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Histoire Médicale de l'Armée d'Orient. Volume 2

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ESSAI
Sur la topographie physique et médicale de Damiette, suivi d'observations sur les maladies qui ont régné dans cette place, pendant le premier semestre de l'an VII, par le citoyen Savaresi , médecin ordinaire de l'armée

Damiette est située sur le bord oriental de la branche Phatnitique du Nil, à deux lieues de la mer, dans une presqu'île, qui est formée par le fleuve, par la mer, et le lac Menzaléh, qui se trouve à l'est, et à un quart de lieue de la ville. Elle est plus orientale que le Kaire; et les chaleurs y sont plus modérées, étant au 31° 25' 53" de latitude boréale, et au 29° 29' 15" de longitude, méridien de Paris. Un grand canal baigne ses murs, et un autre partage sa longueur en travers, laquelle s'étend du nord, où sont les tombeaux, au sud. Son territoire est couvert de rizières, et arrosé par une infinité de canaux; conséquemment les fièvres intermittentes y règnent l'automne, comme dans le Piémont et la Lombardie. Les insectes de toute espèce s'y multiplient considérablement, surtout les cousins, dont la piqûre produit une tumeur grosse comme la moitié d'une noisette, semblable à celle de la fièvre nommée par les nosologistes pemphigus. Dans le Delta, et vis-à-vis Damiette, il y a le village de Sénaniéh, qui est entouré de marais produits par l'inondation: tout près, il y a des tombeaux mal bâtis, sur lesquels les chiens vont fouiller, et déterrent les cadavres. Ces deux inconvénients sont très nuisibles, parce que les vents occidentaux portent dans la ville les miasmes qui s'en exhalent, et peuvent être la source de plusieurs maladies. Toutes les maisons de la ville et des villages environnants ont la surface de leurs murs enduite de sel marin ou de muriate de soude, et généralement toutes les plantes sont un peu salées: la raison de cela est que le terrain contient beaucoup de sel, et en plusieurs endroits on le voit recouvert de croûtes salines.

Il y a quelques années que l'on appauvrit les eaux de la branche Phatnitique par l'agrandissement du canal de Ménoùf. Il ne pouvait en résulter que des malheurs: effectivement, les eaux de la mer remontèrent jusqu'au village de Farscour, et le terrain de Damiette en fut inondé. J'attribue à cela cette production abondante de sel, ainsi qu'aux eaux du lac Menzaléh, qui sont salées, et communiquent avec les canaux d'eau douce.

Les campagnes de ce pays-ci sont toujours verdoyantes, et la terre ne se lasse jamais de nourrir les végétaux. La culture du riz attire les plus grands soins des agriculteurs; on en voit des champs partout: il faut dire aussi que le riz de Damiette est le plus estimé de l'Égypte, et qu'il forme le principal objet du commerce de cette ville. On sème encore du froment, de l'orge, du lin, et du maïs, mais pas en grande quantité. Les légumes les plus communs, et qui servent de nourriture ordinaire pour les pauvres, sont les pois chiches et les fèves; les haricots sont plus rares, et il n'y a que les riches qui en mangent. Les aubergines, les poivres longs, les concombres, les melons, les choux, les bettes, les choux-fleurs, la laitue, la roquette, le pourpier, et autres plantes potagères, se cultivent dans les jardins; on trouve dans ces mêmes lieux beaucoup d'orangers, de citronniers, de grenadiers, et de pistachiers, que, suivant Pline, l'empereur Vitellius transplanta de Syrie en Italie. Le navet, les petites raves, et la racine de colocasse (arum colocasia L.) sont des mets délicieux pour les habitants du pays: cette dernière est un peu aigre, et quand elle est préparée elle a le goût de la pomme de terre. Il y a différentes espèces de dattes, et d'une excellente qualité: les cannes à sucre y sont en abondance; les femmes, et les enfants en font une grande consommation.

Le lac Menzaléh est d'une étendue immense, et en général il est peu profond: son eau n'est pas salée dans tous les points; il y a des endroits dans lesquels elle est potable, et dans d'autres elle est saumâtre. Pendant l'hiver, lorsque les vents du sud soufflent avec impétuosité, les eaux coulent dans la mer, découvrant un grand espace de terre, laissent des marais, et font paraître des islots. Le territoire de Lesbéh, village à une lieue de Damiette, et à la même distance de la mer, nous offre toutes ces variations. Ce lac est très poissonneux, et communique avec la mer par deux embouchures: sur ses bords on fait la chasse des canards, et de différents oiseaux qui ne sont pas amphibies.

La formation du sol des environs de Lesbéh mérite l'attention des géologistes. J'ai réitéré souvent mes recherches sur cet objet, et le résultat en a été toujours le même: ayant remué la terre, et ensuite fouillé jusqu'à trois pieds de profondeur, j'ai observé constamment qu'elle était composée de trois stratifications de différentes substances terreuses, c'est-à-dire une de petites pierres ponces, que les Italiens appellent lapillo, la seconde de coquillages, et la troisième de sable, dans lequel on trouve des pétrifications de crustacés, et de poissons. J'ai ramassé encore des productions volcaniques, des morceaux de quartz de spath, et de feldspath, et des scories naturelles qui ressemblent à celles des anciennes éruptions du Vésuve, et de l'Etna. Je suis persuadé que ce pays-ci a été volcanisé, comme tous les autres, et que ces observations répétées par un habile lithologiste peuvent détruire les conjectures de certains physiciens, et éclaircir la théorie de la création des terres de la basse Égypte, et surtout de celles qui existent entre Lesbéh et la mer.

Les principaux vents qui dominent ici sont ceux du nord, de l'ouest, et du sud. Les vents septentrionaux, que les anciens ont appelés etesii, ont fini de souffler vers la moitié de vendémiaire an 7, et ont repris vers la fin de ventôse. Les vents méridionaux ont remplacé les premiers, et ont duré jusqu'à pluviôse; en outre, ils ont soufflé alternativement avec le vent d'ouest. Les dauphins, nommés derphin par les Arabes, δελφιϛ ou δελφιν par les Grecs, sautent sur le Nil; et viennent jusqu'à Damiette en poursuivant les poissons de mer qui s'introduisent dans la rivière quand le vent manque, ou que le vent du nord est léger. Les sycomores, qui sont les arbres les plus gros de l'Égypte, et qui résistent fortement aux vents, sont tous courbés vers le midi. Quelquefois les vents du sud éclipsent le jour, emmènent le brouillard, ou remplissent l'atmosphère de poussière, et produisent des ouragans qui durent quatre ou cinq minutes. Comme les maladies changent selon les vents, les observations météorologiques sont très nécessaires pour les médecins.

Il y a fort peu de plantes usuelles. On trouve abondamment de la chicorée sauvage dans les champs de trèfle, et la cochlearia armoracia, L. Les environs de Lesbéh sont riches en salsosa kali et soda, L.; en conséquence on pourrait y établir facilement une fabrique d'alkalis fixes. Les autres plantes les plus communes sont le cyperus papyrus, L., le solanum nigrum, L., le tamarix gallica L., le nymphæa lotus, L., et le cærulea de Savigni, la rubia tinctorum, L., le hyoscyamus albus, L., le ricin uscommunis, L., la malva ægyptiaca, L., dont on mange le fruit, quelques lythrum, quelques rhamnus, et trois espèces de mimosa, savoir, l'odoratissima, la nilotica, et la lebbeck, L.: il y a de la casse aussi, mais elle n'est pas de la meilleure qualité.

On sale à Damiette une quantité immense de poissons, ce qui forme un grand objet de commerce: les habitants en mangent beaucoup; et il paraît qu'ils aiment les aliments salés, car leur fromage est tellement rempli de sel, que les Européens ne peuvent pas en goûter. Les empiriques du pays croient que les œufs sont nuisibles, et ils défendent à leurs malades d'en manger; cependant j'ai observé qu'ils sont bons, et qu'ils ne causent aucun mal ni à nos malades, ni aux hommes bien portants. Les pigeons et les poulets sont plus petits que ceux d'Europe; ils ne sont pas si exquis, et relâchent le corps facilement. Le beurre est excellent, mais il a la même propriété laxative.

La ville est très sale: presque tous les habitants se plaisent à vivre dans le fumier, et dans les ordures. Les enfants restent continuellement dans la boue ou dans la poussière, et on les nourrit avec des choses indigestes; je crois que c'est pour cela qu'ils sont obstrués et emphysémateux. En général, les vieillards périssent de dysenterie; les hommes dans leur virilité sont affectés d'hydrocèle ou de hernies, et les jeunes ont les jambes variqueuses ou ulcérées; les femmes, à l'âge de trente ans, sont vieilles, asthmatiques, et ont quelquefois les articulations ankylosées. On compte une infinité d'aveugles, de borgnes, et d'estropiés: après cela on peut dire avec raison que dans ce pays-ci l'espèce humaine est presque déformée.

La boisson chérie de ces Musulmans dans leur état de santé est une décoction de réglisse et de caroube. Les principaux remèdes qu'ils emploient pour guérir les maladies sont le fer et le feu, et ils ne prennent rien intérieurement. Dans les ophtalmies ils font usage d'un collyre tonique, composé avec parties égales de noix de galle et d'antimoine, pulvérisées et mêlées avec du vinaigre: cela forme une espèce d'encre que l'on applique sur les paupières; ce remède n'est pas mauvais pour cette maladie des yeux, et on en fait un grand secret. Ils font un autre collyre avec parties égales de chisméh en poudre, de sucre candi, et d'alun ou sulfate d'alumine; on mêle le tout avec du vinaigre. Le chisméh est une petite semence noire qui vient du royaume de Dar-Four.

Quant à leur médecine vétérinaire, elle paraît assez raisonnable, et a opéré beaucoup de guérisons surprenantes; j'ai observé seulement qu'ils traitent la gale des chameaux avec un onguent qui consiste dans un mélange de soufre sublimé et d'huile d'olive.

 

Tout le monde parle de la force des Égyptiens, mais je crois que l'on exagère sur cet article: ceux d'entre eux que je ne puis cesser d'admirer sont les psylles ou éducateurs de serpents, qui ont l'art de les faire sortir de leurs nids, de les prendre, et de les élever.

J'arrivai à Damiette vers la fin de fructidor an 6. Les maladies que je trouvai dans l'hôpital militaire de cette place, du service duquel j'ai été chargé pendant six mois, appartenaient alors à quatre différents genres nosologiques; savoir, la diarrhée, la dysenterie, l'ophtalmie, et la fièvre tierce.

Tous les Français en général étaient incommodés par la diarrhée, qui était bilieuse ou lientérique. La dysenterie était moins répandue, et il y en avait trois espèces bien caractérisées: savoir, la dysenterie accompagnée de vers; la dysenterie muqueuse ou sans déjections sanguinolentes, appelée dyssenteria alba par Willis, Sydenham, et Morgagni; enfin la dysenterie compliquée avec la fièvre tierce.

L'ophtalmie était la maladie la plus commune: je m'en suis occupé dans un écrit particulier et c'est ce qui m'engage à ne pas m'étendre plus au long sur cet objet.

La fièvre intermittente existait sous trois types différents, tierce, double tierce, et tierce soporeuse, nommée par Werlhof, dans son savant et beau traité des Fièvres, tertiana carotica: il y en avait aussi qui ressemblaient aux fièvres tierces dont parle Torti.

Ces maladies ont régné seules pendant deux mois consécutifs. Aussitôt que les vent du nord ont cessé tout à fait de souffler, il s'est manifesté une fièvre épidémique et contagieuse qui faisait des progrès avec une grande rapidité: ses premiers développements ont paru en vendémiaire et brumaire, toutes les fois que les vents du sud troublaient l'atmosphère, et apportaient de la pluie ou du brouillard fétide. À la fin de frimaire, elle a éclaté avec violence, et a duré sans diminution jusqu'au commencement de pluviôse: dans le courant de ce mois elle a perdu un peu de sa force, et est devenue plus compliquée en ventôse, lorsque les vents du sud changèrent et furent remplacés par les vents de l'est. J'ai observé constamment que le mal empirait quand l'atmosphère était chaude et humide, et qu'il diminuait quand la température était fraîche. Ce qui prédisposait les hommes à prendre la maladie facilement, c'étaient les excès en tout genre, la transpiration supprimée, la malpropreté du corps, les habits légers, la peur de mourir, les extrémités inférieures nues, la mauvaise nourriture, les logements humides, sales, ou exposés au midi, et l'eau qui n'était pas purifiée. Les habitants les plus vieux du pays, Coptes ou Musulmans, m'ont assuré que cette épidémie venait tous les ans, durait depuis l'automne jusqu'aux premières chaleurs de l'été, et faisait de grands ravages sur la côte maritime de l'Égypte baignée par la Méditerranée; ils m'ont dit aussi que pour s'en préserver il fallait s'habiller pesamment pour suer beaucoup, se laver souvent la tête avec l'eau froide, et garder un régime exact. D'après cela, on voit clairement que la maladie est endémique, et qu'elle est causée par les vents du sud, la pluie, l'humidité, le changement subit des vents, et le brouillard. Les jeunes gens, les tempéraments sanguins, nerveux, irritables, et les Français natifs des régions septentrionales étaient plus susceptibles d'en être attaqués que les hommes âgés, ou doués d'un tempérament bilieux, pituiteux, mélancolique, et les originaires du midi de la France. Cette fièvre endémique est constituée par les symptômes suivants.

La perte de l'appétit et une langueur générale dans tout le corps précèdent la maladie: le premier jour de l'invasion, la fièvre paraît très simple; elle se déclare avec une petite douleur de tête ou une envie de vomir; on observe la langue rouge, le corps ardent, la peau sèche, et le pouls dur et fréquent; le second ou troisième jour, les glandes inguinales s'engorgent avec une douleur considérable, et généralement tout le système lymphatique se trouve affecté; au quatrième, il y a toujours rémission ou un peu d'apyrexie; et si le malade ne guérit pas vers le cinquième, il faut douter de sa vie. Quelquefois la fièvre a une période plus longue, accompagnée avec l'éruption des miliaires ou de pétéchies; alors la mort est immanquable, et arrive le septième jour. Souvent la maladie ne suit pas le cours que je viens de décrire, et tue les hommes en vingt-quatre ou trente-six heures. Dans les premiers jours, le malade est inquiet, nostalgique; et vers les derniers il est plongé dans un état comateux ou d'assoupissement. L'assemblage de tous ces symptômes m'a fait caractériser cette fièvre pour un synochus lymphaticus miliaris ou petechialis. En pluviôse et ventôse, elle est devenue un parfait typhus, et s'est compliquée avec un vomissement de matières noires et verdâtres, avec une diarrhée colliquative, et le délire.

Les anthrax ont accompagné rarement la maladie; il y en a eu seulement deux cas, et tous les deux mortels, qui se sont terminés par la gangrène. Le bubon se formait ordinairement aux aines, aux aisselles, aux parotides, et aux bras: il grossissait après la crise avec une inflammation des parties musculaires, conservait une dureté squirreuse, et se terminait au bout d'un mois ou quarante jours par la suppuration. Lorsque l'engorgement n'avait pas lieu, la maladie était toujours mortelle. Ayant considéré que cette fièvre avait différents types, j'en ai établi quatre degrés caractéristiques; savoir, 1o. pyrexie sans apparence de symptômes ordinaires, durant vingt-quatre ou trente-six heures, et finissant toujours avec la mort (synochus); 2o. pyrexie avec les symptômes manifestes, durant cinq jours, dangereuse (synochus lymphaticus); 3o. pyrexie avec les mêmes symptômes, pétéchiale ou miliaire, durant sept jours, très dangereuse (syn. lymph. petechialis aut miliaris); 4o. pyrexie avec vomissement, délire, diarrhée, durant trois jours, et finissant avec la mort (typhus gravior). Le plus grand nombre des malades étaient dans le cas du second degré.

Les cadavres en général avaient des taches livides sur le corps, particulièrement aux reins, à la figure, et aux parties génitales; il y en avait plusieurs parfaitement gangrenés, et d'autres sans signes extérieurs: j'ai ouvert trois de ces derniers, et j'ai remarqué que les parois des intestins et de l'estomac étaient couvertes d'un mucus jaunâtre; les glandes conglobées étaient très dures, et avaient bien diminué de leur volume.

Les remèdes qui ont le mieux réussi pour la guérison de cette maladie ont été les laxatifs, les diaphorétiques, et les antiseptiques. Je commençais le traitement par prescrire les purgatifs; ensuite on continuait avec les potions sudorifiques camphrées, les tisanes sudorifiques nitrées, et des lavements jusqu'à ce que la fièvre passât: cette terminaison avait lieu par les sueurs, et les selles abondantes; après cela, il restait à faire disparaître le bubon, et on l'obtenait par la voie des émollients: j'ai tenté de le résoudre, mais il ne m'a jamais été possible. Il est utile de faire connaître que les émétiques, les saignées, et les vésicatoires, qui paraissaient être indiqués, n'ont jamais répondu à mon attente. Je n'ai pas voulu ordonner l'emploi du fer et du feu pour extirper le bubon, parce que l'observation m'a appris que ces remèdes locaux n'agissaient pas d'une manière avantageuse.

Je dois observer que la partie thérapeutique de ces observations qui est très peu étendue ne se ressent que trop des circonstances au milieu desquelles je me trouvais, et où tout ne concourait pas à assurer mes succès. Ainsi il est possible que des moyens d'exécution énergiques et prompts qui m'ont manqué, aient influé sur le jugement, que j'ai particulièrement porté sur les révulsifs les plus puissants.

DESCRIPTION et TRAITEMENT
De l'ophtalmie d'Égypte, par le citoyen Savaresi, médecin ordinaire de l'armée d'Orient. 2

Histoire pathologique de l'Ophtalmie

L'ophtalmie vient frapper au milieu de l'état de santé le plus parfait; il est donc difficile de la prévenir, et elle est généralement locale: mais lorsqu'elle vient à prendre un mauvais caractère, le pouls est agité, et on peut la considérer comme une inflammation interne. Ses progrès sont rapides et sa terminaison est longue; si elle ne se termine pas en sept à huit jours, elle dure souvent un ou deux mois. J'ai attentivement observé dans le cours de cette maladie que l'œil gauche est plus affecté que le droit, et la gravité du mal paraît périodique. La diarrhée, la dysenterie, ou les fièvres tierces, surviennent quelquefois, et effacent jusqu'aux moindres traces de l'ophtalmie. La terminaison, quand la guérison ne s'annonce pas, est suivie de l'amaurosis, de l'obscurcissement de la vue, ou de la perte entière de l'œil, après avoir lutté contre les remèdes les plus forts et les plus actifs.

Des causes de l'Ophtalmie

Je crois l'ophtalmie d'Égypte endémique; et voici les raisons sur lesquelles je fonde cette opinion.

Les campagnes de l'Égypte sont d'immenses plaines où la lumière est très vive; leur terrain est sec, friable, et brûlant, particulièrement l'été; il est argileux et crayeux, contenant le nitrate de potasse tout formé, le natron, et le muriate de soude; les jours sont brûlants et sereins, et les nuits fraîches, humides, et nébuleuses. Il est évident que ces circonstances physiques réunies doivent nuire aux yeux des animaux sur lesquels elles exercent leur action, et doivent agir en stimulant; ce qui attire le concours des humeurs, rompt l'équilibre du ton naturel de la partie en l'augmentant ou en le diminuant, ce qui fait naître l'ophtalmie sthénique ou asthénique. En effet, ce qui frappe le plus en Égypte un voyageur, c'est de rencontrer un nombre prodigieux d'aveugles ou de personnes affectées de maladies des yeux. L'ophtalmie attaque également les riches et les pauvres, les habitants des villes et ceux des campagnes. L'histoire nous apprend aussi que plusieurs des Pharaons moururent aveugles. Les animaux ne sont pas plus exempts que les hommes des maladies des yeux; la plupart des chiens sont aveugles ou borgnes, et beaucoup d'ânes, de chevaux, de bœufs, et de chameaux, ont les yeux tachés ou légèrement affectés. Je conclus de la réunion de tous ces faits, assez faciles à vérifier, que l'ophtalmie est endémique dans les pays arrosés par le Nil, et augmente dans les saisons chaudes, c'est-à-dire depuis le commencement de l'été jusqu'à la fin de l'automne.

Quelques-uns ont prétendu que les peuples qui se nourrissent de riz, ou qui en font un grand usage, comme les Égyptiens, sont sujets à cette maladie. S'il en était ainsi, les Italiens, et surtout les habitants de la Lombardie, qui en mangent deux fois le jour, devraient être incommodés de la même endémie. Cette opinion se trouvant encore démentie par l'exemple de plusieurs autres peuples ne demande pas une plus longue réfutation.

On compte ordinairement parmi les causes de l'ophtalmie une terre ou poussière nitreuse qui abonde en Égypte. Nous devons entendre par cette manière de s'exprimer les sels neutres produits par la combinaison de l'acide nitrique avec un alkali fixe ou une terre simple, qui, comme ils absorbent l'humidité de l'atmosphère, excepté le nitrate de potasse, ne peuvent se maintenir dans l'état neutre sous forme de poussière. Nous savons en outre que l'acide nitrique a plus d'affinité avec la barite et avec la potasse qu'avec la soude et les autres terres primitives; c'est par conséquent le nitrate de potasse qu'on a mal à propos appelé poussière nitreuse: je ferai bientôt voir que ce sel ne nuit point aux organes de la vue.

L'argile qui a l'alumine pour base, et la craie qui est une combinaison de l'acide carbonique avec la chaux, sont deux substances terreuses extrêmement répandues sur le sol de l'Égypte. L'expérience prouve que ces deux substances et leurs bases occasionnent sûrement l'ophtalmie. En effet je les ai introduites, après les avoir pulvérisées, dans les yeux de divers chiens, qui devinrent presque aveugles le lendemain de l'opération. J'ai éprouvé le nitrate de potasse sur divers autres chiens, et il n'a occasionné aucun mal. J'ai vu deux grenadiers se jeter, en plaisantant, de la chaux, qui porta sur leur visage et entra dans leurs yeux; ils eurent une ophtalmie qui les obligea de venir à l'hôpital, où je les traitai et les guéris: ces faits sont convaincants.

 

Presque tous les maçons de l'Égypte ont mal aux yeux, parce que dans leur travail mal entendu ils manient continuellement la chaux ou respirent dans une atmosphère chargée de molécules calcaires, crayeuses, argileuses. Les maçons d'Europe qui travaillent différemment sont peu sujets aux mêmes maladies.

On pourrait accumuler les exemples; mais cela contrarierait la brièveté que je me suis proposée.

Division nosologique de l'Ophtalmie

L'ophtalmie est sthénique ou asthénique, c'est-à-dire née de l'excès ou du défaut de ton. Il n'y a qu'une espèce appartenant au premier genre, que je nomme inflammation du bulbe de l'œil; il y a deux espèces appartenant au second genre, que je distingue en inflammation des tarses, et inflammation de la conjonctive: chacune de ces trois espèces est caractérisée par des symptômes qui lui sont particuliers.

PREMIÈRE ESPÈCE
Inflammation du bulbe de l'œil

Les paupières rouges et enflammées s'ouvrent avec beaucoup de difficulté; une douleur insupportable du bulbe de l'œil correspond dans l'intérieur de la tête; les petits vaisseaux de la conjonctive sont tellement engorgés de sang, qu'ils forment une pellicule membraneuse qui entoure l'œil. La vue est obscurcie, couverte de nuages, quelquefois éteinte; on ne peut supporter la lumière; une excrétion purulente remplace les larmes; et les malades se plaignent souvent de sentir de petites pierres qui picotent leurs yeux, et un morceau de drap qui les recouvre.

SECONDE ESPÈCE
Inflammation des tarses

Gonflement des paupières supérieures, elles pâlissent et se relâchent; difficulté de les ouvrir; la lumière produit une sensation désagréable; le tarse est douloureux et enflammé; larmoiement.

TROISIÈME ESPÈCE
Inflammation de la conjonctive

La lumière est insupportable; la conjonctive est enflammée; douleur poignante; la vue trouble, épanchement de larmes.

Traitement de l'Ophtalmie

J'ai commencé le traitement des trois espèces d'ophtalmie en purgeant indistinctement les malades avec une once de sulfate de magnésie; et j'ai ensuite continué d'administrer les remèdes propres à remplir les indications.

L'ophtalmie sthénique demande l'attention d'un médecin habile et observateur, parce que la guérison dépend de l'activité des premiers remèdes. Dans ce cas, un vésicatoire à la nuque, et une saignée locale à la temporale ou à la jugulaire, sont très utiles, et il ne faut pas les négliger: une heure après la saignée, on aperçoit un changement remarquable dans la maladie; le spasme et la douleur grave de la tête diminuent le lendemain, ou cessent de tourmenter. Quelquefois cet effet n'est pas si subit, et la maladie continue accompagnée d'une petite agitation fébrile: pour venir à bout de l'arrêter, il faut la saignée et les purgatifs. On prescrit un régime modéré; pour boisson, une décoction d'orge avec le tartrite acidulé de potasse, et un collyre résolutif et calmant, fait avec l'opium dissous dans l'esprit de vin, et une décoction de safran. Il faut continuer ce traitement jusqu'à ce que l'enflure diminue, et que les paupières viennent à se renverser avec une certaine augmentation de volume; phénomène constant, dû à l'affaiblissement et au relâchement des vaisseaux. Quand ce changement est survenu, on ordonne un collyre savonneux, qui consiste dans une dissolution de savon dans l'esprit de vin, dont l'usage rend aux paupières leur position naturelle, et elles se rouvrent librement, de manière à ce que l'on voit facilement la cornée transparente, légèrement rongée ou tachetée: dans le premier de ces deux cas, on emploie avec succès l'eau fraîche et le vinaigre, et dans le second un collyre sec, composé avec le sucre candi, le sulfate d'alumine, et le nitrate de potasse; ce qui détruit les taches en peu de jours. En prenant les topiques et les remèdes internes désignés ci-dessus, on obtient facilement la guérison dans l'espace d'un ou deux mois; si on vient à outrepasser ce terme, il faut désespérer de recouvrer l'usage des parties affectées.

Pour ce qui est relatif au traitement de la seconde espèce d'ophtalmie, j'ai employé un seul collyre tonique, ou une dissolution de sulfate de zinc dans l'eau mêlée avec du vinaigre et de l'eau-de-vie: ce remède a été très utile, et a guéri radicalement en vingt jours ou un mois.

Un autre collyre, fait avec le muriate de soude dissous dans l'eau mêlée au vinaigre, a servi à guérir la troisième espèce d'inflammation ophtalmique, qui est la plus simple, mais tenace comme la précédente. J'ai vu guérir cette indisposition sur les côtes de l'Italie avec de simples bains d'eau de mer.

Plusieurs louent l'application des cataplasmes émollients et résolutifs dans les trois espèces d'ophtalmie; mais l'observation apprend le contraire, et fait voir que ces moyens relâchent les parties, augmentent la douleur, et produisent d'autres mauvais effets.

Tel est le traitement dont je me suis servi dans les hôpitaux militaires; et sur environ mille malades que j'ai traités, je n'ai eu à déplorer le sort que de deux qui sont devenus aveugles, et de deux autres qui ont perdu un œil.

Moyens préservatifs de l'Ophtalmie

Les moyens que j'ai à indiquer ne peuvent guère servir aux soldats, que leur profession et leurs exercices continuels privent de pareils soins; cependant ils peuvent être utiles à ceux qui auront plus d'aisance et de loisir.

D'abord il faut éviter de s'exposer à la lumière trop vive du soleil la tête découverte, et à l'humidité de la nuit sans se couvrir; en second lieu il faut se baigner les yeux deux ou trois fois par jour avec de l'eau claire, mêlée avec du vinaigre ou du suc de limon; il faut faire la même chose quand l'organe a été irrité par la poussière, la fumée, le frottement, une légère percussion; et, quand il a été affaibli par trop de lumière ou d'humidité, il faut y souffler des liqueurs spiritueuses ou toniques: enfin il faut s'abstenir soigneusement d'aliments salés, et en même temps exciter une transpiration modérée, conserver les cheveux un peu longs, éviter la fraîcheur quand on est échauffé, et entretenir la liberté du ventre.

Ces préservatifs simples sont appuyés sur l'observation et l'expérience; et, quand ils sont employés à propos, ils préviennent la maladie et conservent la vue.

2Cet article est la traduction d'un opuscule italien intitulé: Descrizione dell' oftalmia di Egitto, coll metodo curativo della medesima; imprimé au Kaire l'an VIII.