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Henri IV en Gascogne (1553-1589)

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D'Auch, les deux reines allèrent s'établir à Nérac, où Catherine séjourna plus longtemps que dans aucune autre ville de Guienne ou de Gascogne. C'était là qu'elle avait résolu de livrer au roi de Navarre et à ses partisans une vraie bataille de diplomatie et de galanterie. Au mois de janvier, s'ouvrirent des conférences en vue d'un nouveau traité ou d'une interprétation du traité précédent. Y prirent part: la reine-mère, le cardinal de Bourbon, oncle du roi de Navarre, le duc de Montpensier et son fils, le prince dauphin d'Auvergne, Armand de Gontaud, maréchal de Biron, Guillaume de Joyeuse, Louis de Saint-Gelais, seigneur de Lansac, Bertrand de Salignac de la Mothe-Fénelon, Guy Dufaur de Pibrac, et Jean-Etienne Duranti, avocat général au parlement de Toulouse, nommé, l'année suivante, président à la même cour. Le traité, signé, le 28 février 1579, par ces personnages et par le roi de Navarre, était en vingt-neuf articles. Il fut ratifié à Paris, le 19 mars suivant, par le roi de France. Le jour même de la signature, Catherine de Médicis et Henri communiquèrent le texte de ce document au maréchal de Damville: «Nous avons, grâces à Dieu, résolu et arrêté, par l'avis des princes et sieurs du conseil privé du roi, après avoir aussi ouï les remontrances de ceux de la religion prétendue réformée, les moyens qu'il faut tenir, tant pour faire cesser tout acte d'hostilité que pour l'entière exécution de l'édit de pacification fait et arrêté, au mois de septembre 1570.» La lettre royale invitait le maréchal à publier cette nouvelle, avec des injonctions conformes, et elle était signée: «Votre bonne cousine et cousin, Catherine, – Henri». Diverses lettres du roi de Navarre et de la reine-mère, sur le même sujet et dans le même sens, furent adressées aux officiers généraux, gouverneurs et capitaines, soit immédiatement, soit après la ratification. La plupart des clauses du traité de Nérac étaient favorables aux calvinistes. «On accorda encore au roi de Navarre trois places en Guienne pour l'assurance de l'exécution de cet édit, savoir: Figeac, Puymirol et Bazas, qu'ils devaient rendre, au mois d'août suivant, et onze aux calvinistes de Languedoc, à condition de s'en dessaisir, au mois d'octobre; les principales étaient Alais, Sommières et Lunel. On ne les leur accorda que sur la parole qu'ils donnèrent qu'on n'y ferait nulle nouvelle fortification, qu'on y conserverait les églises, et qu'on n'y maltraiterait point les catholiques. Mais, quand ils en furent une fois les maîtres, ils en chassèrent les prêtres et firent tomber tous les impôts sur les catholiques, pour en décharger ceux de leur religion. C'est ainsi, ajoute le Père Daniel, que les calvinistes profitaient de l'envie que l'on avait à la cour d'entretenir la paix, tandis que, sous main, ils prenaient entre eux de nouvelles liaisons, pour ne pas se laisser surprendre, en cas qu'il fallût en revenir à la guerre, ou qu'ils trouvassent l'occasion favorable de la recommencer eux-mêmes.»



Mézeray prétend expliquer les avantages que les protestants trouvèrent dans la paix de Nérac: la reine Marguerite, recherchant tous les moyens de se venger de Henri III, aurait «pris soin de s'acquérir secrètement le cœur de Pibrac, qui était le conseiller de sa mère, en sorte que, n'agissant que par son mouvement et contre les intentions de la reine-mère, il éclaircit plusieurs articles en faveur des religionnaires et leur fit accorder beaucoup de choses, même plusieurs places de sûreté». En somme, Catherine de Médicis avait été battue sur le terrain diplomatique

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  Appendice:

XVI.



. Ses artifices et les manœuvres de son «escadron volant» lui valurent une revanche dont se ressentirent longtemps les affaires du roi de Navarre.



La présence des deux reines à Nérac transforma en capitale cette ville, déchue, par plus de vingt années de guerre et de troubles, du rang qu'elle avait occupé sous le règne de Henri d'Albret et de la première Marguerite. La seconde, dans ses Mémoires, nous a laissé un tableau riant de la cour de Nérac: «Notre cour était si belle et plaisante, que nous n'enviions point celle de France, y ayant la princesse de Navarre et moi, avec nombre de dames et filles, et le roi mon mari étant suivi d'une belle troupe de seigneurs et gentilshommes aussi honnêtes que les plus galants que j'aie vus à la cour; et n'y avait rien à regretter en eux, sinon qu'ils étaient huguenots. Mais de cette diversité de religion il ne s'en oyait point parler, le roi mon mari et la princesse sa sœur allant d'un côté au prêche, et moi et mon train à la messe, à une chapelle, d'où, quand je sortais, nous nous rassemblions pour nous aller promener ensemble en un très beau jardin ou bien au parc, dont les allées, de trois mille pas de long, côtoyaient la rivière; et le reste de la journée se passait en toutes sortes d'honnêtes plaisirs, le bal se tenant d'ordinaire l'après-dînée et le soir.» Sully et d'Aubigné apportent leur témoignage à Marguerite: Nérac jouissait de toutes les élégances et de tous les plaisirs d'une cour; mais il en offrait aussi les vices et les dangers, comme l'éprouvèrent le roi de Navarre et un grand nombre de ses partisans. Henri avait pris, à la cour de France, des habitudes de libertinage dont rien, pas même l'âge, ne put jamais le guérir. Il tomba, plus d'une fois, dans les pièges tendus à sa faiblesse trop connue par les suivantes de Catherine et de Marguerite: à l'histoire de ses liaisons avec Madame de Sauves et Mademoiselle de Tignonville, s'ajouta la chronique scandaleuse de ses caprices pour Mademoiselle Dayelle, Mademoiselle de Fosseuse-Montmorency et Mademoiselle Le Rebours. Tout ce qu'il est permis de dire, pour atténuer, s'il se peut, ces torts et bien d'autres qui gâtèrent sa vie privée, c'est que la cour des Valois n'allait point sans ces débordements, et que, fort heureusement pour lui et pour la France, ils ne lui firent jamais oublier ni les devoirs de la politique, ni le noble souci de la gloire.



Les amis et les serviteurs du roi payèrent aussi leur tribut aux roueries italiennes de la reine-mère: on vit Turenne, Roquelaure, Béthune domptés à leur tour, et Rosny, qui devait être plus tard le grave ministre d'un grand roi, succomba comme les autres. Il faut même ajouter que, après le départ de Catherine et de son dangereux «escadron», la galanterie ne laissa pas de régner à la cour de Nérac, du moins tant qu'elle fut tenue par la belle reine de Navarre. Ces passions ou amourettes à la mode entraînèrent de fâcheuses conséquences politiques. Catherine semait l'esprit de division et de défection. Quand elle quitta la Gascogne, vingt trahisons étaient à la veille de se déclarer, et elles amoindrirent le parti: Lavardin, Gramont et Duras, entre autres, devinrent les adversaires de Henri. Nous ne mentionnerons que pour mémoire les rivalités, les querelles et les duels: Condé et Turenne eux-mêmes, brouillés par le contre-coup des intrigues de la reine-mère, en arrivèrent à croiser le fer, et le vicomte faillit périr quelque temps après, dans une rencontre, à Agen, avec Durfort de Rauzan.



Lorsque Catherine de Médicis ne pouvait ni subjuguer par son manège personnel, ni désarmer par la galanterie les partisans du roi de Navarre, elle les faisait habilement calomnier auprès de lui, comme il arriva pour le gouverneur d'Eauze. La reine-mère, se souvenant que l'expédition de Fleurance avait été organisée par ce gentilhomme, donna mission à un de ses affidés, personnage important, de faire naître, dans l'esprit du roi, des soupçons sur la fidélité de son «Faucheur». Averti, Manaud de Batz sollicita une explication de Henri, qui la lui donna dans une lettre où se marquent, en termes éloquents, la délicatesse et la magnanimité de son cœur

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  Appendice:

XIII.



.



C'est avec une sorte de prédilection, remarquée par les historiens de notre temps, que le roi de Navarre a prodigué les traits de son beau et séduisant caractère dans ses lettres au baron de Batz. Sully et d'Aubigné constatent qu'il y eut souvent rivalité entre les protestants et les catholiques au service de Henri, et qu'il fallait à ce prince beaucoup de tact pour les mettre d'accord. Quand les principaux calvinistes, tels que Turenne, d'Aubigné et Du Plessis-Mornay, lui conseillaient de se défier de ses officiers catholiques, il leur fermait la bouche par cette juste réflexion, que les «papistes» méritaient toute sa confiance, puisqu'ils le servaient par un pur attachement à sa cause ou à sa personne. Du reste, il excella de bonne heure à lire au fond des cœurs. «Beaucoup m'ont trahi, mais peu m'ont trompé», écrivait-il à propos d'une défection prévue; et il ajoutait: «Celui-ci me trompera, s'il ne me trahit bientôt». L'habileté n'eût pas toujours suffi pour maintenir le faisceau de tant de fidélités diverses; mais, dans les cas extraordinaires, Henri puisait en lui-même une éloquence irrésistible.



Pendant la campagne de 1580, un jour que l'on discutait, en présence du roi de Navarre, le plan d'une petite expédition, les avis se partagèrent. Du Plessis-Mornay opinait absolument pour l'action immédiate, et Manaud de Batz, qui connaissait le pays et les difficultés de l'entreprise, n'épargnait pas les objections. «Je ne puis comprendre», dit à la fin Mornay, «comment un homme si déterminé aux armes est si timide en conseil!» Le roi de Navarre se chargea de la réponse: «Un vrai gentilhomme, répliqua-t-il, est le dernier à conseiller la guerre, et le premier à la faire!» Mais on connaît de Henri de Bourbon une parole encore plus haute, la plus royale peut-être qui ait été prononcée dans les temps modernes.

 



En 1578, pendant que le roi de Navarre était en Agenais, quelques-uns de ses partisans béarnais, pourchassés à travers l'Armagnac par les troupes du roi de France, furent recueillis par Antoine de Roquelaure et Manaud de Batz, qui les prirent sous leur sauvegarde. Henri écrivit, à ce sujet, au gouverneur d'Eauze:



«Monsieur de Batz, j'ai entendu avec plaisir les services que vous et M. de Roquelaure avez faits à ceux de la Religion, et la sauveté que vous particulièrement avez donnée, dans votre château de Suberbies, à ceux de mon pays de Béarn, et aussi l'offre, que j'accepte pour ce temps, de votre dit château. De quoi je vous veux bien remercier et prier de croire que,

combien que soyez de ceux-là du Pape, je n'avais, comme vous le cuydiez, méfiance de vous dessus ces choses. Ceux qui suivent tout droit leur conscience sont de ma religion, et moi, je suis de celle de tous ceux-là qui sont braves et bons

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  Voir le

fac-simile

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C'était au nom de cette «religion» faite d'honneur, de probité et de vaillance, que le roi de Navarre savait conquérir de fidèles amis, et ce fut elle qui monta avec lui sur le trône de France.



La paix de Nérac signée, Catherine se dirigea vers le Languedoc, où elle avait plusieurs affaires à traiter avec le maréchal de Damville. Après une excursion à Agen, elle passa dans le comté de Foix, accompagnée du roi et de la reine de Navarre. Ce pays de montagnes offrit aux deux cours une fête qui fut tragique. C'était une chasse aux ours. Les chasseurs, surexcités par la présence des reines, des dames et de tant de grands personnages, firent des prodiges d'audace, et plusieurs d'entre eux périrent dans une lutte corps à corps avec les redoutables fauves. A Castelnaudary, où l'attendaient les Etats de Languedoc, la reine-mère prit congé de sa fille et de son gendre, qui allèrent séjourner dans le Béarn. Bascle de Lagrèze a esquissé le tableau pittoresque de l'entrée et du séjour de Marguerite à Pau.



«Elle arrive dans sa

litière faite à piliers doublés de velours incarnadin d'Espagne, en broderie d'or et de soie nuée à devise

, pour me servir des expressions de ses Mémoires. Cette litière est toute vitrée et les vitres sont faites à devise,

y ayant

, ou à la doublure,

ou aux vitres, quarante devises toutes différentes, avec des mots en espagnol et en italien sur le soleil et ses effets

. Après la litière de la reine s'avancent celles de ses dames d'honneur. Dix filles à cheval l'entourent; puis viennent à la suite six carrosses ou chariots contenant les autres dames ou femmes de la cour. C'est dans le château de Pau que la reine étale ses plus brillantes toilettes. Elle est décidée à user ses robes; car, lorsqu'elle retournera à Paris, elle n'y portera que des ciseaux et des étoffes pour se faire habiller à la mode du jour.»



L'abbé Poeydavant rapporte que la nouvelle de l'arrivée de cette princesse ne fut pas agréable aux consistoires du pays: ils en conçurent des alarmes dont on aperçut bientôt les signes. «Le fondement en était pris du zèle de cette princesse pour la religion catholique. On craignait, avec quelque apparence de raison, qu'il ne portât atteinte à la dernière constitution qui la bannissait du pays souverain. Sur cette appréhension, le synode, qui, vers la fin de cette année (1578), se tint dans Oloron, fit publier un jeûne pour obtenir du ciel la grâce de détourner le grand malheur dont on se croyait menacé. Tandis que ces réformateurs appréhendaient si vivement le retour de la liberté religieuse et civile pour leurs concitoyens, ils abusaient eux-mêmes, d'une manière étrange, des édits que l'intolérance avait dictés contre les catholiques.» Les Mémoires de Marguerite nous apprennent, en effet, qu'elle fut elle-même victime de l'intolérance calviniste.



La reine, jouissant du libre exercice de sa religion, faisait dire la messe au château de Pau par des aumôniers de sa suite. Les catholiques, dont le nombre était considérable dans la ville, désiraient ardemment l'entendre. Il y avait, au château, un pont-levis d'où l'on s'introduisait dans la cour qui conduisait à la chapelle. Chaque fois qu'on disait la messe, on prenait la précaution de lever le pont, afin d'interdire aux catholiques l'accès du lieu saint. La fête de la Pentecôte étant survenue, raconte Marguerite, plusieurs d'entre eux trouvèrent le moyen de s'introduire dans la cour et de gagner la chapelle avant que le pont fût levé. Des huguenots, les ayant aperçus, coururent les dénoncer à Du Pin, secrétaire du roi, et intraitable adversaire des catholiques. Du Pin dépêche aussitôt des gardes, qui, sans nul respect pour le lieu, ni pour l'assemblée, ni pour la personne de la reine, expulsent violemment les catholiques et les traînent en prison. Ils y furent détenus pendant plusieurs jours, et n'en sortirent qu'au moyen d'une grosse amende, après avoir risqué de n'en être pas quittes à si bon marché.



La reine de Navarre ressentit vivement cette «indignité», et en porta ses plaintes au roi son mari, le suppliant de faire relâcher ces pauvres catholiques, qui ne méritaient point, disait-elle, un pareil traitement, pour avoir voulu, dans un jour solennel, profiter de son arrivée pour assister au saint sacrifice de la messe, dont ils avaient été privés depuis si longtemps. Du Pin, sans être interpellé, se mit à la traverse entre la reine et son mari, osant dire à la reine qu'il n'en serait ni plus ni moins, pour ce dont elle se plaignait touchant les catholiques, se fondant, quant à sa conduite, sur la teneur des ordonnances qui défendaient la messe en Béarn, «sur peine de la vie». La reine, outrée des propos insolents de Du Pin, renouvela ses plaintes au roi, en présence de plusieurs personnes qu'elle mit dans ses intérêts. Henri lui promit de s'employer auprès des conseillers du parlement de Pau, en faveur des catholiques prisonniers, pour obtenir un jugement plus modéré et qui hâtât leur délivrance. Afin de complaire à Marguerite, le roi congédia, pour quelque temps, son secrétaire. Mais cet incident et les menées fanatiques dont elle avait le spectacle inspirèrent à la reine un dégoût qu'elle ne put surmonter.



CHAPITRE V

Départ de Pau. – Henri malade à Eauze. – Les Etats de Béarn. – Fragilité de la paix. – La surprise de Figeac. – La paix prêchée, la guerre préparée. – Le rôle de Condé et celui de Damville. – Assemblée de Mazères. – L'embuscade sur la route de Castres. – Entente du roi de Navarre avec Châtillon et Lesdiguières. – Desseins belliqueux. – Lettre à Henri III. – Lettre-manifeste à la reine de Navarre. – Manifeste de l'Isle à la noblesse. – Correspondance avant l'entrée en campagne.



Avant d'aller de nouveau établir sa résidence à Nérac, selon le désir de la reine, qui avait pris le séjour de Pau en aversion, Henri fit avec elle un voyage à Montauban, si renommé par son dévouement passionné à la Réforme. Au retour de ce voyage, et en se rendant à Nérac, il fit un long circuit pour visiter les principales villes de l'Armagnac. Arrivé à Eauze, le 19 juin, il y tomba malade, disent les Mémoires de Marguerite, «d'une grande fièvre continue, avec une extrême douleur de tête, et qui lui dura dix-sept jours, durant lesquels, il n'avait repos, ni jour ni nuit, et le fallait perpétuellement changer de lit à autre». La reine l'entoura de soins affectueux. Pendant cette maladie, il reçut une lettre de Henri III contenant des avis et des réclamations au sujet des anciennes ordonnances de Jeanne d'Albret contre les catholiques béarnais. En quittant Eauze, le 10 juillet, il répondit au roi de France que les faits visés dans sa lettre provenaient du gouvernement de la feue reine, non du sien, mais qu'il en serait parlé aux Etats de Béarn. Le roi de Navarre entretenait avec ces Etats des relations qui furent constamment à l'honneur du prince et des sujets, et dont les pages suivantes font ressortir le caractère

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  Appendice:

XVII.



:



«… Les rapports entre Henri de Navarre et l'assemblée des représentants étaient toujours empreints d'une bienveillance réciproque. Le roi est-il empêché de présider ou de convoquer lui-même les Etats, il s'en excuse; il fait connaître ses motifs, comme on le peut voir aux archives des Etats de Béarn, à l'année 1576. Veut-il communiquer à son nouveau lieutenant général, le sire de Saint-Geniès, qui préside l'assemblée des Etats, en 1579, un ordre de nature à engager la responsabilité des Etats, par exemple, la défense d'assembler des troupes de guerre, à l'insu du roi, c'est à l'assemblée elle-même que cette lettre sera adressée, et c'est dans l'assemblée même qu'il en sera donné lecture. Remarquable déférence d'un souverain aux institutions libérales de son pays, en un temps où, partout en Europe, la monarchie absolue était seule en vigueur et paraissait l'unique forme d'un bon gouvernement! C'est au moment où la reine Elisabeth assure et consolide en Angleterre le despotisme fondé par les premiers Tudors, lorsqu'elle asservit le parlement et substitue à l'action des tribunaux et des cours de justice du pays la juridiction exceptionnelle de la Chambre Etoilée; c'est lorsque Philippe II en Espagne, reprenant la politique de Ferdinand, impose silence aux Cortès, ruine les libertés de l'Aragon, ou menace d'un sort semblable les antiques fueros de la Navarre et des pays Basques, que tous les rois précédents avaient respectés; – c'est à ce moment que Henri débat avec les représentants du Béarn les intérêts du pays et donne l'exemple de l'accord qui doit régner entre les grands pouvoirs constitutifs d'une nation sagement gouvernée. Loin de redouter le contrôle d'une autorité autre que la sienne, il en provoque l'exercice; il réunit annuellement les députés, dont le dévouement a d'autant plus de prix à ses yeux et dont l'action communique d'autant plus de force à son gouvernement, que l'âme de ces députés ne connaît pas de lâche complaisance et qu'ils savent faire entendre une voix libre et fière.



«L'accord intime et la parfaite harmonie de sentiments entre le prince et la nation se firent surtout remarquer au renouvellement des hostilités qui éclatèrent en 1580. Henri, qui s'y était préparé de bonne heure, trouva un concours énergique dans les Etats réunis en 1579. La princesse, sa sœur, qu'il avait instituée régente dans le Béarn, deux ans auparavant, n'eut aucune peine à obtenir de cette assemblée les sommes nécessaires pour l'entretien d'une troupe de 1,200 hommes et pour faire conduire de la ville de Navarrenx jusqu'aux limites du pays de Béarn, des pièces d'artillerie dont le roi de Navarre avait besoin pour entrer en campagne. Les Etats fournirent les munitions de guerre pour l'approvisionnement de Navarrenx. Mais, qu'on veuille bien le remarquer, ils stipulèrent que ces subsides étaient octroyés, «sans tirer à conséquence» (réservant ainsi l'avenir), et sous la condition expresse que le prince aurait soin de réparer les griefs de la nation. En même temps, sur la demande du roi, et d'après une lettre qu'il avait écrite aux syndics du pays, les Etats nommèrent des commissaires chargés de veiller aux plus pressants besoins.»



La reprise des hostilités, à laquelle font allusion les lignes précédentes, allait être déterminée par le cours naturel des choses inconciliables dont se composait une «paix» en ces temps orageux, et le roi de Navarre, instruit par l'expérience, n'était pas homme à se laisser surprendre par les événements. Il était, du reste, fortement incité à prendre les devants, s'il faut s'en rapporter à quelques historiens, par des avis détournés de Monsieur et même de la reine-mère, tous deux arguant des menaces de la Ligue. Ces démarches, quel qu'en fût le mobile, le mettaient encore plus dans l'obligation d'être prêt à toutes les éventualités. Aussi, quand il vit, au mois d'août 1579, les négociateurs de Henri III venir lui redemander les places de sûreté, au moment où les infractions à l'édit se multipliaient de toutes parts, il n'eut pas besoin des conseils de Marguerite, ni du dépit qu'elle ressentait des commérages de Henri III sur ses amours vraies ou supposées avec Turenne, pour comprendre qu'une lutte prochaine était inévitable. L'affaire de Figeac, ville forte du Quercy, ralluma, sinon la guerre ouverte, du moins les hostilités d'où elle devait sortir.

 



Le 16 septembre, Henri, étant à Nérac, écrit à Geoffroi de Vivans: «Je vous prie, celle-ci reçue, de vous acheminer pour aller secourir Figeac, amenant avec vous le plus grand nombre de gens que vous pourrez, et vous diligenter le plus qu'il vous sera possible, de sorte que, par votre aide et secours, s'en puisse ensuivre le succès qui est à désirer, que j'espère de vous…» D'Aubigné raconte ainsi ce qui se passa dans cette ville: «La Meausse, gouverneur de Figeac, avait emporté une ordonnance pour prendre les deniers du roi, à la concurrence de son état, car les trésoriers ne payaient aucunement la garnison pour la rendre faible et facile à l'entreprise que l'on dressait dessus. Comme donc ceux du pays virent que le gouverneur reprenait des soldats, les habitants catholiques de la ville ayant fait entrer quelque noblesse et autres forces du pays, se prirent eux-mêmes, à la mi-septembre (1579), et quant et quant, toute la noblesse du pays y accourut. Tout cela assiège la citadelle, et de près.» Mais la citadelle ayant tenu bon, ces démonstrations de la noblesse protestante firent abandonner Figeac aux catholiques.



A partir de cet incident, tout ce qui se fait ostensiblement, de divers côtés, en vue de la paix, n'est destiné qu'à voiler les préparatifs de guerre. Henri, pour sa part, joue deux rôles bien distincts; rien de plus curieux à lire que sa correspondance à cette époque. Tantôt il se dépense, même auprès de ses amis, en toute sorte de sollicitudes, pour le maintien de cette «bonne paix» que le XVIe siècle connut si peu; tantôt il emploie toute son activité à fortifier ses garnisons, à tenir ses petites troupes en haleine, à mettre ses capitaines sur le qui-vive. Il n'avait plus, pour le moment, à compter sur le prince de Condé, qui s'était affranchi de la discipline du parti et nourrissait un peu naïvement l'espoir de ressaisir, à l'amiable, son gouvernement de Picardie, qu'il fut obligé de revendiquer, les armes à la main, en surprenant La Fère, le 29 novembre. Henri ne pouvait pas davantage proposer une alliance défensive et offensive à Damville, devenu duc de Montmorency, par la mort de son frère: le maréchal passait pour s'être rallié entièrement à la cour, depuis le voyage de la reine-mère; tout au plus, le roi se flattait-il de le maintenir, à son égard, dans une attitude pacifique. En attendant, néanmoins, il projetait de se rencontrer avec lui dans une assemblée convoquée à Mazères pour le mois de décembre, et de juger par là des chances d'action combinée qu'il pouvait avoir de ce côté. Le 24 septembre, il écrit, de Nérac, à Montmorency qu'il fait démarches sur démarches pour assurer l'exécution de l'édit. Le 7 octobre, il fait part au gouverneur de Languedoc du déplaisir qu'il a ressenti, à la nouvelle des excès commis par les catholiques, lors de la reprise de Montaignac, le 22 septembre: «Grand meurtre des habitants, ignominieuse mort des ministres, pillage et saccagement de ladite ville»; et il ajoute qu'il vient de dénoncer le fait à MM. de la chambre de justice établie à l'Isle

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  Appendice:

XI.



. Le 4 novembre, enfin, il exprime à Montmorency le désir de conférer avec lui, à l'assemblée de Mazères, dont il affecta d'abord de se promettre de «bons effets» pour la paix, quoique l'insuccès des précédentes conférences de Montauban ne pût lui laisser, à ce sujet, beaucoup d'illusions.



L'assemblée de Mazères, dans le comté de Foix, eut lieu, du 10 au 19 décembre, avec l'agrément du roi de France. Malgré la présence du roi de Navarre et du duc de Montmorency, elle n'eut d'autre résultat que d'aigrir les esprits au fond et de les tourner vers les résolutions extrêmes, tout en paraissant les avoir rapprochés. Après ce premier essai de conciliation, le roi de Navarre se sentit irrévocablement condamné à faire la guerre. Son gouvernement de Guienne était purement nominal, depuis la Saint-Barthélemy; la dot de sa femme, l'Agenais et le Quercy, lui était disputée de toutes les façons, au besoin par les armes; on ne tolérait sa religion qu'avec l'arrière-pensée, ou plutôt le dessein avoué de la détruire, même par la violence; enfin, sa qualité de premier prince du sang et son mariage avec une fille de France, au lieu de faire de lui un souverain incontesté, ne lui laissaient que le choix de la servitude. Fortement tenté auparavant de prendre un parti décisif, il s'y résolut froidement, au sortir des inutiles conversations de Mazères. Cependant, il ne négligea rien pour accroître les chances d'un accommodement. Le 26 décembre 1579, il essaie de complaire à Henri III en lui annonçant le prochain remplacement, à Périgueux, de Vivans, gouverneur des comté de Périgord et vicomté de Limousin, par le baron de Salignac. Huit jours après, il proteste contre les coups de force d'un de ses coreligionnaires, le capitaine Merle de Salavas, qui venait de s'emparer de Mende. Au mois de février, au mois de mars, jusque dans les premiers jours d'avril, il reste fidèle à ce langage pacifique. Il lui importe, au suprême degré, qu'on ne puisse lui imputer la rupture éclatante qu'il prévoit, qu'il considère même, dans son for intérieur, comme un fait accompli. Et pourtant, on ne l'épargnait guère. Vers la fin du mois de janvier, on lui tendit, sur la route de Castres, une embuscade dont il avait heureusement reçu avis, en temps opportun, de la reine de Navarre. «On m'avait dressé», écrit-il au roi de France, après s'être plaint des tracasseries de Biron, «une partie de quelque deux cents chevaux lestes et bien armés»; et Henri III lui ayant demandé par qui il avait été prévenu, il refusa de le dire, mais le laissa deviner par cette phrase: «Avec le temps, je vous le dirai, et m'assure que vous serez bien étonné, pour être personnes de qui vous ne l'eussiez jamais soupçonné».



Du reste, s'il gardait le respect et parlait avec modération, il voyait très distinctement les dangers qui le menaçaient, et s'occupait, sans relâche, d'être en mesure de les affronter. Il avait envoyé des instructions précises à Lesdiguières, en Dauphiné, et à Châtillon, en Languedoc, expédié des agents sûrs dans diverses provinces, pour concerter, autant que possible, les prises d'armes, si elles devenaient nécessaires. Autour de lui, rien n'échappait à son attention. Les gouverneurs et les capitaines recevaient, à chaque instant, ses ordres et l'invitation de le tenir au courant de tous les faits de quelque importance. Il écrivit vingt lettres comme celle-ci, adressée à Vivans, en Périgord: «Puisqu'il n'a pas tenu à moi, ni à ceux qui m'ont assisté à l'entrevue de mon cousin le maréchal de Montmorency à Mazères, que nous n'ayons fait quelque chose de bon pour l'établissement de la paix… j'en ai ma conscience déchargée. Mais je ne laisse pas pourtant de considérer les maux qui semblent se préparer sur les uns et sur les autres… Vous priant tenir la main, de votre côté, qu'on se tienne prudent en vos quartiers… prenant garde surtout qu'on ne vous puisse imputer d'être des premiers remuants».



Sa correspondance est parsemée de fières déclarations, qui sonnent le boute-selle: «Monsieur de Saint-Geniès, toutes vos lettres me sont parvenues, non les poudres. Je ne veux rompre la trêve, mais en veux profiter pour préparer la guerre… Si l'événement me bat, je ne m'en prendrai qu'à moi et à ma fortune. Qui aime le repos sous la cuirasse, il ne lui appartient point de se mêler à l'école de la guerre». Enfin l'heure vint où, même dans ses lettres au roi de France, on devinait que l'explosion était proche. Le 23 mars, il écrit à Henri III, pour énumérer