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Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome III

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Elle disoit tout cela d'un si grand sang-froid, que son air valoit encore mieux que ses paroles; cependant Caderousse ne la pressa qu'autant qu'il se crut obligé de le faire pour son honneur, et il fut même ravi de son refus quand il fit réflexion que cela l'eût mis en concurrence avec plusieurs gens d'épée, un conseiller, deux hommes de finance, et même quelques bourgeois. La marquise, qui avoit coutume de succomber à la première tentation, se fit un grand mérite en elle-même de sa résistance; elle crut que cela lui feroit faire réflexion à ce qu'il auroit à faire, et que vingt-cinq mille livres de rente, jointes à une si grande vertu, étoient capables de le rembarquer, quelque répugnance qu'il eût à un second mariage. Sur ce pied-là, elle alla tête levée partout, et, pour commencer à faire la réformée, elle se mit à médire de tout le monde.

Cependant l'on continuoit toujours à jouer chez elle, et Caderousse ne laissoit pas d'y venir; mais il ne lui disoit plus rien, ce qui la faisoit enrager. Elle n'étoit pas plus heureuse au jeu qu'en amour, et, si elle gagnoit une fois, elle en perdoit quatre, ce qui la désespéroit pareillement. Tous ces sujets de chagrin la rendoient plus bizarre qu'à l'ordinaire, et par conséquent encore plus désagréable; tellement que, bien loin que Caderousse songeât à se mettre bien avec elle, tout son but ne fut que de lui gagner son argent. Le jeu de la bassette333 étoit alors extrêmement en vogue à Paris; les femmes voloient leurs maris pour y jouer, les enfants leur père, et jusques aux valets: ils venoient regarder par-dessus l'épaule des joueurs, et les prioient de mettre une année de leurs gages sur une carte. Madame de Rambures y étoit encore plus chaude que tous les autres, et, quoiqu'on lui vînt donner tous les matins des leçons pour savoir la suite des cartes, ou elle ne l'avoit pas bien retenue jusque-là, ou son malheur étoit plus grand que sa science.

Un jour donc que Caderousse étoit venu de meilleure heure que les autres, comme la saison n'étoit plus de parler d'amour, elle lui parla de jouer, et, en étant tombé d'accord, elle se mit à tailler tête à tête. D'abord elle gagna quelque chose; mais, la fortune changeant tout à coup, il lui fit un nombre infini d'Alpiou et de Va-tout, tellement qu'en moins de rien il lui gagna non-seulement tout l'argent comptant qu'elle avoit, mais encore trois mille pistoles sur sa parole. Une si grosse perte lui ôta le mot pour rire, qu'elle avoit au commencement du jeu; et, entendant venir du monde, elle n'eut le temps que de dire à Caderousse qu'elle le paieroit le lendemain, et qu'elle le prioit seulement de n'en point parler.

La compagnie étant entrée, et tous les joueurs étant venus les uns après les autres, on demanda des cartes; mais la marquise, qui n'avoit plus d'argent, s'excusa de jouer sur un grand mal de tête. Le chevalier Cabre334, petit homme de Marseille, qu'on avoit vu arriver à Paris sans chausses et sans souliers, mais qui par son savoir-faire étoit alors plus opulent que les autres, s'offrit de tailler à sa place. Chacun le prit au mot, et, ayant choisi des croupiers, l'après-dînée se passa dans l'exercice ordinaire.

Comme Caderousse sortoit, la marquise l'arrêta et lui dit qu'il trouveroit le lendemain son argent prêt, mais qu'il vînt de bonne heure, parce qu'elle vouloit avoir sa revanche. Il lui répondit que la chose ne pressoit pas, et qu'elle ne devoit pas s'incommoder; mais elle lui fit promettre qu'il viendroit à deux heures, et, pour lui tenir parole, elle sortit dès huit heures du matin et fut mettre des pierreries et de la vaisselle d'argent en gage chez Alvarès335, fameux joaillier, pour quatre mille pistoles. Caderousse ne manqua pas au rendez-vous, et fut payé d'abord; après quoi elle se fit apporter des cartes, et mit les mille pistoles qui lui restoient dans la banque. Elles ne lui durèrent pas longtemps: la fortune ayant continué de favoriser Caderousse, il les lui gagna en deux ou trois tailles; et, lui demandant à jouer sur sa parole, elle perdit encore vingt mille écus.

Ce fut alors qu'elle commença à faire réflexion sur sa folie, et, les cartes lui tombant des mains, elle s'assit, se mit à pleurer, et enfin à faire toutes les grimaces qu'une femme extrêmement affligée est capable de faire. Caderousse la regardoit de tous ses yeux, pour voir à quoi cela aboutiroit, car, enfin, il prétendoit n'avoir pas joué pour rien; aussi, après avoir serré l'argent qu'il avoit déjà touché: «Au moins, Madame, lui dit-il, il vous souviendra, s'il vous plaît, que vous me devez vingt mille écus. – Je le sais bien, Monsieur, lui répondit-elle, mais je ne suis pas en état de vous les payer de sitôt. L'argent que vous emportez vient de ma vaisselle d'argent et de mes pierreries; et, à moins que nous ne nous accommodions, je ne sais que devenir. Quoi! Madame, lui repartit Caderousse, est-ce que vous prétendez quelque diminution? – Ce n'est pas ce à quoi je pense, répliqua la marquise: entre gens comme nous, cela n'est guère en usage; mais, si vous vouliez écouter une proposition, j'ai ma fille aînée336, qui sera un bon parti: je me lierai les mains, et vous y trouverez bien autant votre compte qu'à vous faire payer de ce que je vous dois.» Caderousse, qui ne se souvenoit de ce qu'il avoit promis à sa femme qu'à l'égard de madame de Rambures, c'est-à-dire qu'à l'égard de sa personne, qui étoit perdue de réputation, étant bien éloigné d'être dans les mêmes sentiments pour sa fille, qui n'avoit pas encore été en état de se laisser corrompre, lui répondit que c'étoit une chose à quoi il falloit qu'elle pensât plus sérieusement, et à quoi il devoit penser aussi lui-même; que la nuit leur porteroit conseil à l'un et à l'autre, et qu'il la verroit le lendemain. Elle eut de la peine à le laisser aller, ou plutôt à lui laisser emporter son argent.

 

Aussi lui dit-elle que, s'il se résolvoit d'accepter la proposition, il se donnât bien de garde d'en faire un méchant usage; qu'elle s'attendoit qu'il le lui rendît, et qu'à moins que de cela il n'y auroit rien à faire. – Caderousse lui dit qu'elle dormît en repos là-dessus, et, faisant réflexion à la chose, il la trouva si avantageuse, qu'il fut dès le lendemain matin dire à madame de Rambures que, si elle avoit parlé de bonne foi, il étoit prêt de passer le contrat.

Madame de Rambures, qui n'avoit pas dormi de toute la nuit, de crainte qu'il ne la rebattît encore de la dernière volonté de sa femme, fut ravie de se voir à la veille de ravoir son argent, et, envoyant quérir à l'heure même son notaire, le contrat fut dressé sans y appeler aucuns parents. En effet, il n'y avoit guère d'apparence qu'ils eussent consenti à une chose si désavantageuse pour mademoiselle de Rambures, laquelle étoit une grosse héritière et d'une des meilleures maisons de Picardie.

La chose étant arrêtée de la sorte, madame de Rambures lui dit que c'étoit au moins à condition qu'il seroit fidèle à sa fille, et qu'il ne reverroit plus la duchesse d'Aumont. Et comme il vouloit toujours lui nier qu'il eût jamais été bien avec elle, elle lui dit qu'elle ne parloit point sans savoir; que, sans rappeler le passé, elle avoit pris assez d'intérêt en lui pour s'éclaircir de leur intrigue; et là-dessus, lui contant tout ce que nous avons rapporté ci-devant, elle le mit dans un si grand étonnement qu'il eut peine à croire ce qu'il entendoit.

Il falloit qu'elle prît ce temps-là pour lui faire un tel aveu, car dans un autre il ne lui auroit jamais pardonné cette tromperie. Cependant il lui demanda si elle avoit encore la lettre de la duchesse, et, ayant su que oui, il la pria de la lui rendre, lui promettant, moyennant cela, et moyennant aussi qu'elle gardât le secret, de ne lui en jamais rien témoigner.

La marquise lui promit l'un et l'autre, et, lui ayant rendu la lettre, il s'en fut trouver la duchesse d'Aumont, à qui, après avoir fait un récit sincère de tout ce qui s'étoit passé, il dit qu'il étoit sur le point d'épouser mademoiselle de Rambures, qui étoit un mariage avantageux; que néanmoins le procédé de la mère étoit si cruel, qu'il romproit toutes choses, si cela la satisfaisoit; qu'elle venoit de lui rendre sa lettre, qu'il lui rapportoit avec protestation qu'il n'avoit jamais été homme à lui faire une réponse pareille à celle qu'elle avoit reçue, que, bien loin de là, il l'avoit toujours autant aimée et autant estimée que quand elle avoit eu de la bonté pour lui; qu'il ne disoit point cela par intérêt, étant à la veille d'épouser une femme avec laquelle il s'efforceroit de bien vivre, mais pour lui faire seulement connoître la vérité. Madame d'Aumont trouva ce procédé fort sincère, mais fort peu galant. Faisant mine néanmoins d'en être la plus contente du monde, elle lui répondit qu'elle seroit au désespoir de s'opposer à son bonheur; qu'elle souhaitoit qu'il eût toute sorte de contentement dans son mariage; qu'elle le prioit seulement d'épargner la réputation de celles qui avoient eu de la considération pour lui.

Madame d'Aumont étoit en l'état que nous venons de dire quand le marquis de Biran fit dessein de l'aimer. Son entreprise n'étoit pas difficile dans le fond, puisqu'elle avoit déjà été sensible; cependant, à bien examiner toutes choses, elle l'étoit plus qu'on ne pensoit: car, soit que cette dame eût du chagrin de l'affaire de Caderousse, ou qu'elle voulût plaire à son mari, qui continuoit dans sa dévotion, elle s'y étoit jetée elle-même, ou du moins elle en faisoit semblant; de sorte que les dames de la Cour la citoient à leurs filles, les maris à leurs femmes, comme un exemple de vertu. Biran, qui avoit eu plusieurs commerces qui lui avoient appris qu'il n'y avoit rien si de trompeur que les apparences, ne s'étonna point des discours qu'elle lui tint à la première entrevue, non plus que de lui voir un habit à grandes manches337, tel qu'en portent toutes les femmes qui sont bien aises de faire accroire qu'elles sont dévotes. Elle lui dit qu'elle ne savoit si elle le devoit voir, lui qui étoit perdu de réputation dans le monde; qu'il aimoit également le vin et les femmes, et que, pour un homme de condition, il menoit une vie si débordée, qu'il n'y en avoit point de pareille; qu'elle avoit ouï faire mille histoires de lui, mais toutes si désavantageuses, qu'elle ne pouvoit s'en ressouvenir sans horreur; que c'étoit dommage qu'il employât si mal son esprit, lui qui en avoit tant, et qui auroit pu se procurer quelque bonne fortune; que toutes les dames le devoient fuir comme la peste, lui qui n'en voyoit pas une qu'il n'allât dire aussitôt tout ce qu'il savoit et tout ce qu'il ne savoit pas; que l'indiscrétion étoit la plus méchante qualité qu'un homme pût avoir, et que tous ceux, comme lui, qui en étoient entachés, n'étoient bons qu'à pendre.

Biran la laissa dire tout ce qu'elle voulut; mais, après qu'elle eut déchargé son petit cœur, il lui dit qu'il ne s'étonnoit pas que la médisance l'eût si peu épargné; qu'il ne vouloit pas nier qu'il eût fait de petits tours de jeunesse; mais que ce qui les avoit fait éclater, c'est qu'il étoit en compagnie de gens qui faisoient trophée de leurs débauches; que, s'ils l'eussent voulu croire, elles n'auroient pas passé les murailles où elles avoient été faites; mais que, pour son malheur, ils ne s'étoient pas trouvés de son sentiment; qu'il vouloit dorénavant se séparer d'eux, et mener une vie plus conforme à son inclination; qu'il lui avouoit que son penchant étoit pour les dames, et même pour la pluralité; mais qu'il ne vouloit plus avoir d'attache que pour une seule personne, c'est pourquoi il la choisiroit telle qu'elle en vaudroit la peine.

Biran crut en avoir assez dit de ce premier coup, et, la retournant voir fort souvent, il l'accoutuma peu à peu à la laideur de son visage: car, pour être fils d'une femme qui avoit passé en son temps pour une fort belle personne338, et d'un père qui avoit eu bonne mine, il avoit un nez si épouvantable, qu'un chien de Boulogne339 qui en auroit un pareil seroit regardé avec admiration. Quoi qu'il en soit, son esprit suppléa bientôt à ce défaut340. La duchesse, qui se faisoit un plaisir merveilleux de ses saillies, oublia dans un moment sa dévotion, et, quoiqu'elle se fût fait un grand mérite auprès de son mari de courre souvent les églises, elle n'eut plus de soin de lui donner ce contentement. Comme Biran étoit homme à découvrir bientôt les sentiments d'une femme, il s'aperçut dans un moment de ce qui se passoit dans son cœur, et, ne voulant pas être longtemps sans voir ce qu'il avoit à espérer de ses services, il lui écrivit cette lettre:

Lettre du Marquis de Biran
à la Duchesse d'Aumont

Il vous doit être bien glorieux d'avoir réduit un débauché à la raison. Je n'avois jamais aimé que je n'en eusse fait une déclaration à la même heure: l'on avoit beau me dire que cela marquoit peu d'amitié, je ne suivois que mon penchant, et je le suivrois peut-être encore, si je n'étois tombé entre vos mains. Cependant, quelque considération qu'on ait pour les gens, on n'est point obligé à un silence perpétuel. Il y a un mois que je vous vois sans vous l'avoir osé dire: et vous devez être si contente de ce triomphe, que vous n'en devez pas exiger un plus grand.

La duchesse d'Aumont, malgré toute sa dévotion, avoit bien reconnu que Biran n'étoit pas insensible. Pour faire la prude, elle s'étoit demandé plusieurs fois à elle-même comment elle en useroit quand il viendroit à se découvrir; mais, quoiqu'elle eût fait résolution de l'éprouver longtemps devant que de lui faire connoître la moindre chose, elle ne se put empêcher de lui faire cette réponse:

Réponse de la Duchesse d'Aumont au Marquis de Biran

Je ne sais à quoi attribuer les sentiments que j'ai pour vous. Je sais bien que je ne vous aime pas assez pour dire que votre déclaration me plaît; mais aussi je ne vous hais pas assez pour m'en offenser. Après m'être bien examinée, je ne puis croire autre chose sinon qu'il entre un peu de vanité dans mon fait. Je sens que je serois ravie de faire dire que vous seriez devenu honnête homme auprès de moi. C'est donc à vous à voir si vous voulez changer de vie, car sans cela je ne saurois me résoudre à vous voir, et je vous dirois franchement que vous pouvez prendre parti ailleurs.

C'en étoit assez dire à un homme intelligent pour lui faire voir qu'il étoit heureux. Aussi Biran ne manqua pas de lui aller assurer à l'heure même qu'il ne vouloit plus vivre que de la manière qu'elle lui ordonneroit. Cependant, comme il étoit jeune, et qu'auprès d'une belle femme son tempérament le rendoit toujours amoureux, il s'exprima avec tant d'agrément, qu'après qu'elle eut tiré promesse qu'il seroit plus discret qu'il n'avoit été avec les autres, elle lui permit d'espérer. Biran lui baisa la main en signe de remerciement; mais elle s'approcha si près de lui, pour voir peut-être s'il ne puoit point341, qu'elle lui donna si belle, qu'il la baisa. Elle y trouva tant de plaisir, qu'elle ne se souvint pas que, pour soutenir son caractère de prude, il falloit faire semblant, du moins, de se retirer; et Biran, de son côté, ayant trouvé une haleine admirable, se sentit transporter: de sorte, en un instant, que la force de son tempérament lui fit faire une chose qui arrive assez souvent aux jeunes gens. Quand la duchesse n'auroit pas été assez habile pour s'en apercevoir, sa jupe, qui étoit toute gâtée, ne lui permettoit pas d'en douter. Elle ne sut dans ce moment quel parti prendre, ou de la sévérité, ou de la douceur: car, si, d'un côté, elle n'étoit pas fâchée de le voir si sensible, elle n'étoit pas bien aise, de l'autre, que cet accident l'eût remis dans un état plus modéré, et qui lui donnoit moins de plaisir. Ainsi, comme, toute dévote qu'elle vouloit paroître, elle étoit personne à se laisser maîtriser par ses sens, elle se fâcha de ce qui venoit d'arriver, et lui dit qu'elle étoit ravie qu'il n'eût pas tardé plus longtemps à se faire connoître; qu'il étoit sans façon du moins, s'il étoit peu respectueux, mais que cela suffisoit pour la rendre sage.

 

Biran, qui avoit peur qu'elle ne prît l'autre parti pour n'être pas en état de lui rendre service si tôt, lui répondit qu'il s'étonneroit de se voir quereller, s'il ne savoit que toutes les dames étoient injustes; que c'étoit à lui à se plaindre de ce qu'elle l'obligeoit à tant de respect; qu'il se voyoit contraint de prendre des plaisirs qu'elle auroit pu rendre plus grands si elle avoit voulu; qu'il ne pouvoit que faire si la jupe étoit gâtée; qu'elle savoit comment cela arrivoit; qu'il n'y avoit qu'à en avoir une autre, et que, si elle en vouloit une toute semblable, il n'y avoit pas si longtemps qu'elle l'avoit achetée que le marchand n'en eût encore de quoi en faire une à la pièce. Cette petite dispute se termina bientôt: Biran, qui avoit de grandes ressources, fut dans un moment ressuscité, et, voulant faire un meilleur usage de ses forces qu'il n'avoit fait l'autre fois, il chercha à faire sa paix par des caresses. La dame, qui n'avoit pas vu renaître les plaisirs si promptement, ni avec Caderousse, ni avec son mari, fut touchée d'un si grand témoignage d'amour; et, comme elle étoit encore échauffée de ses premiers mouvements, elle ne fit qu'une résistance si médiocre, que Biran la jeta sur un lit. Elle éprouva là que ceux qui ont dit qu'il ne falloit jamais mesurer un homme à la taille ont raison: car, quoique Biran ne fût qu'un demi-homme en comparaison des deux dont elle avoit tâté, il en fit autant lui seul qu'ils en faisoient tous deux ensemble. Comme elle le vit si emporté, elle le pria de se modérer un peu, lui faisant entendre que les choses violentes n'étoient pas de longue durée. Mais il lui dit qu'elle verroit encore tout autre chose quand il seroit en haleine; ce qui l'auroit beaucoup réjouie, si elle n'eût su qu'il étoit Gascon.

Ils avoient pris tous deux tant de goût au métier, qu'ils ne s'étoient pas aperçus qu'il y avoit un juste-au-corps342 du duc d'Aumont sur le lit, que les valets de chambre avoient oublié par mégarde. Après le premier acte, Biran le remarqua et dit à la duchesse qu'il le falloit ôter. Mais elle, pour lui faire voir le mépris qu'elle avoit pour son époux, lui dit qu'elle voudroit qu'il y fût aussi, et qu'elle le feroit servir lui-même de matelas. Cette réponse ne plut pas à Biran, tout débauché qu'il étoit, et il crut qu'une femme qui étoit capable de dire une chose comme celle-là l'étoit encore de tout faire sans rougir. Néanmoins elle lui recommanda le secret, s'il vouloit que leur commerce durât longtemps. Cependant, pour faire accroire au monde que sa dévotion n'étoit pas ralentie, elle fut le même jour à l'Hôtel-Dieu, où, de la même main dont elle avoit touché ce que je n'ose dire, elle ensevelit un mort.

Cette entrevue fut suivie de beaucoup d'autres, mais de moindre rapport pour la dame que n'avoit été celle-là; ce qui lui fit dire à Biran qu'elle ne s'étoit pas méprise quand elle avoit dit qu'il étoit Gascon. Le duc ne s'aperçut nullement de ce commerce, et fut au contraire si infatué de sa femme, qu'il commença à prôner lui-même sa vertu. Cependant les trois amis se demandoient souvent des nouvelles de leurs maîtresses; en quoi il n'y eut que le chevalier de Tilladet qui fut de bonne foi: car il dit tout d'un coup, sans se laisser donner la gêne, que la duchesse de la Ferté étoit la meilleure femme du monde et de la meilleure composition; que cependant il ne croyoit pas qu'elle l'obligeât à être constant; qu'elle étoit d'un appétit désordonné, et qu'il faudroit avoir d'autres forces que les siennes pour ne pas tomber sur les dents. Biran et Roussi lui répondirent que c'étoit peut-être sa faute; que, quand on s'attachoit auprès des dames, il falloit renoncer à tous ses amis, et qu'il n'avoit peut-être pas encore quitté le comte de Tallard. Il leur avoua qu'il le voyoit bien quelquefois, mais que, depuis que Tallard s'étoit mis en tête de faire monsieur le duc cocu, j'entends à l'égard de la comtesse de Maré343, sa maîtresse, il n'avoit plus de considération pour lui; qu'il s'étonnoit comment le plaisir d'avoir le reste d'un prince du sang étoit si grand qu'il en fît oublier d'autres où l'on avoit paru si sensible; que pour lui, bien loin d'en être de même, il étoit tout prêt à retourner à ses anciennes inclinations; qu'il y trouvoit quelque chose de plus solide et de plus touchant qu'avec les femmes; qu'elles avoient toutes des défauts dont il ne se pouvoit accommoder, et qu'en un mot il n'en avoit point trouvé, depuis qu'il étoit au monde, qui ne fussent comme si elles venoient d'accoucher; que, petites et grandes, elles étoient toutes de même taille à un certain endroit de leur corps; que pour lui la nature lui avoit été assez ingrate pour ne pas avoir sujet de s'en louer; qu'une des plus belles qualités étoit de se connoître, et que, grâce à Dieu, celle-là ne lui manquoit pas.

Biran et Roussi trouvèrent qu'il avoit raison en beaucoup de choses, et peu s'en fallut qu'il ne les dégoûtât de leurs maîtresses. Cependant, comme elles récompensoient ces défauts par quelque chose d'assez engageant, ils ne voulurent pas tout à fait se régler sur lui. On demanda à Roussi en quels termes il en étoit avec la sienne, à quoi il répondit qu'il étoit assez malheureux pour en être mal traité. Le chevalier de Tilladet s'écria, là-dessus, que cela étoit impossible, qu'elle étoit de trop bonne race, et qu'il leur vouloit donner le change. En effet, la dame n'étoit pas si cruelle qu'il le vouloit faire accroire, et, quoiqu'il n'en eût pas encore tiré les dernières faveurs, elle lui avoit fait comprendre qu'il ne tenoit pas à elle, et qu'elle ne manqueroit pas dès qu'elle le pourroit.

Cette dame, qui étoit de belle taille, au corps de fer près, qu'elle portoit comme ses deux sœurs, et dont le visage étoit d'ailleurs extrêmement agréable, avoit un mari le plus contrefait de tous les hommes. Esope, qu'on nous représente comme un magot, étoit un ange auprès de lui; car il étoit de la taille d'un nain, avoit le nez et les lèvres horribles, et, pour achever de le peindre, il lui sortoit de l'un une écume perpétuelle, pendant qu'il couloit de l'autre une matière dont on reprend souvent les petits enfants. Si l'on examine le reste, c'est encore pis, si cela peut se dire: il est bossu devant et derrière, a les bras plus courts l'un que l'autre, et, jusqu'aux jambes, on ne voit rien qui ne fasse peur. Cependant, ayant tant sujet de se plaindre de la nature, elle l'a récompensé d'une belle qualité: il a de grands talents pour les dames; et si sa figure ne rendoit tout ce qui vient de lui désagréable, il pourroit suffire à toutes celles qui en voudroient tâter. Cela est cause qu'il se rabat sur la première venue, et il en a souvent des faveurs qui l'obligent d'avoir recours au chirurgien.

Une aventure comme celle-là l'avoit brouillé avec sa femme, à qui il avoit déjà fait le même présent plusieurs fois. Ainsi, comme elle ne couchoit plus avec lui, elle fit entendre au comte de Roussi qu'elle avoit assez d'estime pour lui accorder toutes choses, mais que la conjoncture demandoit qu'il se donnât patience. Cependant, pour entretenir chalandise, elle lui dit qu'il pouvoit toujours prendre d'avance ce qu'elle lui pouvoit accorder, et il se trouva si heureux de ces accessoires qu'il jugea que sa fortune n'auroit point de pareille s'il en pouvoit jamais venir plus avant.

La querelle du duc et de la duchesse avoit fait grand bruit dans le monde, et, comme le duc avoit récidivé plusieurs fois et que la duchesse avoit juré qu'elle ne le lui pardonneroit plus, on n'osoit presque s'entremettre de les réconcilier. Si le comte de Roussi se fût déclaré auparavant, il auroit empêché cet éclat, et l'envie qu'elle auroit eue de tâter de l'amant lui auroit fait souffrir le mari avec tous ses défauts. Mais par malheur il n'étoit venu qu'après la querelle, si bien qu'il eut le temps de s'ennuyer. Pour ce qui est de la duchesse, quoiqu'elle ne manquât pas d'appétit, elle prenoit son mal en patience, d'autant plus qu'elle voyoit son amant devenir tous les jours de plus en plus amoureux. Elle croyoit donc le lier par des chaînes si fortes qu'elle les rendroit éternelles; et, comme elle espéroit que le temps amèneroit toutes choses, elle vivoit, comme on dit, d'espérance.

La duchesse de La Ferté étoit la plus mécontente des trois. Le chevalier de Tilladet tâchoit à faire comprendre à Tallard que la comtesse de Maré ne lui donneroit jamais les plaisirs qu'ils avoient eus ensemble, et sur ce pied-là il prétendoit le réchauffer. Mais lui, qui se faisoit un plaisir de débusquer le fils du premier prince du sang, bien loin de l'écouter, persistoit dans son entreprise, où il eut un si heureux succès que le duc d'Enghien344, jaloux de se voir en concurrence avec lui, résolut de quitter la comtesse.

Comme, selon ce qu'en dit Bussy, qui est un excellent auteur en ces sortes de choses, le nombre touche beaucoup une femme, celle-ci fit ce qu'elle put pour le retenir; mais le duc d'Enghien, sachant qu'elle avoit envoyé la nuit même un courrier à Tallard, à qui elle mandoit des choses extrêmement tendres, il s'en fut chez elle, où, ajoutant à l'air chagrin qu'il a naturellement celui qu'il avoit par accident, il lui dit qu'elle étoit indigne de l'amour d'un prince comme lui; qu'elle savoit que, depuis qu'il l'aimoit, il avoit eu autant de complaisance pour elle que si c'eût été une reine; qu'il s'en étoit brouillé avec la duchesse345, qui étoit la meilleure femme du monde; que Monsieur le prince son père346 n'en avoit pas été plus content; qu'il lui avoit prédit plusieurs fois ce qui lui arrivoit aujourd'hui, mais qu'il avoit toujours été si aveuglé qu'il n'en avoit voulu rien croire; qu'elle verroit si Tallard feroit pour elle ce qu'il avoit fait; que ce n'étoit pas pour lui reprocher, mais que les marques de son amour avoient paru si éclatantes que Corneille le jeune avoit pris sujet de là de faire la pièce de l'Inconnu. En effet, c'étoit ce duc qui lui avoit fourni une partie de sa matière, par les fêtes qu'il lui avoit données, et il n'y avoit ajouté qu'un peu d'intrigue347.

La comtesse nia fortement le commerce qu'elle avoit avec Tallard, et, prenant le parti de la dissimulation, parti assez ordinaire aux femmes, elle lui dit que c'étoit comme cela qu'en usoient ceux qui vouloient se dégager; que les prétextes ne manquoient jamais, mais que la difficulté étoit de justifier ce qu'on disoit. Elle en alloit dire bien davantage, si le duc d'Enghien, perdant patience, n'eût tiré une lettre de sa poche, que ses bienfaits lui avoient fait recouvrer des mains de ceux qu'elle employoit dans ses amours, et, la lui faisant voir, il lui demanda, tout en colère, si c'étoit là un prétexte ou une vérité. Il est aisé de juger de sa confusion à cette vue: elle demeura un quart-d'heure comme s'il lui eût coupé la langue, pendant quoi le duc ne discontinua point ses reproches. Enfin, étant las de tant parler, il passa aux effets, qui fut de casser des porcelaines dont il lui avoit fait présent. Elle se jeta sur lui pour l'empêcher de faire un plus grand désordre, ce qui l'irrita encore davantage. En effet, il fit réflexion, dans ce moment, qu'une femme qui avoit été si insensible à tout ce qu'il lui avoit dit, et qui l'étoit si fort à une perte de si petite conséquence, ne l'avoit jamais aimé que par intérêt.

Ainsi il recommença à se venger sur ce qu'il lui avoit donné, et ce fut un si grand fracas qu'on n'en avoit jamais vu de pareil. La comtesse, voyant tant d'emportement, lui dit qu'elle s'en plaindroit au Roi, et qu'il n'entendoit pas qu'on traitât de la sorte une femme de sa qualité. Mais lui, qui étoit fier au delà de l'imagination, lui fit réponse qu'il ne savoit à quoi il tenoit qu'il ne lui fît couper la jupe. Si elle eût eu autant de force que de courage, elle l'auroit dévisagé après ces paroles. Aussi se jeta-t-elle sur lui toute furieuse, et le duc fut obligé de lui donner un soufflet pour se dégager de ses mains.

Il sortit ensuite, pour n'être pas obligé de recommencer un combat si indécent. Mais à peine fut-il hors de sa chambre, que, presque aussi tranquille que si de rien n'eût été, elle ne songea qu'à faire tirer les meubles d'un logis au cul-de-sac de Saint-Thomas du Louvre qu'il lui avoit meublé, et où ils se voyoient souvent. Elle monta donc promptement en carrosse; mais le duc, après s'en être allé à l'hôtel de Condé, ayant fait réflexion qu'elle aimoit assez son profit pour se les vouloir approprier, s'y en fut lui-même et la trouva déjà qui déménageoit. Ce fut un sujet de nouvelle querelle, mais elle ne dura pas tout à fait tant que l'autre, car la comtesse, ne se tenant pas si forte en cet endroit qu'elle faisoit chez le maréchal son père348, fut obligée de filer doux, bien fâchée néanmoins qu'une si bonne proie lui échappât.

Ce fut ainsi que finit l'intrigue du duc d'Enghien et de la comtesse de Maré: ce qui obligea le maréchal de Grancey de retrancher une partie de ses domestiques, pour l'entretien desquels le duc fournissoit à l'appointement; car ce bonhomme, qui n'avoit pas l'esprit trop bien timbré, s'étoit mis en tête que le duc d'Orléans349, qui aimoit sa cadette350, l'épouseroit, et que le duc d'Enghien feroit la même chose s'il pouvoit devenir veuf. Sur ce pied-là, c'étoit quelque chose à voir que sa maison: rien n'y manquoit, que d'avoir des officiers par quartier351; et, hors de cela, l'on y faisoit tout aussi bonne chère qu'on pouvoit faire chez le Roi.

Quoi qu'il en soit, cette affaire s'étant terminée de la sorte, Tallard prit la place du duc d'Enghien, ce qui fit perdre espérance au chevalier de Tilladet de le posséder entièrement. La duchesse de La Ferté, qui savoit que c'étoit là la raison pour laquelle il n'en usoit pas avec elle comme elle l'y croyoit obligé, fut ravie de cet obstacle; et, comme elle étoit plus emportée que sa sœur de Vantadour, elle lui continua ses faveurs, quoiqu'elle eût autant de lieu qu'elle de les lui refuser. En effet, elle s'étoit brouillée avec son mari, qui étoit un bon ivrogne, et qui, sans prendre garde qu'il ne pouvoit rien dire contre elle qui ne rejaillît sur lui, étoit le premier à en faire des médisances.

333La bassette étoit un jeu de cartes, un jeu de hasard, comme le hoc ou hocca et le lansquenet. L'abus de ces jeux devint tel que de nombreux arrêts du Parlement, plusieurs édits du Roi et ordonnances de police essayèrent de le combattre. En 1661, le Parlement porte deux arrêts contre le jeu du hocca; en 1663, contre les académies de jeux en général; en 1666, le Roi lance un édit dans le même but; en 1680, la bassette, introduite en 1674 ou 1675 par l'ambassadeur de Venise Justiniani, est mise en cause pour la première fois devant le Parlement. L'arrêt, daté du 16 septembre, porte: «Comme, outre tous ces jeux de hazard cy-devant défendus, on en a introduit un depuis quelque temps, appelé la bassette, où l'on assure que ceux qui le tiennent ont une certitude entière de gagner avec le temps, et que les pertes faites audit jeu par plusieurs enfants de famille les ont engagez emprunter de l'argent à tel denier que lesdits particuliers accusez d'usure ont voulu exiger d'eux, ledit procureur général estime estre obligé d'avoir recours à l'autorité de la cour pour faire renouveler les défenses générales prononcées contre tous les jeux de hazard, et encore plus grandes contre ceux qui donneront à jouer chez eux audit jeu de la bassette, et contre ceux qui y joueront.» D'année en année les mêmes mesures sont renouvelées. Enfin, le 5 janvier 1685, «Sa Majesté, estant en son conseil, a défendu et défend très expressément à tous ses sujets, de quelque qualité et condition qu'ils soient, de plus continuer à jouer audit jeu de la bassette, soit ès assemblées publiques, dans leurs maisons en particulier, et sous quelque nom et prétexte que ce soit, à peine de trois mille livres d'amende, au payement de laquelle Sa Majesté veut que les contrevenants soient contraints par toutes voies, mesme par saisie et exécution de leurs biens, meubles, chevaux et carrosses.» On changea le nom du jeu. Le hocca s'appela pharaon ou barbacolle; la bassette devint le pour et contre. Sous ces nouveaux noms les poursuites vinrent encore chercher les joueurs. En 1679, le Journal des Savants produisit une théorie de probabilité pour le jeu de la bassette: on y voit clairement combien de chances étoient réservées à la friponnerie. Disons maintenant comment se jouoit le jeu de la bassette: nous expliquerons ainsi différents mots qu'on lira plus loin. «Celui qui taille, lit-on dans le Dictionnaire de Trévoux, se nomme banquier ou tailleur. Il a en main cinquante-deux cartes; ceux qui jouent contre lui ont chacun treize cartes d'une couleur: on les appelle le livre. Après que le tailleur a battu ses cartes, les joueurs découvrent devant eux telles cartes de leur livre qu'ils veulent, sur lesquelles ils couchent de l'argent à discrétion; ensuite le tailleur tourne son jeu de cartes, en sorte qu'il voit la première qui étoit dessous. Après cela, il tire ses cartes deux à deux jusqu'à la fin du jeu: la première de chaque couple ou main est toujours pour lui, et la seconde ordinairement pour le joueur; de sorte que, si la première est, par exemple, un roi, le banquier gagne tout ce qui a été couché sur les rois; mais si la seconde est un roi, le banquier donne aux joueurs autant qu'ils ont couché sur les rois.» L'alpiou (de l'italien al più) étoit, dit M. Fr. Michel, dans son Dict. d'argot, la marque que l'on faisoit à sa carte pour indiquer qu'on doubloit son jeu après avoir gagné. On connoît le petit livret publié à cette époque sous le titre de: Les désordres de la bassette.
334Le chevalier Louis de Cabre, qui fut chambellan du duc d'Orléans, régent, étoit fils de Louis de Cabre et de Marie d'Antoine. Il mourut sans alliance. Il appartenoit à une famille consulaire de Marseille dont les différentes branches furent maintenues dans leur noblesse par les commissaires vérificateurs en 1667.
335On lit dans le Livre commode des adresses, par le sieur de Pradel, astrologue lyonnois, 1691, in-8, p. 26: «Les garnitures de perles et de pierres fines sont commercées par les sieurs Alvarez et Maçon, rue Thibault-aux-Dez.»
336La fille aînée de madame de Rambures, Marie-Renée de Rambures, sœur du marquis de Rambures qui fut tué en 1679, en Alsace, par accident, étoit alors un parti considérable; elle n'avoit pas d'autre frère, et, de ses deux sœurs, l'une fut religieuse, l'autre épousa, en 1686, le marquis de Polignac. – Marie-Renée de Rambures fut en effet la seconde femme du duc de Caderousse.
337Les robes des femmes avoient habituellement des manches d'ange, et ces manches ne passoient guère le coude. Les ecclésiastiques et les personnes en deuil portoient des bouts de manches, sortes de manchettes qui se cousoient au bout des manches du pourpoint. Pour les femmes mêmes, la manche longue devint ainsi une marque de piété ou de deuil.
338La mère du marquis de Biran étoit Charlotte-Marie de Daillon, fille de Timoléon de Daillon, comte du Lude. Elle mourut à vingt et un ans, le 15 décembre 1657. (Voy. ci-dessus, t. 2, p. 425.)
339Les chiens de Boulogne, comme les chiens d'Artois, les bichons, les barbets, les chiens de Barbarie, étoient des chiens de chambre ou de manchon. Le chien de Boulogne venoit d'Italie, de Bologne, que l'on prononçoit Boulogne, comme Tolose se prononçoit Toulouse; Rome, Roume; homme, houme, etc. A Bologne, dit-on, on les empêchoit de croître en les frottant, pendant les jours qui suivoient leur naissance, à toutes les jointures du corps, avec de l'esprit de vin. La vogue des chiens de Bologne avoit succédé à la mode des doguins, qui avoient, de même, le nez camus.
340C'est ce marquis de Biran, devenu duc de Roquelaure, qui est le héros du Momus françois, recueil de contes et de mots d'un goût plus ou moins équivoque, publié en 1718, in-12.
341On se rappelle les reproches faits à Louis XIV par madame de Montespan. Louis XIII, dit Tallemant, pensant faire le bon compagnon, disoit: «Je tiens de mon père, moi; je sens le gousset.» Et quant à Henri IV, madame de Verneuil ne craignit pas de lui dire un jour que bien lui prenoit d'être roi; que sans cela on ne le pourroit souffrir, et qu'il puoit comme charogne. A ce compte-là, le baron de Fæneste étoit noble comme le Roi.
342Le juste-au-corps étoit une partie de l'habillement, sorte de veste qui tomboit jusqu'aux genoux, serrant le corps et montrant la taille. Le juste-au-corps, autrefois uniquement réservé aux gens de guerre, étoit alors à la mode dans toutes les classes, et on le portoit en drap, en velours, etc.
343Voy. ci-dessus, p. .
344Le duc d'Enghien, fils du grand Condé, connu sous le nom de M. le prince Henri-Jules, étoit né le 29 juillet 1643.
345Le prince Henri-Jules épousa, le 11 décembre 1663, Anne de Bavière, fille d'Edouard de Bavière, prince palatin du Rhin, et d'Anne de Gonzague, laquelle étoit sœur de la reine de Pologne et fut adoptée par le Roi son beau-frère.
346Voy., sur le grand Condé, une note importante de M. Boiteau dans cet ouvrage, t. 1, p. 198.
347La comédie de l'Inconnu, par Thomas Corneille, est de l'année 1675. Le titre porte qu'elle est «mêlée d'ornements et de musique». Dans son Avis au lecteur, l'auteur dit: «Dans le sujet de l'Inconnu vous ne trouverez point ces grandes intrigues qui ont accoutumé de faire le nœud des comédies de cette nature, parce que les ornements qu'on m'a prêtés, demandant beaucoup de temps, n'ont pu souffrir que j'aie poussé ce sujet dans toute son étendue.» – D'après l'indication fournie par le pamphlet que nous annotons, le marquis de la pièce, toujours occupé à faire de galantes surprises à la comtesse, ne seroit autre que le duc d'Enghien.
348Le maréchal de Grancey.
349Philippe de France, duc d'Orléans, frère de Louis XIV, né le 22 septembre 1640. Il étoit veuf alors de madame Henriette, dont il a été tant parlé dans le second volume de cet ouvrage. (Voy. ci-dessus, p. , et lisez duc d'Orléans, et non duc d'Anjou.)
350Elisabeth de Grancey, dame d'atours de Marie-Louise d'Orléans, reine d'Espagne. Elle mourut en 1711 (26 novembre), à l'âge de cinquante-huit ans, sans avoir été mariée. Toute la famille de Grancey avoit une grande influence chez le duc d'Orléans, et l'illusion que se faisoit le maréchal avoit bien son excuse. Ainsi Hardouin de Grancey, docteur de Sorbonne, abbé de Rebec, de Beaugency, de Reuilly et de Saint-Benoît sur Loire, fut premier aumônier de Monsieur; et la comtesse de Maré fut, après la mort de sa mère, gouvernante de Mademoiselle, depuis duchesse de Lorraine, et des princesses filles du duc d'Orléans.
351Les charges étoient très multipliées chez le Roi et chez le duc d'Orléans, et nombre d'officiers y servoient par quartier, c'est-à-dire par trimestre.