La Suisse entre quatre grandes puissances

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1.2.2. L’ordonnance du 8 mars 1887 sur le Service territorial, le Service des étapes et l’exploitation des chemins de fer

L’ordonnance du 18 novembre 1884 ne constituait qu’un premier pas législatif. Pour que le système de mobilisation soit totalement en place et concrétisé, les diverses instances concernées (Conseil fédéral, Département militaire fédéral, commandants de division, gouvernements cantonaux, Commissariat central des guerres, médecin et vétérinaire en chef, etc.) devaient encore émettre leurs directives d’exécution. De plus, Keller dut également mettre sur pied le Service territorial et organiser celui des transports par chemin de fer. Ces services, qui devaient s’occuper des questions de logistique, de transport et de liaison entre l’armée de campagne et l’intérieur du pays, étaient en effet indispensables pour concentrer cette dernière et la maintenir en état opérationnel.

Ces différents services furent constitués par l’ordonnance sur le Service territorial, le Service des étapes et l’exploitation des chemins de fer en temps de guerre du 8 mars 1887.148 D’importantes lacunes étaient ainsi comblées. Jusqu’alors, l’armée suisse ne disposait en effet d’aucune organisation réelle, mise en place dès le temps de paix, correspondant à de tels services. Le Service territorial n’était pas mentionné dans la loi sur l’organisation militaire du 13 novembre 1874.149 De plus, les officiers qui devaient servir en tant que commandants ou membres d’un état-major n’étaient pas désignés. A la mobilisation, ils devaient être choisis par l’Etat-major général parmi les officiers disponibles. En ce qui concernait le Service des chemins de fer, un «Eisenbahnstab» avait été organisé dès 1874 au sein du Bureau d’état-major, avec un personnel comprenant 5 colonels, 11 lieutenants-colonels, 12 majors et 17 capitaines. Ils formèrent ultérieurement la Section des chemins de fer du Bureau d’état-major. Divers règlements et ordonnances sur le transport ferroviaire avaient bien été édictés, mais il s’agissait avant tout de documents techniques, s’intéressant au chargement des wagons et aux tarifs.150 Toutefois, il manquait un rouage fondamental, le Service des étapes, comme le soulignait en 1882, dans un article de la Revue militaire suisse, le major EMG Stephan Gutzwiller.151 Pour remédier à ces carences, l’ordonnance du 8 mars 1887 organisa le Service territorial, le Service des étapes et le Service des chemins de fer pour «assurer les communications de l’armée d’opérations avec l’intérieur du pays, pour son ravitaillement général et pour l’évacuation des ressources de guerre de tout genre».152

L’article 3 de l’ordonnance définissait les missions du Service territorial, soit «la surveillance des intérêts militaires dans l’intérieur du pays, la préparation du ravitaillement, la réception des convois d’évacuation et la protection des communications en arrière de l’armée d’opérations». Ce service, qui dépendait non pas du général, mais du Département militaire fédéral, était organisé géographiquement sur l’ensemble du territoire helvétique selon le découpage des huit arrondissements de division et chacun d’entre eux possédait un siège central:

– 1er Arrondissement territorial: Lausanne

– 2e Arrondissement territorial: Neuchâtel153

– 3e Arrondissement territorial: Berne

– 4e Arrondissement territorial: Lucerne

– 5e Arrondissement territorial: Aarau

– 6e Arrondissement territorial: Zurich

– 7e Arrondissement territorial: St-Gall

– 8e Arrondissement territorial: Coire

Chacun de ces huit arrondissements avait à sa tête un commandant d’arrondissement nommé par le Conseil fédéral. Il devait fonctionner comme délégué du Département militaire fédéral auprès des cantons de son arrondissement et collaborait directement avec eux. Il était également le commandant des troupes et des militaires qui n’appartenaient ni à l’armée de campagne, ni à un commandement indépendant, c’est-à-dire les recrues ayant achevé leur instruction, les volontaires et, surtout, les hommes du landsturm. Ses attributions étaient nombreuses, car il était notamment chargé de l’évacuation des ressources de son arrondissement, du maintien de l’ordre militaire, de la surveillance de la presse et des étrangers, de l’internement des belligérants. Il s’occupait aussi du «complètement» des troupes. Les établissements militaires (dépôts de recrues et de troupes, de chevaux et de matériel de guerre, arsenaux, magasins, hôpitaux de l’armée, etc.) ne relevaient toutefois pas de son ressort, sauf si un ordre spécial le précisait. Ceux-ci restaient sous l’autorité des chefs d’arme et de service.

L’emploi massif du chemin de fer nécessitait également une organisation appropriée. L’utilisation de ce moyen de transport rapide et de grande capacité était prévue, dans un premier temps, dans la phase de concentration de l’armée, pour le transport des troupes. Celui-ci se faisait à une vitesse moyenne de 25 km/h et respectait deux principes fondamentaux: transporter une unité tactique complète sur un seul train et faire arriver ce train à destination sans le fractionner. Pour concentrer une division, l’Etat-major général avait calculé qu’il fallait 33 trains, soit 1 pour l’état-major et les guides, 13 pour les 2 brigades d’infanterie, 3 pour le régiment de cavalerie, 6 pour les 3 régiments d’artillerie, 2 pour les formations du génie et 8 pour le parc, les troupes sanitaires et l’administration. Ultérieurement, les trains devaient avant tout assurer les transports entre l’arrière et l’armée de campagne, les déplacements des troupes sur le champ de bataille constituant des exceptions. Ils devaient ravitailler celle-ci en hommes, en matériels et en munitions et évacuer tout ce qui ne lui était plus nécessaire ou ce qui devait être réparé, ainsi que les blessés et les prisonniers.


Illustration 6: Transport par wagon d’une pièce d’artillerie de 8 cm, avec avant-train de caisson, d’après le règlement du 3 novembre 1885 sur les transports militaires par chemin de fer et bateaux à vapeur. Archives fédérales.

Pour remplir ces missions, l’ordonnance du 8 mars 1887 organisa le Service des étapes et celui des chemins de fer. Le Service des étapes disposait des chemins de fer et des bateaux à vapeur et, si ces moyens ne suffisaient pas, des étapes de marche.154 Il était placé sous les ordres directs du général et était organisé territorialement d’après les six groupes de chemins de fer. Il comprenait les organes suivants:

– 1 commandant en chef des étapes. Celui-ci était le chef du Service des étapes de l’armée et se trouvait au Quartier général de l’armée. Il était directement subordonné au chef d’état-major.

– 1 commandant de l’étape centrale. Remplaçant et subordonné immédiat du commandant en chef des étapes, il avait pour mission de diriger et de centraliser le service des étapes proprement dit. En relation avec le chef d’exploitation principal des chemins de fer, il recevait des stations têtes d’étapes les convois d’évacuation de l’armée et les dirigeait vers les stations d’étapes initiales correspondantes. Inversement, il recevait des stations d’étapes initiales ou des stations d’étapes de réunion les convois de ravitaillement destinés à l’armée et les dirigeait vers les stations têtes d’étapes.

– 6 commandants d’étapes de réunion. Subordonnés directs du commandant de l’étape centrale, ceux-ci exécutaient ses ordres dans leur réseau d’étape respectif. Ces six réseaux correspondaient aux six groupes de chemins de fer.

– 26 commandants d’étapes initiales. Ces fonctions étaient assumées par les commissaires des guerres des 25 cantons et le commissaire des guerres de la place de Thoune, qui servaient d’intermédiaires entre les étapes de réunion et les arrondissements militaires de division ou les établissements militaires. Directement subordonnés à leur commandant d’étape de réunion respectif, les commandants d’étapes initiales disposaient du personnel cantonal, qui pouvait être renforcé par des détachements de landwehr et de landsturm.

– Le nombre nécessaire de commandants de têtes d’étapes. Ces commandants avaient une double subordination. Pour tout ce qui concernait le ravitaillement de l’armée, ils étaient subordonnés au commandant en chef des étapes. En revanche, pour les transports depuis l’armée en direction de l’intérieur du pays, ils étaient subordonnés au commandant de l’étape centrale. Ces commandants servaient d’interfaces entre les commandants de divisions et de corps d’armée et les commandants d’étapes de réunion. A noter que des commandants d’étapes intermédiaires, subordonnés aux commandants de têtes d’étapes, pouvaient être créés si le besoin s’en faisait sentir.

Le Service des chemins de fer et des bateaux à vapeur était, quant à lui, dirigé par le chef du Service des transports et relevait du général.155 Disposant de l’ensemble du matériel et du personnel civils des compagnies de chemins de fer et de bateaux à vapeurs que la Confédération avait le droit de réquisitionner, il comprenait 1 chef d’exploitation principal, 1 chef du Service technique chargé des travaux de construction et d’entretien des lignes et 6 chefs de groupes d’exploitation. Le chef d’exploitation principal était le remplaçant du chef du Service des transports dont il exécutait les ordres. Il disposait, sous ses ordres, de divers bureaux: Bureau de l’exploitation, chargé des questions d’horaires et de personnel; Bureau central et Bureaux de répartition du matériel roulant; Bureau du contrôle des transports et de la comptabilité.

 

Les 6 chefs de groupes d’exploitation étaient à la tête des 6 groupes de chemins de fer dans lesquels étaient répartis les réseaux des différentes compagnies de chemin de fer et de navigation suisses. Ces 6 groupes, qui employaient le matériel et le personnel utilisés par les compagnies en temps de paix, étaient ainsi organisés:

– 1er Groupe, siège à Lausanne (éventuellement Fribourg)

lignes de la Compagnie de la Suisse occidentale et du Simplon

tronçon du chemin de fer Paris–Lyon–Méditerranée

chemin de fer du Jura neuchâtelois

ligne Lausanne–Echallens

ligne Lausanne–Ouchy

ligne Territet–Glyon

navigation à vapeur sur les lacs Léman, de Neuchâtel et de Morat

– 2e Groupe, siège à Berne

chemins de fer Jura–Berne–Lucerne

chemin de fer du Boedeli

chemin de fer du Brunig

ligne Tavannes–Tramelan

navigation à vapeur sur les lacs de Bienne, Thoune et Brienz

– 3e Groupe, siège à Olten (éventuellement Lucerne)

lignes exploitées par la Compagnie du chemin de fer du Central

tronçons des lignes badoises et d’Alsace–Lorraine sur territoire bâlois

ligne de l’Emmental

ligne de Waldenbourg

ligne du Seetal argovien-lucernois

navigation à vapeur sur les lacs des Quatre-Cantons et de Zoug

– 4e Groupe, siège à Lucerne

ligne du Gothard

lignes Vitznau–Righi et Arth–Righi

navigation à vapeur sur les lacs de Lugano et Majeur

– 5e Groupe, siège à Zurich

lignes de la Compagnie des chemins de fer du Nord-Est

tronçon de la ligne badoise sur territoire de Schaffhouse

ligne de l’Üetliberg

ligne Wädenswil–Einsiedeln

navigation à vapeur sur les lacs de Zurich et de Constance et sur le Rhin

– 6e Groupe, siège à St-Gall (éventuellement Sargans ou Rapperswil)

lignes de la Compagnie des chemins de fer de l’Union Suisse

ligne de la vallée de la Töss

lignes appenzelloises

ligne Rorschach–Heiden

Tous ces travaux d’organisation de la mobilisation découlant de l’ordonnance de 1884, divers, vastes et complets, ont nécessité beaucoup de temps, plus que ne l’avait prévu Keller. Commencés en 1886, ils n’ont été terminés qu’en 1888, mais ils mettaient en place une organisation efficace, permettant une mise sur pied rapide de l’armée. La mobilisation des troupes, leur équipement et leur regroupement en unités d’armée nécessitaient un délai de cinq à six jours. A partir de ce moment, les opérations de concentration de l’armée pouvaient commencer. Ce système donnait à la Suisse une avance de plusieurs jours par rapport à ses voisins. En septembre 1890, Keller, depuis quelques mois à la tête de l’Etat-major général, estimait que l’armée suisse aurait un jour d’avance par rapport à l’armée française, deux par rapport aux armées allemande et austro-hongroise et au moins trois par rapport à celle de l’Italie.

2. L’ère Keller

Le travail réalisé par Keller et les instances responsables de la mobilisation de l’armée dans la deuxième moitié de la décennie 1880, si important et si réussi fût-il, n’était cependant pas terminé. Il fallait mettre en place et faire fonctionner, dans la pratique, l’organisation définie sur le papier et remédier à de nombreux problèmes, plus ou moins importants. Il fallut tout d’abord instruire les différents collaborateurs ou subordonnés. Le système de mobilisation, relativement complexe, mettait en scène de nombreux acteurs fédéraux, cantonaux et communaux. De plus, le système était appelé à connaître de fréquentes modifications. Les raisons de ces changements étaient nombreuses. Il y eut celles qui découlaient des changements dans les principes de mobilisation et dans l’organisation de l’armée. Les variations dans les effectifs des chevaux des communes ou les changements dans les organisations et les structures des compagnies ferroviaires avaient également des répercussions sur les préparatifs de mobilisation.

2.1. Le système de mobilisation

2.1.1. Les modifications de l’ordonnance sur la mobilisation

Durant la période où Keller fut à la tête de l’Etat-major général, l’ordonnance sur la mobilisation de l’armée a été révisée à trois reprises, en 1891, en 1895 et en 1898.156 La première révision a été rendue nécessaire par l’augmentation du nombre des voitures à l’Etat-major de l’armée et dans les états-majors des divisions, ainsi que dans certaines formations des troupes d’infanterie, du génie et de l’administration.157 Elle a été demandée par le chef de l’Etat-major général le 5 mars 1891 qui informait par une lettre le chef du Département militaire fédéral de la nécessité de cette révision. L’augmentation de la dotation en moyens de transport entraînait une augmentation des besoins en chevaux. Ceux-ci se montaient désormais à 50 000, y compris les chevaux de remplacement. Cela représentait environ les trois quarts des 68 571 chevaux aptes au service de toute la Suisse, chiffres donnés par le dernier recensement des chevaux effectué à la fin de l’année 1890.

Pour Keller, le système de réquisition des chevaux et des voitures présentait d’importantes lacunes et il était absolument nécessaire d’en modifier les modalités. Une des grandes améliorations apportées par la nouvelle ordonnance fut l’adjonction d’un officier de réquisition des chevaux au commandant de place de mobilisation. Le chef de l’Etat-major général soulignait également que les cantons ne remplissaient pas toujours leurs tâches dans ce domaine. Les communes n’étaient pas assez bien informées sur le nombre de chevaux qu’elles devaient mettre à disposition, sur les corps de troupes et états-majors à qui ces chevaux devaient être remis. Pour remédier à ces manques, Keller proposa d’imprimer sous forme de livre, aux frais de la Confédération, les listes de répartition des chevaux et des voitures, aussitôt après leur réalisation par les cantons. Ces livres devraient être tirés à 5000 exemplaires et remis aux gouvernements cantonaux qui seraient alors chargés de leur distribution aux différentes instances concernées.

En 1895, ce fut la création des corps d’armée qui obligea à revoir l’ordonnance sur la mobilisation.158 La mise en place de ces grandes unités entraînait des changements de structures importants dans l’ordre de bataille de l’armée. De nouvelles formations furent créées pour les corps d’armée et les troupes du génie durent être totalement réorganisées. Ces modifications entraînèrent de nombreux changements qui concernaient les places de rassemblements de corps. Outre l’édiction de prescriptions relatives à la réquisition des bicyclettes, la nouvelle ordonnance se distinguait également de la précédente dans deux domaines. En premier lieu, les prescriptions concernant la réquisition des chevaux étaient modifiées. Désormais, ces derniers n’étaient plus directement attribués aux différentes formations par les communes. Celles-ci se contentaient de mettre à disposition le nombre d’animaux prescrits, la répartition se faisant ultérieurement, sur la place d’estimation, sous la direction d’un officier chargé de cette mission spécifique. Ensuite, la nouvelle ordonnance contenait des mesures destinées à améliorer l’information des cantons. Les détails concernant la mobilisation leur étaient communiqués au début de chaque année au moyen de tableaux mis à jour, de manière à ce qu’ils puissent effectuer les adaptations nécessaires jusqu’au mois d’avril.

La révision du 4 mars 1898 a été rendue nécessaire par les deux lois de 1897 relatives à l’organisation des corps de troupes de l’artillerie et de l’infanterie de landwehr.159 Cette dernière comptait dès lors 33 bataillons de premier ban qui, regroupés en brigades, pouvaient être subordonnés aux corps d’armée. La constitution de ces nouvelles formations impliquait une refonte complète de l’organisation et des plans de mobilisation. Les troupes de landwehr seraient, en effet, mises sur pied en même temps que celles de l’élite et non plus après. Il fallait donc prévoir les infrastructures et l’organisation nécessaires.

Le texte de la nouvelle ordonnance sur la mobilisation était par ailleurs structuré d’une manière totalement différente par rapport aux versions antérieures. Celle-ci était devenue un véritable manuel destiné à faciliter les activités de mobilisation, comprenant de nombreux tableaux concernant les effectifs des hommes, des chevaux et des voitures des différents états-majors et corps de troupes, les places d’estimations des chevaux et des voitures de réquisition. D’autre part, diverses ordonnances et instructions accompagnaient le document, de manière à guider les différents acteurs dans leurs tâches.160

Les périodes entre deux révisions de l’ordonnance sur la mobilisation n’étaient pas exemptes de changements importants. Le plus significatif fut sans doute la tendance à la décentralisation de la mobilisation qui commença à partir de 1893, au lendemain de la création des corps d’armée.161 Cette décentralisation se fit petit à petit, au rythme de la construction de nouveaux arsenaux, situés en dehors des chefs-lieux ou autres villes, où fut entreposé le matériel de guerre de certaines formations, qui virent ainsi leur lieu de mobilisation changer. En 1894, par exemple, le matériel des bataillons d’infanterie et du régiment d’artillerie de l’Oberland bernois fut décentralisé de Berne à Thoune, celui du 4e Escadron de cavalerie d’élite le fut de Morges à Moudon et celui de diverses formations zurichoises de Zurich à Winterthour.162 Un deuxième axe de décentralisation apparut en 1898, avec la création des places d’organisation. Désormais, l’organisation des unités et la mobilisation se déroulaient sur deux lieux différents, mais situés près l’un de l’autre. La première opération, comprenant l’appel des hommes selon le contrôle de corps, la visite sanitaire, la formation des sections, la distribution de l’équipement et la réception des chevaux, s’effectuait sur les places d’organisation et la seconde, durant laquelle on procédait à la lecture des articles de guerre, à la remise des drapeaux et à la prestation du serment, sur les places de rassemblement de corps.

A partir de 1900, le chef de l’Etat-major général pouvait considérer que le système de mobilisation était au point. Il avait donc fallu deux ans pour l’adapter aux derniers grands changements d’organisation de l’armée. En 1902, satisfait de son travail, il constatait: «Il se pourrait bien que, de façon toute générale, nous ayons actuellement réalisé tout ce qui pouvait l’être en fonction de l’organisation militaire en vigueur, et ce sans avoir mis pratiquement à l’épreuve les préparatifs effectués.»163

En 1906, le nouveau chef de l’Etat-major général, Theophil Sprecher von Bernegg, ne partageait pas du tout l’optimisme et la satisfaction de son prédécesseur, estimant qu’il était urgent de réviser l’ordonnance sur la mobilisation de l’armée. Il considérait qu’il était impossible d’attendre l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation militaire en cours de préparation. Il mit donc au point une nouvelle ordonnance sur la mobilisation de guerre, mieux conçue et plus claire que l’ordonnance antérieure. Elle marquait également un renforcement des pouvoirs de la Confédération au détriment des cantons. Ceux-ci ne nommaient désormais plus les commandants de place qui étaient désignés par le Département militaire fédéral. Les nouvelles prescriptions apportaient aussi divers progrès, comme une plus grande rapidité dans la mobilisation – le premier jour de la mobilisation pouvait être fixé au lendemain de la date de décision du Conseil fédéral – ou l’emploi du livret de service en tant que titre de transport. Enfin, elles tenaient compte des développements techniques: pour la première fois, les véhicules à moteur étaient intégrés dans les mesures de réquisition.