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Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

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On dit que pendant le voyage des Majestés françaises à Londres, la Reine Victoria a été la seule qui ait conservé aisance et dignité; que les autres grands personnages des deux pays se montraient embarrassés, gênés, plus ou moins gauches. L'Impératrice Eugénie a paru maladive et fatiguée. Les cadeaux français ont été des plus magnifiques. Si le voyage en Orient paraît abandonné, celui de Vienne ne paraît pas invraisemblable165. On dit que le langage des orléanistes a été le seul inconvenant, et ce me semble, bien absurde, après l'attentat contre Louis-Napoléon; car l'impression générale était que, si l'attentat eût réussi, la République aurait prévalu. Aussi les républicains sont-ils désolés, car un attentat manqué est ce qui pouvait leur arriver de pis.

Mme Mollien m'écrit que la Reine Marie-Amélie est étonnamment bien de santé, mais que la princesse de Joinville est en plein état de phtisie.

Un des motifs qui ont décidé l'Empereur Napoléon à renoncer au voyage d'Orient a été le refus de son cousin de l'y suivre.

Interruption de la correspondance jusqu'au 14 juin, les deux correspondants s'étant retrouvés à Sagan.

Carlsbad, 14 juin 1855.– Je voudrais bien que la Prusse et l'Autriche parvinssent à s'entendre cordialement, et que, formant ensemble une solide barrière, elles obligeassent l'Est et l'Ouest de l'Europe à désarmer. Mais la méfiance est encore bien profonde.

Si je disais que je me plais ici, je mentirais grandement; j'y suis bien logée, mais sans verdure; j'y connais assez de monde pour en être ennuyée. On dit qu'il ne faut pas lire, pas écrire, peu dormir, guère manger, ne pas s'agiter, ne songer à rien, végéter le plus honnêtement possible: c'est la plus sotte vie, et cependant on sent qu'il faut obéir, car il est de fait qu'on n'est capable de rien. Je suis en plein traitement, c'est-à-dire très éprouvée; il y a toujours pour moi un grain de Crimée dans chaque verre de Sprudel166, et cela ne le rend pas plus facile à digérer.

Carlsbad, 24 juin 1855.– Je n'ai pas précisément à me plaindre de mes eaux; mais je sens qu'il me faudrait du soleil en plus et la Crimée en moins. Voilà une affaire qui semble avoir été affreuse, le 18 de ce mois, sur les remparts de Malakoff167. Mon fils avait pris part à l'action très brillante du 8, au Mamelon Vert. Il s'en est bien tiré; mais comment se sera-t-il tiré de celle du 18, qui a été si désastreuse?

On dit que, du côté des alliés, neuf mille hommes ont péri, que les généraux ne s'entendent pas entre eux, que le choléra fait rage, que l'Empereur Napoléon, saisi par les mauvaises nouvelles, est malade, que la rente baisse, que les récoltes se perdent et que nous touchons à la fin du monde. J'ai le cœur fort triste, fort serré, et plus de larmes dans les yeux que de sourires sur les lèvres.

Le 5 juillet, je partirai pour Téplitz; j'y trouverai, à ce que l'on dit, les légitimistes français en foule. M. de Montalembert est en Angleterre; il y voit souvent les habitants de Claremont, où on le soigne et où on le caresse beaucoup.

Carlsbad, 6 juillet 1855.– La mort de lord Raglan m'a été au cœur. Puisqu'il devait finir dans cette affreuse Crimée, il aurait mieux valu être tué sur la brèche que de mourir du choléra. Quelle fin, pleine d'amertume, d'une belle et noble carrière, si brillamment commencée, si honorablement continuée, terminée par tant d'outrages et d'injustices. A Londres, nous l'appelions la Perle168. J'ai une lettre de lady Westmorland, désespérée sur cette perte; c'est son fils, lord Burgersh, qui est chargé d'escorter les restes de son oncle en Angleterre.

Le discours de l'Empereur Napoléon, à l'ouverture des Chambres, est ici depuis hier; il y fait sensation. Il semble ridicule aux Russes, impertinent aux Autrichiens, déplacé aux Prussiens, impudent aux Anglais, et effrayant aux Français. Personne n'en est satisfait, et chacun d'en tirer des horoscopes plus ou moins charmants. On veut y voir de nouveaux symptômes de guerre générale, de révolutions, de bouleversements, de fin du monde. Sans aller jusque-là, il est certain que l'Europe a bien mauvais visage et qu'elle est entre les mains de médecins empiriques peu rassurants169.

Carlsbad, 11 juillet 1855.– En Angleterre, on blâmera la police d'avoir fait son devoir à Hyde-Park en réprimant l'émeute; partout on ne songe qu'à désarmer l'autorité et à décourager ceux qui la représentent170. Quelles singulières explications que celles de lord John Russell! Quelle étrange façon de dire: «Comme diplomate à Vienne, j'étais pour la paix; comme ministre à Londres, je suis pour la guerre.» Cela s'appelle être un homme d'État, ce n'est autre chose qu'un homme de désordre. Ce petit fauteur de la réforme vivra assez pour voir s'achever la révolution.

Poor dear old England 171!

Teplitz, 16 juillet 1855.– Je ne m'amuse pas ici, mais je trouve l'air excellent. Ce joli pays est plus accessible qu'à Carlsbad; j'y demeure à l'écart des indifférents; tout cela me convient assez, car, à défaut de ce qui plaît, il faut du moins tâcher d'avoir ce qui est commode.

J'ai fait ma cour au Comte et à la Comtesse de Chambord qui partent après-demain; ils me traitent avec les mêmes bontés qu'à Venise, et mes impressions sur eux restent les mêmes. On espère la Reine Marie-Amélie avec tous ses fils à Frohsdorff au mois de septembre; elle y trouvera un neveu fort tendrement respectueux172.

Teplitz, 18 juillet 1855.– La Saint-Henri a été fêtée ici par un dîner champêtre donné par Mme la Comtesse de Chambord; on n'y avait convié que les Français. Hier, ils m'ont fait l'honneur de venir me dire adieu dans la matinée; ils partent ce matin, et toute la colonie française se disperse. Je trouve plus de fermeté et de sérieux dans la conversation du Comte de Chambord qu'il y a deux ans, et la même dignité gracieuse dans la Princesse. Elle m'a comblée, et le mari m'a dit au bout de mon escalier, en se retournant encore une fois: «Ma femme vous aime beaucoup.» J'avoue que cela m'a fait plaisir.

 

Brienne-le-Château, 5 août 1855.– Je suis arrivée ici hier dans la matinée; je suis accueillie, on ne peut mieux, par la princesse Laurence de Bauffremont, à laquelle ma visite paraît faire plaisir. Le château est noble, parfaitement meublé et arrange; il domine trente lieues de pays, mais d'un pays plat, plus convenable pour livrer une bataille que pour charmer l'œil. Il n'y a guère de fleurs, pas même précisément de jardin; mais des allées droites en charmilles, et des quinconces, à l'ancienne mode française, se perdent dans des bois mal percés. Le tout est très noble, très éventé, assez sec et sans charme extérieur. L'intérieur est excellent et magnifique.

Paris, 10 août 1855.– Les efforts gigantesques, qui surgissent à tous les coins de Paris, pour exciter à des jouissances de tous genres, me semblent indiquer un déplorable état social; je ne saurais dire l'effroi qui s'empare de moi à voir cette population remuante, fiévreuse, promenant sans cesse et sans relâche sa curiosité et ses passions d'une arène à une autre. Il est évident que le précipice bordé d'or et de fleurs est au bout, et qu'il ne tardera pas à engloutir, dans un abîme de feu, de sang et de boue, ceux qui chantent, dansent et se grisent à l'entrée du cratère. Ce qui se raconte des spéculations financières auxquelles hommes et femmes, jeunesse et vieillesse participent; ce qui se dit tout haut des mœurs, des allures, de la rupture des liens de famille et de la morale de la génération toute prête à étrangler la nôtre, fait frémir. J'ai une grande terreur de tout ce qui me passe sous les yeux, et je serai bien aise de me trouver, pendant quatre jours, sous les verrous du Sacré-Cœur d'Orléans, où je ne verrai que d'innocentes jeunes filles et où je n'entendrai que des hymnes pieuses.

On dit décidément que l'Impératrice Eugénie est grosse. J'ai reçu le maréchal de Castellane qui, quoi qu'on ait dit, retourne demain à Lyon173.

Orléans, 16 août 1855.– Je suis ici depuis le 18, et je repars demain pour Rochecotte, après avoir vu deux fois Mgr Dupanloup à la Chapelle Saint-Mesmin174 et une fois au Sacré-Cœur, où toutes les dames, à commencer par Mme d'Avenas, me gâtent à l'envi l'une de l'autre.

Rochecotte, 25 août 1855.– Je ne sais aucune nouvelle, si ce n'est qu'à Paris on trouve la Reine Victoria peu jolie et que, s'il y a curiosité, il n'y a pas d'applaudissements175. Au grand Opéra in fiochi, le prince Albert a bien obéi à la consigne conjugale, car, assis entre l'Impératrice Eugénie, qui était admirablement belle, et la princesse Mathilde, qui a de forts appas, il n'a guère parlé ni à l'une, ni à l'autre.

Paris, 7 octobre 1855.– Me voici dans la grande Babylone depuis trente-six heures et parfaitement ahurie. J'ai des lettres d'Alexandre du 25 septembre: il dit que l'assaut a coûté dix mille cinq cents morts pour les Français seulement176. Paris n'est pas bien sain en ce moment; les maladies y abondent; il y a une autre maladie, celle de la dégringolade des fonds publics, qui paraît grave; une autre s'appelle la cherté des subsistances; une troisième, le mouvement vif des sociétés secrètes; une quatrième, les coquetteries du gouvernement pour les rouges. Quant à la paix, il paraît qu'elle est encore très éloignée, et qu'à force de succès, chèrement payés, les triomphes valent des défaites.

Le Bourg d'Iré (chez le comte de Falloux), 29 octobre 1855.– On ne saurait être plus mal servi par le temps que je le suis. J'ai eu froid à Rochecotte; ici, c'est la Sibérie. Le château est beau, noble, vaste, d'un goût excellent, mais d'un froid! De petites cheminées pour chauffer de grandes pièces sans tapis, ni doubles croisées. Il faut avoir dépassé Lyon pour oser autant compter sur le soleil qui, en ce moment, a de rigoureux caprices. J'aurais voulu voir la ferme et tout le détail de ce bel établissement, où le goût des arts tempère l'activité de l'agriculture, où une belle bibliothèque repose de la race bovine, et où le gentilhomme chrétien a pu être, sans contrastes affligeants, ministre du Président et serviteur fidèle de l'Exilé. Il n'y a, en dehors du châtelain et de son aimable femme, personne ici que M. Albert de Rességuier avec ses enfants et une gouvernante. J'oubliais la pauvre petite Loyde de Falloux; cette malheureuse enfant, âgée de treize ans, a toutes les disgrâces naturelles extérieures, beaucoup de l'intelligence de son père; mais elle a l'air timide et amer, ce qui se conçoit à merveille, mais ce qui est unheimlich177 au possible.

L'état des yeux de M. de Falloux étant très fâcheux, on craint les lampes, les bougies; aussi tout est-il enveloppé d'abats-jour verts, dans ces grandes pièces boisées en chêne, tendues d'étoffes foncées, ornées de grands tableaux d'excellents maîtres; mais le tout est lugubre!

Ce que j'ai pu apercevoir de la contrée ne l'est pas; avec du soleil, le pays doit être charmant; d'Angers ici, il m'a singulièrement fait souvenir de dear England, de notre vieille Angleterre!

Orléans, 1er novembre 1855.– J'ai visité le vieux château d'Angers, bâti en ardoises et en tuffeau d'une force extraordinaire, d'une sombre tristesse, jusqu'à ce que, du haut des tours décapitées, on découvre la Mayenne et le Loir se jetant dans la Loire et courant avec elle dans la mer. Le grand Condé disait que le château d'Angers était le plus fort de France. Il renferme maintenant les émeutiers du mois dernier178.

Paris, 5 novembre 1855.– J'ai été hier chez la duchesse d'Istrie, j'y ai revu mon appartement179. Que de souvenirs! Et je rencontre dans ce même hôtel de la rue Saint-Florentin, qui? Thiers! devenu gros, gras, toujours brillant de conversation, parlant industrie, exposition, le tout très spirituellement, nullement embarrassé de me rencontrer, et en quel lieu! venant à moi avec la main tendue pour le shake-hand, prenant la mienne, la saisissant à tout rompre. Tout s'est passé simplement de ma part, car il aurait été de mauvais goût d'embarrasser le salon où tout cela se passait.

Lyon, 16 novembre 1855.– Lyon est affreusement froid, et je suis bien mal dans le très mauvais hôtel de l'Europe. Il gelait à glace hier matin quand j'ai quitté Paris. Un gros brouillard a triomphé des pâles effets du soleil; je n'ai pas même pu jouir du joli pays qui, surtout en Bourgogne, m'a semblé border la route. Je ne pense pas trouver un changement de température avant Avignon, et encore gare le mistral!

Nice, 22 novembre 1855.– J'ai eu très froid jusqu'à Valence et une pluie diluvienne de Marseille à Cannes, où le temps est devenu fort agréable et la contrée charmante. J'entends dire que Nice est encombrée de beau monde, à peine de Russes, quelques Allemands, pas mal de Français, innombrablement d'Anglais, plusieurs Italiens, les Sclopis entre autres.

Nice, 26 novembre 1855.– Il a fait hier une journée admirable, et vite, je me suis promenée sur la montagne dans le jardin de la grande Villa Gastaud, habitée il y a trois ans par le général Pepe, occupée maintenant par lady Shelley, un peu blue stocking180, un peu protectrice des arts, etc., polie et obligeante. Dès mon arrivée, elle m'a lancé une invitation pour les concerts qu'elle donne tous les jeudis matin. Je ne sais ce que vaudra sa musique, mais sa maison est charmante et son jardin ravissant; l'air le plus pur, la mer la plus bleue, le ciel le plus resplendissant et une végétation des plus parfumées; des magnolias en pleine terre et des violettes à en faire litière.

Nice, 5 décembre 1855.– La mort de M. Molé laisse un vide dans les rangs déjà si clairsemés des gens de bon goût et de grandes manières. Il était de ceux qui m'avaient vue entrer dans le monde; je n'en connais plus guère de cette date.

Le duc de Noailles m'écrit qu'on s'arrangera pour que ce soit à M. Molé, et non à M. Lacretelle, que M. de Falloux succède à l'Académie, parce qu'il y aura plus d'harmonie et de sympathie entre un tel successeur et un tel prédécesseur.

1856

Nice, 12 janvier 1856.– Pendant plusieurs jours les communications ont été coupées, par mer par la tempête, par terre par le gonflement des torrents et la rupture des ponts. Les voilà enfin rétablies, les vagues se calment, les torrents se sèchent aussi vite qu'ils se précipitent; le soleil fait justice de tous ces excès, et les lettres attendues arrivent pour rendre les distances moins pénibles.

 

Nice, 17 janvier 1856.– On m'écrit de Paris: «La partie va devenir redoutable contre la Russie. On ne peut nier que la coalition est en train de se former contre elle. L'Autriche est fort engagée actuellement pour ne pas prendre les armes au moment donné. La Suède et le Danemark s'engagent peu à peu à leur tour. La Prusse même sera obligée de s'y joindre; elle jouerait trop gros jeu à ne pas le faire; et si plusieurs des puissances continentales prennent part à la guerre, il leur faudra des avantages, et si elles en ont, il en faudra à la France aussi; il pourrait être commode de charger la Prusse d'en faire les frais.»

Une autre lettre me dit: «On n'a pas encore perdu tout espoir de paix, la Russie va entrer en négociation, l'Angleterre fera tout au monde pour y mettre obstacle, mais l'Empereur Napoléon, qui la désire, mettra de la fermeté à l'obtenir. On ne croit pas à la sincérité de la Prusse; aussi, on va bloquer ses ports, et l'Angleterre offre de laisser la France prendre la Belgique et les provinces rhénanes, si la France lui laisse brûler Cronstadt et les flottes russes. L'Autriche va être obligée de marcher avec l'Occident, sans quoi on entre en Italie et on soulève ses provinces.»

Nice, 24 février 1856.– Le morceau de M. Cousin sur Mme d'Hautefort181 est un diamant. La péroraison me plaît moins cependant, car je trouve qu'il y a un certain manque de goût et de simplicité à entretenir le public des voies de Dieu en soi; et ces voies ont beau avoir été ouvertes par les belles converties ou convertisseuses du dix-septième siècle, il n'en est que plus étrange de se produire ainsi, sous les plis de leur robe de bure ou de velours, à ses lecteurs, qui se moqueront bien plus de la vanité qui fait choisir un pareil cadre, qu'ils ne seront édifiés de la profession de foi de l'auteur. Ce n'est pas que je comprenne fort bien, qu'ayant recherche cette haute société chrétienne et y ayant vécu intimement par tant de curieuses recherches, on ne finisse par subir sa bonne et grande influence. On a raison de la mettre en lumière, de l'honorer dans ses écrits et de montrer par là qu'on s'est imbu de son esprit et de ses croyances: cela déjà est utile; mais lorsqu'on veut occuper le public, non seulement de ses écrits, mais encore de sa conscience, il faut alors lui donner, outre de belles paroles, de grands exemples. J'attends donc M. Cousin se couvrant, à Port-Royal-des-Champs, de la poussière des tombeaux; se construisant, des derniers débris de cette illustre thébaïde, une cellule sur la place même d'où M. Singlin dirigeait Mme de Longueville, et s'y donnant la discipline du silence.

Nice, 28 février 1856.– On dit que nous marchons vers la paix, mais que la conclusion, quoique infaillible, sera longue à atteindre. Je crois au travail souterrain et venimeux de lord Palmerston, et le tout me paraît plutôt un armistice, plus ou moins prolongé, qu'une paix équilibrant l'Europe. J'espère, du moins, que la Prusse prendra dans toutes les négociations une part active et honorable182.

Nice, 16 mars 1856.– L'autre jour, Thiers, en parlant de l'Empereur Napoléon, a dit: «Je n'aime pas le cuisinier, mais je trouve sa cuisine excellente.» Ce propos a été rapporté à l'Empereur qui a répliqué: «Dites à M. Thiers que je ne le prendrai pas pour mon marmiton, car il gâterait mes sauces.»

Nice, 21 mars 1856.– Chacun paraît stupéfait et paralysé par les tragédies de Berlin. Je ne savais que ce qu'en disent les journaux qui savent et disent, en général, fort mal. Je suis lugubrement impressionnée de ces scènes sanglantes qui, se mêlant aux aigreurs parlementaires et aux intrigues de la camarilla, indiquent un état de choses inquiétant183. Que trouverai-je à mon retour? Rien de bon, je le crains. M. de Manteuffel arrivant à Paris à la onzième heure ne donne pas grand éclat au rôle politique de son souverain. Tout est fort triste, assez humiliant.

Nice, 31 mars 1856.– Je quitte Nice demain. On me comble ici de toutes parts des plus aimables attentions; il ne tiendrait qu'à moi de me croire adorable et regrettée; j'en rabats beaucoup, mais enfin, ce sont d'assez doux échos; sans s'y fier entièrement, on aime le son. Et cependant, je suis fort triste, je ne saurais trop dire pourquoi, mais je ne puis exprimer de quel poids moral je me sens oppressée, car ma santé est redevenue assez bonne; mais c'est l'âme, ce sont les nerfs, l'esprit, le cœur; c'est là ce qui est en désarroi.

Turin, 8 avril 1856.– J'ai fait route jusqu'ici sans accident; mais, en dépit d'un beau soleil qui éclaire cette belle ville, je sens que je vais vers le Nord, et ce n'est pas une sensation agréable à la peau.

J'ai été choyée et fêtée à Gênes par les Balbi, Pallavicini et Durazzo; et je le suis ici par les Viry, Malabria, Cortanze, Perrone, Villamarina et un Corps diplomatique fort empressé. J'ai vu à Nervi, près de Gênes, la Reine Marie-Amélie, très émue de la visite imprévue et spontanée du Comte de Chambord, qu'elle n'avait pas revu depuis sa petite enfance184. Ce qui eût été un événement, il y a quelques années, n'est plus pour le moment qu'une douceur de famille; mais cette douceur en est une grande pour une personne qui est évidemment bien près d'aller retrouver ceux qui, sans doute, ont célébré là-haut une paix éternelle. La Reine est guérie; mais il n'en est pas moins évident qu'elle n'offre plus de résistance et que le moindre souffle emportera cette transparente enveloppe d'une âme toujours également ferme et douce. Elle m'a nommé tous ses enfants et petits-enfants, mais elle n'a pas même indiqué Mme la Duchesse d'Orléans. Je l'ai trouvée entourée du Duc et de la Duchesse de Nemours, de la Princesse Clémentine et de son mari.

Milan, 12 avril 1856.– J'ai oublié de mander de Turin que j'avais fait une visite à la Duchesse de Gênes; elle a été des plus gracieuses et m'a chargée de beaucoup de choses pour Dresde et pour Potsdam; elle m'a fait voir ses deux gentils enfants185, afin d'en rendre compte à leurs grands-parents d'Allemagne; elle est la nièce favorite de la Reine de Prusse.

On m'a donné à Turin les discours prononcés par le duc de Broglie et M. Nisard à la réception du premier à l'Académie française. Je ne sais si je dois m'en prendre à des fautes d'impression et de ponctuation; mais j'ai trouvé dans le style du Duc des obscurités étranges, des tours de phrases malsonnantes, et parfois des locutions du langage le plus familier. Je ne parlerai pas de l'extrême âpreté de quelques passages peu appropriés à un discours, dont le but principal était de louer l'homme du monde le plus étranger à toute violence186, chez lequel même l'aménité et l'urbanité étaient poussées jusqu'à l'extrême. A la vérité, il importait moins à M. de Broglie de louer Sainte-Aulaire que de paraître rétrospectivement une fois encore sur la scène politique. En un mot, il y a quelque chose de tendu dans ce discours qui lui ôte de la grâce, du naturel, de la simplicité; il est tout pétri de l'âcreté des doctrinaires et il a toute leur disgrâce. M. Nisard, qui veut plaire à tout le monde, pourrait bien ne satisfaire personne.

Il y a trois ans, les pluies de novembre m'empêchèrent d'aller voir la Chartreuse de Pavie. Hier, le ciel étant serein, j'ai mieux rempli mon désir de touriste et je m'en applaudis, car c'est bien beau et bien curieux. Le goût le plus élevé, les arts divers dans leur plus belle expression, la richesse dans sa magnificence s'y donnent la main, pour produire l'achevé. Malgré l'extrême richesse de l'édifice, rendu sous le dernier empereur d'Autriche aux Chartreux, ils n'y ont plus trouvé ni ornements d'églises, ni vases sacrés; pillés aux différentes phases révolutionnaires, tous les biens ruraux ont été également vendus. Il ne leur reste qu'une petite rente fort exiguë, et les aumônes et charités des fidèles, ce qui les expose à mourir de faim au milieu des millions et des millions enfouis dans ce temple merveilleux.

Vienne, 22 avril 1856.– Ma route de Vérone ici s'est faite sans accident. Le passage du Semmering est surprenant de hardiesse et de beauté, le temps était clair, mais froid187. La végétation est arriérée de beaucoup, même sur celle de Vérone, et si le soleil brille, il ne chauffe guère.

Vienne, 26 avril 1856.– J'ai eu l'honneur d'être invitée à une petite soirée chez Mme l'Archiduchesse Sophie, où j'ai été présentée à la jeune Impératrice: aucun de ses portraits ne lui rend justice; elle est parfaitement jolie de visage, de taille, de jeunesse.

M. de Buol est revenu content de la paix de Paris, le comte Orloff s'en retournera enchanté: telle est, je crois, la vraie nuance.

Personne n'est plus à la mode ici que l'Empereur Napoléon: on l'admire, on le redoute, on le considère. Il est plus puissant dans l'opinion que ne l'était son oncle, parce qu'on n'était soumis à celui-ci que par la peur qu'il faisait, et qu'on se confie en son neveu par la peur qu'on a des autres. Il semble à tous un bonheur, une égide. Le prince de Metternich en parle ainsi, et les plus grandes dames en disent autant.

Le Prince-Évêque de Breslau est ici, fort triste de l'état catholique en Prusse. Il dit que le métier de catholique n'y est plus possible, et je tremble de lui voir donner sa démission, ce qui me serait un chagrin personnel.

Vienne, 2 mai 1856.– J'ai eu, hier, une audience de congé chez l'Archiduchesse Sophie qui m'a dit que son second fils, l'Archiduc Maximilien, prince aimable et instruit, aimant la littérature et les arts, allait partir pour Paris, afin d'y voir l'homme le plus remarquable du siècle188. Je crois qu'il est chargé de compliments sur la naissance et en même temps d'assister au baptême189. Le comte de Mensdorff doit l'accompagner; on dit que le choix est excellent.

J'ai dîné hier chez Louise Schœnbourg avec le comte Buol, qui m'a dit que le… Roi… de Wurtemberg allait se rendre… à Paris… De Berlin, quelque Prince ne va-t-il pas suivre la même direction que l'Archiduc? Ce sera une course au clocher.

Berlin, 12 mai 1856.– Me voici arrivée ici, après m'être arrêtée à Dresde. J'y ai vu deux fois la charmante Princesse Royale, heureuse et gracieuse, son époux très aimable; il ne leur manque que d'avoir des enfants, mais cela manque beaucoup. Je me suis complu dans la nouvelle galerie de Dresde, qui fait bien mieux jouir des perles qui s'y trouvent qu'on ne pouvait le faire précédemment.

Sagan, 17 mai 1856.– J'ai quitté Berlin avant-hier. J'avais dîné la veille à Charlottenbourg, où je m'étais rencontrée avec le prince Windisch-Graetz, qui a été reçu avec beaucoup d'honneur à Berlin190. La Reine a été fort gracieuse. Le Roi a placé mon buste dans son cabinet de travail en pendant de celui de Humboldt.

On est plus russe que jamais à Berlin, on y exècre l'Autriche, on n'y aime pas la France, on y adore la Reine Victoria; mais on se défie de son Cabinet. Manteuffel a eu toutes les peines du monde à obtenir l'Aigle noir pour l'Empereur Napoléon. Hatzfeldt demande à grands cris l'apparition d'un prince prussien à Paris; jusqu'à présent, je n'en entends pas nommer. On espère à Berlin la visite de l'Empereur de Russie. Les médecins insistent pour que le Roi aille à Marienbad; il est visible qu'il en a grand besoin, car il est très maigri, vieilli et abattu. Humboldt s'affaiblit visiblement.

Sagan, 28 mai 1856.– Le voyage du Prince-Régent de Bade191 à Paris augmentera la liste princière qui se presse autour de l'Empereur Napoléon. Il y en a une bien étendue aussi en ce moment à Potsdam: on déloge toutes les dames d'honneur, on éparpille la Cour dans tous les temples, kiosques et berceaux des jardins, vie idyllique, fort peu commode pour les devoirs de la Cour. L'Empereur Alexandre, le Prince et la Princesse Royale de Wurtemberg arrivent demain. L'Impératrice veuve de Russie a atteint Potsdam, vivante; voilà le miracle qui en promet d'autres, par exemple: d'atteindre Wildbad, d'être à Moscou au couronnement de son fils, et à Palerme pour le 1er novembre. Tels sont ses projets.

Une correspondante de Mme la Duchesse d'Orléans me disait, il y a peu de jours, que la Duchesse est triomphante. Il y a, en effet, de quoi! Si son fils, au 24 août192 prochain, chante la Parisienne, soldat du drapeau tricolore, il aura une belle position! Il pourra demander du service dans les zouaves de la Garde impériale. Que tout cela est pitoyable! Se désunir sur des mots, sur des titres, sur des nuances, quand on est encore si loin du but! Il semblerait qu'on n'a qu'à faire ses malles pour s'installer, les uns au pavillon de Marsan, les autres au pavillon de Flore. Jamais on ne s'est plus appliqué à jouer le jeu de ses adversaires et à faire prendre racine à la dynastie napoléonienne. Je me souviendrai toujours, avec une triste satisfaction, que mon dernier mot adressé à la Duchesse d'Orléans, le jour où je la vis à Eisenach, en 1849, a été: «Tout ce que je désire, Madame, c'est que vous ne fassiez pas d'un Président un Empereur.» Elle a probablement oublié cet adieu, mais je m'en souviens pour déplorer d'avoir prédit si juste. Elle aura fait bien du mal à son fils.

Téplitz, 20 août 1856.– Le bruit répété que M. de Morny refuse, tout le long de sa route, d'épouser des princesses, tantôt en Saxe, tantôt en Mecklembourg, et aussi de Hohenzollern, est sans doute une mauvaise plaisanterie que font courir ses ennemis. Il me semble qu'il est assez ridicule avec son faste et ses fracas; on prétendait qu'il avait beaucoup de goût et de mesure. Eh bien, pas du tout193! Esterhazy a commencé dès Pétersbourg à donner des fêtes et à éblouir les Moscovites par un luxe non moins asiatique que le leur.

Le maréchal Pélissier, ou pour mieux dire, le duc de Malakoff succombe sous le poids des ovations et des honneurs194. Le maréchal Canrobert pourrait en avoir un peu de jalousie, s'il ne possédait pas, à ce que l'on dit, cette vanité naïve dont la trame est impénétrable.

Il y a un peu de Pourceaugnac dans les hommes de ce temps-ci, y compris la berline dans laquelle le Comte de Paris, M. Thiers, le Duc de Chartres et Montguyon roulent ensemble à Hambourg et ses environs. M. Thiers est dans le fond à côté du Comte de Paris, et M. de Montguyon avec le Duc de Chartres sur le devant195.

Téplitz, 21 août 1856.– Humboldt m'écrit merveille sur le mariage de ma petite-fille Castellane avec le prince Antoine Radzivill; puis, il me dit que la douloureuse, très gauche et un peu ridicule expédition du Prince Adalbert de Prusse sur la côte du Maroc fait à Berlin un effet qui ne saurait être comparé qu'à celui produit à Madrid par le désastre de la Grande Armada, il y a quelques siècles196.

Sagan, 5 septembre 1856.– Voici une nouvelle épreuve. Mon excellent beau-frère, frappé en quarante-huit heures de plusieurs attaques d'apoplexie répétées qui lui ont nécessairement affaibli le corps et l'âme jusqu'à lui ôter enfin toute connaissance, a rendu hier le dernier soupir, à deux heures et demie de l'après-midi197.

Berlin, 16 octobre 1856.– Le dédale d'affaires dans lequel je suis enfoncée par suite de la mort de mon beau-frère m'a obligée à venir ici. Des revenants de Moscou racontaient hier, à Sans-Souci, que les Granville y ont donné les meilleurs dîners, que les équipages de M. de Morny y primaient tous les autres; mais que c'était la fête donnée par le prince Esterhazy qui l'avait emporté par l'élégance, l'éclat, le bon goût, le grand air, sur toutes les autres fêtes, et qu'on y avait senti qu'on était chez un grand seigneur. Le prince Esterhazy, lui-même, m'a écrit la veille de son départ de Moscou qu'il était satisfait de son séjour, moins encore sous les rapports mondains que par l'espérance d'avoir adouci une partie de l'aigreur qui régnait entre les deux Cours.

Sagan, 20 octobre 1856.– La Duchesse de Gênes s'est remariée à un jeune officier qui était aide de camp de feu son mari; et cela à l'insu de tout le monde. L'époux est fort peu intéressant, peu considérable et peu considéré, pas beau, n'ayant que la cape et l'épée. On dit qu'on ôte à la Duchesse la tutelle de ses enfants et qu'elle sera renvoyée en Saxe; mais il n'y a de certain, je crois, que le fait du mariage198.

165Dans le but de l'empêcher d'aller en Crimée, les Cabinets anglais et français avaient persuadé à l'Empereur Napoléon III de venir rendre visite à la Reine d'Angleterre. Il y alla, en effet, passer une semaine, au mois d'avril 1855, accompagné de l'Impératrice Eugénie.
166La plus célèbre des sources à Carlsbad.
167Dans la matinée du 18 juin 1855, les Français avaient attaqué Malakoff et les Anglais le grand Redan. Cet assaut fut rejeté sur tous les points avec des pertes immenses pour les deux armées alliées, qui y perdirent chacune plusieurs généraux et un grand nombre d'officiers supérieurs.
168Lord Raglan avait soutenu avec dignité le poids du commandement, mais le dénuement de ses soldats et les attaques de la presse anglaise contre un état de choses, auquel il ne pouvait remédier, l'affectèrent vivement. Atteint du choléra, il n'y résista pas et mourut à son quartier général.
169L'Empereur Napoléon III avait convoqué les Chambres en session extraordinaire, afin de faire un nouvel appel à leur patriotisme, en leur demandant les moyens de continuer la lutte.
170A propos de l'observation du dimanche et du bill dit du Commerce de lord Growenor, une démonstration populaire avait eu lieu à Hyde-Park. La police dut arrêter la circulation des voitures et sévir contre les personnes qui avaient voulu intervenir.
171De l'anglais: pauvre chère vieille Angleterre.
172La Reine Marie-Amélie voulant aller passer une partie de l'hiver en Italie, on avait parlé d'une visite à Frohsdorff, mais la Reine se borna à un séjour à Savone, sans donner suite à ce premier projet.
173Le bruit s'était répandu que, sur la demande du prince Napoléon, l'Empereur retirerait son commandement au maréchal de Castellane.
174Maison de campagne des évêques d'Orléans que Mgr Fayet avait eu la bonne fortune d'acquérir pour le diocèse. Elle avait appartenu, au commencement de ce siècle, à la célèbre comédienne Mlle de Raucourt. Mgr Dupanloup en faisait sa résidence d'été, à proximité de laquelle se trouvait son petit séminaire, objet de ses soins particuliers.
175Quelques jours avant la prise de Sébastopol, l'Empereur Napoléon III eut le grand triomphe de recevoir à Paris la Reine Victoria, accompagnée du prince Albert. Sur les conseils du Gouvernement anglais, desireux de resserrer l'alliance entre les deux peuples, la Reine vint à Paris pour y visiter l'Exposition universelle.
176Le 8 septembre 1855, à midi, les Français avaient emporté d'assaut la tour de Malakoff regardée comme la clef de Sébastopol et, un peu plus tard, le Grand Redan. Les Russes, voyant la solide occupation de ces deux points principaux, se déterminèrent à évacuer la place, après avoir ruiné et fait sauter par la mine, les défenses, les édifices et avoir coulé leurs derniers vaisseaux.
177Ce mot allemand, intraduisible en français, veut dire: quelque chose de désagréable.
178Dans la nuit du 26 au 27 août 1855, cinq à six cents ouvriers des ardoisières de Maine-et-Loire s'étaient emparés d'une caserne de gendarmerie et avaient essayé de surprendre la ville d'Angers; ils furent dispersés par la force armée et pour la plupart faits prisonniers. Ils appartenaient à la société secrète dite de la Marianne.
179La duchesse d'Istrie habitait le premier étage de l'ancien hôtel Talleyrand, alors en possession du baron de Rothschild, qui en avait fait l'acquisition après la mort du prince de Talleyrand.
180De l'anglais: bas bleu.
181Dans cet ouvrage, M. Cousin essaie de peindre, dans toute sa vérité, la lutte mémorable que le cardinal Mazarin eut à soutenir, en 1643, au début de la Régence, contre les Importants, les devanciers des Frondeurs. Parmi ses nombreux et puissants adversaires, figurent deux femmes qui avaient déjà tenu tête à Richelieu. C'étaient Mme de Chevreuse et Mme d'Hautefort qui, dit M. Cousin, «est à peu près assurée de plaire par le pur éclat de sa beauté, la vivacité généreuse de son esprit, la délicatesse et la fierté de son cœur et son irréprochable vertu.»
182Le 21 février 1856 s'était ouvert à Paris, sous la présidence du comte Walewski, un Congrès des grandes Puissances qui avaient pris part à la guerre de Crimée, pour arrêter les bases d'un traité. L'Autriche, quoique non belligérante, étant directement intéressée dans la lutte, dont la rive gauche du Danube était l'enjeu, y prit une large part par son représentant le comte Buol, dont l'attitude raide et cassante fut souvent une cause d'irritation parmi les négociateurs, froissés d'entendre l'Autriche parler comme si elle avait pris Sébastopol; mais ce ne fut que quand les principales clauses du traité furent arrêtées le 18 mars par les Puissances, qu'elles admirent la Prusse à la continuation des débats qui allaient s'engager sur la convention des Détroits, la Prusse ayant été partie contractante en 1841 dans l'acte relatif à la fermeture des Dardanelles et du Bosphore. La paix fut signée le 30 mars, amenant la neutralisation de la mer Noire et empêchant l'absorption de l'Empire Ottoman par la Russie. Tout paraissait donc fini, mais l'Empereur Napoléon et le comte de Cavour en avaient décidé autrement. Le 27 mars, les plénipotentiaires sardes avaient présenté aux Ministres des Affaires étrangères de France et d'Angleterre une note relative aux affaires d'Italie. M. Walewski, par ordre de son maître, proposa aux plénipotentiaires d'ajourner leur départ pour un échange d'idées sur différents sujets qui demandaient une solution. Les discussions restèrent sans conclusion alors, mais grâce à la connivence des Gouvernements de France et d'Angleterre, qui soutinrent vivement le comte de Cavour, la situation des affaires italiennes n'en fut pas moins traduite à la barre de l'Europe.
183M. de Rochow, membre de la Chambre des Seigneurs de Prusse, avait tué en duel M. Hinckeldey, directeur général de la police à Berlin. Le Roi, ayant eu connaissance de ce projet de duel, avait chargé M. Raümer, conseiller du Ministère de sa maison, de voir les adversaires et de les réconcilier. N'ayant pas réussi dans sa mission, celui-ci se suicida en apprenant la fatale issue de ce duel. A la séance de la Chambre des Seigneurs, le Président, prince de Hohenlohe, ayant simplement exprimé le regret que M. de Rochow se trouvait empêché de s'y rendre, le point d'honneur l'ayant forcé d'enfreindre les lois du pays, sans parler de la mort de M. Hinckeldey, un grand mécontentement s'en était suivi en ville.
184La visite du Comte de Chambord à sa tante la Reine Marie-Amélie avait eu lieu à Nervi les tout premiers jours d'avril.
185La Princesse Marguerite, l'aînée de ces deux enfants, est Reine d'Italie.
186M. de Sainte-Aulaire.
187En 1854, l'Empereur François-Joseph avait inauguré une ligne de chemin de fer qui reliait directement la ville de Vienne à la mer Adriatique. Une Compagnie, dont M. Nathaniel de Rothschild était un des principaux actionnaires, avait, à l'aide de seize mille ouvriers, construit cette voie ferrée qui, tout en serpentant la chaîne du Semmering, la traverse à plus de trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer.
188L'Archiduc fut reçu à Paris avec tous les honneurs civils et militaires. Son voyage était sans but politique, quoique le bruit courut que ce Prince venait négocier une entrevue à Munich entre l'Empereur, son auguste frère, et l'Empereur Napoléon.
189Pendant que le Congrès était réuni à Paris, l'Impératrice Eugénie donna le jour à un fils qui naquit aux Tuileries, le 16 mars 1856. D'abord ondoyé, le Prince Impérial ne fut baptisé que le 15 juin suivant, très solennellement à Notre-Dame. Le Pape Pie IX, qui était son parrain, se fit représenter par le cardinal Patrizi, et la Reine de Suède, sa marraine, par la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade.
190Le prince Windisch-Graetz se trouvait alors à Berlin pour assister à des manœuvres militaires. Il n'avait aucune mission politique.
191Le Prince Louis de Bade incapable de régner, par suite d'une maladie mentale des plus graves, son frère cadet, le Prince Frédéric-Guillaume, succéda en 1852 à leur père, le Grand-Duc Charles-Léopold. Il prit d'abord le titre de Régent, et ce ne fut qu'en 1856 qu'il s'attribua le titre de Grand-Duc, par une patente spéciale.
192Le 24 août était le jour de naissance du Comte de Paris qui, en 1856, atteignait l'âge de dix-huit ans, par conséquent, la majorité pour les rois de France.
193Le duc de Morny se rendait à Moscou comme Ambassadeur extraordinaire, pour représenter la France au couronnement de l'Empereur Alexandre II. Il déploya un luxe qui paraissait d'un goût douteux à côté de celui du prince Esterhazy et de lord Granville, le premier représentant l'Autriche, le second l'Angleterre.
194Après la signature de la paix et l'évacuation de la Crimée, le maréchal Pélissier revint en France au mois d'août 1856. Il fut reçu avec les plus grands honneurs et un accueil enthousiaste de la part de la population. En débarquant à Marseille, le Maréchal trouva une lettre de l'Empereur qui lui conférait le titre de duc de Malakoff; en outre, le Corps législatif lui vota une dotation annuelle de cent mille francs, transmissible à sa descendance directe de mâle en mâle.
195Mme la Duchesse d'Orléans était pour un mois à Hambourg où elle avait appelé plusieurs de ses partisans.
196Le Prince Adalbert, grand-amiral de la flotte prussienne, à bord de la frégate Dantzig, avait été attaqué sur la côte du Maroc par les pirates du Riff. Le Prince avait reçu une balle dans la cuisse durant le combat où il perdit sept hommes, son lieutenant de vaisseau entre autres, et dix-sept blessés. Cette mésaventure avait péniblement impressionné à Berlin où, par dérision, on la compara au désastre de cette formidable flotte de guerre, connue sous le nom de l'invincible Armada, équipée en 1588 par le Roi Philippe II d'Espagne et destinée à envahir l'Angleterre afin d'y rétablir le catholicisme.
197Le comte Schulenbourg avait été frappé à table, pendant qu'il dînait, le 3 septembre, d'une attaque d'apoplexie, dont il mourut le lendemain.
198Devenue veuve le 10 février 1855 du Duc de Gênes, la Duchesse avait épousé morganatiquement et secrètement, en octobre 1856, un marquis de Rapollo qui avait été aide de camp de son mari.