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Traité des eunuques

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TROISIÉME PARTIE

Dans laquelle on répond aux objections qui peuvent être faites contre ce qui est contenu dans la seconde Partie de cet Ouvrage; & dans laquelle on les réfute.

CHAPITRE PREMIER

Premiére Objection
Que la deffense de se marier ne doit point être générale & commune à tous les Eunuques, parce qu'il y en a qui sont capables de satisfaire aux desirs d'une femme
Réponse à cette Objection

POur éxaminer cette Objection & pour y répondre avec ordre, il faut voir premiérement, de quelle nature sont ces desirs auxquels un Eunuque est capable de satisfaire, s'ils sont légitimes & permis; & en second lieu, quels Eunuques sont capables de satisfaire à ces desirs.

Arnobe239 dit que les Eunuques sont fort amoureux, & majoris petulantiæ fieri atque omnibus postpositis pudoris & verecundiæ frænis in obscœnam prorumpere vilitatem; Térence le dit en d'autres termes, Ph. infanis, dit-il,240Qui ist huc facere Eunuchus potuit. P. Ego illum nescio qui fuerit, hoc quod fecis, res ipsa indicat… P. At pol ego amatores mulierum esse audieram eos maximos, sed nihil potesse. Mais pour ne point alléguer des témoignages si anciens, le P. Théophile Raynauld dit dans son Livre de Eunuchis, qu'il a lû quantité d'exemples de commerce impur entre des femmes & des hommes mutilez, & il se moque de la confiance qu'on a en eux. André du Verdier dit la même chose dans ses diverses leçons, à propos de quoi il rapporte la Sentence d'Apollonius de Tyanée contre un Eunuque du Roi de Babylone qui fut trouvé couché avec une des favorites de ce Roi. Cependant, il est certain qu'un Eunuque ne peut satisfaire qu'aux désirs de la chair, à la sensualité, à la passion, à la débauche, à l'impureté, à la volupté, à la lubricité. Comme ils ne sont pas capables d'engendrer ils sont plus propres au crime que les hommes parfaits, & ils sont plus recherchez par les femmes débauchées, parce qu'ils leur donnent le plaisir du mariage sans qu'elles en courent les risques.

241 Sunt quas Eunuchi imbelles ac mollia semper

Oscula delectent & desperatio barbæ

Et quod abortivo non est opus.

242 Témoin cette femme de Petrone qui parlant à un homme qui fait cet aveu, non intelligo me virum esse, non sentio, funerata est pars illa corporis quâ quondam Achilles eram, s'exprime en ces termes, Nunc etiam languori tuo gratias ago, in umbra voluptatis diutiùs lusi. Cette femme étoit du caractére de cette Gellia contre laquelle Martial a fait cette sanglante Epigramme adressée à Pannicus,243

Cur tantum Eunuchos habeat tua Gellia, quæris?

Pannice, vult fu… Gellia, non parere.

C'est cette Gellia dont Martial fait ailleurs un si vilain portrait; & des larmes de laquelle il parle de cette maniére,244

Amissum non flet, cùm sola est Gellia, patrem.

Si quis adest, jussæ prosiliunt lacrymæ.

245L'Ecclésiastique dit, que celui qui viole la Justice par un jugement injuste, est comme l'Eunuque qui veut faire violence à une jeune vierge. On sçait qu'il y a eu autrefois des Païs où les Princesses vierges étoient confiées à la garde des Eunuques. Le Sage compare la Justice à une de ces vierges, & les Juges à ceux qui auroient dû la garder avec une fidélité pleine d'un profond respect. Quelques Eunuques sont donc capables de satisfaire à quelques desirs d'une femme, mais tous ces desirs sont illégitimes & ne peuvent point être permis dans le mariage, obscænæ procul hinc discedite flammæ!246Une femme qui a ces desirs est une paillarde, & un Eunuque qu'elle souffre dans son lit est l'instrument de son crime. Voici la Sentence qui les déclare coupables l'un & l'autre;247 origo quidem amoris honesta erat, sed magnitudo deformis; nihil autem interest ex qua honesta causa quis insaniat; unde & Xistus Pithagoricus in sententiis; Adulter est, inquit, in suam uxorem amator ardentior; In aliena quippe uxore omnis amor turpis est, in sua nimius. Sapiens judicio debet amare conjugem, non affectu; non regnet in eo voluptatis impetus, nec præceps feratur ad coitum; nihil est fœdius quàm uxorem amare quasi adulteram. Saint Jérôme prononce leur condamnation plus clairement & plus expressément; Liberorum ergò, dit-il, in matrimonio concessa sunt opera, voluptates autem quæ de meretricum amplexibus capiuntur in uxore sunt damnatæ. Les Casuistes décident même fort précisément, que les mariages qui se font par amourette, comme on parle, sont très blâmables. Les mariages déréglez, disent-ils, ont été la cause du déluge;248les fils de Dieu voyans que les filles des hommes étoient belles, prirent celles d'entr'elles qui leur avoient plû; ces mariages furent cause de la ruine de toute la terre.

Le desir légitime & permis d'une femme est d'avoir des enfans.249Donnez moi des enfans, disoit la chaste Rachel à Jacob son mari. Didon se voyant sur le point d'être abandonnée de son Ænée, lui parle en ces termes,250

 
Saltem si qua mihi de te suscepta fuisset
Ante fugam soboles, si quis mihi parvulus aulâ
Luderet Æneas, qui te tantum ore referret
Non equidem omninò capta aut deserta videret.
 

Je veux être mère, je veux engendrer des enfans, & c'est pour cela que j'ai pris un mari, c'est là le langage d'une femme honnête & sage: & bien loin que, selon les régles de la fausse pudeur de certaines gens, elle soit blamable, lors qu'elle se plaint de ce que son mari n'est pas capable de satisfaire à ses justes desirs, & qu'elle demande d'en être séparée, elle est au contraire très digne de louanges de ne pouvoir se résoudre à faire toute sa vie les actions d'une impudique;251volo esse mater, volo filios procreare & ideò maritum accepi, sed vir quem accepi frigidæ naturæ est, & non potest illa facere propter quæ illum accepi. C'est là le but légitime du mariage. Il est vrai qu'on n'y parvient pas toûjours; il y a des femmes stériles, mais on n'en sçait pas la cause; il ne manque rien à elles, ni à leurs maris, de ce qu'il faut pour engendrer, l'un n'a rien à reprocher à l'autre, c'est à Dieu qu'ils doivent demander des enfans: ils sont dans le cas de252Jacob, qui disoit à sa femme lors qu'elle lui demandoit des enfans, suis je Dieu? Quoi qu'il en soit, lors qu'on se marie, il faut suivre le conseil que l'Ange Raphael donnoit à 253Tobie, «Ecoutez-moi, lui dit-il, & je vous apprendrai qui sont ceux sur qui le Démon a du pouvoir; lors que des personnes s'engagent tellement dans le mariage qu'ils bannissent Dieu de leur cœur, & de leur esprit, & qu'ils ne pensent qu'à satisfaire leur brutalité comme les chevaux & les mulets, qui sont sans raison, le Démon a pouvoir sur eux. Mais pour vous la troisiéme nuit vous recevrez la bénédiction de Dieu, afin qu'il naisse de vous deux des enfans dans une parfaite santé. La troisiéme nuit étant passée vous prendrez cette fille dans la crainte du Seigneur, & dans le desir d'avoir des enfans, plûtôt que par un mouvement de passion, afin que vous ayez part à la bénédiction de Dieu.»

 

Tous les Eunuques ne sont pas capables de satisfaire même à ces desirs impurs dont je viens de parler; les Jurisconsultes distinguent les Eunuques.Quantùm inter est, disent-ils, inter hæc vitia quæ Græci, κακονθειαν vitiositatem dicunt, interque παθως id est perturbationem, aut νὁσον, id est morbum, aut αρρωςιαν, id est ægrotationem, tantum inter talia vitia & cum morbum ex quo quis minus aptus usui sit, differt; les uns péchent en quantité d'humeur radicale, d'autres en qualité, d'autres en quantité & en qualité tout ensemble; & enfin, sin autem quis ita spado est ut tàm necessaria pars corporis ei penitùs absit, morbosus est, dit la Loi 7. ff. de Ædilitio Edicto & Redhibitione, & quanti minoris. Mais de quelque nature qu'ils soient, il ne leur doit point être permis de se marier, parce qu'ils ne peuvent satisfaire qu'à des desirs impurs, illégitimes, illicites, & qui bien loin d'être approuvez, ne doivent pas même être tolérez.

CHAPITRE II

Seconde Objection
Le mariage est un Contract civil, par lequel il est permis à tout le monde de s'engager
Réponse à cette Objection

IL y a plusieurs causes pour lesquelles le mariage ne peut être contraint; les Jurisconsultes en ont renfermé les principales dans ces trois Vers;

 
Votum, vis, error, cognatio, crimen, honestas,
Relligio, raptus, ordo, ligamen & ætas,
Amens, affinis, si Clandestinus & impos.
 

Mais il faut entrer dans un éxamen plus particulier de cette matiére qui est digne d'attention;

C'est un principe en droit, que Edictum Matrimonii est prohibitorium, c'est à dire, que Matrimonium cuilibet contrahere licet, cui non prohibetur. Il n'est donc pas si généralement permis qu'il n'y ait des cas & des personnes auxquelles il soit deffendu.

Les causes qui empêchent le mariage sont en assez grand nombre & de diverse nature. Les unes sont tirées également du Droit Civil, & du Droit Canon; les autres émanent uniquement du Droit Civil, & les autres sont établies particuliérement par le Droit Canon.

Celles qui sont communes à l'un & à l'autre droit, sont l'âge de puberté qu'on n'a point atteint; la parenté, l'alliance, la différence de Religion, l'impuissance du mari, ou de la femme, & l'honnêteté publique;

Celles qui sont particuliéres au Droit Civil, sont l'état de la personne, si elle est esclave & qu'on ait crû qu'elle étoit libre; le rapt, la puissance qu'on a sur la fille, propter periculum impressionis sive coactionis; l'inégalité du rang étoit aussi autrefois une cause qui empêchoit le mariage, mais elle a été retranchée dans le Droit Civil nouveau, c'est à dire, par les Constitutions des derniers Empereurs. Jure novissimo inter eas personas nuptiæ non prohibentur.254

Celles enfin qui sont particuliéres au Droit Canon, sont de deux sortes, les unes déclarent le mariage illégitime & inutile tout ensemble, tels sont les ordres sacrez qu'on a pris, le vœu solemnel qu'on a fait, ou la profession d'une vie réguliére, le rapt, & le crime; les autres rendent illégitime seulement, telles sont les fiançailles contractées avec une autre femme; le simple vœu, la deffense du Supérieur; le tems deffendu par l'Eglise; la parenté spirituelle qu'un maître contracte en enseignant à une jeune fille les principes de la Religion; l'hérésie, la pénitence publique, & le crime: ce crime dont le Droit Canon parle ici a diverses espéces. 1. L'inceste. 2. La mort qu'un mari a donné à sa femme pour en épouser une autre. 3. La mort donnée à un Prêtre; le rapt fait de la promise d'un autre. 4. Un mariage contracté auparavant avec une Moinesse, ou une Religieuse.

Voila donc beaucoup de causes qui empêchent de contracter mariage, de sorte qu'on ne peut pas dire qu'il soit permis à tout le monde, & toûjours, de le Contracter. L'impuissance du mari est une des principales, aussi est-elle également établie par le Droit Canon, comme je l'ai fait voir amplement dans la seconde partie de cet Ouvrage.

Cette Jurisprudence n'est pas particuliére aux Contracts de mariage, elle s'étend aux accords, aux Pactes, & à toute sorte de Contracts; Edictum Contractuum est prohibitorium, c'est à dire, omnibus contrahere licet quibus non prohibetur; mais il est défendu à certaines gens de contracter. 1. Par la nature, lors qu'ils ne sont point capables de donner leur consentement, tels sont les fous, les innocens, les furieux, les prodigues, qui sont mis au même rang que les furieux; les yvrognes pendant qu'ils sont yvres; les enfans en bas âge, les sourds & les muets. 2. Par la Loi, tels sont les fils de famille; le pére même auquel il n'est point permis de contracter avec son fils qui est sous son pouvoir; une femme, un esclave, un Gouverneur de Province, propter periculum metus & impressionis.255 3. Par les hommes, ab homine, par convention faite entr'eux, par éxemple, Mævius a vendu son cheval à Titius à condition qu'il ne le revendroit point ou que s'il le revendoit ce ne pourroit être qu'à certaines personnes, il n'est pas permis à Titius de le vendre à une autre. Mævius, en le lui vendant lui a imposé la loi, Rei enim suæ quisque moderator est, & arbiter; Rei suæ legem quisque dicere potest. 4. Enfin, par les Coûtumes des lieux où l'on se trouve, par éxemple, Donationem contrahere conjuges prohibentur ne promercalis inter eos amor fiat, &c.

Il est des choses comme des personnes, il n'est pas permis de contracter de toute sorte de choses; il y en a dont la nature défend de contracter, d'autres, la Loi, & d'autres les accords faits entre les hommes; les choses Sacrées, Religieuses & Saintes, sont d'une nature à n'entrer jamais dans le commerce des hommes; un homme libre, liberi hominis contractus non est. Les choses impossibles. Certaines choses sont deffendues par la Loi, telles sont celles par lesquelles le Public recevroit du préjudice, ex quibus utilitas publica læderetur. Les choses infames & mal-honnêtes qui sont contre les bonnes mœurs. La succession d'un homme vivant, contractus de futura successione viventis. Ab homine. Par accord fait entre les hommes, par éxemple, si quis caveat ne vicinus quærat aquam in suo solo. C'est donc une erreur de croire qu'il soit permis à tout le monde de contracter; il est encore moins permis à tout le monde de contracter mariage. On dit communément que le Contract est le pére de l'obligation, vulgò dicitur contractus pater obligationis, mater verò actionis, obligatio. Tous ceux qui contractent sont tenus de donner ou de faire ce qu'ils ont promis, omnis obligatio vel in dando vel in faciendo consistit, ac demùm, disent les Jurisconsultes, nisi quis id, aut det, aut faciat quod daturum se facturumve promisit, actione coram Magistratu proposita, ad id cogi potest; sans cela ce seroit un Contract frustratoire & ridicule. Comment un Eunuque peut-il s'obliger à procréer lignée? Et quand il s'y seroit obligé, comment pourroit-on le contraindre à éxécuter sa promesse? Tout cela est impossible; or ex sui natura res quæ nec dari nec fieri ullo modo potest, in contractum deduci non debet; impossibilium enim nulla est obligatio; voila la régle de Droit;256sub conditione data, non data censentur, cessante conditione; itaque deficiente conditione contractus celebratus censetur resolutus ab ipso initio.257 On se marie sous la condition que le mari engendrera lignée, s'il ne peut l'engendrer le mariage est nul & résolu. L'honnêteté publique veut donc qu'on l'empêche, & il vaut mieux le deffendre, que d'être obligez ensuite à le casser, comme je l'ai fait voir ailleurs.

CHAPITRE III

Troisiéme Objection
Un Eunuque pouvant remplir tous les devoirs du mariage, excepté ceux qui concernent la génération, peut le contracter parce que, consensus non concubitus matrimonium facit

UN258sçavant homme & bel esprit tout ensemble dit, qu'il faut sur tout qu'un homme sçache son métier; car, ajoûte-t-il, il est honteux qu'on dise de nous, que nous sçavons excepté ce que nous devons sçavoir. On peut dire qu'il est ridicule de prétendre qu'un mari soit un bon mari, remplissant bien les devoirs du mariage, lors qu'il n'est pas capable d'en faire les principales fonctions. Il n'est pas d'un mari comme de ce bouffon dont le Cardinal du Perron a parlé.259Etant à Mantouë le Duc lui fit voir un bouffon qu'il disoit être Magro Buffone, & non Haver Spirito. Le Cardinal répondit que ce bouffon avoit pourtant de l'esprit, & le Duc lui ayant demandé pourquoi? Parce, lui dit-il, qu'il vit d'un métier qu'il ne sçait pas faire; le métier de mari n'est pas la même chose, on n'en vit point, lors qu'on ne le sçait pas faire;

 

260 Nihil ibi per ludum simulabitur, omnia fient

Ad Verum.

Quand cela n'est point une femme souffre beaucoup, une nuit lui paroît bien longue,

261 O nox quàm longa es quæ facis una senem!

Témoin les angoisses & les sueurs froides de cette femme dont parle Martial262,

Cum sene communem vexat spado Dyndimus Eglen

 
Et Jacet in medio ficca puella toro,
Viribus hic operi non est, hic utilis annis.
Ergo sine effectu prurit uterque prior.
Supplex illa rogat pro se miserisque duobus,
Hunc Juvenem facias, hunc Cytherea virum!
 

Ce n'est donc pas dans la pratique qu'on trouve la vérité de cette maxime,263Consensus non Concubitus matrimonium facit. Voyons en quel sens, & de quelle maniére on la trouve dans la Théorie.

Les Jurisconsultes mettent une grande différence entre le consentement qui se donne aux fiançailles, & celui qui se donne aux nôces; l'un ne consiste qu'à promettre de célébrer les nôces, & l'autre consiste à promettre qu'on consommera le mariage.264Aliud est, disent-ils, Nuptias contrahere, aliud ad Nuptias contrahendas se se obligare. L'un de ces consentemens fait une paction, de futuro conjugio. L'autre au contraire en fait une de præsenti. Dans l'un ce n'est qu'une promesse de accipienda uxore; Dans l'autre c'est l'exécution de cette promesse, uxor accipitur. Promssio prius facta verbis, rebus ipsis, & factis ratificatur. Il y a autant de différence entre ces deux consentemens, qu'il y en a entre la promesse & l'exécution. Dans l'un l'homme ne consent pas d'être aussi-tôt mari & de consommer le mariage, il promet seulement de le devenir. Mais dans l'autre, l'homme eo ipso momento maritus fieri vult, & eo animo & destinatione consentit ut sit matrimonium. Il promet de le consommer; c'est au premier de ces deux cas qu'il faut appliquer la maxime dont il s'agit ici.

Mais voici le sens véritable de cette maxime, & l'application qu'il en faut faire. Elle signifie que la simple cohabitation ne fait point l'essence du mariage; il ne suffit pas d'avoir connu charnellement une femme pour en conclure qu'on est marié avec elle, le consentement de l'un & de l'autre d'être marié ensemble, est absolument nécessaire. Ce consentement n'est point celui que ces deux personnes se donnent mutuellement de se connoître l'une l'autre, consensus cohabitandi & individuam vitæ consuetudinem retinendi facit conjugium, selon le sentiment des Jurisconsultes; ce n'est donc ni le consentement seul, ni la cohabitation seule, qui font séparément le mariage, c'est l'assemblage de tous les deux. D'ailleurs, le consentement dont il est ici question, ad Nuptiarum probationem, sed non ad Nuptiarum substantiam, pertinet. Le but de cette maxime n'est pas de déclarer en quoi consiste l'essence du mariage, mais à quel tems il faut le fixer, & de quel moment il faut compter qu'il est contracté. Non ex concubitu nuptiæ fatis probantur, sicuti & retrò secubitu matrimonium non dissociatur, seu separatione Thori aut habitationis. Ces unions & ces séparations ne concluent rien; il y a des conjectures plus certaines établies par les Jurisconsultes pour juger de la consommation du mariage; ils les tirent ex comparatione personarum, ex vitæ conjunctione, ex vicinorum opinione, ex deductione in domum mariti; ex aquæ & ignis acceptione, ex dotalibus instrumentis, seu tabulis nuptialibus, seu testatione, ce qui, au rapport de Busbeque, fait parmi les Turcs, la différence de la femme & de la concubine. Mais tout cela n'est point l'essence du mariage, ce sont des conjectures, ou des preuves, par lesquelles on peut juger qu'il y a un mariage contracté entre certaines personnes. Si le mariage ne consistoit que dans le consentement on pourroit bien dire comme cette femme qu'Ovide fait parler,

 
Si mos antiquis placuisset matribus idem,
Gens hominum vitio deperitura fuit.
Qui que iterùm Jaceret generis primordia nostri
In vacuo lapides orbe parandus erat.
 

CHAPITRE IV

Objection quatriéme
Quand on ne peut pas être auprès d'une femme comme mari, on doit y être comme frére, & habiter avec elle comme avec une sœur
Réponse à cette Objection

CEtte objection est fondée sur le chapitre Laudabilem est infrà265, qui contient ces mots, quod si ambo consentiant simul esse, vir etiam & si non ut uxorem, saltem habeat ut sororem, la glose sur ces mots ambo, dit précisément qu'il faut que l'un & l'autre consentent, quia cum nullum sit matrimonium non tenetur alter alteri.

Deux réflexions détruiront l'objection fondée sur ces paroles. La prémiére, qu'elles sont rélatives à la faculté qui est donnée à la femme de faire résoudre son mariage, après que pendant un certain tems elle s'est assurée de l'impuissance de son mari; elle peut faire casser son mariage, à moins que l'un & l'autre ne veuillent bien habiter ensemble comme frére & sœur. Il paroît donc par là qu'il s'agit d'un mariage contracté, & non pas d'un mariage à contracter. Qu'il s'agit d'un homme reconnu impuissant après une longue expérience, & non point d'un Eunuque qui est notoirement impuissant, & qui ne peut par aucun ressort de la nature, ni par aucun artifice de l'art devenir jamais capable d'engendrer.

La seconde réfléxion consiste en ce qu'il faut que l'une & l'autre des parties consente de rester ensemble sur ce pied de frére & de sœur: ce qui montre qu'il n'y a plus de lien entr'eux; que le premier consentement qu'ils ont donné à leur union n'ayant pas produit l'effet pour lequel il avoit été donné, il est naturellement & ipso facto révoqué. Qu'il en faut un nouveau donné sur connoissance certaine de la personne; qu'alors ce n'est plus un mariage, mais une union de support qui ne peut être qu'onéreuse à la femme; car enfin, le doux nom de sœur n'est pas capable de consoler de la perte des avantages de la qualité de femme. Quand on est une fois marié on ne s'aime plus qu'entant qu'on est mari & femme. Comme cette Biblis dont Ovide nous fait l'histoire, une femme n'aime point d'être appellée sœur par un homme qui tient lieu de mari.

266 Jam Dominum appellat, jam nomina sanguinis odit,

Biblida, jam mavult, quàm se vocet ille sororem.

En un mot, cette objection tombe d'elle-même, puis qu'elle ne concerne que des mariages contractez avec des hommes reconnus impuissans par l'usage; & qu'il s'agit ici de sçavoir s'il doit être permis à des Eunuques connus pour tels, de contracter mariage.

239Lib. 5.
240Terent. Eunuch. Act. 4. scen. 3.
241Iuvenal. Satyr. 6. V. 366.
242Cap. 89.
243Liv. 6. Epigr. 67.
244Lib. I. Epigr. 34.
245Ch. 20. V. 2. 3.
246Ovid. Metamorph. lib. 9.
247Caus. 32. quæst. 4. c. origo. &c. liberorum ergò.
248Genes. chap. 6. V. 2.
249Genes. ch. 30. V. 1.
250Æneid. lib. 4.
251Vid. c. penult. & fin. 32. quæst. 7. a. solet quæri. 32. q. 2. c. non enim 32. q. 1. c. tantum. 32. q. 4.
252Genes. ch. 30. V. 1.
253Tobie ch. 6. V. 16. & suiv.
254Novell. 78. cap. 3. Novell. 117. cap. 6.
255L. in re mandata cod. mandati.
256L. 10. l. 14. de adim. legat.
257L. 8. in princip. ff. de pericul. & commot. rei vendit.
258Vigneuil Marville tom. 1. pag. 376.
259Perroniana pag. 44.
260Juven. Satyr. 6. V. 324. 325.
261Martial. Epigr. 7. lib. 4.
262Lib. 11. Epigr. 82.
263L. 30. ff. de divers. Regul. jur.
264L. Si pœnam ff. de verbor. obligationib.
265Capitul. 5. Decretal. lib. 4. tit. 15. de Frigidis & Maleficiatis.
266Metamorphos. lib. 9. V. 465.