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CHAPITRE XIX
AUX ÉTATS-UNIS.
LES CANADIENS DE L'OUEST

Débordant au delà de leur frontière, les Canadiens étendent jusque dans les États-Unis le développement merveilleux de leur population. Presque aussi nombreux sur ce sol étranger que sur leur propre sol, ils s'y groupent, au dire des historiens et des géographes les plus compétents, et de l'aveu des Américains eux-mêmes, au nombre de près d'un million.

Là, d'ailleurs, la race française ne se trouve pas non plus tout à fait hors de chez elle. La plus grande partie du territoire actuel des États-Unis, toute la vallée de l'Ohio, toute celle du Mississipi, ce sont les Français qui, au dix-septième siècle, – alors que les colons anglais n'osaient encore perdre de vue les côtes de l'Atlantique, – l'ont découverte, parcourue, et en partie occupée.

L'émigration des Canadiens aux États-Unis commença, nous l'avons dit plus haut, vers 1830 et fut provoquée tout d'abord par le manque de terres dans les anciennes seigneuries. A ces causes d'ordre économiques la révolte de 1837 vint ajouter des causes politiques: les proscrits et les suspects passèrent en grand nombre la frontière.

Pendant les premières années du régime de l'Union, inauguré en 1840, l'émigration continua et prit bientôt des proportions telles, que le gouvernement canadien commença à s'inquiéter et chercha des mesures pour en arrêter les progrès. Un comité fut nommé en 1849 par la Chambre législative. L'enquête à laquelle il se livra révéla que dans les quatre années précédentes, de 1846 à 1849, 20,00 °Canadiens-Français avaient quitté le sol natal!

Le clergé déplorait cette émigration, qu'il considérait comme une perte pour la nationalité, et peut-être un danger pour la foi des Canadiens: «Vous n'ignorez pas, écrivait Mgr Turgeon, archevêque de Québec, combien est profonde la plaie nationale à laquelle nous nous proposons de porter remède, à savoir, le départ annuel de milliers de jeunes gens et d'un grand nombre de familles qui abandonnent les bords du Saint-Laurent pour aller chercher fortune et bonheur sur un sol qu'on leur dit plus fertile. Les jeunes gens, vous ne le savez que trop, ne reviennent pas parmi nous, ou ne reviennent que plus pauvres, souvent moins vertueux, et avec les débris d'une santé que la fatigue ou le vice a pour toujours altérée. Ces familles, au lieu de trouver le bien qu'elles espèrent, ne rencontrent chez l'étranger que de durs travaux et de superbes dédains, et, loin des autels de leur jeunesse et du sol de la patrie, elles pleurent l'absence des joies religieuses de leurs premiers ans et les jouissances du toit paternel. L'abondance même qu'un bien petit nombre peut atteindre n'est qu'une faible consolation quand on la compare à la paix, au contentement, à la franche et naïve piété, à la suave politesse qui caractérisent notre Canada99

En dépit des craintes des patriotes, malgré les paternels avis des évêques, l'émigration, loin de fléchir, a continué de plus belle, et s'est de nos jours accrue d'une façon si rapide, qu'il est impossible de ne pas lui attribuer des causes permanentes et profondes. De 1840 à 1866, 200,00 °Canadiens avaient quitté la province de Québec100, et l'on peut aujourd'hui évaluer à près d'un million le nombre des Canadiens vivant sur le sol des États-Unis.

Il paraît certain désormais que le mouvement d'expatriation de la population canadienne est le résultat normal d'une force d'expansion, qui lui permet à la fois de se multiplier chez elle et de déborder ses frontières. On aurait tort de le considérer comme impliquant pour elle une perte de forces; n'est-il pas, au contraire, le symptôme et la preuve de son développement continu?

Les émigrants canadiens ne se répartissent pas d'une façon uniforme sur toute la surface de l'Union américaine. Certains États, et dans les États même, certaines régions semblent avoir leur préférence.

Dans l'Ouest, des États d'une surprenante richesse se sont créés sous les yeux mêmes de notre génération. Là, dans des plaines hier désertes et couvertes de marais, a surgi une fastueuse capitale, n'aspirant aujourd'hui à rien moins qu'à la suprématie de l'Union entière, et qui ne craignit pas, – elle née d'hier, – de prétendre surpasser par son luxe les capitales séculaires de l'Europe. Tentés comme tant d'autres par le surprenant essor de ces récents États, grand nombre de Canadiens courent y chercher la fortune.

Cet Ouest américain, d'ailleurs, aux prodigieuses surprises, où des villes de 2 millions d'âmes naissent en trente ans, c'est à la France qu'il devrait appartenir. Jusqu'en 1763, l'Amérique du Nord presque tout entière fut française. Elle était bien étroite la portion qu'en occupaient les colons anglais le long des côtes orientales, et avec quelle méticuleuse prudence ils y restaient enfermés! Pendant plus de deux cents ans, ils demeurèrent comme fixés au rivage; déjà ils comptaient une population nombreuse, des villes florissantes, qu'ils n'avaient encore osé s'éloigner de l'Océan. Tout au plus entrevoit-on çà et là, dans leur histoire, quelques expéditions commerciales ou militaires traversant les montagnes Bleues et atteignant à peine, comme furtivement, la région des grands lacs que les Français visitaient journellement depuis leur arrivée en Amérique. Jusqu'en 1764, époque de la première colonisation du Kentucky par les Virginiens, aucune des colonies anglaises n'avait tenté de s'étendre vers l'intérieur.

Pendant ce temps, les missionnaires et les voyageurs français, les La Salle, les Marquette, les Joliet, les Hennepin, les La Vérandrye, découvraient tout le continent, parcouraient les vallées de ses immenses fleuves, pénétraient jusqu'aux lointains et profonds glaciers des Montagnes Rocheuses et jalonnaient d'une ligne de postes militaires les 2,000 kilomètres qui séparent le Canada de la Louisiane. Postes dont la situation avait été choisie avec une si remarquable perspicacité, que sur leur emplacement s'élèvent aujourd'hui plusieurs des plus grandes villes des États-Unis: Chicago, Saint-Louis, Pittsbourg et Détroit.

Derrière les soldats français étaient arrivés les colons. Malgré l'énorme distance qui sépare le Canada de la Louisiane, plusieurs petits centres de colonisation avaient été ouverts, au dix-huitième siècle, le long de la vallée du Mississipi; et, bien qu'il n'ait malheureusement été donné aucune suite aux grands desseins émis sur ces contrées par le gouverneur La Galissonnière, un groupe de population s'y était formé. Il se répartissait en plusieurs villages; les plus importants étaient ceux des Illinois, au sud de l'État actuel du même nom. C'était là comme le chaînon intermédiaire entre le Canada, déjà florissant, et la Louisiane, qui commençait à peine, puisque la colonisation n'y avait été véritablement tentée que depuis 1717.

Lors de la cession de nos possessions à l'Angleterre, en 1763, la population de la colonie des Illinois s'élevait à plusieurs milliers d'habitants. La plupart d'entre eux, fuyant la domination anglaise, quittèrent la rive gauche du Mississipi pour s'établir sur la rive droite. Ce ne fut que pour tomber sous la domination espagnole, car ce même traité, qui nous enlevait le Canada et toute la rive gauche du Mississipi pour les attribuera l'Angleterre, nous privait, en faveur de l'Espagne, de la rive droite du même fleuve et de la Louisiane.

D'ailleurs, le destin de ces quelques Français, perdus au milieu des solitudes qu'ils avaient découvertes et commencé à cultiver, était de tomber, quoi qu'ils pussent faire, sous la domination anglo-saxonne. Rendue à la France par l'Espagne au commencement du dix-neuvième siècle, cette moitié du continent américain a été, pour quelques millions, rétrocédée aux États-Unis par Napoléon.

Depuis lors, ces contrées pleines de richesses, mais à peu près désertes il y a cinquante ans, se sont peuplées rapidement. Renonçant à la torpeur qui les avait retenus au dix-huitième siècle, les Américains se sont précipités vers l'Ouest; les émigrants d'Europe les y ont suivis, et les petites colonies françaises des Illinois se sont trouvées entourées par des flots sans cesse grossissants de populations de langue étrangère. Elles subsistent pourtant encore, très distinctes et très reconnaissables, et les voyageurs peuvent entendre résonner notre langue dans plus d'un village des Illinois et du Missouri.

Tous les anciens établissements français de ces régions n'ont pas, il est vrai, survécu: les plus humbles ont été absorbés, mais il est facile encore de reconnaître leur emplacement par les noms mêmes, ou par l'aspect qu'ils ont conservé. Les colons anglais disposaient ordinairement leurs lots de terre en carrés réguliers. Les Français, au contraire, les défrichaient par bandes perpendiculaires aux cours d'eau. Cette disposition se retrouve partout où furent établies des colonies françaises, depuis le Canada jusqu'à la Louisiane, et l'observateur peut, à la seule inspection d'une carte, ou d'après la configuration des terres, savoir presque avec certitude quelle a été l'origine d'une colonie américaine.

La conquête n'a pas éteint l'esprit aventureux des Canadiens. Ils ont continué depuis à se répandre dans l'Ouest, et nombre d'entre eux y ont été les premiers pionniers de la civilisation, ont défriché les terres où s'élèvent aujourd'hui les villes les plus riches et les plus puissantes des États-Unis.

 

Deux familles seulement résidaient au fort Chicago en 1821, et l'une d'elles était une famille canadienne, celle du colonel Beaubien, commandant du fort pour le gouvernement des États-Unis. Voici la triste peinture qu'un voyageur faisait alors de ce lieu désert et sans ressources: «Lorsque j'arrivai à Chicago, écrit dans une relation de voyage le colonel (américain) Ebenezer Childs, je dressai ma tente sur les bords du lac et je me rendis au fort pour acheter des vivres. Je ne pus cependant en obtenir, le commissaire m'ayant informé que les magasins publics étaient si mal approvisionnés que les soldats de la garnison ne recevaient que des demi-rations et qu'il ignorait quand ils seraient mieux pourvus.»

Chicago (Chicagou, comme l'écrivaient au dix-huitième siècle les voyageurs français) compte aujourd'hui 2 millions d'habitants, et des monuments gigantesques s'élèvent au bord du Michigan aux rives plates et aux jaunes eaux, à l'endroit même où le colonel Ebenezer Childs dressait sa tente en 1821.

Bien d'autres villes de l'Ouest ont eu pour premiers habitants des Canadiens. Les noms de Salomon Juneau et de Dubuque sont des noms populaires au Canada, et pieusement conservés aussi par la louable reconnaissance des Américains eux-mêmes.

Milwaukee, sur le lac Michigan, une des plus jolies villes des États-Unis, et qui ne compte pas moins de 200,000 habitants, eut un Canadien pour fondateur.

Salomon Juneau, dit La Tulipe, était, comme l'indique ce sobriquet, le descendant d'un de ces aventureux soldats du régiment de Carignan qui, après avoir vaincu les Turcs, contribuèrent pour une si forte part au peuplement du Canada. Entraîné par l'esprit d'aventure auquel avaient obéi ses ascendants, Juneau quitte Montréal vers 1818, et vient se fixer à l'embouchure de la rivière Milwaukee, contrée si déserte alors que, pour trouver un être humain, le nouveau colon n'avait pas moins de 150 à 200 kilomètres de forêts à traverser, ses plus proches voisins étant, vers le nord, une famille canadienne fixée à la baie Verte, et, vers le sud, le colonel Beaubien lui-même au fort Chicago!

En 1835, les territoires riverains du Michigan furent arpentés et vendus par le gouvernement américain; Juneau se rendit acquéreur d'un grand nombre de lots. Situés sur le bord du lac, à l'embouchure d'une rivière navigable, leur emplacement semblait favorable. Les communications étaient aussi devenues plus faciles, des routes s'étaient percées à travers la forêt, les colons affluèrent bientôt. Juneau vendit avec profit ses terrains, une petite ville surgit peu à peu, et l'heureux spéculateur devint à la fois millionnaire et maire de la nouvelle cité. Ce qu'elle est devenue depuis, nous l'avons dit plus haut, et sa reconnaissance a élevé une statue à son fondateur.

La ville de Dubuque, dans le Iowa, ville de 30,000 habitants, et la plus importante comme la plus ancienne de cet État, a été fondée, elle aussi, par un Canadien, Julien Dubuque, dont elle a gardé le nom.

Ayant, en cet endroit même, découvert des mines de plomb, Dubuque avait signé avec les Indiens qui occupaient la contrée, MM. les Renards, le curieux traité que voici: «Conseil tenu par MM. les Renards, c'est-à-dire le chef et les braves de cinq villages avec l'approbation du reste de leurs gens, expliqué par M. Quinantotaye, député par eux, en leur présence et en la nôtre. Nous soussignés, savoir: Que MM. les Renards permettent à Julien Dubuque, appelé par eux la Petite Nuit, de travailler à la mine jusqu'à ce qu'il lui plaira, etc…101

Dubuque avait réussi à prendre un tel ascendant sur les sauvages qu'il parvint, chose impossible à tout autre, à les faire travailler aux mines qu'ils lui avaient concédées.

A sa mort, arrivée en 1810, les Indiens continuèrent cette exploitation, dont ils éloignèrent les blancs avec un soin jaloux. Les traitants qui venaient leur acheter le minerai devaient se tenir sur la rive gauche du fleuve, sans pouvoir le franchir. Ce n'est qu'en 1833 que les Américains délogèrent MM. les Renards, prirent eux-mêmes possession des mines, et commencèrent l'établissement de la ville de Dubuque; le nom du hardi pionnier qui avait préparé ses débuts lui resta.

Saint-Paul, la capitale du Minnesota, a été longtemps une ville plus française qu'américaine: «Il n'est pas de grand centre américain pour lequel les Canadiens aient autant fait que pour Saint-Paul. Ils ont construit ses premières maisons, ils ont, les premiers, élevé un modeste temple au Seigneur, puis baptisé la ville lorsqu'elle n'était encore qu'un amas de cabanes; ils ont grandement contribué à la faire choisir comme capitale du Minnesota, et à lui conserver ce titre quand elle fut menacée de le perdre102

En 1849, Saint-Paul n'était même pas encore un village, sa population ne dépassait pas 350 habitants, presque tous Canadiens; c'étaient des gaillards fortement trempés, si l'on en juge par la description qu'un journaliste américain a laissée de l'un d'eux: «Joseph Rollette est le roi de la frontière; court, musculeux, le cou et la poitrine d'un jeune buffle, tel est son physique. Il a fait son éducation à New-York, mais il a été mêlé depuis aux aventures de la vie de frontière; il a des opinions bien arrêtées sur tout, à tort ou à raison. D'une bonne humeur invariable, ayant surtout foi en Joë Rollette; hospitalier et généreux plus qu'on ne saurait le dire, n'aimant pas, en retour, qu'on compte avec lui, vous donnant son meilleur cheval si vous le demandez, mais prenant vos deux mules s'il en a besoin; habitant depuis des années un pays où il eût pu faire fortune, sans cependant amasser un sou; bon catholique, démocrate ardent, menaçant de toutes les calamités possibles le républicain qui oserait s'établir dans son voisinage, mettant pourtant, au besoin, à sa disposition, tout ce qu'il possède; fort dévoué à sa femme-une métisse-et père de sept fils, des Joë Rollette en miniature et de tailles différentes; admirant Napoléon et fier du sang français; trop généreux envers ses débiteurs pour être juste envers ses créanciers; aimant le wisky, mais pratiquant l'abstinence totale pendant des mois entiers pour plaire à sa femme! Son meilleur ami: l'homme qui n'est pas gêné par les lois du commerce; son pire ennemi: lui-même103

C'est en 1852 seulement que le Minnesota fut organisé en territoire. Les habitants durent nommer une Chambre législative. L'organisation de ce pays, sillonné aujourd'hui de nombreuses lignes de chemin de fer, était si primitive alors, – il y a 40 ans à peine! – que ce même Rollette, nommé député de l'un des districts, dut se rendre à la capitale, Saint-Paul, en traîneau à chiens! Voici comment le journal du pays contait cette curieuse rentrée parlementaire: «Les honorables députés, élus par Pembina pour la Chambre et le Conseil législatif, MM. Kittson, Rollette et Gingras, sont arrivés la veille de Noël, après un trajet de seize jours. Chacun avait un traîneau attelé de trois beaux chiens harnachés avec goût, lesquels franchissent le mille en 2 minutes 40 secondes lorsqu'ils marchent à toute vitesse. Ils ont parcouru en moyenne trente-cinq milles par jour. Les chiens n'ont à manger qu'une fois le jour. Ils reçoivent chacun une livre de pémican104 seulement. Ils transportent un homme et son bagage aussi rapidement qu'un bon cheval, et résisteraient même mieux à la fatigue que des chevaux pour une longue course105

Si le pays est aujourd'hui transformé de fond en comble, les habitants d'alors n'ont pas tous disparu: la locomotive a définitivement remplacé le traîneau à chiens, mais on trouve encore des Joseph Rollette.

Quels changements dans ces régions découvertes, il y a deux siècles à peine, par les voyageurs français! quel mouvement sur ces grands fleuves, jadis solitaires et silencieux!

Comme le dit le poète canadien:

 
Où le désert dormait grandit la métropole,
Et le fleuve asservi courbe sa large épaule
Sous l'arche aux piles de granit!
 

La forêt et la prairie se sont transformées: les riches moissons ont remplacé la primitive végétation,

 
Et le surplus doré de la gerbe trop pleine
Nourrit le vieux monde épuisé106!
 

Tout le pays, maintenant, est habité par une population américaine nombreuse. Mais les origines françaises de la contrée se montrent partout; les Américains n'essayent pas de les faire oublier: ils se plaisent, au contraire, avec un remarquable esprit de justice, à les rappeler par des monuments ou des souvenirs. A Milwaukee, la statue de Salomon Juneau en costume de trappeur, la carabine en main, domine au loin le lac Michigan et semble protéger la ville. Le nom du grand voyageur La Salle a été donné à un comté, ceux de Jolliet et de Marquette à deux villes, l'une dans l'Illinois, l'autre dans le Michigan; celui de Dubuque est resté, nous l'avons dit, à la ville dont il a préparé l'existence.

A Minnéapolis, c'est par l'avenue Hennepin-la plus belle et la plus large de la ville-qu'on accède aux rives du fleuve, près de ces chutes Saint-Antoine devant lesquelles s'arrêta le célèbre voyageur en 1680.

Bien que les Américains prononcent Ditroïte, la ville de Détroit conserve encore-au moins quant à l'orthographe-son nom français. Peuplée aujourd'hui de plus de 200,000 âmes, elle s'élève sur l'emplacement même de l'ancien fort créé vers 1701 par un officier canadien, M. de Lamothe-Cadillac. Quelques colons étaient venus à cette époque s'établir sous sa protection, et lorsqu'en 1763 le pays fut cédé l'Angleterre, leur nombre s'élevait à un millier à environ.

A la suite de la guerre d'indépendance, Détroit se trouva compris sur le territoire abandonné par les Anglais aux Américains. La ville s'augmenta rapidement, et les descendants des colons français ne forment plus aujourd'hui qu'une petite minorité dans sa population totale. Ils ne se laissent pas entamer, pourtant, tiennent ferme à la langue française et se groupent dans la ville en plusieurs paroisses catholiques.

Partout, en un mot, dans l'Ouest, le pays porte le cachet de ses origines françaises, et, dans bien des endroits, il renferme encore des populations françaises résistant vigoureusement à l'absorption. Pour ne prendre que des chiffres d'ensemble, la population canadienne-française des États américains de l'Ouest se répartit aujourd'hui de la façon suivante:

148,000 dans le Michigan.

34,000 – Illinois.

29,000 – Minnesota.

28,000 – Wisconsin.

 

21,000 – Iowa.

16,000 – Ohio.

10,000 – Dakota107.

Certes, ces petites colonies canadiennes, éparses dans de grands États de langue anglaise, ne forment pas, comme la province de Québec, des centres assez puissants pour résister toujours à la formidable poussée des populations au milieu desquelles elles sont isolées. Mais elles peuvent y résister pendant plusieurs générations, et si le merveilleux mouvement d'expansion de la population canadienne (qui non seulement s'augmente rapidement dans Québec, mais se répand d'une façon constante au delà de ses frontières), si ce mouvement se maintient longtemps encore dans de telles proportions, il n'est peut-être pas chimérique d'avancer que certains des groupes canadiens de l'ouest des États-Unis pourront, grâce aux renforts qu'ils recevront ainsi, demeurer définitivement français.

99Turcotte, 2e part., p. 56.
100Ibid., t. II, p. 454.
101Tassé, les Canadiens de l'Ouest. Montréal, 2 vol. in-8º.
102Tassé, ibid.
103Tassé, Canadiens de l'Ouest. Citation du Harper's Magazine, 1860.
104Le pémican est un mélange de graisse et de viande séchée et réduite en poudre.
105Saint-Paul Pioneer, 8 janvier 1853.
106Fréchette, Légende d'un peuple.
107Chiffres donnés par un auteur américain, M. Chamberlain, et cités par M. Faucher de Saint-Maurice (Resterons-nous Français? Québec, 1890, broch. in-8º.)