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Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

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On m'écrit de Paris de bonne source: «Lord Palmerston se propose, non pas de quitter les affaires, comme le disent niaisement les gazettes, mais de venir très prochainement ici faire une visite à l'Empereur Napoléon. Il se flatte de reprendre bientôt son poste, voudrait se concerter sur sa politique future avec l'Empereur, et se faire absoudre de quelques incartades; il croit qu'un tel certificat lui serait utile pour remonter au pouvoir.

«Dans les dernières conférences de Paris, il s'est établi une singulière entente cordiale entre la France et l'Angleterre; par suite, sans doute, de l'entrevue de Cherbourg243, M. de Hübner, étonné, a vivement interpellé lord Cowley qui a répondu qu'il se conformait aux instructions de son Gouvernement: «En ce cas, a dit M. de Hübner, il est de mon devoir d'instruire le mien de ce qui se passe.» Le lendemain, Walewski a dit, à l'ouverture de la séance, que lord Cowley, étant à Chantilly, l'avait prié de le représenter en lui donnant ses pleins pouvoirs. Dans le cours des entretiens que l'Empereur a eus à Plombières avec M. de Cavour244, l'Empereur a dit, au milieu de beaucoup d'autres choses: «Dans peu de temps, on sera bien surpris en Europe de mes nouveaux rapports avec le Gouvernement anglais; on verra que l'alliance s'est fortifiée au lieu de s'affaiblir.»

D'autre part, on me mande que la Bretagne est conquise à l'Empire, que les légitimistes sont totalement découragés et les orléanistes furieux.

Berlin, 31 août 1858.– Le Roi arrive après-demain à Sans-Souci. La Reine demande, d'une façon expresse, qu'il n'y ait personne au débarcadère de Potsdam, ni au perron de Sans-Souci. Il est même douteux que le Prince de Prusse s'y trouve au premier moment. M. de Manteuffel a dit, à un membre important du Corps diplomatique qui me l'a répété en confidence, que l'on n'attendrait assurément pas la réunion des Chambres pour procéder à un état de choses moins provisoire que ce qui a lieu depuis un an. M. de Manteuffel et M. von der Heydt, s'étant bien insinués dans l'esprit du Prince de Prusse, se croient certains de conserver leur poste sous la Régence, ce qui fait qu'ils y poussent, tandis que Westphalen, Raümer et Waldersee, sentant qu'ils seraient expulsés, s'y opposent. Personne ne croit à l'abdication, que ni Roi, ni Reine n'admettent; mais le mot de Régence se prononce de plus en plus dans les cercles élevés et dans le public.

On dit que la Reine Victoria, en échange de la complaisance qu'elle a eue d'aller à Cherbourg, a obtenu l'abandon de toute insistance pour le canal de Suez. Ce qui est plus sérieux, c'est que l'Empereur Napoléon, qui a beaucoup causé avec M. de Cavour à Plombières, lui a fait de fort belles promesses pour l'affranchissement de l'Italie. C'est l'Empereur qui a voulu voir M. de Cavour et lui a fait dire de venir à Plombières. Il voulait, d'abord, que la visite fût secrète. Cavour s'y est refusé et a demandé la publicité qui lui a été accordée. Le Comte de Chambord, pendant sa visite à Bruxelles, a dit au Roi Léopold: «Je ne sais pas ce qui arrivera en France, ni quand il y arrivera quelque chose; mais il n'y arrivera rien sans que je n'y sois et que j'en sois.» Le Roi Léopold n'a pas manqué d'écrire ces paroles au duc d'Aumale.

Voici deux bons mots du duc de Malakoff, un peu risqués, mais n'importe. L'Impératrice Eugénie voulait que le mariage, avec Mlle de la Paniega, se fît le 8 septembre245, anniversaire de la prise de Malakoff. «Non, a répondu le Maréchal, je l'ai pris le 8, mais je n'y suis entré que le 9.» La comtesse Walewska, qui fait la corbeille, trouve le futur un peu avare. Elle voulait qu'il donnât deux rivières de diamants; sur quoi il lui a dit: «Non, une est suffisante pour s'y noyer.»

Berlin, 5 septembre 1858.– J'ai été en communication avec des revenants de Potsdam bien informés: il n'y a ni aggravation, ni amélioration dans l'état du Roi, statu quo complet. On croit qu'une sorte d'intuition, à moitié voilée, préoccupe, agite et a fait tenir à revenir à Sans-Souci pour y prendre un grand parti. Seulement, la faculté d'exprimer, de formuler sa pensée, la laisse incertaine pour les entours les plus intimes; on suppose plus qu'on ne sait.

Dès les premières heures du retour, la Reine a été circonvenue de plusieurs faiseurs prêchant dans un sens, tiraillant dans l'autre, sans laisser à cette pauvre martyre le temps de respirer. Cependant, elle ne s'est rendue ni aux uns, ni aux autres, et il me semble qu'on atteindra ainsi la fin du mois. Mais deux choses me paraissent résolues: un nouveau départ pour Méran, peut-être pour Gênes après; ce départ aurait lieu dans les premiers jours d'octobre. Avant, il y aurait une résolution définitive de prise, en ce sens que l'état actuel se modifierait, non par une abdication, mais par une Régence.

On a remis au Prince de Prusse un mémoire sur les différentes formes à donner au définitif relatif; une de ces formes s'appelle Co-Régence. Le Prince a rendu ce mémoire après avoir mis en marge: «Jamais», ce qui est fort sage.

M. de Manteuffel est tout à la politique française; l'influence anglaise est plus particulièrement dans une partie de la Famille Royale, tandis que l'autre tourne ses regrets vers la Russie. Personne ne me semble assez pénétré que le plus sage et le plus prévoyant serait de tendre honnêtement la main à l'Autriche. Du reste, il faut en convenir, l'étoile napoléonienne est, pour l'instant, resplendissante. Tout lui sourit, depuis la Bretagne jusqu'à la Chine. Le berceau de la fidélité monarchique a passé à d'autres amours!

Le mariage Malakoff est fixé au 2 octobre. L'Impératrice donne, non pas la corbeille, mais le trousseau; elle veut attacher le Maréchal à sa fortune en le faisant son allié… Mais lui, quel vieux fou! S'affubler, à soixante-trois ans, d'une Espagnole, belle à miracle, et qui, dit-on, a bien de la peine à se résigner à une pareille union!

 

Berlin, 8 septembre 1858.– On m'écrit que la duchesse Mathieu de Montmorency a laissé douze cent mille livres de rente. En conscience, il devrait en revenir une part à M. Cousin; les grandes dames du passé lui doivent quelque chose. Que lui auraient-elles donné s'il avait dit, de leur vivant, tout ce qu'il en dit aujourd'hui? La duchesse Mathieu descend en ligne droite de la duchesse de Chevreuse (connétable de Luynes en premières noces), qui a inspiré un des jolis articles de M. Cousin.

M. de Falloux me mande des confins de la Bretagne: «Les ovations napoléoniennes de la Bretagne n'ont pas ébranlé le parti légitimiste. Tant que l'Empereur Napoléon vivra et régnera, il pourra avoir de semblables satisfactions; mais elles ne le feront pas vivre ni régner un jour de plus. Ce sont des succès plus bruyants et plus brillants que sérieux; pour quelque temps, l'apparence vaut la réalité, sans que ce soit pourtant la même chose. Il y a dans la situation de l'Empereur Napoléon des faiblesses que ni les rencontres royales ni les applaudissements populaires ne peuvent guérir, et sa destinée dépend de plus grandes causes.»

Berlin, 11 septembre 1858.– Avant-hier, M. de Manteuffel a eu la première conversation sérieuse avec la Reine, qui en est sortie extrêmement agitée. Les médecins se taisent et haussent en silence les épaules; les courtisans l'effrayent en lui disant que si elle prononce le mot Régence au Roi, elle peut l'exposer à une attaque subite et mortelle. Les ministres, c'est-à-dire deux ministres, disent que la Régence est indispensable, que tous les équivalents, sans le nom, ne suffiront pas au public, pas aux Chambres, qui tiendront d'autant plus au nom de Régence que le serment de la Constitution s'y rattache.

Le Prince de Prusse s'enfuit aux manœuvres de Silésie, de Hanovre, de Varsovie, pour n'avoir pas à s'expliquer. Il y a des personnes qui disent qu'on pourrait éviter l'action des Chambres par un Conseil de famille qui déférerait la Régence au Prince, sans que le Roi en ait, pour ainsi dire, la connaissance et le déplaisir; mais, avec une famille si désunie, cela n'est pas possible. La Reine, et ce qu'on commence déjà à appeler la vieille Cour, voudraient une simple délégation illimitée, comme durée et comme pouvoir; mais cela ne convient pas aux hommes proprement dits politiques, ni au public qui veut du définitif. Puis vient la question du voyage. La Reine est persuadée qu'il est urgent qu'il ait lieu au début d'octobre. Mais où aller? Le Roi redoute l'Italie; Méran, en Tyrol, n'est bon qu'en automne, horriblement triste en hiver, et dénué de toutes ressources; Venise est trop pauvre en promenades pédestres, qui remplissent les deux tiers des journées royales; Gênes, trop exposé à l'air irritant de la mer et au soleil trop vif; Rome, impossible pour la Reine246. Il y a des voix qui s'élèvent pour Pau; enfin, d'autres indiquent l'île de Wight, mais il y aurait pour le Roi l'agitation d'être près de la Reine Victoria, sans la voir; car le Roi est plus séquestré que jamais, d'après la volonté expresse des médecins. On ne permet pas à Humboldt de le voir, ce qui est pour celui-ci un chagrin profond et une véritable blessure. Quelqu'un, qui voit de près, me disait que, dans son opinion, il n'y aura jamais guérison, et que probablement il y aura déchéance, lentement progressive, qui finira par conduire à un état d'enfance.

Sagan, 16 septembre 1858.– Avant-hier, je suis allée à Sans-Souci, où j'ai vu le Roi sur la terrasse, et la Reine seule dans son cabinet, si confiante, si causante, si différente de ce qu'elle est habituellement que j'en ai été frappée et émue. Pauvre femme! Quelle tâche, et comme elle est noblement et simplement accomplie! Elle a abordé bien des difficultés de sa position, et j'ai clairement vu que, si le Roi n'est pas assez lucide pour juger par lui-même, il l'est cependant assez pour opposer sa volonté à celle des autres, pour être méfiant, en un mot pour rendre les responsabilités de toutes choses, grandes et petites, bien difficiles. C'est ainsi qu'avant-hier tout était doute: partira-t-on? restera-t-on? où ira-t-on? Toutes questions irrésolues encore. La Reine désire vivement le départ et une absence prolongée; elle se résignerait même à Rome, ce qui cependant, pour elle, ne saurait être que pénible. Le Roi a horreur de l'idée de l'Italie. Que c'est bizarre!

La question politique devient tellement brûlante dans le pays qu'il faudra qu'elle soit bientôt décidée, et je crois, pour ma part, à la Régence, la chose appelée par son nom. Mais cette Régence, sera-t-elle octroyée? Par qui? Dans quelle forme? Les plus intéressés n'en savaient rien, il y a deux jours.

Sagan, 27 septembre 1858.– J'ai eu une lettre de Sans-Souci, du 24, dans laquelle on me dit que, jusqu'à ce jour, on avait inutilement guetté un joint qui permît de porter la pensée du Roi sur l'acte devenu si urgent. Il semblait éviter de laisser tomber un seul mot qui facilitât une proposition à lui faire accepter; aussi était-on décidé à tout faire d'emblée, proposition et acte à signer, le tout en un quart d'heure. Comment cela réussira-t-il? On est dans une grande angoisse sur l'effet moral et physique.

J'apprends à l'instant que le voyage est décidé: d'abord pour Méran, d'où on s'enfoncera en Italie. On doit quitter Sans-Souci le 10 ou 11 octobre. La Reine a désiré aller passer une demi-journée à Dresde, pour consoler sa pauvre sœur jumelle, désolée de la mort de la jeune et florissante Archiduchesse Marguerite247; mais le tyrannique docteur Bœger l'a positivement interdit. La Reine s'est soumise, mais on voit par là à quel point tout est redouté pour le Roi.

La presse prussienne prend des allures si vives, et sur la Régence et sur les élections, qu'on saisit une gazette après l'autre.

Sagan, 9 octobre 1858.– Je suppose qu'aujourd'hui ou demain nous aurons la Régence; car il paraît que le Prince de Prusse a tenu bon et décidément qu'il emporte, non seulement le pouvoir, mais le titre.

Sagan, 14 octobre 1858.– J'ai reçu une lettre de la Princesse Charles de Prusse, écrite le lendemain du départ du Roi de Berlin. En voici le résumé: «Le Roi, en partant, était mieux que la semaine précédente, qui avait été très fâcheuse; à tout prendre, moins bien qu'avant Tegernsee. On n'a pas voulu que la famille lui fît ses adieux à Potsdam; il a été lui-même avec la Reine recevoir ces adieux, à Glienicke et à Babelsberg; il était cassé et voûté; les regrets ont été très douloureux en quittant Sans-Souci. On croit, dans la famille, qu'il sera plus facile d'empêcher le Roi de quitter Méran que de le décider pour l'Italie. On suppose qu'il passera tout l'hiver dans le Tyrol.

Sagan, 4 novembre 1858.– Je pense que l'élaboration ministérielle à Berlin est maintenant chose faite. MM. de Budberg et de Moustiers seront de moins belle humeur; car c'est contre leur alliance qu'on élèverait un drapeau anglo-austro-prussien, que le Prince de Hohenzollern-Sigmaringen serait chargé de tenir haut et ferme. Il y a, au-dessus et au-dessous de toutes ces combinaisons ministérielles, la question des élections. Les démocrates s'agitent et ils ont singulièrement haussé le ton depuis la Régence.

Les nouvelles du Roi, depuis qu'il est à Méran, sont tellement meilleures que la Reine se reprend à l'espérance d'un rétablissement qui, après les changements que le Régent est en train d'opérer, ne laisserait pas que de rendre la confusion suprême.

Sagan, 11 novembre 1858.– Avant de rien préjuger sur le nouveau Cabinet prussien, il faut le voir à l'œuvre, et quelles Chambres il aura à gouverner248. Les élections se font ces jours-ci et agitent tout le pays. On dit que le prince de Hohenzollern ne donne que son nom au Cabinet, que M. d'Auerswald en sera l'âme et le leader. On s'étonne seulement qu'on l'ait nommé ministre du Trésor, vu qu'il a mangé sa propre fortune et celle de sa femme.

Sagan, 16 novembre 1858.– Je ne parlerai pas politique prussienne; les élections répondent aux craintes des conservatifs comme aux espérances des démocrates. Il y aurait présomption à vouloir tirer maintenant les horoscopes; je m'en abstiens, malgré le peu de goût que j'ai pour la résurrection de certains noms malsonnants qui se présentent avec bonne chance aux élections, et pour la licence des gazettes. Tout cela rappelle 1848; mais il faut croire que le Ministère actuel saura être libéral, sans danger pour l'État, modéré sans faiblesse, triomphant sans entraînement. Je lui souhaite bonne chance, car je lui crois d'excellentes intentions, mais l'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions?

Sagan, 20 novembre 1858.– Je ne sais trop que penser de l'état des choses qui a subi un si rapide changement. S'il fallait classer les partis, je dirais que les conservatifs sont en défiance, les libéraux en confiance, les démocrates en espérance; ils voient, dans la porte qu'on a entr'ouverte, un arc de triomphe par lequel ils espèrent entrer, pour faucher ce que 1848 a épargné. Les Ministres semblent déjà s'effrayer un peu de leur premier début, puisque le ministre de l'intérieur a publié une seconde circulaire pour expliquer la première, et dire que celle-ci avait été mal comprise par le public249; mais ceci est un coup d'épée dans l'eau, car l'impulsion imprudente a été donnée. Il est bien à craindre que les élections ne s'en ressentent, et cette reculade du Ministère l'affaiblit sans faire revenir les esprits.

Sagan, 25 novembre 1858.– Voici les élections accomplies. Ici, on a nommé deux députés centre droit, et le troisième centre gauche; il serait à désirer qu'on n'eût pas fait de plus mauvais choix dans les autres collèges électoraux du Royaume; mais les gazettes nous apportent bien des noms malsonnants. Je ne crains pas grand'chose pour la session. Le gouvernement n'y présentera rien qui permette la discussion; rien que l'urgent. La gauche voudra jouer la modération, et les pointus de droite seront évidemment plutôt découragés. La grande bataille ne se livrera qu'à une seconde session; même la première Chambre sera, je crois, dans la prochaine, assez mesurée et prudente. Gouvernement, Chambres, pays, tutti quanti, sont encore pour l'instant plus ébouriffés que clairvoyants et assurés.

 

Sagan, 7 décembre 1858.– Je ne crois pas que la panique financière soit terminée pour de bon. L'atmosphère est bien lourde, bien chargée. Les propos à Compiègne ont été fort guerriers, les dénégations entortillées, insuffisantes. A Vienne, on est fort averti. Bref, je ne pense pas que je puisse prudemment me prolonger en France, où je compte me rendre dans un mois, au delà du début printanier, si toutefois j'y puis rester jusque-là. Si lord Palmerston ne rentre pas au Ministère, il y aura chance pacifique; s'il y rentre, je vois le feu aux étoupes. Les amis du Régent l'ont mal servi en publiant son programme250, sujet actuel d'une controverse vive et d'une argumentation au moins inutile. Les Rois, ou du moins les Régents, ne devraient jamais se livrer nominativement au public.

1859

Paris, 18 janvier 1859.– J'ai vu pas mal de monde hier.

Depuis vingt-quatre heures le vent est des plus pacifiques. Le recri du commerce et de l'industrie, la pression de l'Angleterre, les démissions offertes par plusieurs ministres, ont fait reculer. On n'a rien abandonné, mais reconnaissant le moment défavorable, on a ajourné, au grand déplaisir de l'Impératrice Eugénie, qui est une des plus vives pour substituer les chances de la guerre aux dangers des assassins. On a envoyé quelqu'un à Londres pour tout expliquer, dans le sein de la paix, et on a transmis au prince Napoléon, au général Niel, à M. Bixio à Turin, des recommandations d'agir avec la plus grande prudence251.

Ni M. Walewski, ni la princesse Mathilde (à peu près brouillée avec son frère) n'ont eu connaissance du mariage sarde que lorsque tout a été convenu.

Paris, 20 janvier 1859.– Le Roi Jérôme a dit, avant-hier, à une personne qui l'a répété, qu'il n'y aurait pas de guerre cette année, tous les nécessiteux ayant pu, par un jeu de baisse, se relever.

A Rome, la Reine de Prusse a reçu le cardinal Antonelli. Le Roi prend de plus en plus intérêt à ce que lui offre la Ville éternelle. Il répète souvent avec une sorte d'agitation précipitée qu'il veut voir le Pape. «J'ai tant de choses à lui dire.» Ses entours en sont surpris et embarrassés. Tout ceci n'est-il pas bien étrange?

A un grand dîner diplomatique donné ici, il y a quelques jours, par l'ambassadeur de Russie, M. de Kisseleff, sans qu'il y eût anniversaire ou motif particulier, l'Ambassadeur s'est levé et a dit qu'il était sûr de répondre au désir des convives, en portant la santé de l'Empereur des Français. On s'est regardé et on a bu, M. de Hübner y compris. Puis, le comte Walewski s'est levé à son tour, disant qu'il était sûr de répondre au désir général en portant la santé de l'Empereur de Russie. Autre échange de regards plus ou moins surpris. On ne s'explique pas cette démonstration sans motif spécial.

Paris, 23 janvier 1859.– Paris est toujours à la guerre. On parle d'un traité offensif et défensif, signé entre la France et la Sardaigne, sans lequel M. de Cavour ne consentirait pas au mariage de la princesse Clotilde. Cependant ce fait qui se répète beaucoup ne m'est pas démontré.

Rochecotte, 3 février 1859.– Quand j'ai quitté Paris, on était mi-partie à la guerre, mi-partie à la paix. Ce qui paraît certain, c'est que si la pression extérieure, qui hélas! est bien peu unie et ferme, ne pèse pas dans la balance pacifique, c'est Pélissier qui commandera l'armée de Paris pour y maintenir l'ordre pendant l'absence de l'Empereur, lequel Empereur veut commander en personne l'armée des Alpes, Canrobert celle de réserve. Les nouvelles d'Algérie, d'où on retirerait des troupes en cas de guerre, sont qu'aussitôt l'armée diminuée, les Arabes se révolteraient sur nouveaux frais; déjà les assassinats recommencent depuis que le nouveau système du prince Napoléon y est établi. Les banqueroutes se succèdent à Paris et en province. En un mot, désarroi partout et bien des nuages à tous les horizons.

Rochecotte, 8 février 1858.– Mon fils, qui a assisté à la séance du Corps législatif, m'écrit qu'elle a été des plus froides; ni cris, ni applaudissements, rien pour l'Impératrice. Il en a été de même à l'arrivée à Paris de la princesse Clotilde; les hommes n'ôtaient pas même leur chapeau.

Le discours d'ouverture de l'Empereur ne paraît pas suffisant pour faire croire à la paix réelle; il ne parvient pas à rétablir la confiance profondément ébranlée. Les journaux du Gouvernement parlent d'un grand enthousiasme que les spectateurs impartiaux nient. En attendant, les banqueroutes vont grand train, et les armements et préparatifs de guerre ne discontinuent pas. On reste très inquiet.

Rochecotte, 14 février 1859.– Je viens de lire l'ouvrage que Mme la comtesse d'Harcourt a publié sur Mme la Duchesse d'Orléans. Cette lecture m'a plu. C'est un récit ému, naturel, d'une destinée brillamment et tristement dramatique; assez de passion pour aller au delà du vrai, et pourtant, une certaine retenue habile sur les moments délicats. C'est une lecture très agréable où la mémoire de la Princesse est heureusement sauvegardée et honorée, utile à son souvenir, et peut-être même à l'avenir de ses enfants252.

Rochecotte, 28 février 1859.– Je crois de plus en plus à la guerre. L'Empereur Napoléon a dit à M. de Villamarina, le ministre de Sardaigne à Paris, à l'occasion de la mission de lord Cowley à Vienne: «Rassurez votre maître, cette mission ne saurait aboutir.» C'est bien pour cela qu'il y a consenti. Il paraît certain, en effet, que si l'Angleterre veut la paix, elle n'en prend guère les moyens, car lord Cowley est chargé de propositions qui me paraissent inadmissibles253. Et ce pauvre Pape? Je ne m'étonne pas qu'aux Tuileries on se prête à évacuer Rome, car ce sera le signal de troubles dans lesquels on puisera le prétexte qu'on cherche depuis longtemps. A côté de ces sombres prévisions, on s'amuse, à Paris, comme dans les jours de la plus grande quiétude. Il n'est bruit que de bals; cinq bals costumés chez les Ministres, mille invités hier chez Mme Duchâtel.

On me mande qu'on ne parle d'autre chose que de bals chez Mme de Boigne, où le duc de Fezensac a lu, l'autre jour, un fragment de mémoires sur son enfance pendant la Terreur à Méréville254. Là, et alors aussi, on s'amusait. La nouvelle du 21 janvier 1793 suspendit, à Méréville, une comédie qu'on s'apprêtait à y jouer. On dit que ces mémoires sont à la fois naturels et piquants.

Rochecotte, 8 mars 1859.– J'ai lu le fameux article du Moniteur, ainsi que la reculade de mauvaise humeur qu'il contient255. Je suppose que ce qui y a le plus contribué, c'est l'animosité de l'opinion en France, en Angleterre, et celle qui me paraît presque exaltée en Allemagne. Il a donc reculé (je veux dire l'Empereur Napoléon) et reculé le premier. Cela disposera peut-être l'Autriche à faire quelques petites concessions qui lui concilieront encore plus Londres et Berlin. Il est vrai que, dans cet article grognon du Moniteur, on ne pouvait plaider la cause de la paix dans un style plus belliqueux; il y a des gens qui diront que le principal motif de l'article a été la nécessité de rassurer ce pauvre Corps législatif qui montre quelques velléités de sortir de son obéissance muette et passive. Mais l'article sera-t-il suffisant pour rendre la sécurité? Je n'y vois qu'un sursis, c'est beaucoup, mais est-ce assez?

On me parle de conversations étranges entre M. de Persigny et l'Empereur, puis entre M. de Persigny et le marquis de Villamarina.

On dit que M. de Persigny, qui prêche la paix, comme Pierre l'Ermite prêchait la Croisade, somme le Piémont de dégager l'Empereur de ses engagements. M. de Morny et M. Baroche garantissent la paix au Corps législatif; cela suffira-t-il pour empêcher qu'il réclame contre le peu de compte qu'on fait de lui, quand on présente à sa commission un budget de paix, au moment où la guerre paraît près d'éclater? De tout ceci, la Bourse se remet à monter et on peut se croire quelques mois de plus de tranquillité.

Rochecotte, 14 mars 1859.– A l'occasion de la démission du prince Napoléon256, on disait dans Paris, en y appliquant le titre d'une comédie qui a fait du bruit au Théâtre-Français: La joie fait peur. Je crois la guerre inévitable; mais comme on n'est prêt ni ici ni en Piémont, qu'il faut encore trois mois pour achever tous les préparatifs et qu'on veut pouvoir les compléter en paix, on a l'air de se prêter à des négociations sur l'utilité desquelles on s'efforce de rassurer secrètement M. de Cavour. J'ai bien peur qu'en Prusse on ne se fasse de grandes illusions ainsi qu'à Londres et qu'on ne se prépare, dans un certain délai, une grande journée des dupes.

Rochecotte, 31 mars 1859.– Je me souviens d'un mot de Mme de Maintenon: «Il n'y a que la mort qui termine nettement les embarras de la vie.» Quelque embarrassé qu'on soit, la porte qui seule en tire n'est du goût de personne. Il arrive un temps, hélas! où on n'a plus de plaisir à vivre, tout en ayant terreur de mourir. C'est un peu mon cas. Quel être inconséquent et impossible à satisfaire que l'être humain!

Il y a quelques jours que la nouvelle du Congrès tranquillisait tout le monde; depuis, on n'y a plus la même confiance. On croit qu'en le proposant, la Russie tendait un piège, qu'elle coupait l'herbe sous les pieds de l'Angleterre, et en France on se flattait d'un refus de l'Autriche d'y assister. Quand on ne croit plus à la bonne foi de personne, où placer sa confiance?

Les uns me mandent, ce sont ceux qui se cramponnent à la paix, que le prince Napoléon est de mauvaise humeur et Cavour mécontent; ceux qui, surtout, prévoient la guerre, prétendent que le prince Napoléon est rayonnant et Cavour souriant257.

Il faudrait un baromètre bien subtil pour marquer exactement la température parisienne, européenne, pour dire vrai; car partout, il y a fluctuation.

A propos de Cavour, on raconte que la veille de son départ, il aurait dit en ricanant à Rothschild: «Je sais fort bien que si je donnais ma démission, les fonds monteraient de trois pour cent.» – «Mieux que cela», lui a répondu le juif, assez brutalement. Israël se met à avoir de l'esprit et presque du courage, quand il s'agit de voir des millions s'engloutir.

La princesse Clotilde a été au concert chez la duchesse de Hamilton. Il ne s'y trouvait que des étrangers ou du monde officiel. Elle n'avait pas osé en inviter d'autres, quoique ses intimités se trouvent concentrées dans le faubourg Saint-Germain. La duchesse d'Albuféra, qui était à ce concert, me mande qu'elle a trouvé la princesse Clotilde mieux qu'elle ne pensait d'extérieur.

Paris, 8 avril 1859.– On hésite toujours ici à fixer définitivement le lieu où se tiendra le Congrès; mais le veut-on sérieusement? Il y a bien des habiles qui en doutent. On ne voit que pièges et duplicités partout, notamment de la part de la Russie; la méfiance est générale. L'Empereur Napoléon ne s'attendait pas à la dissolution du Parlement anglais; il espérait la venue de lord Palmerston au Ministère; malgré cela, tout ce qui est guerroyant va son train.

Strasbourg est mis sur le pied de guerre, les régiments aguerris de l'Algérie sont remplacés par des régiments nouveaux; les anciens seront employés aux Alpes et sur le Rhin. Les généraux Martimprey, Trochu, Niel, seront à la tête de l'État-Major de l'Empereur qui commandera en chef; il y aura une armée des Alpes et une armée d'observation du Rhin; Pélissier contenant les rouges à Paris. Le prince Napoléon sera emmené de gré ou de force à l'armée. Voilà à quoi on s'apprête. Le Congrès ne semble à bien des gens qu'un leurre pour épuiser l'Autriche dans une vaine attente. On dit que M. de Cavour, en rentrant à Turin, a été un peu surpris de s'y trouver dépassé par les cris des réfugiés, qui y deviennent chers et importuns.

Paris, 12 avril 1859.– Le rôle que joue la Russie sera dans son plus grand développement à l'arrivée du prince Gortschakoff, qu'on attend ces jours-ci. Le Congrès reste douteux, le lieu où il se tiendrait également incertain; il n'y a de certain que les élégantes toilettes commandées par les femmes des plénipotentiaires qui comptent exercer leurs séductions. On me nomme Mme Walewska et lady Cowley. Cette dernière est revenue fort autrichienne de Vienne, où on l'a habilement cajolée. Depuis hier, on croit à la paix; avant-hier, c'était la guerre; je ne sais encore rien d'aujourd'hui; demain, ce sera autre chose. C'est un va-et-vient auquel on ne comprend plus rien; mais, ce qui est évident, c'est qu'on ne croit plus à personne, ni aux gazettes, ni aux hommes, ni aux choses.

Paris, 22 avril 1859.– On s'attend à ce que l'ultimatum, à bref délai, que l'Autriche, fatiguée et poussée à bout, vient de proposer à Turin, n'y étant pas accepté, sera suivi le lundi de Pâques des premières hostilités. Depuis hier, toutes les troupes d'ici partent par le mont Genèvre ou par Toulon. Paris est consterné; jamais guerre n'a trouvé moins d'entrain dans cette France toujours si gaie au canon. La rente a baissé hier de trois francs, on suppose qu'elle va tomber bien plus bas encore. Si lord Derby avait voulu tenir, il y a deux mois, le langage de son dernier discours258, si la Prusse s'y était jointe, on aurait alors évité probablement le terrible coup qui nous menace.

Paris, 28 avril 1859.– L'Autriche a accepté la dernière proposition de l'Angleterre, qui s'offre à être seule médiatrice et à reprendre la négociation, au point où elle en était, avec lord Cowley, lorsque la Russie a substitué tout à coup l'idée d'un Congrès; mais l'Empereur Napoléon a refusé pour ne pas déplaire à la Russie. Il paraît maintenant évident qu'il y avait eu accord secret entre la France et la Russie, dont la rumeur blesse profondément l'Angleterre. Ainsi donc, depuis quarante-huit heures, nouveau changement de décoration, revirement inattendu et confusion complète. Le prince Napoléon ne veut pas partir; il dit qu'on l'envoie dans un coupe-gorge et qu'il n'a pas envie d'y périr avec son beau-père. On dit que le sang savoyard se révolte de cette timidité chez la princesse Clotilde; mais on dit l'Empereur Napoléon si décidé à ne pas laisser l'aimable cousin derrière lui, qu'il pourrait bien retarder son propre départ. Les militaires, voire même les généraux, partent avec peu d'entrain et de tristes pressentiments. Au ministère de la Guerre, tout est en désordre; il y a angoisse et consternation partout, jusqu'au Corps législatif, cette pâle ombre, qui a des velléités d'humeur. Les rapports de la police sur les sociétés secrètes disent qu'elles sont toutes prêtes à éclater au moindre revers. L'effroi du commerce, l'arrêt des entreprises, les sinistres figures qui surgissent dans les faubourgs, oiseaux de mauvais augure, la terreur des financiers, les prévisions des gens sensés, le langage démesuré des hommes de parti, la liberté étrange des paroles, la tristesse du monde officiel, tout cela fait de Paris, en ce moment, avec le mouvement des troupes, les larmes des femmes et des mères, un lieu des plus douloureusement curieux. L'entrain belliqueux, si naturel à ce pays, n'est nulle part. Avec cela, la plupart des maréchaux infirmes, partant, à la vérité, mais pouvant à peine se traîner. Les Russes, avant-hier encore, fort goguenards et insolents, sont beaucoup moins hautains; ce qui tient à l'attitude de l'Angleterre, furieuse du traité tenu longtemps secret et qui éclate.

243Cette Conférence, où siégeaient les plénipotentiaires de France, d'Autriche, de la Grande-Bretagne, de Prusse, de Russie, de Sardaigne et de Turquie, avait pour but de régler l'organisation des Principautés danubiennes. Le 19 août, la première partie de cette tâche étant accomplie, une convention, arrêtée et signée, devait former un acte additionnel au traité de Paris. La Conférence, ayant rejeté le travail de la Commission relatif à la navigation du Danube, ce point resta encore en suspens.
244L'attentat d'Orsini fut le point de départ mystérieux de la phase des affaires italiennes et l'origine de la guerre de 1859, préparée, au fond, dès le Congrès de 1856. A partir de cette époque, la situation prit une gravité singulière et un emportement effaré sembla régner à Paris. Deux diplomaties s'y jouaient en même temps. D'un côté, le comte Walewski s'adressait de toutes parts pour réclamer des garanties contre le droit d'asile; de l'autre, l'Empereur Napoléon très tourmenté, surtout depuis la lettre qu'Orsini lui avait adressée la veille de son exécution, trouvait que, s'il y avait des conspirateurs, la faute était à la situation violente de l'Italie; et dans l'intimité des Tuileries, il se disait que tant qu'il y aurait des Autrichiens en Italie, il y aurait des attentats à Paris. Au mois de mai 1858, l'Empereur Napoléon faisait écrire secrètement au comte de Cavour une lettre contenant tout un plan d'alliance entre la France et le Piémont, les conditions d'arrangements réciproques, et même une proposition de mariage du prince Napoléon avec une fille du Roi Victor-Emmanuel; et il faisait prévenir de la possibilité d'une négociation décisive. Rien n'était pourtant possible sans une entrevue, et comme il en fallait détourner les soupçons, le docteur Conneau (médecin de l'Empereur) passa en juin par Turin, sous prétexte d'un voyage de plaisir en Italie, chargé de convenir d'une excursion, sans éclat, du comte de Cavour à Plombières où l'Empereur devait se rendre. Le Comte s'y achemina, en effet, sans bruit et y arrivait le 20 juillet. De suite, l'Empereur aborda le sujet en question et se dit décidé à appuyer la Sardaigne de toutes ses forces dans une guerre contre l'Autriche, pourvu que la guerre fût entreprise pour une cause non révolutionnaire, qui pût être justifiée aux yeux de la diplomatie et de l'opinion publique en France et en Europe. Il toucha ensuite la constitution d'un royaume italien de onze millions d'âmes, la cession de la Savoie et de Nice à la France, et le mariage du prince Napoléon avec la princesse Clotilde. Durant l'automne, on sortait des conventions verbales pour la signature d'un traité d'alliance offensive et défensive entre la France et le Piémont; et au grand étonnement de la France mal informée, Napoléon III, en recevant le 1er janvier 1859 le corps diplomatique, témoignait brusquement à M. de Hübner, ambassadeur d'Autriche, son regret que les relations fussent mauvaises entre Paris et Vienne. Ces quelques mots et ceux que le Roi Victor-Emmanuel prononçait quelques jours après, le 10 janvier, en ouvrant les Chambres, furent en quelque sorte l'éclair précurseur de l'orage qui allait éclater. C'était la première conséquence des engagements de Plombières.
245Le mariage ne fut célébré que le 2 octobre 1858.
246La Reine Élisabeth, qui était une Princesse de Bavière, avait, sous la pression de son beau-père Frédéric-Guillaume III, quelques années après son mariage, abjuré la religion catholique pour entrer dans l'Église protestante. Malgré cette situation difficile, le Roi et la Reine passèrent à Rome la plus grande partie de l'hiver 1858-1859.
247Fille du Roi de Saxe et première femme de l'Archiduc Charles-Louis d'Autriche. Cette Princesse venait de mourir en couches.
248Le nouveau Ministère prussien était ainsi composé: le prince de Hohenzollern-Sigmaringen, président du Conseil; M. d'Auerswald, ministre d'État; M. de Schleinitz, ministre des Affaires étrangères; le général de Bonin, ministre de la Guerre; M. de Patow, ministre des Finances; le comte Pückler, ministre de l'Agriculture; M. de Bethmann-Holweg, ministre des Cultes; M. de Heydt, ministre du Commerce; M. Simons, ministre de la Justice; M. de Flottwell, ministre de l'Intérieur.
249Dans une allocution que le Prince-Régent de Prusse avait adressée le 8 novembre au Ministère d'État, après la reconstitution du Cabinet, le Prince avait dit que, s'il s'était opéré un changement dans les conseillers de la Couronne, cela avait eu lieu parce qu'il avait trouvé chez tous les conseillers choisis par lui l'opinion qui était la sienne, à savoir: qu'il ne pouvait être question, ni maintenant, ni jamais, d'une rupture avec le passé, qu'il s'agissait seulement d'améliorer, là où l'arbitraire s'était fait sentir. L'opinion s'étant fort agitée sur ces paroles, les Ministres crurent nécessaire de les expliquer; mais ces explications étaient enveloppées d'obscurité et leur langage nébuleux rendait impossible d'y pénétrer.
250Ce programme était tout entier dans l'allocution du Prince-Régent au Ministère d'État, dont nous avons déjà parlé plus haut, et qu'une indiscrétion avait fait connaître aux gazettes qui, naturellement, l'imprimaient avec plus ou moins de vérité.
251Le prince Napoléon, accompagné du général Niel et de M. Bixio, était parti de Paris le 13 janvier pour Turin, où son mariage avec la princesse Clotilde, fille du Roi Victor-Emmanuel, fut célébré le 30 du même mois.
252Ce livre, qui parut au printemps de 1859, chez l'éditeur Michel Lévy à Paris, ne portait pas le nom de son auteur.
253La guerre était imminente, mais les Puissances médiatrices, comprenant que si elles voulaient en conjurer le fléau, elles devaient s'interposer activement, l'Angleterre donna à lord Cowley (alors ambassadeur de Londres à Paris), la mission de se rendre à Vienne pour sonder les dispositions de l'Autriche et amener la régularisation de ses rapports avec la Sardaigne; mais tout s'évanouit, quand, le 20 mars, éclata, en pleine Europe, une proposition de Congrès, venant de Pétersbourg (et en réalité, répondant à un vœu secret des Tuileries), qui compliquait la situation au lieu de la simplifier, en la faisant entrer dans une voie sans issue. Ce Congrès ne pouvait être et ne fut qu'une chimère.
254La révolution de 1848 ayant mis fin à sa carrière politique et militaire, le duc de Fezensac avait employé ses loisirs à écrire les souvenirs des grandes guerres de sa jeunesse dont il fit plus tard la publication.
255Le Moniteur du 4 mars contenait simplement ces mots: «Le Constitutionnel annonce que l'évacuation des États romains par nos troupes a été ordonnée, et que le corps d'armée français a déjà reçu l'ordre de se diriger sur Civita-Vecchia. Cette nouvelle est au moins prématurée.» Puis le lendemain, le Moniteur publiait une déclaration démentant tour à tour les bruits relatifs à des engagements contractés avec la Sardaigne et assurait qu'il n'y avait que la promesse, faite par la France, de défendre la Sardaigne contre tout acte agressif de l'Autriche, qui n'était nullement de nature à faire redouter la guerre.
256Sur son désir, le prince Napoléon s'était déchargé du ministère de l'Algérie et des Colonies.
257Au moment où éclatait la proposition de Congrès, la situation commençait à devenir critique; une scène des plus vives avait eu lieu à Paris entre le comte Walewski et le représentant sarde, M. de Villamarina. Le ministre des Affaires étrangères se laissait emporter jusqu'à dire que «l'Empereur ne ferait pas la guerre pour favoriser les ambitions de la Sardaigne; que tout devait être réglé par un Congrés auquel le Piémont n'avait aucun droit de participer». Un langage aussi acerbe était tenu à Turin par le ministre de France, le prince de la Tour-d'Auvergne. Le comte de Cavour se hâtait de faire face à l'orage. Il expédiait une lettre du Roi à l'Empereur à laquelle celui-ci répondait simplement: «Que le comte de Cavour vienne à Paris sans plus de retard.» Cavour était à Paris le 25 mars, où il eut des entrevues successives avec l'Empereur et reçut aux Tuileries un accueil cordial; mais il ne tarda pas à s'apercevoir de tout un travail dans l'entourage de l'Empereur, qui n'avait pas seulement pour objet le maintien de la paix (fût-ce par le sacrifice du Piémont), mais qui tendait à l'écarter lui-même comme le principal obstacle à la paix. M. de Cavour rentrait à Turin le 1er avril, quand, peu de jours après, l'Autriche envoya, le 23 avril, au Roi de Piémont un ultimatum qui n'était autre que la sommation immédiate de son désarmement, et que le moindre sentiment de fierté lui interdisait d'accepter. Les hostilités étant devenues imminentes, l'armée française franchit les Alpes.
258Au sujet de la réforme électorale, le Cabinet anglais ayant eu une minorité de trente voix, le Ministère résolut de ne pas donner sa démission, mais de dissoudre le Parlement. Lord Derby en fit communication le 4 avril à la Chambre et fit figurer en première ligne, dans son discours, l'intérêt qui s'attachait au maintien de la paix; en faisant allusion à lord Palmerston et à lord John Russel, il exprimait l'espoir que la résolution du Ministère serait approuvée par l'opinion publique, car la nation ne pourrait voir sans déplaisir le pouvoir passer dans les mains des partis coalisés, qui n'ont de force que pour détruire et non pour gouverner.