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Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome III

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Le marquis de Créqui fut délivré de cette manière des cornes que le bon prélat lui préparoit. Cependant, sans songer qu'il avoit peut-être été menacé de ce malheur à cause de l'intrigue dont il se mêloit lui-même, il la continua et ménagea quelques entrevues secrètes entre monseigneur et mademoiselle de Rambures. Comme toutes choses se savent à la longue, quelqu'un s'en aperçut, et, pour faire sa cour au Roi, il lui fit part de sa découverte. Le Roi, pour prévenir toutes les suites, résolut de la marier. Le marquis de Polignac420, gentilhomme riche et distingué entre la noblesse d'Auvergne, lui faisoit les doux yeux: l'on sut l'engager adroitement à l'épouser, de sorte qu'il se déclara, au grand regret de madame sa mère, qui prétendoit le marier plus avantageusement. Elle lui en parla et fit tous ses efforts pour l'en détourner; mais la cour, qui redoubloit les siens à mesure qu'elle en avoit plus de besoin, prévalut enfin dans son esprit. Mademoiselle de Rambures qui, nonobstant qu'un si grand prince lui en coûtât, étoit bien aise d'être mariée, donna les mains sans l'en consulter; et monseigneur le Dauphin, ayant appris cette nouvelle, en fut si touché, qu'il dit au marquis de Créqui qu'il ne la vouloit plus voir. – Pourquoi donc? lui répliqua-t-il. Est-ce que vous êtes fâché qu'avec le plaisir que vous aurez d'être bien avec elle, vous ayez encore celui de faire un mari cocu? Je ne sais pas, mon prince, ajouta-t-il, de quelle manière vous êtes fait; mais, pour moi, j'y trouve tant de ragoût, que je préférerois toujours les bonnes grâces d'une femme médiocrement belle à celles d'une fille tout à fait accomplie de corps et d'esprit.

Il dit mille choses pour prouver son dire, et le prince se rendit à ses raisons, à condition toutefois qu'il feroit des reproches de sa part à mademoiselle de Rambures de ce qu'elle s'étoit engagée sans lui en parler. Elle s'excusa sur ce que le Roi le lui avoit commandé, et, pour abréger matière, le mariage se fit et fut consommé chez la princesse de Montauban421, la tante, femme de grand appétit et digne sœur de madame de Rambures. Elle avoit épousé en premières noces le marquis de Rannes422, fort honnête homme de sa personne, et qui avoit été tué en Allemagne, où il étoit lieutenant-général. Elle lui en avoit fait porter durant sa vie; et, dès le lendemain de sa mort, elle avoit jugé à propos de ne pas demeurer veuve longtemps, parce qu'elle appréhendoit que, parmi les plaisirs dont elle ne se pouvoit passer, il ne lui arrivât quelque accident qui la scandalisât423 dans le monde. Enfin, après s'être offerte au tiers et au quart sans que pas un n'en voulût, le prince de Montauban424, cadet du prince de Guimené425 et fils du duc de Montbazon426, ce fameux fou que l'on auroit enfermé dans les Petites-Maisons, si ce n'est qu'on n'a pas voulu déshonorer le nom de Rohan, dont il est le chef, se présenta.

Devant que de parler du bonheur qu'il eut d'emporter sa femme427, je veux dire un mot de son père, à qui il ressemble tout à fait par la tête. Ce duc, après la mort du bonhomme le prince de Guimené428, n'ayant pu avoir la charge de grand veneur qu'il avoit, et qui fut donnée au chevalier de Rohan, son frère429, eut encore le dégoût que le Roi ne le voulut pas faire recevoir duc et pair, ce qui lui appartenoit pourtant comme aîné d'une maison qui jouissoit de cette prérogative. Le refus du Roi étoit fondé sur sa folie; mais lui, ne se rendant point de justice, il dit au Roi cent pauvretés qui dans la bouche d'un autre auroient été fort outrageantes; mais le Roi ayant pris le tout de la part d'où cela venoit, il se contenta d'envoyer quérir la princesse de Guimené, sa mère430, avec qui il convint de le faire enfermer à la Bastille. Au bout de quelque temps sa prison ayant été changée en un ordre de s'en aller à une de ses terres, il se sauva en Flandres. Les Espagnols, qui connoissoient mieux son nom que sa tête, lui donnèrent de l'emploi avec une pension considérable. Cependant la campagne de Lille survint, et, le Roi s'étant approché d'Andermonde, les Espagnols lâchèrent les écluses et l'obligèrent de se retirer431. Le duc étoit dedans, et, voyant la retraite de notre armée, il se mit sur le rempart et cria à gorge déployée: Le Roi boit! Beaucoup d'autres folies jointes à celles-là obligèrent les Espagnols de le congédier. Il se retira je ne sais où, jusqu'à ce que ses parents l'eussent fait enfermer.

 

Voilà quel est le père du prince de Montauban, et à qui ressemblant l'on ne peut pas mieux, l'on tâcha d'en détourner la marquise de Rannes. On lui dit tout ce qu'on pouvoit dire là-dessus, à quoi l'on ajouta beaucoup de choses de sa gueuserie; mais l'envie qu'elle avoit d'être appelée princesse et d'avoir le tabouret fit qu'elle aima mieux être la femme d'un rejeton de fou et d'un gueux, que de ne le pas prendre.

Si c'étoit ici son histoire que j'écrivisse, je ferois voir comment elle n'a pas été longtemps sans s'en repentir; mais, n'en voulant plus parler qu'en tant qu'elle a du rapport avec le sujet que je traite, l'on saura que le lendemain des noces elle demanda à sa nièce si le marquis de Polignac valoit autant que Monseigneur le Dauphin. Elle fut scandalisée de cette demande, et, tout en colère, elle lui fit réponse qu'elle lui rendroit raison là-dessus volontiers, pourvu que de son côté elle lui voulût dire si le prince de Montauban valoit mieux que mille autres à qui elle avoit eu affaire. Elles se brouillèrent ainsi toutes deux, et la princesse de Montauban eut tellement la vengeance en tête, qu'elle fut avertir le marquis de Polignac qu'il devoit envoyer sa femme à la campagne. Cela lui donna lieu d'observer sa conduite, et il reconnut bientôt qu'il avoit un rival du premier rang.

Le Roi s'en aperçut de même, aussi bien que madame la Dauphine; et, sachant tous deux que la marquise de Polignac ne s'éloigneroit point de la cour sans un ordre exprès, il lui fut envoyé en forme. Elle en fut inconsolable, aussi bien que monseigneur le Dauphin; et s'étant vus, elle lui demanda s'il ne vouloit point agir auprès du Roi pour détourner un coup si fatal à l'un et à l'autre. Monseigneur le Dauphin parut mou, et, la marquise s'en étant plainte au marquis de Créqui, il lui promit qu'il alloit faire de son mieux pour lui donner du courage. Et de fait, il lui dit qu'il étoit bien simple d'en user comme il faisoit; que le maréchal de Créqui étoit tout aussi fier que le pouvoit être le Roi, à la réserve qu'il n'avoit pas la souveraine puissance entre ses mains; cependant qu'il l'avoit mis sur le bon pied; qu'il suivît son exemple, et qu'il s'en trouveroit mieux devant qu'il fût peu de temps. Cette conversation n'ayant rien fait sur l'esprit de ce jeune prince432, la marquise de Polignac lui renvoya les présens qu'elle en avoit reçus, et il les donna au marquis de Créqui. Elle s'en alla ainsi en exil, et le marquis de Créqui eut le même sort, le Roi ayant su par monseigneur le Dauphin les conseils qu'il lui avoit donnés433. L'archevêque de Reims, ayant appris cette nouvelle, en fut au désespoir, parce qu'il vit bien que cela alloit justifier ce marquis dans l'esprit de sa femme, à qui il avoit tâché d'insinuer que c'étoit pour son compte qu'il étoit si souvent auprès de la marquise de Polignac434.

FIN DU TROISIÈME VOLUME
420Voy. la note précédente. – Dangeau, à la date du 1er mars 1686, parle ainsi de ces mariages: «Madame de Polignac, qui avoit un décret de prise de corps contre elle depuis long temps, avoit cru pouvoir demeurer à Paris en sûreté et qu'on ne songeoit plus à ces affaires-là. Elle y est donc venue, et a fait proposer des mariages pour son fils; d'un côté elle a fait parler au comte de Grammont pour sa fille aînée, et de l'autre aux parents de mademoiselle de Rambures. Il y a eu des pourparlers sur tout cela, qui ont fait savoir au Roi que madame de Polignac étoit dans Paris, et on lui a envoyé ordre d'en sortir et de se retirer chez elle.» – On voit que notre pamphlet, qui parle de la répugnance qu'avoit la marquise de Polignac à marier son fils avec mademoiselle de Rambures, est dans l'erreur, puisque madame de Polignac fit elle-même toutes les démarches nécessaires au mariage.
421Charlotte Bautru, fille de Nicolas Bautru, comte de Nogent, et de Marie Coulon, fille d'un conseiller au Parlement. Mariée d'abord au marquis de Rannes, et devenue veuve, elle épousa Jean Baptiste Armand de Rohan, prince de Montauban, deuxième fils de Charles de Rohan, duc de Montbazon, comte de Rochefort et de Montauban, et de Jeanne Armande de Schomberg.
422Nicolas d'Argouges, marquis de Rannes, colonel-général des dragons et lieutenant général des armées du Roi.
423Scandalisée, c'est-à-dire donnée en scandale, déchirée, perdue de réputation.
424Charles de Rohan, prince de Guéméné, duc de Montbazon, dit le prince de Montauban, étoit fils aîné de Charles de Rohan, duc de Montbazon, et de Jeanne Armande de Schomberg. Son fils, archevêque-duc de Reims, eut l'honneur de sacrer le Roi Louis XV.
425Le duc de Montbazon, père du prince de Guéméné et du prince de Montauban, dont nous avons parlé dans les notes précédentes, étoit fils de Louis de Rohan VII, prince de Guéméné, grand veneur de France, mort le 19 fév. 1667, et de sa cousine germaine, Anne de Rohan, princesse de Guéméné. Le duc de Montbazon mourut fou et enfermé, à Liége. (Saint-Simon, Comment. sur Dangeau, t. I, p. 136.)
426Voy. la note précédente.
427Var., édit. 1754: «Avant que de parler du bonheur qu'il eut d'avoir sa femme.»
428Voy. les notes et , à la page précédente.
429Louis, chevalier de Rohan, frère du duc de Montbazon le fou, avoit été reçu en 1656 grand veneur, en survivance de son père; celui-ci étant mort en 1667, le chevalier de Rohan exerça sa charge jusqu'en 1670, qu'il s'en démit en faveur de Maximilien de Belleforière, marquis de Soyecourt. On connoît sa trahison: il fut décapité le 27 nov. 1674.
430Journal de Dangeau: «Mercredi, 14 mars 1685: Madame la princesse de Guéméné mourut à Rochefort; elle laisse 200,000 liv. de rentes en fonds de terre; elle est morte à 80 ans passés.» Saint-Simon ajoute: «Cette princesse est la belle-sœur de la célèbre madame de Chevreuse… Elle avoit beaucoup d'esprit, de beauté et d'agrément, dont tout usage lui étoit bon (à son mari) pourvu qu'il y trouvât profit, considération et grandeur.» (Journal de Dangeau, t. I, p. 135-136.)
431Cette campagne, qui est de 1667, coïncide avec la date de la mort du prince de Guéméné, le grand veneur, dont le duc de Montbazon se montra si mécontent de n'avoir pas la survivance.
432«Vendredi 13 déc. 1686: «On croit que le marquis de Créqui ira voyager, et que la Cour a conseillé à son père de lui faire prendre ce parti-là. On dit aussi que madame de Polignac ne paraîtra pas sitôt à la Cour. Monseigneur lui a fait dire par… qu'il ne vouloit plus avoir de commerce avec elle.» (Journal de Dangeau, I, 428.).
433Voy. la note précédente, et ajoutez ce qui suit: «Le Roi dit au duc d'Aumont que son gendre, le marquis de Créqui, avoit envie de lui déplaire, puisqu'il demeuroit toujours ici, quoiqu'il lui eût fait conseiller par sa famille de s'absenter. Ainsi, apparemment, il partira demain.» (Journal de Dangeau, t. I, p. 437.) – Les Mémoires du Marquis de Sourches ajoutent quelques détails: «Le Roi fit voir à Monseigneur les lettres qu'on avoit trouvées dans la cassette, dans lesquelles le marquis de Créqui et cette dame (madame de Polignac) ne le traitoient pas avec tout le respect qu'ils devoient, ce qui ayant achevé d'aliéner son esprit contre cette dame, il consentit sans peine que le Roi exilât le marquis hors du royaume… Le maréchal de Créqui fit tous ses efforts pour obtenir le pardon de son fils, mais le Roi demeura ferme dans sa résolution, et toute la grâce qu'il lui accorda fut de trouver bon que le marquis vînt prendre congé de lui publiquement, comme pour s'en aller voyager en Italie.» (Mémoires, t. II, pp. 229-233.)
434L'édition de 1754 continue ce pamphlet, sous le titre de: Amours de Monseigneur le Dauphin avec la comtesse Du Roure, et son texte, presque entièrement différent de celui que nous avons donné, tantôt supprime, tantôt y ajoute de longs passages.