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Traité des eunuques

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CHAPITRE XI

Quel rang les Eunuques volontaires ont tenu dans la société civile; de quelle maniére les Loix les y ont considerez, & quels droits elles leur ont attribué

SI les Eunuques forcez, c'est à dire ceux qu'on a fait tels dans leur jeunesse, dans un tems de persécution, ou par l'ordre d'un Tyran, & ceux qui le sont devenus par accident, ont toûjours été l'objet du mépris & de la raillerie des hommes. Quelle indignation n'ont-ils pas dû concevoir contre ces ames lâches & basses, qui par des vûës d'intérêt & d'ambition, se sont fait retrancher la partie extérieure de leur corps la plus noble & la plus utile à la société? la Loi les condamne au dernier supplice comme des homicides d'eux-mêmes. Et voici comment l'Empereur Adrien parle contr'eux,133 Ac si quis adversus Edictum meum fecerit, Medico quidem, qui exciderit capitale erit. Item ipsi qui se sponte excidendum præbuit. On les regardoit autrefois comme des infames du premier ordre, on les bannissoit de la compagnie des hommes, & on ne souffroit pas qu'ils fussent instituez héritiers n'étans en cet état ni homme, ni femme. Voici un éxemple précis qui donnera une juste idée du cas qu'on en a fait, & des droits qu'on a voulu leur attribuer; c'est Valére Maxime qui le fournit134; «Que dirai je, s'écrie-t-il, de l'ordonnance du Consul M. Æmile Lepide? n'est elle pas d'une très grande conséquence? Genutius Prêtre de Cybelle Mére des Dieux, ayant obtenu du préteur Cn. Oreste, qu'il seroit remis en la possession des biens que lui avoit laissez Nevianus, par Testament, Sardinius dont l'affranchi avoit ainsi favorisé Genutius en appella devant le Consul Mamercus, soûtenant que Genutius s'étant volontairement privé des parties qui le faisoient homme, ne devoit point être mis au rang ni des hommes, ni des femmes, ce qui fut cause que la Sentence du Préteur fut cassée. L'Arrêt est digne de Mamercus & d'un Prince du Senat, car il empêcha que les siéges de nos Juges ne fussent souillez de la vûë d'une si indigne personne que Genutius, & que sous prétexte de demander justice, sa voix efféminée & lascive n'y fut entenduë.» Ceci suffit sur cet article, parce qu'au reste on peut leur appliquer ce que j'ai dit dans les chapitres précédens. Je dirai seulement, qu'il faut encore distinguer les Eunuques volontaires entr'eux; Qu'un Combabus & d'autres semblables, sont exceptez de cette haine & de cette condamnation publique si justement dûës aux autres, ce n'est pas qu'ils soient tout à fait excusables, mais on peut dire qu'ils le sont en quelque sorte, parce que de deux maux ils croyent éviter le pire. Ils imitent ce Marchand dont parle Juvénal, ou plûtôt le Castor,

– Imitatus Castora a qui se135

Eunuchum ipse facit, cupiens evadere damno

Testiculorum.

Ce Poëte étoit apparemment du sentiment des vieux naturalistes qui ont crû & qui croyent encore que le Castor coupe ses parties viriles afin de se délivrer des mains des chasseurs, parce qu'il croit qu'on ne le poursuit que pour les avoir; Mr. le Baron de la Hontan nous a bien détrompez de cette vieille erreur, voici ce qu'il dit sur ce sujet.

«136Au reste, n'en déplaise aux découvreurs de la nature, aux chercheurs de merveilles & de secrets sur les terres de cette Divine ouvriére, il n'est point vrai que les Castors se mutilent & se fassent Eunuques pour échapper à la trop pressante poursuite des Chasseurs; Non, ces mâles estiment plus leur séxe, & font plus de cas que cela de la propagation de leur rare espéce. Je ne puis même concevoir sur quel fondement on a bâti une si grande chimére. Premièrement, la matiére qu'il a plû à la secte d'Hypocrate de nommer Castoreum n'est pas renfermée dans ces précieuses & multipliantes parties; Elle est dans un réceptacle, un véhicule, ou une maniére de poche qui est singuliére à la machine organique de ces animaux, & que la nature semble n'avoir formée que pour eux; l'usage que le Castor fait de cette matiére, c'est de s'en nettoyer & dégager les dents lors qu'elles sont pleines de la gomme de quelque arbrisseau dans lequel il aura mordu. Mais quand j'accorderois que le Castoreum est dans les testicules, comment cet animal pourroit-il les couper sans se déchirer tous les nerfs des aînes auxquels ils sont attachez près de l'os pubis (trouvez-moi Officier Huron qui parle plus pertinemment d'Anatomie,) mais en me mettant sur mes louanges j'ai perdu la conséquence que je voulois tirer de ce déchirement de nerfs; N'importe, je ne démorderai pas pour cela de mon scientifique raisonnement. C'étoit bien à Elian, & à d'autres rêveurs de Naturalitez comme lui, de nous venir parler de la Chasse des Castors? Avoient-ils puisé cette connoissance dans les méditations du cabinet? S'ils avoient eu la gloire de vivre comme moi parmi ces Amphibies, ils auroient sçû qu'un Castor ne s'embarasse point du tout d'un Chasseur; vous sçaurez d'abord que cet animal a la précaution de ne point s'éloigner du bord de l'étang où sa cabane est construite; De plus, il a toûjours l'oreille au guet, & sitôt que par le moindre bruit, il soupçonne qu'on lui en veut, il plonge, & nage entre deux eaux jusqu'à ce que n'y ayant plus de danger, il puisse rentrer sûrement chez soi. Si cette raison ne vous semble pas de poids pour les Castors terriens, je vous renvoye à l'os pubis. Autre argument péremptoire. Si le Castor, pour arrêter la poursuite de l'ennemi, faisoit la sanglante opération qu'on lui attribuë, la nature lui auroit donné en cela un instinct fort imparfait; car quand cet Animal n'auroit plus son Castoreum on ne lui feroit pas la chasse avec moins d'ardeur; Le Castoreum est le butin le moins important, ou plûtôt ce n'est rien en comparaison de la peau; Celle-ci est la proye dominante & la maîtresse piéce de la bête; Ainsi ce pauvre Castor, pour se sauver de l'avarice du Chasseur, devroit tout au moins s'écorcher tout vif, & lui jetter sa peau; encore ne sçai-je après cela si cette barbare & insatiable figure nommée homme ne voudroit pas la chair & les os de cet innocent animal…137Sa fourure est bizare, & bien différente d'elle-même; Elle est formée de deux sortes de poils opposez. L'un est long, noirâtre, luisant, & gros comme du crin; l'autre délié, uni, long de quinze lignes pendant l'hyver, en un mot, le plus fin duvet qui soit au monde; Il n'est pas nécessaire de vous avertir que c'est cette seconde espéce de poil que l'on cherche avec tant d'empressement, & que ces animaux méneroient une vie plus sûre & plus tranquille s'ils n'étoient vétus que de crin.» Il fait une histoire & une description fort curieuses du Castor; outre que cet illustre Voyageur est un homme sçavant, de bon sens & de bon goût, très capable de penser, de raisonner, & de juger juste sur un sujet tel que celui ci qui ne demande que la vûë & du discernement; J'ai remarqué en lisant Pline138, qu'un vieux Médecin de son tems qu'il nomme Sextius, diligentissimus Medicinæ veteris autor, étoit à peu près du même sentiment que Mr. le Baron de la Hontan; Comme j'ai eu l'honneur de voir ce Baron curieux, à qui le Public a l'obligation d'avoir aquis plusieurs connoissances rares, & de l'entretenir, c'est avec connoissance de cause que je parle de lui avec tant d'éloges;139J'ai beaucoup de respect pour les doctes Auteurs des Journaux de Trevoux, & beaucoup de reconnoissance du fruit que je tire de leurs veilles & de leurs travaux, mais ils me pardonneront, s'il leur plaît, si je n'entre point dans les sentimens qu'ils ont si peu favorables à ce Voyageur digne, à mon avis, d'une meilleure réputation que celle qu'ils tâchent de lui établir dans le monde.

 

CHAPITRE XII

Quel rang les Eunuques volontaires & forcez, ont tenu dans la Société Ecclésiastique; de quelle maniére l'Eglise & ses Canons les ont considérez, & quels droits ils leur ont attribuez

DIeu a eu de tout tems en abomination toutes fortes d'animaux mutilez.140 Vous n'offrirez point au Seigneur, dit-il, tout animal qui aura ce qui a été destiné à la conservation de son espéce, ou rompu, ou foulé, ou coupé, ou arraché, & gardez-vous absolument de faire cela dans vôtre Païs. Cette deffense est générale, mais il en a fait une qui concerne l'homme en particulier,141 L'Eunuque, dit-il, dans lequel ce que Dieu a destiné à la conservation de l'espéce, aura été ou retranché, ou blessé d'une blessure incurable, n'entrera point en l'Eglise du Seigneur.

Quelques Interprétes de l'Ecriture Sainte croyent, que par le mot Eglise qui est employé dans ce dernier passage, il faut entendre l'Assemblée du Peuple Juif, & que Dieu deffend ici, que ceux que142les hommes avoient faits Eunuques, comme parle Jésus Christ, fussent admis dans les Assemblées & dans les Charges publiques. Je ne rapporterai point ici les divers sens spirituels que Théodoret, Clément Aléxandrin, & divers autres Péres de l'Eglise, ont donné à ce passage; on y verroit pourtant qu'une certaine sorte de stérilité, & l'impuissance, sont des choses indignes, & qui éloignent de Dieu; mais ces explications m'éloigneroient trop de mon sujet. Je dirai donc seulement, que par ce mot Eglise, dont les Eunuques sont exclûs, il faut entendre, non seulement l'Assemblée des Juifs & leur Magistrature, mais même tous leurs Priviléges; L'Eunuque ne peut jouïr d'aucun de leurs avantages, il ne peut jamais être censé faire partie du Peuple Saint, ni être Israëlite, ni fils d'Abraham; ni jouïr des Priviléges de la Nation Sainte, comme d'espérer qu'on lui prêtera de l'argent à intérêt, qu'il aura part au bénéfice du Jubilé, c'est à dire qu'il jouïra des Priviléges de l'année septiéme de rémission; Les Eunuques sont bannis en un mot de la Société politique des Juifs, ut non habeantur Cives, nec habeant jus civicum apud Judæos. C'est en ce sens que ce mot Eglise est pris au ℣. 4. du chapitre 20. des Nombres; & au ℣. 2. du chapitre 20. du Livre de Judith. Voila une terrible malédiction, la Loi de Dieu est bien plus sévére contre les Eunuques, que les Loix Politiques & Civiles que j'ai rapportées. Il semble presque que cette Jurisprudence ait changé sous la Nouvelle Alliance; En effet, bien loin d'éloigner les Eunuques de l'Eglise, si on en croyoit Origéne, ou les Valésiens, il faudroit être Eunuque pour aquérir le Ciel; mais j'ai fait voir dans un des chapitres précédens, que les paroles de Jésus Christ sur lesquelles ils avoient fondé leur opinion, n'ont rien innové à cet égard, qu'ils l'ont eux-mêmes reconnu depuis, & je vais faire voir positivement, que la Jurisprudence de l'Eglise Chrétienne condamne les Eunuques volontaires & quelques-uns des autres. Cette Jurisprudence est établie par le droit Canon143; Corpore verò Vitiati, y est-il dit, similiter a sacris officiis prohibentur; Cela est un peu général, mais voici quelque chose plus particulier,144si quis pro ægritudine naturalia a Medicis secta habuerit; similiter & qui a Barbaris aut qui a Dominis suis castrati fuerint, & moribus digni inveniuntur hos Canon admittit ad Clerum promoveri. Si quis autem sanus non per disciplinam Religionis & abstinentiæ sed per abscissionem a Deo plasmati corporis existimat posse à se carnales concupiscentias amputari, & ideò se castraverit, non eum admitti decernimus ad aliquod clericatus officium. Quod si jam fuerit ante promotus ad Clerum, prohibitus a suo Ministerio deponatur. La raison de cette différence est rapportée dans le Canon 8. après avoir parlé de ceux qui sont tels lors que, casu aliquo contigerit dum operi rustico curam impendunt, aut aliquid facientes seipsos non sponte percutiunt, & les avoir opposez aux Eunuques volontaires, in illis enim, dit-il, voluntas est vindicanda quæ sibi causa fuit ferrum injicere, in istis autem casus veniam meruit; Il dit la même chose de ceux que les Barbares, la Maladie, un Tyran, ou un Ennemi, ont mutilez, ceux-là sont dignes de compassion & de support.

Cette Jurisprudence est beaucoup plus ancienne que le decret de Gratien dont j'ai tiré les décisions que je viens d'alléguer, elle est établie par le Concile de Nicée qui est le premier œcuménique; voici le premier de ses Canons; «Si quelqu'un étant malade a été fait Eunuque par les Médecins, ou s'il a été coupé par les Barbares, qu'il demeure dans le Clergé & dans l'état Ecclésiastique; Mais si étant sain il s'est retranché lui-même, il faut que s'il est du Corps du Clergé, il s'abstienne des fonctions de son Ministére, & qu'à l'avenir on n'admette plus au rang des Ecclésiastiques aucun de ceux qui en auront usé de la sorte;» Et comme il est manifeste que cette ordonnance regarde ceux qui ont agi de cette maniére de propos délibéré, & qui se sont coupez eux-mêmes, cela ne regarde point ceux qui auront été faits Eunuques par les Barbares, ou par leurs Maîtres, ils peuvent être reçûs dans le Clergé selon les régles de l'Eglise, pourvû que d'ailleurs ils en soient dignes. Ce Canon du Concile de Nicée est rapporté dans la Vie de Saint Athanase faite par Mr. Herman, & suivi des réfléxions de ce judicieux Auteur. Il ne sera point inutile de les rapporter ici, ne fut-ce que pour épargner la peine de les chercher ailleurs; «On ne peut pas dire au vrai quelle a été l'occasion qui a porté les Péres du Concile de Nicée à traiter de cette maniére, & à user de cette juste sévérité contre ceux qui se faisoient Eunuques par leurs propres mains; Il est certain que cette mutilation volontaire qui étoit deffenduë par les Loix Civiles, & particuliérement par celles de l'Empereur Adrien, ne pouvoit être approuvée par l'autorité de l'Eglise; le zele inconsidéré d'Origéne qui s'étoit coupé lui même, en expliquant d'une maniére trop littérale le chapitre dixneuviéme de l'Evangile de Saint Matthieu, avoit été condamné par Demetrius son Evêque, quoi qu'il admirât en même tems cette action comme un transport extraordinaire de piété. L'abus de quelques Hérétiques nommez Valesiens qui retranchoient ainsi toutes les personnes de leur Secte, avoit déja été considéré comme un excès aussi contraire aux sentimens de la véritable Religion qu'aux régles communes de l'humanité. Toutes ces considérations font bien voir la justice de ce premier Canon de Nicée, mais elles ne nous apprennent point quelle en a été l'occasion. Quelques uns prétendent que ce Canon fut fait à l'occasion du Prêtre Leonce, depuis élevé par les Arriens à l'Episcopat d'Antioche, qui perdit son rang pour s'être ainsi mutilé lui-même; mais en ce que Theodoret ajoûte que son Ordination étoit contre les Loix du Concile de Nicée, il donne quelque lieu de croire que ce Prêtre n'avoit pas encore commis un si grand excès, & que ce ne fut que depuis le tems de cette sainte Assemblée, que le desir de converser plus librement avec une fille nommée Eustolie, le porta à armer ses propres mains contre lui-même, en imitant Origéne. Quoi qu'il en soit ceux qui étoient devenus Eunuques, ou par maladie, ou par une violence étrangére, ne sont point exclus des Dignitez de l'Eglise; Et c'est ainsi que S. Germain, & S. Ignace, ont rempli si dignement le Patriarchat de Constantinople. Mais ceux qu'un faux zele pour la chasteté, ou quelqu'autre considération, a porté à une action si barbare, sont jugez indignes des fonctions de leur Ministére, s'ils sont déja du nombre des Clercs, ou d'être élevez à la Cléricature s'ils sont encore parmi les Laïques;» A l'égard de ceux qui se sont faits Eunuques par intérêt, par ambition, ou par quelqu'autre motif, lâche, bas, & odieux, ce n'est pas assez de les exclure des Charges Ecclesiastiques, il faut les réputer & les tenir pour si infames, qu'on les bannisse de la compagnie des hommes; c'est ainsi que l'antiquité en a agi, comme je l'ai fait voir dans l'éxemple de Genutius. Je passe plus loin encore, car j'estime que non seulement ils doivent être couverts d'opprobre & de honte, mais même qu'ils doivent être punis comme d'un crime capital; En effet, le droit les déclare homicides d'eux-mêmes;145si quis absciderit semet ipsum, id est si quis computaverit sibi virilia, non fiet Clericus, quia sui est homicida, & Dei conditioni inimicus. Si quis cum Clericus fuerit absciderit semet ipsum, omninò damnetur, quià sui homicida est. Il est bon d'entendre ce mot homicida; car il n'est pas vrai, à parler proprement, que celui qui se fait Eunuque, se fasse mourir; mais c'est parce qu'il se met en danger de mourir dans l'opération; car comme on l'a vû dans un des chapitres précédens, l'Empereur dit, que de quatrevingt-&-dix qu'il a vû couper, à peine en est-il échappé trois; Il est donc appellé homicide de soi-même, propter homicidii periculum quod sequi poterat sectionem; au même sens qu'il est dit dans le chapitre dernier de la distinction quatrevingt-&-septiéme, que quiconque expose un enfant en est homicide; la raison de cela est qu'il ne faut pas considérer ce qui arrive, mais ce qui pouvoit arriver. Prætor non ait cujus casus nocere posset, dit la Loi, ex his Verbis, ajoûte-t-elle,146manifestatur non omne quidquid positum est, sed quidquid sic positum est ut nocere possit, hoc solum prospicere Prætorem ne possit nocere, nec spectamus ut noceat, sed omninò si nocere possit Edicto locus sit; Coërcetur autem qui positum habuit, sive nocuit id quod positum erat, sive non nocuit. J'ajoûte à la disposition du Droit, qu'outre les cas qui y sont exceptez, il y en a un qui mérite d'être considéré, c'est lors que le salut de tout le corps éxige qu'on en retranche cette partie, car c'est une maxime du bon sens que præstat partis quàm totius facere jacturam. Mais j'ai fait voir que la piété ni la Religion ne pouvoient pas servir de prétexte à cette infame éxécution; Non est licita ad servandam aliquam virtutem. V. G. Castitatem, quia non desunt alia media quibus cum Dei gratia possit homo & assequi & tueri hanc virtutem. Au reste, il y a une remarque à faire sur ce sujet qui n'a pas été trouvée indigne des plus habiles Critiques, & des plus célébres Jurisconsultes; Mornac la rapporte dans son Commentaire sur la Loi, si quis Cod. de Eunuchis. Voici en quoi elle consiste. Le Canon neuviéme de la distinction cinquante-cinquiéme contient ces mots, Eunuchus si per insidias hominum factus est, vel si in persecutione ei sunt amputata virilia, vel si ita natus est dignus, fiat Episcopus; ce mot Episcopus a paru là mal placé, on a eu recours, pour s'éclaircir sur le doute qu'on en a eu au Canon des Apôtres vingt-&-uniéme, & on y a trouvé dans l'éxemplaire Grec le mot χλεοικὁς, & non pas celui d'Episcopus. Ce qui avoit donné lieu à ces Savans de douter étoit, dit Mornac, que l'indécence & la difformité d'un homme sans barbe & efféminé, desagréable & méprisable dans le Public, ne permettoit pas de croire que l'Eglise l'eût élevé sur une de ses premiéres chaires pour y enseigner, y présider sur tout le reste du Clergé, & pour le dire ainsi, pour dominer sur lui: Cette réfléxion n'est point inutile ici, car il paroît que quelque support que l'Eglise ait eu pour ces malheureux, l'état de leur personne a toûjours été si vil & si abject, que quelques dignes qu'elles fussent d'ailleurs, elle n'a jamais voulu les placer dans les lieux éminens, ni leur conférer des Dignitez illustres & considérables.

 

Je finirai ce chapitre & cette premiére Partie de mon Ouvrage tout ensemble, par quelques remarques qui ne seront point inutiles à mon sujet. Je dirai d'abord que je n'ai point prétendu faire une Histoire naturelle des Eunuques, ni une Histoire éxacte du sort qu'ils ont eu dans tous les siécles, & dans tous les Païs; les mœurs des Nations & des tems sont fort différentes, on voit à la honte de la raison humaine, que ce qui a été du goût du Public dans un siécle, déplaît beaucoup dans un autre. Cette bizarerie paroît sur tout parmi les différens Peuples qui ont différens génies. Ce défaut de virilité n'est pas également honteux par tout, il rend considérables en plus d'un lieu des gens qui sans cela ne le seroient point: leur nom n'est pas également une injure dans tous les Païs; Ils ont éxercé les premiers Emplois & reçû des honneurs qui ne cédoient qu'à ceux qui étoient rendus aux Souverains. On voit encore presque la même chose dans tous les Païs du Levant, dans la Perse, dans l'Egypte, dans la Mesopotamie, & il est de notoriété publique qu'à la Porte du grand Seigneur, & dans la vaste étenduë de son Empire qui s'étend dans les trois parties de l'ancien Monde, les Eunuques possédent une autorité presque pareille à la Souveraine; Ils étoient autrefois les yeux & les oreilles des Rois de Perse, ils le sont encore de l'Empereur des Turcs. Les Romains au contraire ont toûjours eu en horreur ces demi-hommes, & abominé la Castration; voici comment César en parle à l'occasion d'une infinité de personnes auxquelles le Roi Pharnacés avoit fait perdre la virilité147, quod quidem supplicium, dit-il, gravius morte Cives Romani ducunt; cependant on voit que peu après du tems des Antonins Plautianus fit faire un grand nombre d'Eunuques, comme je l'ai dit ailleurs; Et aujourd'hui les Italiens en ont beaucoup & en font cas.148Mr. Chevreau nous apprend qu'ils nomment vertueux leurs Castrati qui ont la voix belle, & qu'ils honorent du même tître les Courtisanes, quand elles chantent, qu'elles dessinent, qu'elles jouent de la Guitare, ou qu'elles font un Madrigal. La Reine Christine les appelloit, la Virtuosa Canaglia. C'est une chose qui est digne de remarque, qu'il n'y a proprement que l'Italie, qui n'est qu'un coin de terre en comparaison de tout le reste du monde Chrêtien, qui produit des Eunuques. Il seroit fort difficile de rapporter exactement tout ce que le caprice des hommes leur a fait faire à cet égard dans tant de siécles qui se sont écoulez, & parmi tant de Peuples qui ont habité toutes les parties du Monde; D'ailleurs, comme ce n'est point le but de cet Ouvrage, il me suffit de conclure de tout ce que j'ai dit jusques ici, qu'il ne paroît aucune Ordonnance, aucune Loi, ni aucune Constitution, qui réglent le mariage des Eunuques, ce que l'on trouveroit infailliblement dans les Historiens anciens & modernes, ou dans les compilateurs du Droit, s'il leur avoit été permis d'en contracter, & s'il s'en étoit effectivement contracté, de même qu'on en trouve concernant la faculté de se faire Eunuque, de tester, d'adopter, d'éxercer la Tutelle, & d'être appellé en témoignage; on y trouve au contraire des Loix qui les deffendent absolument. C'est ce qu'il s'agit d'éxaminer plus particuliérement dans la seconde Partie de cet Ouvrage.

Fin de la premiére Partie
133L. 4. ff. ad leg. Cornel. de siccar.
134Liv. 7. ch. 7. exempl. 6.
135Juven. Satyr. 11. Aristote lib. 7. cap. 5. Histor. Animal. Æsop. in Apol. Ælian. lib. 6. cap. 33. Plin. lib. 37. cap. 6.
136Voyages de la Hontan dans l'Amérique Septentrionale tom. 1. lett. 16. pag. 181. &c.
137Ibid. 185. 186.
138Lib. 32. cap. 3.
139Voyez Mémoires pour l'histoire des Sciences & des beaux Arts, mois de Mai 1704. article 10. page 301. &c. tom. 7.
140Levitiq. ch. 22, V. 24.
141Deuteron. ch. V. 1.
142Matth. ch. 19 V. 12.
143Distinct. 55. c. 1.
144Ibid. c. 10.
145Ibid. c. 5.
146L. si verò 5. §. II. lib. 9. ff. tit. 3. de his qui effuderint, vel dejecerint.
147De Bell. Alexand.
148Cheviæana tom. I. pag. 200.