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Oliver Twist

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Oliver Twist
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Les paroles de cet homme respiraient une si affreuse haine, que la crainte réveilla Olivier, qui se leva en sursaut.

Dieu! comme tout son sang reflua vers son coeur, et lui ôta la voix et la force de faire un mouvement!.. Là, là, à la fenêtre, tout près de lui, si près qu'il aurait presque pu le toucher, était le juif explorant la chambre de son oeil de serpent, et fascinant l'enfant; et à côté de lui, pâle de rage ou de crainte, ou des deux à la fois, était l'individu aux traits menaçants qui l'avait accosté dans la cour de l'auberge.

Il ne les vit qu'un instant, rapide comme la pensée, comme l'éclair, et ils disparurent. Mais ils l'avaient reconnu. Et lui aussi il ne les avait que trop reconnus; leur physionomie était aussi profondément gravée dans sa mémoire, que si elle eût été sculptée dans le marbre, et mise sous ses yeux depuis sa naissance. Il resta un instant pétrifié; puis, sautant dans le jardin, il se mit à crier: «Au secours!» de toutes ses forces.

CHAPITRE XXXV. Résultat désagréable de l'aventure d'Olivier, et entretien intéressant de Henry Maylie avec Rose

Quand les gens de la maison, attirés par les cris d'Olivier, furent accourus à l'endroit d'où ils partaient, ils le trouvèrent pâle et bouleversé, indiquant du doigt les prairies derrière la maison, et pouvant à peine articuler ces mots: «Le juif! le juif!»

M. Giles ne put se rendre compte de ce que ce cri signifiait; mais Henri Maylie, qui avait l'entendement un peu plus prompt et qui avait appris de sa mère l'histoire d'Olivier, comprit tout de suite ce que cela voulait dire.

«Quelle direction a-t-il prise? demanda-t-il en s'armant d'un lourd bâton qu'il trouva dans un coin.

– Celle-là, répondit Olivier, en montrant du doigt le chemin que ces hommes avaient pris. Je viens de les perdre de vue à l'instant.

– Alors, ils sont dans le fossé! dit Henry; suivez-moi, et tenez- vous aussi près de moi que possible.»

Tout en parlant, il escalada la haie, et prit sa course avec tant de rapidité que les autres eurent beaucoup de peine à le suivre.

Giles le suivait de son mieux et Olivier aussi. Au bout d'une ou deux minutes, M. Losberne, qui rentrait après avoir fait un tour au dehors, escalada la haie derrière eux, et déployant plus d'agilité qu'on n'eût pu en soupçonner chez lui, se mit à courir dans la même direction, avec une vitesse assez remarquable, en criant à tue-tête pour demander ce qu'il y avait.

Ils prirent donc tous leur course, sans s'arrêter une seule fois pour reprendre haleine, jusqu'à ce que Henry, arrivé à un angle du champ indiqué par Olivier, se mit à fouiller soigneusement le fossé et la haie voisine; ce qui laissa le temps aux autres de le rejoindre et permit à Olivier de faire part à M. Losberne des circonstances qui avaient occasionné cette poursuite acharnée.

Les recherches furent vaines: ils ne trouvèrent même pas de récentes empreintes de pas. Ils étaient parvenus au sommet d'une petite colline d'où l'on dominait la plaine en tous sens, à trois ou quatre milles à la ronde; on apercevait le village sur la gauche dans un ravin; mais pour l'atteindre, en suivant la direction indiquée par Olivier, les fugitifs auraient eu à faire un trajet en plaine, qu'ils ne pouvaient avoir effectué en si peu de temps. Un bois épais bordait la prairie de l'autre côté, mais ils ne pouvaient pas s'y être mis à couvert pour la même raison.

«Il faut que vous l'ayez rêvé, Olivier! dit Henry Maylie en le prenant à part.

– Oh! certes non, monsieur, répondit Olivier en frissonnant au souvenir de la mine du vieux misérable; je l'ai trop bien vu pour en douter, je les ai vus tous deux comme je vous vois là.

– Qui était l'autre? demandèrent à la fois Henry et M. Losberne.

– Le même homme qui m'a abordé si brusquement à l'auberge, dit Olivier; nous avions les yeux fixés l'un sur l'autre, et je jurerais bien que c'était lui.

– Et ils ont pris ce chemin? demanda Henry; en êtes-vous certain?

– Comme je le suis qu'ils étaient à la fenêtre, répondit Olivier, en montrant du doigt la haie qui séparait le jardin de la prairie; le grand l'a franchie juste en cet endroit, et le juif a fait quelques pas à droite en courant et s'est glissé par cette ouverture.»

Les deux messieurs examinaient l'expression de franchise qui se peignait sur la figure d'Olivier tandis qu'il parlait ainsi; ils échangèrent un regard, et parurent satisfaits de la précision des détails qu'il leur donnait; il n'y avait pourtant nulle part la moindre trace des fugitifs. L'herbe était haute, elle n'était foulée nulle part, sauf aux endroits par où avait eu lieu la poursuite; le bord des fossés était argileux et détrempé, et nulle part on n'apercevait d'empreintes de pas ni le plus léger indice qui pût révéler qu'un pied humain eût foulé ce sol depuis plusieurs heures.

«Voilà qui est étrange! dit Henry.

– Étrange en vérité, répéta le docteur; Blathers et Duff en personne y perdraient leur latin.»

Malgré le résultat infructueux de leurs recherches, ils les continuèrent jusqu'à ce que la nuit rendît tout nouvel effort inutile, et, même alors, ils n'y renoncèrent qu'à regret. Giles avait été dépêché dans les divers cabarets du village, muni de tous les détails que put donner Olivier sur l'extérieur et la mise des deux étrangers.; le juif surtout était assez facile à reconnaître, en supposant qu'on le trouvât à boire ou à flâner quelque part; mais Giles revint sans fournir aucun renseignement qui pût dissiper ou éclaircir ce mystère.

Le lendemain, nouvelles recherches, nouvelles informations, mais sans plus de succès. Le surlendemain Olivier, et M. Maylie se rendirent au marché de la ville voisine, dans l'espoir de voir ou d'apprendre quelque chose relativement aux deux individus; cette démarche fut également infructueuse. Au bout de quelques jours on commença à oublier l'affaire, comme il arrive le plus souvent quand la curiosité, n'étant alimentée par aucun incident nouveau, vient à s'éteindre d'elle-même.

Pendant ce temps Rose se rétablissait rapidement; elle avait quitté la chambre; elle pouvait sortir, et, en partageant de nouveau la vie de la famille, elle avait ramené la joie dans tous les coeurs.

Mais, bien que cet heureux changement eût une influence visible sur le petit cercle qui l'entourait, bien que les conversations joyeuses et les rires se fissent de nouveau entendre dans le cottage, il y avait parfois une contrainte singulière chez quelques-uns de ses hôtes, chez Rose même, et qui ne put échapper à Olivier. Mme Maylie et son fils restaient souvent enfermés pendant des heures entières, et plus d'une fois on put s'apercevoir que Rose avait pleuré. Quand M. Losberne eut fixé le jour de son départ pour Chertsey, ces symptômes augmentèrent, et il devint évident qu'il se passait quelque chose qui troublait la tranquillité de la jeune demoiselle et de quelque autre encore.

Enfin, un matin que Rose était seule dans la salle à manger, Henry Maylie entra, et lui demanda, avec quelque hésitation, la permission de l'entretenir quelques instants.

«Rose, il suffira de deux ou trois mots, dit le jeune homme en approchant sa chaise de la sienne: ce que j'ai à vous dire, vous le savez déjà; les plus chères espérances de mon coeur ne vous sont pas inconnues, quoique vous ne me les ayez pas encore entendu exprimer.»

Rose était devenue très pâle en le voyant entrer, mais ce pouvait être l'effet de sa récente maladie. Elle se contenta de le saluer; puis, se penchant vers des fleurs qui se trouvaient à sa portée, alla attendre en silence qu'il continuât:

«Je crois… dit Henri, que… je devrais déjà être parti.

– Oui, répondit Rose; pardonnez-moi de vous parler ainsi, mais je voudrais que vous fussiez parti.

– J'ai été amené ici par la plus douloureuse, la plus affreuse de toutes les craintes, dit le jeune homme, la crainte de perdre l'être unique sur lequel j'ai concentré tous mes désirs, toutes mes espérances; vous étiez mourante, en suspens entre le ciel et la terre. Et nous savons que, lorsque la maladie s'attaque à des personnes jeunes, belles et bonnes, leur âme sans tache se tourne d'elle-même vers le brillant séjour de l'éternel repos; nous ne savons que trop que ce qu'il y a de plus beau et de meilleur ici- bas est souvent moissonné dans sa fleur.»

Des larmes roulaient dans les yeux de la charmante jeune fille en entendant ces paroles, et, quand l'une d'elles tomba sur la fleur sur laquelle elle était penchée, et brilla dans son calice qu'elle embellissait encore, il sembla qu'il y avait une parenté entre ces larmes, rosée d'un coeur jeune et pur, et les plus charmantes créations de la nature.

«Un ange, continua le jeune homme d'un ton passionné, une créature aussi belle et aussi céleste qu'un des anges du ciel, ballottée entre la vie et la mort; oh! qui pouvait espérer, quand ce monde lointain, sa vraie patrie, s'ouvrait déjà à ses yeux, qu'elle reviendrait partager les douleurs et les maux de celui-ci? Savoir, Rose, que vous alliez passer et disparaître, comme une ombre vaine, sans aucun espoir de vous conserver à ceux qui souffrent ici-bas; sentir que vous apparteniez à cette sphère éclatante vers laquelle tant d'êtres privilégiés ont pris dès l'enfance ou dès la jeunesse leur vol matinal, et pourtant prier le ciel, au milieu de ces pensées consolantes, de vous rendre à ceux qui vous aiment: ce sont là des tortures trop cruelles pour les forces humaines; voila ce que j'ai enduré nuit et jour, et avec la crainte inexprimable et le regret égoïste que vous ne vinssiez à mourir sans savoir au moins avec quelle adoration je vous aimais; il y avait là de quoi perdre la raison. Vous avez échappé à la mort, de jour en jour et presque d'heure en heure les forces vous sont revenues, et, ranimant le peu de vie qui vous restait encore, vous ont rendu la santé. Je vous ai vue passer de la mort à la vie; ne me dites pas que vous voudriez que je n'eusse pas été là, car cette épreuve m'a rendu meilleur.

 

– Ce n'est pas cela que je voulais dire, répondit Rose en pleurant; je voudrais seulement que maintenant vous fussiez parti, pour continuer à poursuivre un but grand et noble… un but digne de vous.

– Il n'y a pas de but plus digne de moi et plus digne de la nature la plus élevée qui existe, que de lutter pour mériter un coeur comme le votre, dit le jeune homme en lui prenant la main. Rose, ma chère Rose, il y a des années, bien des années que je vous aime, et que j'espère arriver à la réputation pour revenir tout fier près de vous et vous dire que je ne l'ai cherchée que pour la partager avec vous; je me demandais dans mes rêves comment je vous rappellerais à cet heureux moment, les mille gages d'attachement que je vous ai donnés dès l'enfance, et réclamerais ensuite votre main, comme pour exécuter nos conventions muettes dès longtemps arrêtées entre nous. Ce moment n'est pas arrivé; mais, sans avoir encore conquis de réputation, sans avoir réalisé les rêves ambitieux de ma jeunesse, je viens vous offrir le coeur qui vous appartient depuis si longtemps et mettre mon sort entre vos mains.

– Votre conduite a toujours été noble et généreuse, dit Rose, en maîtrisant l'émotion qui l'agitait, et comme vous êtes convaincu que je ne suis ni insensible ni ingrate, écoutez ma réponse.

– Il faut que je tâche de vous mériter, voilà votre réponse, n'est-ce-pas, ma chère Rose?

– Il faut que vous tâchiez, répondit Rose, de m'oublier, non pas comme votre amie depuis longtemps chèrement attachée à vous, Henry, cela me ferait trop cruellement souffrir; mais comme objet de votre amour. Voyez le monde, songez combien il renferme de coeurs que vous seriez aussi glorieux de conquérir. Changez seulement la nature de votre attachement, et je serai la plus sincère, la plus dévouée, la plus fidèle de vos amies.

Il y eut un instant de silence pendant lequel Rose, qui avait mis une main sur la figure, donna libre cours à ses larmes; Henry lui tenait toujours l'autre main.

«Et vos raisons, Rose, dit-il enfin à voix basse, vos raisons pour prendre un tel parti? Puis-je vous les demander?

– Vous avez le droit de les connaître, répondit Rose, vous ne pouvez rien dire qui ébranle ma résolution. C'est un devoir dont il faut que je m'acquitte, je le dois aux autres et à moi-même.

– À vous-même?

– Oui, Henry; Je me dois à moi-même, moi sans fortune et sans amis, avec une tache sur mon nom, de ne pas donner au monde lieu de croire que j'ai bassement profité de votre premier entraînement, pour entraver par mon mariage les hautes espérances de votre destinée. Je dois à vous et à vos parents de vous empêcher, dans l'élan de votre générosité, de vous créer cet obstacle à vos succès dans le monde.

– Si vos inclinations sont d'accord avec ce que vous appelez votre devoir… commença Henry.

– Elles ne le sont pas, répondit Rose en rougissant.

– Alors vous partagez mon amour? dit Henry. Dites-le moi seulement, Rose; un seul mot pour adoucir l'amertume de ce cruel désappointement.

– Si j'avais pu le faire sans nuire à celui que j'aimais, répondit Rose, j'aurais…

– Reçu cette déclaration d'une manière toute différente, dit vivement Henry; ne me le cachez pas au moins, Rose.

– Peut-être, dit Rose. Voyons! ajouta-t-elle en dégageant la main, pourquoi prolonger ce pénible entretien? bien pénible pour moi surtout, malgré le bonheur durable dont il me laissera le souvenir: car ce sera pour moi un bonheur que de savoir la place honorable que j'ai tenue dans votre coeur, et chacun de vos triomphes dans la vie ne fera qu'accroître ma fermeté et mon courage. Adieu, Henry! car nous ne nous rencontrerons plus comme nous nous sommes rencontrés aujourd'hui; soyons longtemps et heureusement unis par d'autres liens que ceux que cette conversation suppose, et puissent les prières ferventes d'un coeur droit et aimant faire descendre sur vous toutes les bénédictions, les faveurs du ciel!

– Encore un mot, Rose, dit Henry. Dites-moi vous-même vos raisons; laissez-moi les entendre de votre propre bouche.

– L'avenir qui vous est ouvert est brillant, répondit Rose avec fermeté; vous pouvez prétendre à tous les honneurs auxquels on peut atteindre dans la vie publique, avec de grands talents et de puissants protecteurs; mais ces protecteurs sont fiers, et je ne fréquenterai jamais ceux qui tiendraient en mépris la mère qui m'a donné la vie, pas plus que je ne veux attirer de disgrâces ou d'avanies au fils de celle qui m'a si bien tenu lieu de mère. En un mot, dit la jeune fille en détournant la tête, car elle sentait son courage l'abandonner, il y a sur mon nom une de ces taches que le monde fait rejaillir sur des têtes innocentes; je ne veux la faire partager à personne; nul autre que moi n'en aura le reproche.

– Un mot encore, Rose, ma chère Rose! un seul mot dit Henry en se jetant à ses pieds; si je n'avais pas été dans une position que le monde appelle heureuse, si une existence paisible et obscure m'eût été réservée, si j'avais été pauvre, faible, sans amis, m'auriez- vous éloigné de vous? Est-ce la perspective des richesses et des honneurs qui m'attendent peut-être, qui fait naître en vous ces scrupules sur votre naissance?

– Ne me forcez pas de répondre à cela, répliqua Rose; là n'est pas la question; ce serait mal à vous d'insister.

– Si votre réponse est telle que j'ose presque l'espérer, répondit Henry, elle fera luire sur ma vie un rayon de bonheur. Est-ce donc si peu de chose que de faire tant de bien, avec quelques mots seulement, à quelqu'un qui vous aime par-dessus tout? Oh Rose! au nom de mon ardente et durable affection, par tout ce que j'ai souffert pour vous, par tout ce que vous me condamnez à souffrir, je vous en conjure, répondez seulement à cette question.

– Eh bien! si votre destinée eût été différente, dit Rose; si vous aviez été même un peu, mais non pas tant, au-dessus de moi; si j'avais pu me flatter d'être pour vous un soutien, un appui dans une position paisible et retirée, mais non au milieu des pompes et des splendeurs du monde, je ne me serais pas condamnée à cette épreuve. J'ai tout lieu d'être heureuse, très heureuse, maintenant; mais alors, Henry, j'avoue que j'aurais été plus heureuse encore.»

Les souvenirs, les espérances d'autrefois qu'elle avait si longtemps caressées, se pressaient dans l'esprit de Rose en faisant cet aveu; elle fondit en larmes, comme il arrive toujours quand on voit s'évanouir une vieille espérance, et les larmes la soulagèrent.

«Je ne puis triompher de cette faiblesse, et elle ne fait que m'affermir dans ma résolution, dit Rose en lui tendant la main. Maintenant, il faut décidément nous quitter.

– Je vous demande une promesse, dit Henri. Une fois, une seule fois encore, dans un an ou peut-être beaucoup plus tôt, laissez- moi traiter encore avec vous ce sujet; ce sera pour la dernière fois.

– Vous n'insisterez pas pour me faire changer de résolution, répondit Rose avec un mélancolique sourire; ce serait peine perdue.

– Non, dit Henry; vous me la répéterez si vous voulez, vous me la répéterez d'une manière définitive. Je mettrai à vos pieds ma position et ma fortune, et, si vous persévérez dans votre résolution présente, je ne chercherai ni par paroles, ni par actions, à vous faire changer.

– Soit, répondit Rose; ce ne sera qu'une douloureuse épreuve de plus, et d'ici là je tâcherai de me préparer à la supporter mieux.»

Elle lui tendit encore la main; mais le jeune homme la serra dans ses bras; déposa un baiser sur son beau front, et sortit vivement.

CHAPITRE XXXVI. Qui sera très court, et pourra paraître de peu d'importance ici, mais qu'il faut lire néanmoins, parce qu'il complète le précédent, et sert à l'intelligence d'un chapitre qu'on trouvera en son lieu

«Ainsi, vous êtes décidé à être mon compagnon de voyage ce matin? dit le docteur quand Henry Maylie entra dans la salle à manger; d'ailleurs, vous n'avez jamais la même idée une heure de suite.

– Vous ne me direz pas cela un de ces jours, dit Henry, qui rougit sans raison apparente.

– J'espère que j'aurai de bons motifs pour ne plus vous en faire le reproche, répondit M. Losberne, mais j'avoue que je ne m'y attends guère. Pas plus tard qu'hier matin, vous aviez formé le projet de rester ici, et d'accompagner, en bon fils, votre mère aux bains de mer. À midi, vous m'annoncez que vous allez me faire l'honneur de m'accompagner jusqu'à Chertsey, en vous rendant à Londres, et le soir vous me pressez mystérieusement de partir avant que les dames soient levées; il en est résulté que le petit Olivier est là, cloué à son déjeuner, au lieu de courir les prairies à la recherche de toutes les merveilles botaniques auxquelles il fait une cour assidue. Cela n'est pas bien, n'est-ce pas, Olivier?

– J'aurais été bien fâché, monsieur, de ne pas être ici au moment de votre départ et de celui de M. Maylie, répondit Olivier.

– Voilà un gentil garçon, dit le docteur» Vous viendrez me voir à votre retour, nous parlerons sérieusement, Henry. Est-ce que vous avez eu quelque communication avec les gros bonnets qui vous ait déterminé tout à coup à partir?

– Les gros bonnets, répliqua Henri, et sans doute vous n'oubliez pas dans cette dénomination mon oncle, le plus important de tous, n'ont eu aucune communication avec moi depuis que je suis venu ici, et nous sommes, à une époque de l'année où il n'est pas vraisemblable que rien au monde ait pu leur faire désirer mon retour immédiat auprès d'eux.

– Pourquoi donc? dit le docteur; vous êtes un drôle de corps, mais cela n'empêche pas qu'ils doivent désirer de vous faire entrer au Parlement aux élections d'avant Noël, et cette mobilité d'humeur, ces brusques revirements qui vous distinguent, ne sont pas une mauvaise préparation à la vie politique. Il y a du bon là dedans, et il est toujours utile d'être bien préparé, que le prix de la course soit une place, une coupe ou une grosse somme.»

Henri Maylie aurait pu ajouter à ce court dialogue une ou deux remarques qui n'auraient pas peu changé la manière de voir du docteur; mais il se contenta de dire: «Nous verrons,» et n'insista pas. La chaise de poste fut bientôt amenée devant la porte; Giles vint s'occuper des bagages, et le bon docteur sortit précipitamment pour aller veiller aux préparatifs du départ.

Olivier, dit Henry Maylie à voix basse, j'ai un mot à vous dire.»

Olivier s'approcha de l'embrasure de la fenêtre où M. Maylie lui faisait signe de venir, et fut très surpris de la tristesse mêlée d'agitation qui régnait dans tout son air.

«Vous êtes maintenant en état de bien écrire, dit Henry en lui mettant la main sur le bras.

– Je l'espère, monsieur, répondit Olivier.

– Je ne reviendrai pas ici de quelque temps peut-être. Je désire que vous m'écriviez, une fois tous les quinze jours, le lundi, à la direction des postes, à Londres. Le ferez-vous? dit M. Maylie.

– Oh! certainement, monsieur, je le ferai et j'en serai fier, s'écria Olivier, charmé de la commission.

– Je désire avoir des nouvelles de ma mère et de miss Maylie, dit le jeune homme, et vous pouvez remplir vos pages de détails sur les promenades que vous faites, sur vos conversations, et me dire si elle… si ces dames semblent heureuses et en bonne santé. Vous me comprenez?

– Parfaitement, monsieur, répondit Olivier.

– Je préfère que vous ne leur en parliez pas, dit Henry en appuyant sur ses paroles, parce que ma mère voudrait peut-être prendre la peine de m'écrire plus souvent, ce qui est pour elle une fatigue; que ce soit donc un secret entre vous et moi, et souvenez-vous de ne me laissez rien ignorer. Je compte sur vous.»

Olivier, tout fier de l'importance de son rôle, promit d'être discret et explicite dans ses communications, et M. Maylie lui dit adieu en l'assurant chaudement de son intérêt et de sa protection.

Le docteur était dans la chaise de poste; Giles, qui devait rester à la campagne, avait la main à la portière pour la tenir ouverte; les servantes, regardaient du jardin. Henry lança un rapide regard vers la fenêtre qui l'intéressait, et sauta dans la voiture.

«En route! dit-il; vite, au triple galop; brûlez le pavé: il me faut ça.

– Holà! «dit le docteur en baissant précipitamment la glace de devant et en criant au postillon: «Moi, je ne tiens pas tout à fait à brûler le pavé; entendez-vous? Il ne faut pas ça.»

La voiture partit bruyamment et disparut bientôt sur la route dans un nuage de poussière; tantôt on la perdait complètement de vue, et tantôt on l'apercevait encore, selon les accidents de terrain ou les obstacles rencontrés sur la route. Ce ne fut que lorsque le nuage de poussière fut complètement hors de vue, que ceux qui la suivaient des yeux se dispersèrent.

 

Mais il y avait quelqu'un qui regardait encore et restait les yeux fixés sur le point où la voiture avait disparu. Derrière le rideau blanc qui l'avait dérobée à la vue d'Henry quand il avait levé les yeux vers la fenêtre, Rose était assise immobile.

«Il semble heureux, dit-elle enfin; j'ai craint quelque temps qu'il n'en fût autrement. Je m'étais trompée. Je suis contente, très contente.

La joie fait couler les larmes aussi bien que la douleur, mais celles qui baignaient la figure de Rose, tandis qu'elle était assise pensive à sa fenêtre, les yeux toujours fixés dans la même direction, semblaient des larmes de douleur plutôt que de joie.