutes deux, lorsqu'elles ont été relevées du poste, ont été faire leur déposition parfaitement identique, quant aux détails, dans la bouche de l'une comme dans celle de l'autre. Et voilà!

Sagan, 5 février 1855.– Quel spectacle que celui offert par l'Angleterre! Cette grande Angleterre quand j'y vivais! Et maintenant, quel écroulement! Le tout au profit de lord Palmerston! Mais tout cède à l'horreur de ce qui se passe en Crimée. Je n'ose plus lire les articles qui en dépeignent les misères; cela me bouleverse pour l'humanité en général, et pour ceux qui m'intéressent en particulier147.

Sagan, 7 février 1855.– Humboldt, dans une longue lettre pleine de gémissements sur les illusions que nous déplorons tous, dit ensuite: «On a envoyé d'abord le général Wedel à Paris148, un des innocents que l'on flattera aux Tuileries; le dangereux Olberg l'accompagne, mais depuis, on le fait suivre par un autre négociateur, Niebuhr149, sous l'apparence peu trompeuse d'un voyage de délassement. J'ai été sollicité de lui donner des recommandations pour Guizot, Salvandy, Villemain. Voudra-t-il pénétrer dans le temple de la rue Saint-Florentin150? Après Niebuhr, il reste à envoyer Hensel, et puis le hurleur Strauss. Voilà à quoi en est réduite la diplomatie prussienne!»

M. de Manteuffel, m'écrit-on, d'autre part, ignorait tellement la mission du général Wedel que, lorsque celui-ci s'est présenté au Ministère des Affaires étrangères pour prendre connaissance des dernières correspondances diplomatiques, le Ministre les lui a refusées, disant qu'il ne les lui communiquerait que sur un ordre signé du Roi. Le Roi dit aux uns, qu'il ne fera jamais la guerre aux alliés, aux autres, que jamais il ne la fera à la Russie.

Sagan, 12 février 1855.– Que dire de l'étrange discours de l'amiral Napier, qui jette son verdict contre la marine anglaise? Voilà donc l'Angleterre déflorée de tous ses prestiges. Quel fiasco! Ce n'est pas parlementairement qu'elle brille, pas plus que maritimement, ni militairement; car il est impossible de plus laver son linge sale en public qu'on ne l'a fait en plein Parlement151. Tout cela profite à Louis-Napoléon, et je ne vois ici que lui qui ait tiré avantage des déconfitures des autres. J'en ai du chagrin pour l'Angleterre, j'y ai passé de trop belles années pour qu'il me soit possible de rester indifférente à ses échecs. Quelqu'un de très bien placé pour le savoir me mande de l'Italie que le Roi de Sardaigne est dans une disposition d'esprit fort abattue et troublée. Ayant demandé à sa mère de lui donner, avant de mourir, sa bénédiction, la mourante la lui a refusée et n'a fini par la lui accorder que sous condition expresse qu'il ne sanctionnerait pas la vente des biens du clergé, et la jeune Reine aussi, après avoir reçu les derniers sacrements, a conjuré le Roi de ne pas charger sa conscience d'un tel péché. On croit donc que le Roi ne sanctionnera pas cette loi spoliatrice; mais d'autre part, les Ministres et la majorité des deux Chambres veulent forcer le consentement royal152.

On m'écrit de Paris que c'est décidément le duc de Broglie qui succédera à Sainte-Aulaire à l'Académie française, et un homme de lettres à M. Ancelot. Reste le fauteuil de Baour-Lormian153 qui, je l'espère encore, arrivera à M. de Falloux, quoi qu'on dise que M. Thiers est vif contre lui; son propos à ce sujet est de dire: «Jamais je ne donnerai ma voix à l'Immaculée Conception.»

Sagan, 14 février 1855.– Voilà encore le Duc de Gênes mort. Quels avertissements pour le Roi de Sardaigne! N'y verra-t-il pas le doigt de Dieu?

Berlin, 20 février 1855.– On m'assure qu'il est arrivé ici, il y a deux jours, un projet de convention signé entre le général de Wedel et M. Drouyn de L'Huys qui serait très acceptable pour la Prusse, mais qui, naturellement, doit d'abord obtenir la sanction du Roi. Je n'ai pu savoir, jusqu'à présent, si elle avait été donnée ou bien si on n'aura pas cherché à allonger la courroie, au moins jusqu'au passage de lord John Russell, qu'on attend d'ici à quelques jours154.

Quelqu'un disait quand on admirait devant lui l'Empereur Napoléon III: «Gare aux coups de tête.» Et, en effet, en voilà un nouveau qui se prépare et qui, s'il s'exécute, ne le cédera en rien à celui de Strasbourg et de Boulogne. Il est parfaitement sûr qu'il veut partir à la fin de ce mois pour la Crimée, y faire à coups d'hommes assaut à Sébastopol, prendre la ville et être revenu à Paris au bout de six semaines pour l'ouverture de l'Exposition. Cette fantaisie a extrêmement effrayé à Paris. On tâche d'en détourner l'Empereur, mais c'est fort difficile. Le général Niel lui a mandé qu'il y avait eu plusieurs fautes de faites dans le plan du siège, fautes réparables, et que la ville, difficile à prendre, n'était pas cependant impossible à escalader à coups d'hommes.

 

Berlin, 2 mars 1855, 4 heures après midi.– Le télégraphe apporte une immense nouvelle qui a frappé ici comme un coup de foudre la Famille Royale. Le retentissement en sera non moins immense d'un bout de l'Europe à l'autre155. La présence à Berlin de lord John Russell au moment où on y reçoit la nouvelle de la mort de l'Empereur Nicolas ajoute encore aux embarras de M. de Manteuffel, car le Roi ne reçoit plus personne et il part ce soir pour Charlottenbourg. Les dernières paroles de l'Empereur Nicolas à l'Impératrice ont été pour faire demander au Roi de Prusse de rester le même envers la Russie, et de se souvenir des dernières paroles du Roi son père. On m'assure qu'après avoir appris ce détail, le Roi est allé en chercher l'écho au tombeau de Charlottenbourg. On ne croit pas qu'il dépende du nouvel Empereur de se montrer plus facile pour les conditions de la paix. On pense plutôt, que pour se maintenir en possession de ce trône sanglant, il faudra qu'il se montre presque aussi russomane que l'est son frère Constantin.

Berlin, 3 mars 1855.– La mort de l'Empereur Nicolas, si peu prévue, ayant éclaté dans les vingt-quatre heures que lord John Russell a passées ici, rien n'a pu s'éclaircir entre lui et le Cabinet prussien. A Vienne aussi, tout va être suspendu, et probablement, il en sera de même du voyage de l'Empereur des Français en Crimée. Mon impression du moment est que cette mort ne facilite pas la paix. L'Impératrice veuve a montré un grand courage, une grande force morale; mais on n'en croit pas moins qu'elle ne puisse survivre, au delà de quelques mois, à son époux.

Berlin, 6 mars 1855.– Il est arrivé ici une dépêche télégraphique de l'Impératrice veuve de Russie, demandant au Roi que, s'il envoyait un Prince de sa maison à Saint-Pétersbourg, ce fût le Prince Charles de préférence. Celui-ci était déjà parti quand la dépêche est arrivée. Je crois qu'on a caché ce fait disgracieux au Prince de Prusse, qui en aurait été d'autant plus peiné que son bon cœur est tout entier à la douleur de sa sœur. Quelqu'un de bien informé m'a assuré que la nouvelle Impératrice est aussi anti-prussienne que son époux est anti-autrichien. On suppose qu'il sera fort tiraillé entre sa femme et sa mère, chacune exerçant un grand empire sur lui. Le télégraphe ne cesse de porter et de reporter les plus tendres assurances entre l'oncle et le neveu. La politique sentimentale joue ici le premier rôle, ce qui fait que la part de la mission relative à Berlin, dont lord John Russell était chargé, ne pouvait se placer à un moment plus inopportun; aussi est-il parti très mécontent. Le général de Wedel a repris la route de Paris, mais je doute que ce soit avec des instructions plus larges. On paraît convaincu, à côte de moi, que la paix ressortira nécessairement et même promptement en regard de ce qui vient de se passer à Saint-Pétersbourg. Le nouvel Empereur n'oserait pas faire une concession, quelle qu'elle fût, en outre de celles accordées par son père; sans cela, il irait de sa couronne ou du genre de sa mort. Ce qu'on espère, c'est que les Cours alliées, croyant avoir moins à redouter du fils que du père, exigeront moins de l'héritier que de son prédécesseur; mais qu'il faut que les concessions viennent de Paris et de Londres, qu'elles ne peuvent venir de Saint-Pétersbourg, à moins que la guerre, en continuant, ne finisse par amener de grands échecs russes.

Berlin, 8 mars 1855.– Hier, le général Wedel était encore ici. On annonce son départ pour ce soir; cependant, il y a un certain parti qui tente l'impossible pour entraver ce départ, ce qui fait qu'on ne pourra le tenir pour certain que lorsqu'il sera effectué. Il paraît que le général a exigé des instructions moins vagues que les premières. Les lui donnera-t-on?

Le prince Gortschakoff de Vienne a reçu la confirmation des instructions de l'Empereur défunt. Le premier espoir pacifique, qui avait fait monter les fonds publics partout, fait place à un peu de baisse aussi partout. Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas fait un pas vers la paix, mais cela prouve que ce pas est petit, très petit.

J'ai enfin lu les discours académiques de MM. Berryer et Salvandy; et, si j'ai trouvé le second d'un tiers trop long, le premier m'a semblé, au rebours de ce que j'attendais, plus déclamatoire que le second. Je le trouve un peu trop lardé de mythologie: la Colchide, Iphigénie, Mithridate sont entassés plus que de raison quand on les concentre sur le spirituel mais très peu poétique Alexis de Saint-Priest.

Berryer m'a fait dire que la phrase sur M. de Talleyrand, dont il espérait que je serais contente, lui avait été inspirée par le désir de m'offrir un hommage156.

On m'assure d'autre part, que grâce à la présence du grand monde, la séance a été quelque chose qu'on ne peut se figurer, que cependant le succès de Mgr Dupanloup n'a pas été dépassé. Il paraîtrait que la personne de Berryer a eu une plus grande ovation que son discours. Sauf deux ou trois allusions, ce discours n'aurait pas excité les mêmes transports que celui de l'Évêque.

Mais les transports qui s'adressaient à la personne de Berryer ont été si enthousiastes et si universels que l'amour-propre le plus exalté en aurait été comblé. Les salves qui ont accueilli l'entrée de l'orateur ont été comme un feu de mitraille. Le passage sur M. de Talleyrand a été aussi fort senti et très goûté. M. de Salvandy a été, à son tour, traité très favorablement par l'assemblée. Le premier soir, la reproduction des discours avait été interdite, à cause de quelques intentions très marquées et de quelques-uns des applaudissements décernés à Berryer. On a dit que la princesse Mathilde, qui était présente, en avait été blessée. Quoi qu'il en soit, dès le lendemain, l'autorisation de publier était accordée. Restait la présentation traditionnelle au Chef du gouvernement. Suivant l'usage, Salvandy avait écrit, le soir même de la séance académique, au grand Chambellan. Le lendemain, M. Villemain, le secrétaire perpétuel, reçoit une lettre de M. Berryer qui lui en communique une qu'il avait adressée à un M. Mocquart, secrétaire des commandements de l'Empereur, en le priant de faire valoir ses impossibilités, et d'obtenir la dispense du devoir commun, en raison du service qu'il rendit à Louis-Napoléon, il y a quinze ans. Depuis, M. Mocquart a répondu que l'Empereur est trop haut placé pour tenir à ce que l'usage constant soit suivi ou non; que si M. Berryer était venu, il aurait été reçu, non comme l'adversaire d'aujourd'hui, mais comme le défenseur d'il y a quinze ans; qu'à ce dernier titre, il était libre de faire ce qu'il voudrait. Je ne trouve pas trop fier de contracter une obligation pour ne pas faire une révérence, et de demander à Louis-Napoléon les moyens de rester en bons termes avec les extrêmes de son parti à lui, Berryer. Cet incident va ajouter aux difficultés de M. de Falloux, déjà fort menaçantes, puisque Cousin lui donne l'exclusion, et Cousin est le maître de l'Académie; lui seul y a une volonté, des passions, un parti-pris, enfin ce qui rend le maître. Il a voulu Odilon Barrot à l'Académie des Sciences, soi-disant, morales et politiques. MM. Guizot, de Broglie, Duchâtel le lui ont donné! Il a voulu M. de Broglie à l'Académie française pour évincer M. de Falloux, en dépit des engagements les plus solennels, et tout le monde y a consenti. Cette mode académique, l'agitation qu'elle cause, la liberté de langage qu'elle inspire m'ont fait souvenir plus d'une fois déjà de ce mot de Fontanes au premier Napoléon: «Ah! Sire, laissez-moi, du moins, la république des lettres.»

Je suis presque honteuse de m'être laissée entraîner sur le terrain littéraire, lorsqu'on n'est préoccupé que de la scène guerrière, politique, diplomatique et de cette fortune providentielle qui semble s'épuiser en faveur de l'hôte des Tuileries; car enfin, le voici pour le moment sans autre compétiteur en Europe pour le goût des aventures.

L'embaumement du corps de l'Empereur Nicolas a mal réussi, son visage s'est trouvé si atrocement défiguré, qu'au lieu de l'exposer à découvert sur le lit de parade, comme c'est l'usage, il a fallu le renfermer tout de suite dans son cercueil. On peut imaginer les commentaires, les suppositions sinistres qui en résultent.

Berlin, 10 mars 1855.– Lady Westmorland me mande de Vienne en date du 7: «Depuis hier, je puis vous dire que mon âme commence à s'ouvrir aux espérances de paix; car le prince Gortschakoff a reçu, par télégraphe, l'ordre d'agir selon les instructions de l'Empereur défunt, avec l'annonce que le nouvel Empereur n'y apporte aucun changement. On va donc immédiatement commencer les conférences. Aujourd'hui, les plénipotentiaires d'Autriche, de France et de Grande-Bretagne se sont réunis, et mon mari est revenu très satisfait de l'accord qui a régné entre eux. Vous savez que l'humeur de mon mari est très conciliante et pacifique. Je suis contente aussi de lord John Russell; je l'ai trouvé infiniment plus modéré et plus désireux de faire la paix que je n'osais l'espérer. Mais tout est imprévu et inattendu par le temps qui court. Le jeune Empereur d'Autriche a été très affecté de la catastrophe de Saint-Pétersbourg, les larmes lui sillonnaient le visage, mais l'heureux accouchement de l'Impératrice est venu les essuyer. Il ne l'a pas quittée pendant tout le travail et s'est montré le meilleur des maris. Le baptême a eu lieu splendidement et en grand gala. L'Empereur, avant la cérémonie157, avait donné audience à lord John Russel, audience dont mon compatriote a été ravi. La Reine Victoria a été gracieuse; elle a télégraphié à mon mari, dès qu'elle a appris l'accouchement, pour exprimer son intérêt et ses félicitations, et ordonner qu'on lui fît savoir par le télégraphe des nouvelles de la mère et de l'enfant. Lord John Russell prend hautement la défense de lord Raglan, qu'on a tant calomnié158

Berlin, 17 mars 1855.– C'est M. de Morny qui s'est chargé d'annoncer, avec des précautions et des ménagements infinis, à Mme de Lieven, la mort de l'Empereur Nicolas. Elle n'a pas été autrement émue, et sa réponse a été simplement: «Ah! alors me voilà sûre de rester tranquillement ici.»

Berlin, 22 mars 1855.– Les espérances de paix paraissent se développer. Dieu veuille leur donner accroissement et belle venue! Il paraît que l'Empereur Napoléon n'irait pas en Orient si, d'ici à huit jours, les conférences de Vienne avaient fait un pas sérieux vers la paix; mais que si les choses traînaient en longueur, il partirait en laissant l'Impératrice régente; car les Muphtis s'opposent à l'arrivée d'une belle dame avec son entourage d'amazones jeunes et jolies, que Winterhalter peint, en ce moment, comme pendant au Décaméron159. Tout cela est drôle!

Berlin, 24 mars 1855.– Je reçois des félicitations sur le passage qui me concerne dans le nouvel ouvrage de M. Villemain: Souvenirs contemporains160. Je crois qu'on a mal interprété le passage sur les Mémoires; il ne peut pas s'agir des miens, par la bonne raison que je n'ai écrit que les quelques pages sur mon enfance, que vous possédez161.

M. Villemain ne peut donc parler que des Mémoires de M. Talleyrand, dont il a entendu lire quelques morceaux par mon oncle. Mais il semble insinuer que, soit dans les Mémoires, soit dans la correspondance de M. de Talleyrand, j'ai été plus qu'un simple secrétaire sous la dictée, et j'en suis fâchée. Je n'ai pas eu la moindre part à la rédaction des Mémoires, excepté dans deux passages fort courts sur le Pape et sur les Polonais. Et pour ce qui est de la correspondance, si j'ai été au delà du simple metteur d'adresses, je n'ai jamais eu le mauvais goût de m'en vanter, et je suis sincèrement peinée, chaque fois que par bienveillance pour moi ou par dénigrement de mon oncle, on cherche à me grandir à ses dépens. Après tout, je suis fort sensible à ce que M. Villemain, voulant à toute force exhumer une ensevelie, l'ait fait d'une façon si favorable.

M. de Forbin-Janson a fait, une fois dans sa vie, un tableau qui, dans le temps, exposé au Salon du Louvre, a fait sensation. Il représentait en couleurs brillantes le couronnement d'Inès de Castro après sa mort, le Roi forçant ses courtisans à baiser la main de la morte qu'ils avaient persécutée de son vivant. M. Villemain a fait de même; il a couronné une morte.

Humboldt, qui est venu me voir hier en sortant du dîner royal de Charlottenbourg, m'a conté que le masque moulé sur l'Empereur Nicolas, après sa mort, était arrivé et avait remué tous les cœurs et tous les nerfs.

Sagan, 7 avril 1855.– Depuis que je suis de retour, j'ai pu avancer dans la lecture de M. Villemain, qui me paraît être bien plus un cadre à ses impressions actuelles qu'un recueil exact des impressions quotidiennes de l'époque qu'il décrit. Ce ne sont pas des mémoires, et si ce sont des souvenirs, ils se ressentent trop du présent pour rendre exactement le passé. Mais par le style et les noms propres, ce livre se lira beaucoup et piquera la curiosité des personnes qui se rappelleront des gens et des choses d'alors. Ils n'y trouveront probablement pas ce qu'ils y cherchent; mais ils auront tenu en main des pages brillantes et agréables comme passe-temps. C'est un concert harmonieux de mots, même d'idées; mais ce n'est pas l'œuvre d'un peintre d'histoire. On aura beau faire, notre époque ne produira plus de cardinal de Retz, ni même de Mme de Motteville. C'est qu'à présent il y a des écrivains et des femmes auteurs; mais la spontanéité, la naïveté, l'abandon, les choses prises sur le fait, le premier jet sans étude, sans travail, le plaisir de se souvenir pour son propre divertissement n'existent plus.

Sagan, 12 avril 1855.– Lady Westmorland me mande, en date du 9, que les espérances de paix pâlissent, mais qu'on attend encore la réponse à un courrier expédié à Saint-Pétersbourg pour rompre la Conférence ou en continuer les stériles efforts.

Sagan, 20 avril 1855.– Voici l'extrait d'une lettre de lady Westmorland, du 18 avril, de Vienne: «Depuis hier, mes espérances renaissent un peu: la réponse de Saint-Pétersbourg est plus conciliante qu'on ne l'espérait. Je crois qu'on pourra s'entendre, mais la nouvelle du bombardement de Sébastopol commencé le 9, dont nous n'avons aucun détail, nous tient dans une grande anxiété162. Je crains que lord John Russell ne retourne promptement à Londres; on le veut absolument à son poste de ministre des Colonies, et je crois qu'on a besoin de lui à la Chambre des Communes. Cela laissera une rude besogne sur les épaules de mon mari; mais, si nous avons l'espoir d'une bonne réussite, cela nous soutiendra.

«M. Drouyn de L'Huys paraissait hier tourner vers la paix. Le petit Bourqueney est hors de lui; toujours dans les extrêmes: monté aux nues aujourd'hui, abattu tout de son long demain.

«Les gazettes anglaises ne trouvent pas assez de termes pour déifier l'Empereur Napoléon et l'Impératrice Eugénie. Une de celles qui encensent le plus le couple impérial a, je le sais, offert ses louanges à l'Empereur François-Joseph et au Gouvernement autrichien, moyennant une certaine somme. Mais le comte Buol a repoussé cette offre avec un juste dédain. Quand on songe que ce sont ces misérables gazetiers à qui on permet de gouverner l'Angleterre et qui en effet la gouvernent!»

Sagan, 3 mai 1855.– Depuis les nouvelles du 14 avril, je n'ai rien reçu de mon fils Alexandre qui est devant Sébastopol; cela devient ancien, et je redoute tout autant, pour lui, les affreuses maladies qui règnent maintenant en Crimée que les boulets des assiégés; ce sont ces maladies pestilentielles qui sont la vraie raison pour laquelle l'Empereur Napoléon a renoncé à son voyage en Orient. Le coup de pistolet, s'il l'eût atteint, aurait jeté le monde dans un désordre affreux; car les éléments révolutionnaires auraient vite partout repris le dessus163. Je crois qu'il faut que l'homme taciturne gouverne encore plusieurs années, avant que l'équilibre européen puisse s'en passer.

On m'écrit de Vienne que les Conférences se sont rompues sur ce que les Russes n'ont pas voulu céder la plus minime partie de leurs prétentions, ce qui a mis l'Empereur d'Autriche dans un grand embarras, vu qu'il s'était montré garant de l'extrême modération dont les plénipotentiaires russes l'avaient assuré être les organes164. Le jeune Empereur, qui est sincère et honnête, a été outré de ce manque de bonne foi qui n'était calculé que pour gagner du temps et arrêter la marche des armées autrichiennes.

141La princesse revenait de Bruxelles où elle s'était réfugiée après l'entrée en campagne des Puissances belligérantes.
142De l'anglais: pernicieux.
143Le palais Cafarelli à Rome était la propriété du Roi de Prusse et la résidence de la Légation auprès du Saint-Siège.
144Le traité du 2 décembre avait fait la plus profonde impression à Saint-Pétersbourg. La Russie cherchait, par des moyens détournés, d'affaiblir cette puissante coalition, afin d'enlever au Cabinet de Vienne tout prétexte d'hostilité active. Le prince Gortschakoff, ambassadeur de Russie, se déclara autorisé à négocier d'une manière générale. Les plénipotentiaires des trois Puissances alliées du 2 décembre se réunirent à Vienne dans la journée du 28. Les explications, données de part et d'autre, montrèrent qu'on se comprenait, et qu'on était d'accord sur les points essentiels, mais sous réserve de l'assentiment des Cabinets de Londres et de Paris; une base de paix était comme posée, mais la Russie, n'ayant jamais voulu faire aucune concession, quant au nombre des vaisseaux qu'elle pourrait avoir dans la mer Noire, les négociations tirèrent en longueur et n'aboutirent pas.
145Fille de M. Molé.
146La duchesse de Talleyrand avait une terreur innée des chats qu'elle ne parvint jamais à vaincre.
147L'étrange épuisement qui consumait l'armée anglaise devant Sébastopol avait déchaîné l'opinion publique en Angleterre contre le Ministère, qui réclamait à grands cris le relèvement de la puissance britannique. Le 27 novembre 1854, la Reine avait convoqué d'urgence le Parlement, pour le 12 décembre, afin de prendre des mesures qui pousseraient la guerre avec vigueur et accroîtraient les forces de l'armée. Lord Palmerston, le ministre le plus populaire de l'Angleterre, reçut la mission de former un nouveau Cabinet. Celui-ci concentra dans les mains du commandant en chef de l'armée les forces militaires, réforma le commissariat, organisa un service de transport, et les dons des particuliers affluèrent en telle exubérance, qu'après avoir passé par toutes les souffrances, par tous les dénûments de l'extrême misère, l'armée anglaise connut toutes les abondances, et aussi tous les dangers de l'extrême bien-être.
148Le dissentiment, qui s'était manifesté entre l'Autriche et la Prusse sur la question de la mobilisation, avait fait commencer au Cabinet de Vienne des négociations avec différents gouvernements allemands, et pour donner un point d'appui, l'Empereur d'Autriche manifestait le désir de se placer à la tête de l'armée fédérale. Effrayée de cet isolement, la Prusse avait envoyé le comte de Wedel à Paris, dans l'espoir de s'entendre directement avec les Puissances occidentales. La France devait reconnaître à la Prusse le droit de prendre part au Congrès de Vienne et la Prusse disposée à accéder au traité du 2 décembre. Mais ces négociations échouèrent complètement.
149M. de Niebuhr, conseiller du Cabinet du Roi, passait pour un ami de la Russie.
150Chez Mme de Lieven.
151Au retour de la campagne peu fructueuse de la Baltique, l'amiral Napier, le cœur gonflé d'amertumes, ne respectant ni autorité, ni discipline, ni convenance, ni lui-même, avait, après un dîner du Lord-Maire, prononcé un discours extraordinaire dans lequel il attaquait le Gouvernement et sir James Graham, président de l'Amirauté. Il le déclara indigne de présider, puisque sir James Graham s'était joint aux hommes qui l'avaient blâmé de n'avoir pas enlevé Cronstadt et de s'être opposé à son attaque. Il avait fallu rabattre des illusions qu'on se faisait si légèrement au commencement des hostilités du Nord et de l'Orient; les Anglais rendirent leurs chefs responsables des difficultés, le langage de sir Charles Napier et la conduite de lord John Russell abandonnant ses collègues à l'heure du danger et travaillant ouvertement, par ses intrigues, à supplanter l'administration dont il avait fait partie, rendirent plus complète l'anarchie qui régnait dans les régions les plus élevées du pouvoir.
152Ce fait n'a pas été prouvé et fut même démenti. On en parla beaucoup à Turin, à cette époque, et il est certain que le Roi Victor-Emmanuel ne signa qu'avec une grande répugnance les lois dont il est ici question. La mort avait frappé, en un mois, la Reine mère, la Reine régnante et le Duc de Gênes, frère du Roi.
153Ce fut, en effet, en 1855 que le duc de Broglie prit possession du fauteuil laissé vacant par la mort de Sainte-Aulaire à l'Académie française. M. Ernest Legouvé remplaça M. Ancelot. M. Ponsard succéda, dans la même année, à M. Baour-Lormian.
154Le général de Wedel avait été chargé de négocier à Paris un projet de traité séparé, pour conclure entre la Prusse et la France, sur la base que la Prusse serait disposée à signer, le protocole du 28 décembre, afin de prendre sa place dans la Conférence de Vienne. Mais ces négociations n'aboutirent pas, la Prusse cherchant toujours à conserver sa liberté d'action.
155L'Empereur Nicolas avait cru au prompt triomphe de ses armes; les défaites qu'elles essuyèrent successivement en Crimée lui portèrent un coup terrible qui abrégea ses jours. Déjà souffrant en janvier, il commença à ressentir les atteintes de la grippe; malgré les défenses des médecins, il voulut, un jour, inspecter les troupes qui partaient pour la Crimée; le mal s'aggrava et fit des progrès si rapides qu'il fut emporté subitement le 2 mars. Cette nouvelle inattendue fut comme un coup de foudre pour l'Europe, particulièrement pour Berlin.
156Le 25 février 1855, M. Berryer prenait place à l'Académie française. Il y était reçu par M. de Salvandy et remplaçait Alexis de Saint-Priest dont il avait à faire l'éloge. En parlant des relations de M. de Saint-Priest, M. Berryer avait dit entre autres: «De bonne heure, il fut admis dans les entretiens familiers où M. de Talleyrand se jouait et profitait avec éclat et finesse de ses avantages, étant d'assez grande naissance et revêtu d'assez hautes dignités, pour ne parler ou se taire, n'interroger ou ne répondre qu'à son moment, toujours assuré de la victoire, comme un capitaine pouvant toujours, à son gré, choisir le terrain du combat.»
157Le 5 mars 1855, l'Impératrice d'Autriche accoucha de son premier enfant. A l'occasion de sa naissance, l'Empereur accorda une amnistie qui fut publiée simultanément dans toutes les provinces de l'Empire. Cette jeune Archiduchesse mourut à l'âge de deux ans.
158Les difficultés inattendues que les troupes expéditionnaires rencontrèrent en Crimée et les épreuves qu'elles eurent à subir avaient, en Angleterre, dépopularisé lord Raglan en le rendant responsable de ce que Sébastopol était entouré de murailles et de ce qu'il y avait de la neige en Crimée. Comme sir Charles Napier, lord Raglan était fort attaqué par l'opinion publique.
159Winterhalter, qui avait peint en 1837 le fameux tableau: le Décaméron, fut choisi pour reproduire, dans le même genre d'attitudes, l'Impératrice Eugénie entourée des dames de sa Cour. Ce tableau, qui prit place à l'Exposition de 1855 à Paris, fournit une ample matière aux critiques les plus mordantes.
160Ce livre, qui formait la seconde partie des Souvenirs historiques et littéraires de M. Villemain, piqua encore plus vivement l'opinion publique que la première. Dans le chapitre consacré au Congrès de Vienne, se trouvait un portrait aussi fin que spirituel de l'auteur de cette Chronique.
161Extrait de lettre à M. de Bacourt.
162Les alliés avaient ouvert le 9 avril le feu de toutes leurs batteries contre Sébastopol et une brèche y avait été pratiquée dans la journée du 10.
163Le 28 avril, l'Empereur Napoléon III montait à cheval les Champs-Élysées, lorsqu'un Italien, nommé Pianori, lui tira un coup de pistolet sans l'atteindre. Arrêté, il déclara qu'il avait voulu venger la République romaine. Il fut condamné à mort et exécuté le 14 mai suivant.
164Le 23 avril, dans la séance de la Chambre des Communes, lord Palmerston déclarait que les Conférences étaient ajournées indéfiniment, la Russie ayant refusé de réduire sa flotte et de considérer le Pont-Euxin comme mer neutre.