Za darmo

Henri IV en Gascogne (1553-1589)

Tekst
0
Recenzje
iOSAndroidWindows Phone
Gdzie wysłać link do aplikacji?
Nie zamykaj tego okna, dopóki nie wprowadzisz kodu na urządzeniu mobilnym
Ponów próbęLink został wysłany

Na prośbę właściciela praw autorskich ta książka nie jest dostępna do pobrania jako plik.

Można ją jednak przeczytać w naszych aplikacjach mobilnych (nawet bez połączenia z internetem) oraz online w witrynie LitRes.

Oznacz jako przeczytane
Czcionka:Mniejsze АаWiększe Aa

«Tout cela n'a guéri de rien; le mal, augmentant toujours, s'est rendu presque incurable. Le roi dit qu'il veut la paix; je suis content de le croire; mais les moyens dont son conseil veut user tendent à notre ruine. Les déportements de ses principaux officiers et de ses cours de parlement nous le font assez paraître. Depuis ces jours passés, nous avons vu comme on nous a cuydé surprendre au dépourvu; nos ennemis sont à cheval, les villes ont levé les armes. Vous savez quel temps il y a que nous avons eu avis des préparatifs qui se font, des états qu'on a dressés pour la guerre. Ce que considéré et que tant plus nous attendons, plus on se fortifie de moyens, ayant aussi, par les dépêches dernières qui sont venues de la cour, assez connu qu'il ne se faut plus endormir, les desseins de nos adversaires, et, d'autre part, la condition de nos églises réformées qui me requèrent incessamment de pourvoir à leur défense, je n'ai pu plus retarder, et suis parti avec autant de regret que j'en saurai jamais avoir, ayant différé de vous en dire l'occasion, que j'ai mieux aimé vous écrire, parce que les mouvements nouveaux ne se savent que trop tôt. Nous aurons beaucoup de maux, beaucoup de difficultés, besoin de beaucoup de choses; mais nous espérons en Dieu, et tâcherons de surmonter tous les défauts par patience, à laquelle nous sommes usités de tout temps.

«Je vous prie, m'amie, commander, pour votre garde, aux habitants de Nérac. Vous avez là Monsieur de Lusignan pour en avoir le soin, s'il vous est agréable, et qu'il fera bien. Cependant aimez-moi toujours comme celui qui vous aime et estime plus que chose de ce monde. Ne vous attristez point; c'est assez qu'il y en ait un de nous deux malheureux, qui néanmoins, en son malheur, s'estime d'autant plus heureux que sa cause devant Dieu sera juste et équitable. Je vous baise un million de fois les mains.»28

Le 13 avril, le roi de Navarre, qui a l'œil et l'esprit partout, écrit de Lectoure au comte de Sussex, grand chambellan d'Angleterre, pour lui faire connaître l'état des affaires et demander l'appui d'Elisabeth en faveur des églises réformées. Deux jours après, le 15 avril, à l'Isle, dans le diocèse d'Albi, Henri signe un manifeste «à la noblesse», dont voici tous les passages essentiels:

«Messieurs, je ne doute point qu'une bonne partie d'entre vous et du peuple même, qui, sous la faveur des édits du roi mon seigneur, avait déjà goûté quelque fruit de la dernière paix, ne trouve maintenant étrange de voir les troubles dont ce royaume est si longuement agité, et que l'on estimait assoupis, se renouveler encore et les armes reprises par ceux de la Religion. J'estime aussi qu'après plusieurs discussions des raisons et occasions qui les ont mûs de ce faire, chacun jugeant selon sa passion ou selon qu'il aura pu entendre, ils en voudront rejeter toute la haine sur moi… Les déportements, artifices, entreprises, surprises, voleries, massacres, injustices, toute espèce de contraventions dont les ennemis de cet Etat et du repos et tranquillité publique ont usé depuis l'édit de la paix et conférence de Nérac, me peuvent servir de défense…

«Nous avons, par la dernière paix, quitté, comme chacun sait, six ou sept-vingt bonnes places, lesquelles, nonobstant la violence de ceux qui s'y fussent aheurtés, on aurait pu si bien garder et pour si longtemps, qu'enfin ils eussent été contraints nous laisser en repos; et nous sommes contentés de quinze ou vingt des moindres d'icelles, pour servir de sûreté à ceux qui ne pourraient rentrer ou vivre dans leurs maisons. Cela seul peut témoigner que nous désirons la paix; car autrement c'eût été une grande simplicité de quitter un tel avantage. Et, de fait, n'avons-nous pas, au même instant qu'elle a été publiée, fait cesser tous actes d'hostilité? Néanmoins, les ennemis de cet Etat, impatientés de n'avoir aise et repos, se sont incontinent saisis de ce que nous avions délaissé, armé les places que nous avions désarmées, fermé celles que nous avions ouvertes, surpris les autres qui n'étaient plus gardés, chassé dehors ceux qui les ont reçues, tué ou meurtris ceux qui n'étaient plus en défense…»

Ici, le manifeste entre dans le détail de quelques-uns de ces actes d'arbitraire et de violence: prise, révolte ou pillage de Villemur, de Lauzerte, de Langon, de La Réole, de Montaignac, de Pamiers, de Sorèze, etc.

«J'en laisse, pour brièveté, poursuit le roi, plusieurs autres, qui peuvent assez donner d'arguments de complainte. Cependant, on n'en a vu aucun exploit de justice. Les auteurs et coupables ont été reçus aux bonnes villes, honorés, déchargés, rémunérés et récompensés; leur butin reçu et vendu publiquement… De sorte que la plupart ont pensé que la paix et les édits n'étaient qu'une chose feinte, et que la rompre ou différer l'exécution d'icelle était tacitement permis. Qu'on remarque un seul exploit contre aucun qui ait attenté contre ceux de la Religion; lesquels, au contraire, voyant que parmi eux il y en avait de mal vivants, ont pris, à leur propre poursuite et dépens, plus de cent-vingt prisonniers qu'ils ont livrés eux-mêmes et qui ont été condamnés et exécutés à mort… Les maisons des particuliers sont encore retenues; plusieurs châteaux qui m'appartiennent ne m'ont point été rendus, quelque commandement qu'il ait plu au roi d'en faire… – Quant à la religion, on est à pourvoir encore de lieux pour l'exercice d'icelle en la plupart des bailliages et sénéchaussées… L'institution des enfants n'est permise dans les colléges, s'ils ne font profession de la religion romaine… Cependant, mes ennemis se préparaient à la guerre; ils en dressaient les états, avaient le pied à l'étrier; par ruses et artifices, ils nous y provoquent; et j'avais chaque jour avis qu'on dressait des entreprises pour attenter sur ma personne.

«Toutes ces considérations mises en avant, les justes complaintes de nos églises, qui imploraient mon assistance, m'ont contraint de venir en cette nécessité et presse de maux si extrêmes, protestant devant Dieu et ses anges que c'est à mon très grand regret et que mon intention n'est point d'attenter contre la personne du roi que nous reconnaissons comme notre souverain seigneur, contre son Etat ni sa couronne, de laquelle je désire la conservation et grandeur, ayant cet honneur d'y appartenir. Ce n'est pour m'enrichir ni augmenter mes moyens; chacun sait assez combien je suis éloigné de ce but; ce n'est que pour notre défense, pour nous garantir et délivrer de l'oppression de ceux qui, sous l'autorité du roi et le manteau de la justice, tâchent de nous exterminer. Lesquels nous tenons et déclarons pour ennemis de l'Etat, fracteurs des édits et lois conservatrices d'icelui. Contre ceux-là nous portons les armes, non contre les catholiques paisibles, que chacun voit que nous embrassons également, sans aucune passion ni distinction quelconque, auxquels nous n'entendons empêcher l'exercice de leur religion ni la perception des biens ecclésiastiques, si ce n'est de ceux qui suivent parti contraire: conjurant tous princes, seigneurs et magistrats, villes et communautés, et principalement vous, Messieurs de la noblesse, tous gens de bien, de quelque ordre ou état qu'ils soient, amateurs de leur patrie, désirant le repos d'icelle, nous secourir et assister, se joindre à nous, à notre si juste cause, pour laquelle nous sommes résolus d'employer vie et moyens…»

Le 16 avril, «au partir de l'Isle», le roi de Navarre écrit à la cour de parlement de Toulouse pour attester que la guerre qui commence n'est pas de sa faute. Le 20 avril, de Nérac, lettre au roi de France: apologie de ses actes et de ses intentions, protestations contre les iniquités qui lui mettent les armes à la main, mais assurance de ses sentiments de fidélité à l'autorité royale. En même temps, lettre analogue mais superficielle à Catherine de Médicis. Le 12 mai, une dernière lettre d'avis et de confidence, datée aussi de Nérac, et adressée au vieux duc de Montpensier, que le roi de Navarre chérissait. Puis il y a, dans la correspondance royale, comme une lacune, comme un silence mystérieux. Dans trois semaines, il sera rompu par le coup de tonnerre de Cahors.

CHAPITRE VI

La «guerre des Amoureux». – La dot de Marguerite. – Révolte de Cahors. – Le baron de Vesins. – Préparatifs de l'expédition contre Cahors. – Cahors au XVIe siècle. – Le plan de l'attaque. – Les pétards. – Succès et revers. – Conseils de retraite et réponse du roi. – Bataille de rue. – Le roi soldat. – Arrivée de Chouppes. – Le terrain gagné. – Arrivée et défaite d'un secours. – Prise du collège. – Les quatorze barricades. – Exploit du roi de Navarre. – Cri magnanime. – Le post-scriptum royal. – La lettre à Madame de Batz. – Effets de la prise de Cahors. – La petite guerre. – Prise de Monségur par le capitaine Meslon. – Négociations pour la levée d'une armée auxiliaire.

L'esprit satirique du XVIe siècle a presque flétri du surnom de «guerre des Amoureux», la nouvelle lutte qui commençait. C'était là le style des «pasquils», si complaisamment cités par P. de l'Estoile. Assurément, il put y avoir, à l'origine, une apparence de raison dans cette définition épigrammatique; mais si les petits moyens employés pour déterminer la prise d'armes, moyens fort à la mode, à cette époque, comme en d'autres temps qui les ont moins affichés, furent du domaine de la galanterie, il serait absolument déraisonnable de méconnaître la force des mobiles sérieux de cette guerre et la gravité des revendications qui la caractérisent. Les documents qui précèdent sont de nature, croyons-nous, à faire apparaître, sous son vrai jour, la prétendue «guerre des Amoureux», et par ce qui va suivre, on peut se convaincre qu'elle fut, du côté du roi de Navarre, comme une guerre de révélation. Il s'y montra, nous le voulons bien, fervent amoureux, mais amoureux de la gloire.

 

La plupart des historiens affirment qu'avant de se mettre en campagne, Henri, de concert avec les chefs calvinistes, avait projeté plus de «soixante entreprises». Nul n'en donne la liste complète, mais le succès de Cahors compensa beaucoup d'échecs. Ce fut contre Cahors, en effet, que le roi de Navarre dirigea ses premiers efforts. «Le roi (Charles IX), dit Mézeray, avait assigné la dot de la reine Marguerite en terres, l'ayant apanagée des comtés de Quercy et d'Agenais, même avec les droits de la couronne et pouvoir de nommer aux charges et aux grands bénéfices… Mais les habitants de Cahors, les uns affectionnés à la religion catholique, les autres craignant la revanche des massacres (de 1562), ne voulaient point recevoir le roi de Navarre. C'est pourquoi ce prince avait résolu de commencer la guerre par cette ville… Vesins était dedans avec quinze cents hommes de pied qu'il avait aguerris, une compagnie d'ordonnance et un grand nombre de noblesse. Sa vigilance, son courage et sa réputation étaient connus, tellement que l'entreprise était fort hasardeuse; et il n'y avait point de vieux capitaine qui ne dissuadât le roi d'entamer la guerre par une témérité dont le mauvais succès ferait échouer tous ses autres desseins.»

L'expédition contre Cahors, projetée d'assez longue date, fut résolue et préparée à Montauban. De cette ville, le roi de Navarre envoya ses ordres pour l'acheminement des troupes. Il crut pouvoir compter, à jour fixe, sur celles de la vicomté de Turenne, environ cinq cents hommes, que devait lui amener le mestre-de-camp Chouppes, et leur retard fut bien près de faire échouer l'entreprise. »Le roi de Navarre, disent les Economies royales, ayant passé par Montauban, Négreplisse, Saint-Antonin, Cajarc et Cénevières, pour rassembler toujours des gens, à cause que M. de Chouppes, qu'il avait mandé, n'était point encore joint; finalement, ayant fait une bonne traite, il arriva, environ minuit, à un grand quart de lieue de Cahors.» C'était le 27 mai. Les historiens contemporains donnent cette description sommaire de Cahors: «C'est une grande ville bâtie sur la rivière du Lot, qui l'environne de toutes parts, hormis d'un côté qu'on nomme La Barre. Il y a trois ponts, un desquels porte le nom de Chelandre, et un autre, du côté de Montauban, s'appelle le Pont-Neuf, ce dernier se fermant par chaque bout d'un portail assez bien accommodé, mais sans pont-levis, à cause de quoi on avait bâti au milieu deux petits éperons.»

Le roi de Navarre et les quinze ou seize cents hommes qu'il conduisait, firent halte «dans un vallon, sous plusieurs touffes de noyers, où il se trouve une source qui fut de grand secours, car il faisait grand chaud, le temps éclatant, de toutes parts, de plusieurs grondements de tonnerre, qui ne furent pas néanmoins suivis de grandes pluies». Ce fut là que le roi de Navarre arrêta le plan de l'attaque. Elle fut résolue, malgré l'absence de Chouppes, l'orage devant favoriser les assaillants plutôt que leur nuire. Le vicomte de Gourdon avait eu l'idée d'employer des pétards pour briser les portes. Aux hommes chargés de mettre en œuvre ces terribles engins, le roi donna une escorte de dix gardes. Les pétardiers devaient attaquer les deux portes du Pont-Neuf. Ils prirent les devants, suivis de vingt hommes d'armes et de trente arquebusiers, sous les ordres du capitaine Saint-Martin et du baron de Salignac; puis venaient quarante gentilshommes de Gascogne et soixante gardes du roi commandés par Roquelaure; Henri marchait à la tête du gros de ses troupes, composées de deux cents hommes d'armes et de mille ou douze cents arquebusiers. Des deux portes du Pont-Neuf abordées simultanément, l'une, à peine trouée par l'explosion du pétard, obligea les assaillants à s'introduire en rampant dans la ville; l'autre, au contraire, fut renversée du coup. L'orage était si violent, que la garnison ne prit pas tout de suite l'alarme. A la seconde explosion seulement, les assiégés parurent. Salignac, entré le premier dans la place, avec son détachement, rencontre Vesins, quarante gentilshommes et trois cents arquebusiers, armés à la hâte. Roquelaure et Saint-Martin s'étant joints à Salignac, il s'engage, à la lueur des éclairs, un combat où l'arquebuse fut bientôt inutile. Dès les premiers chocs, Vesins est mortellement blessé, et la chute de ce chef renommé trouble, un instant, les assiégés, qui reculent. Mais ils reprennent vite courage, à l'arrivée d'un renfort, venu du centre de la ville, et les assaillants voient tomber leurs trois capitaines, Salignac, Roquelaure et Saint-Martin, celui-ci pour ne plus se relever. Ils vont lâcher pied, lorsque Gourdon et Terrides arrivent à leur secours: on s'acharne de part et d'autre. Mais le jour a paru, toutes les forces de Cahors convergent vers le champ de bataille, et les calvinistes, combattus à la fois par la garnison, par la bourgeoisie armée, par les habitants, qui, du haut des maisons, font pleuvoir sur leur tête une grêle de projectiles, cèdent peu à peu devant tous ces obstacles; nombre d'entre eux sortent de la ville, et le roi, qui attendait le résultat de cette affaire d'avant-garde, se voyait déjà conseiller la retraite: «Il est dit là-haut, répond-il, ce qui doit être fait de moi en toute occasion. Souvenez-vous que ma retraite hors de cette ville, sans l'avoir conquise et assurée au parti, sera la retraite de ma vie hors de ce corps. Que l'on ne me parle plus que de combattre, de vaincre ou de mourir.» Et le roi de Navarre entre, à son tour, dans la ville, avec ses deux cents gentilshommes et ce qui lui restait d'arquebusiers. Quand il y fut, ses amis comprirent qu'il fallait vaincre à tout prix.

Les combats qui suivirent ne peuvent guère se raconter. Ce fut une bataille de rue: le terrain gagné pied à pied ou conservé avec peine; la barricade renversée laissant voir derrière elle une autre barricade; les maisons conquises l'une après l'autre; partout un danger, un piège, une alarme; jamais un moment de repos. Rien que pour se maintenir, il fallait faire des efforts incessants, et il s'agissait d'avancer! Cependant, on avançait peu, et l'espoir de la conquête s'évanouissait dans l'âme des plus braves; presque seul, le roi gardait son assurance et même sa bonne humeur; il disait, en réponse aux conseils de retraite qui recommençaient à se faire entendre: «Se peut-il que de si braves gens ignorent leurs forces!» Elles eussent fléchi certainement, s'il ne les eût décuplées par son exemple.

On luttait depuis deux jours et deux nuits, la ville attendant un secours, et le roi de Navarre, le corps de Chouppes. Sully raconte qu'il vit, pendant ces heures terribles, «les choses les plus belles et les plus effroyables tout ensemble». On ne mangeait et buvait «qu'un coup et un morceau, par-ci par-là, en combattant»; il fallait dormir «debout, les cuirasses appuyées sur quelques étaux de boutiques»; tout le monde, Henri le premier, avait «les pieds si écorchés et pleins de sang, que nul ne se pouvait quasi plus soutenir»; un grand nombre d'assaillants, entre autres Rosny, étaient blessés; les armes du roi étaient faussées de «coups d'arquebuse» et de «coups de main». Il ne restait peut-être plus aux calvinistes que la force de vouloir bien mourir avec leur chef, lorsque l'arrivée de Chouppes, à la tête de cinquante gentilshommes et de quatre ou cinq cents arquebusiers, vint justifier l'opiniâtreté du roi de Navarre.

A peine entré dans la ville, Chouppes donne, de furie, contre une barricade, l'enlève, en poursuit les défenseurs jusqu'à l'hôtel de ville, s'en empare et y trouve trois canons et une coulevrine. Il y met une garde et marche vers le collège, qui était une vraie forteresse. Il y est rejoint par le roi de Navarre. Là, on commence à entrevoir la fin ou ce qu'on croyait être la fin de ces rudes combats: on se trompait. Il fallut faire le siège en règle du collège et courir bien des risques pour s'en approcher en perçant les maisons. Cette tâche n'était pas terminée au soleil levant, qui montra un nouveau et plus redoutable danger: le secours attendu par les assiégés était en vue. Chouppes, commandé pour s'y opposer, use d'un heureux stratagème. Il va au-devant des quatre cents hommes qui s'approchaient, séparés en deux troupes, trompe la première par une réponse au qui-vive, la foudroie à bout portant, puis il lutte corps à corps avec la seconde et la met en déroute. Le lendemain, le collège est emporté: c'est la victoire enfin? Pas encore! Du collège, on aperçoit, dans la grande rue, quatorze barricades. C'est une nouvelle bataille, c'est un nouveau siège. Le roi de Navarre donne ses ordres, et Chouppes, encore une fois, marche à l'avant-garde; mais une pierre l'atteint à la tête et le renverse au moment où la besogne était en bonne voie. Le roi, qui le suivait, prend sa place. A la tête de ses gardes, et «en pourpoint comme eux», dit d'Aubigné, «il emporte la meilleure des barricades», du sommet de laquelle il fait entendre ce cri magnanime: «Grâce à tous ceux qui mettront bas les armes!» Cahors était pris.

La ville fut livrée au pillage. Quelle ville prise d'assaut n'était pillée, au XVIe siècle? Mais nous avons vainement cherché dans l'histoire la trace des innombrables «massacres» qui, selon des relations suspectes, auraient déshonoré la victoire des calvinistes. Les rigueurs dont souffrit Cahors, rigueurs déplorables assurément, furent celles que subissait, à cette époque, toute ville forcée29.

La correspondance du roi de Navarre fournit au récit de la prise de Cahors un post-scriptum du plus haut intérêt. C'est d'abord la lettre suivante, adressée à la baronne de Batz, dès la première heure qui suivit la reddition, c'est-à-dire le 31 mai ou le 1er juin:

«Madame de Batz, je ne me dépouillerai pas, combien que je sois tout sang et poudre, sans vous bailler bonnes nouvelles, et de votre mari, lequel est tout sain et sauf. Le capitaine Navailles, que je dépêche par delà, vous déduira, comme nous avons eu bonne raison de ces paillards de Cahors. Votre mari ne m'y a quitté de la longueur de sa hallebarde. Et nous conduisait bien Dieu par la main sur le bel et bon étroit chemin de sauveté, car force des nôtres, que fort je regrette, sont tombés à côté de nous. A ce coup, ceux-là que savez et qu'avez dans vos mains seront des nôtres. A ce sujet, je vous prie bailler à mondit Navailles lettres et instructions qui lui seront nécessaires, dont je vous prie bien fort lui aider à me gagner ceux-là et leurs amis, les assurant du bon parti que leur ferai. Et de telle manière que désirerez, je vous reconnaîtrai ce service, d'aussi bon cœur que je prie Dieu, ma cousine, qu'il vous ait en sa sainte garde».

Le 1er juin, Henri écrivait à M. de Scorbiac, son conseiller à Montauban: «Je crois que vous aurez été bien ébahi de la prise de cette ville; elle est aussi miraculeuse, car, après avoir été maître d'une partie, il a fallu acquérir le reste pied à pied, de barricade en barricade. Depuis que Dieu m'a fait la grâce de l'avoir, je désire la conserver et y établir quelque beau règlement. Pour travailler auquel, je vous prie m'y venir trouver avec La Marsillière et les autres auxquels j'écris…» Il ajoutait, le 6 juin: J'eusse fort désiré que vous fussiez venu par deçà, lorsque je vous ai demandé, parce que votre présence eût été bien requise ici, pour aider à régler toutes choses en cette ville, et y établir un bon ordre qui n'a pu sitôt y être mis… Nous y avons donné quelque acheminement; j'espère que tout s'y portera bien, au contentement des gens de bien…»

On voit, par la lettre à Madame de Batz, que le roi ne perdit pas un instant pour faire fructifier sa victoire jusqu'au fond de l'Armagnac: chez lui, le politique donnait toujours la main au capitaine. Les lettres à M. de Scorbiac, écrites dans un ordre d'idées analogue, attestent les préoccupations d'un esprit organisateur, toujours prêt à compléter par de «bons règlements» les succès militaires.

Par la prise de Cahors, le roi de Navarre étonna ses amis non moins que ses ennemis: hommes de guerre et hommes d'Etat comprirent qu'à dater de ce jour, le parti calviniste aurait à sa tête un chef doué de toutes les aptitudes qui domptent les événements et font, en quelque sorte, violence à la destinée. Si, à cette heure, Henri avait possédé une armée puissante et d'importantes ressources financières, il aurait pu tracer avec son épée la carte d'une France protestante, religieusement et politiquement constituée en face de la vieille monarchie catholique. La Providence en décida autrement. En sortant de Cahors, le roi de Navarre se retrouva, comme auparavant, avec sa poignée de partisans, et, longtemps encore, il dut se résigner à faire la petite guerre. Il la fit toujours avec entrain et parfois avec bonheur.

 

Après avoir laissé Cabrière gouverneur à Cahors, il visita sa bonne ville de Montauban et revint, sans plus tarder, à Nérac, où, ayant pris connaissance des mouvements de l'armée de Biron, il se prépara, de son mieux, à lutter contre ce capitaine expérimenté. En traversant la Lomagne et l'Armagnac, il avait déjà battu deux détachements catholiques, l'un à Beaumont, l'autre à Vic-Fezensac. Un de ses plus vaillants capitaines, Meslon, gouverneur de Castelmoron et de Gensac, venait de prendre Monségur par ce pétard, nommé alors «saucisse», que nous avons vu jouer son rôle à Saint-Emilion et à Cahors.

Au mois de juin, les lettres de Henri font allusion à une armée étrangère qui «s'apprête infailliblement et commence à marcher», mais qui ne se hâtait guère: c'était le corps de mercenaires dont les huguenots avaient obtenu la promesse du prince palatin Casimir. Cette armée resta en formation; il est certain, toutefois, qu'à la seule pensée de revoir les reîtres passer sur le ventre aux populations de cinq ou six provinces, les négociateurs royaux du traité de Fleix se sentirent, quelques mois plus tard, mieux disposés à la conciliation qu'ils ne l'eussent été en d'autres circonstances.

28Appendice:
29Appendice: