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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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La garde est à Erfurt, où l'empereur est arrivé le 25 à onze heures du soir. Le 26, S. M. a passé la revue de la garde, et a visité les fortifications de la ville et de la citadelle. Elle a fait désigner des locaux pour y établir des hôpitaux qui pussent contenir six mille malades ou blessés, ayant ordonné qu'Erfurt serait la dernière ligne d'évacuation.

Le 27, l'empereur a passé en revue la division Bonnet, faisant partie du sixième corps aux ordres du duc de Raguse.

Toute l'armée paraissait en mouvement: déjà tous les partis que l'ennemi avait sur la rive gauche de la Saale se sont déployés. Trois mille hommes de cavalerie s'étaient portés sur Nordhausen pour pénétrer dans le Hartz, et un autre parti sur Heiligenstadt pour menacer Cassel: tout cela s'est reployé avec précipitation, en laissant des malades, des blessés, et des traînards qui ont été faits prisonniers. Depuis les hauteurs d'Ebersdorf jusqu'à l'embouchure de la Saale, il n'y a plus d'ennemis sur la rive gauche.

La jonction entre l'armée de l'Elbe et l'armée du Mein doit s'opérer le 27 entre Naumbourg et Mersebourg.

Le 28 avril 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le quartier-général de l'empereur était le 28 à Naumbourg: le prince de la Moskwa avait passé la Saale. Le général Souham avait culbuté une avant-garde de deux mille hommes qui avait voulu s'opposer au passage de la rivière. Tout le corps du prince de la Moskwa était en bataille au-delà de Naumbourg.

Le général Bertrand occupait Jéna et avait son corps rangé sur le fameux champ de bataille d'Jéna.

Le duc de Reggio, avec le douzième corps, arrivait à Saalfeld.

Le vice-roi débouchait par Halle et Mersebourg.

Le général Sébastiani s'était porté, le 24, sur Velzen; il avait culbuté un corps de quatre mille aventuriers, commandés par le général russe Czenicheff; il avait dispersé son infanterie; il avait pris une partie de ses bagages et de son artillerie, et le poursuivait l'épée dans les reins sur Lunebourg.

Le 30 avril 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 29, l'empereur avait porté son quartier général à Naumbourg.

Le prince de la Moskwa s'était porté sur Weissenfels. Son avant-garde, commandée par le général Souham, arriva près de cette ville à deux heures après midi, et se trouva en présence du général russe Lanskoi, commandant une division de six à sept mille hommes de cavalerie, d'infanterie et d'artillerie. Le général Souham n'avait pas de cavalerie; mais, sans en attendre, il marcha à l'ennemi et le culbuta de ses différentes positions. L'ennemi démasqua douze pièces de canon; le général Souham en fit mettre un pareil nombre en batterie. La canonnade devint vive et fit des ravages dans les rangs russes qui étaient à cheval et à découvert, tandis que nos pièces étaient soutenues par des tirailleurs placés dans des ravins et dans des villages. Le général de brigade Chemineau s'est fait remarquer. L'ennemi essaya plusieurs charges de cavalerie: notre infanterie le reçut en carré et par un feu de file qui couvrit le champ de bataille de cadavres russes et de chevaux. Le prince de la Moskwa dit qu'il n'a jamais vu à la fois plus d'enthousiasme et de sang-froid dans l'infanterie. Nous entrâmes dans Weissenfels; mais voyant que l'ennemi voulait tenir près de la ville, l'infanterie marcha à lui au pas de charge, les schakos au bout des fusils et aux cris de vive l'empereur! La division ennemie se mit en retraite. Notre perte en tués et blessés a été d'une centaine d'hommes.

Le 27, le comte Lauriston s'était porté sur Wettin, où l'ennemi avait un pont. Le général Maison fit placer une batterie qui obligea l'ennemi à brûler le pont, et il s'empara de la tête de pont, que l'ennemi avait construite.

Le 28, le comte Lauriston se porta vis-à-vis Hall, où un corps prussien occupait une tête de pont, culbuta l'ennemi et l'obligea d'évacuer cette tête de pont et de couper le pont. Une canonnade très-vive s'en était suivie d'une rive à l'autre. Notre perte a été de soixante-sept hommes; celle de l'ennemi a été bien plus considérable.

Le vice-roi avait ordonné au maréchal duc de Tarente de se porter sur Mersebourg. Le 29, à quatre heures après midi, ce maréchal arriva devant cette ville; il y trouva deux mille Prussiens qui voulurent s'y défendre; ces Prussiens étaient du corps d'Yorck, de ceux mêmes que le maréchal commandait en chef et qui l'avaient abandonné sur le Niémen. Le maréchal entra de vive force, leur tua du monde, leur fit deux cents prisonniers, parmi lesquels se trouve un major, et s'empara de la ville et du pont.

Le comte Bertrand avait, le 29, son quartier-général à Dornburg, sur la Saale, occupant par une de ses divisions le pont d'Jéna.

Le duc de Raguse avait son quartier-général à Koesen sur la Saale; le duc de Reggio avait son quartier-général à Saalfeld sur la Saale.

Ce combat de Weissenfels est remarquable parce que c'est une lutte d'infanterie et de cavalerie en égal nombre et en rase plaine, et que l'avantage y est resté à notre infanterie. On a vu de jeunes bataillons se comporter avec autant de sang-froid et d'impétuosité que les vieilles troupes.

Ainsi, pour le début de cette campagne, l'ennemi est chassé de tout ce qu'il occupait sur la rive gauche de la Saale; nous sommes maîtres de tous les débouchés de cette rivière; la jonction entre les armées de l'Elbe et du Mein est opérée, et les villes importantes de Naumbourg, de Weissenfels et de Mersebourg ont été occupées de vive force.

Weymar, le 30 avril 1813.

S. M. l'empereur et roi a passé ici le 28 à deux heures après midi. Le duc de Weymar et le prince Bernard avaient été à sa rencontre jusqu'aux limites du territoire. S. M. est descendue au palais et s'est entretenue près de deux heures avec la duchesse; après quoi S. M. est montée à cheval pour se rendre à six lieues d'ici, à Eckarsberg, où était son quartier-général. Les princes ayant reconduit S. M. jusque-là, ont eu l'honneur d'y dîner le soir avec elle à son quartier-général.

La quantité de troupes qui passe ici est innombrable. Jamais on n'a vu de plus beaux trains d'artillerie ni de convois d'équipages militaires en meilleur état.

A S. M. l'impératrice-reine et régente
SITUATION DES ARMÉES FRANÇAISES DANS LE NORD, AU PREMIER MAI

L'empereur avait porté son quartier-général à Weissenfels; le vice-roi avait porté le sien à Mersebourg; le général Maison était entré à Halle; le duc de Raguse avait son quartier-général à Naumbourg; le comte Bertrand était à Stohssen; le duc de Reggio avait son quartier-général à Jéna.

Il a beaucoup plu dans la journée de 30: le premier mai, le temps était meilleur.

Trois ponts avaient été jetés sur la Saale, à Weissenfels: des ouvrages de campagne avaient été commencés à Naumbourg, et trois ponts jetés sur la Saale.

Quinze grenadiers du treizième de ligne se trouvant entre Saalfeld et Jéna, furent entourés par quatre-vingt-quinze hussards prussiens. Le commandant, qui était un colonel, s'avança en disant: Français, rendez-vous! Le sergent l'ajusta et le jeta par terre roide mort. Les autres grenadiers se pelotonnèrent, tuèrent sept Prussiens, et les hussards s'en allèrent plus vite qu'ils n'étaient venus.

Les différens partis de la vieille garde se sont réunis à Weissenfels; le général de division Roguet les commande.

L'empereur a visité tous les avant-postes: malgré le mauvais temps, S. M. jouit d'une très-bonne santé.

Le premier coup de sabre qui a été donné à ce renouvellement de campagne, a coupé l'oreille au fils du général Blucher, général-major. C'est par un maréchal-des-logis du dixième de hussards que ce coup de sabre a été donné. Les habitans de Weymar ont remarqué que le premier coup de sabre donné dans la campagne de 1806 à Saalfeld, et qui a tué le prince Louis de Prusse, a été donné aussi par un maréchal-des-logis de ce même régiment.

Le 2 mai, à neuf heures du matin.
A. S. l'impératrice-reine et régente

Le premier mai, l'empereur monta à cheval à neuf heures du matin, avec le prince de la Moskwa et le général Souham. La division Souham se mit en mouvement vers la belle plaine qui commence sur les hauteurs de Weissenfels et s'étend jusqu'à l'Elbe. Cette division se forma en quatre carrés de quatre bataillons chacun, chaque carré à cinq cents toises l'un de l'autre, et ayant quatre pièces de canon. Derrière les carrés se plaça la brigade de cavalerie du général Laboissière, sous les ordres du comte de Valmy qui venait d'arriver. Les divisions Gérard et Marchand venaient d'arriver en échelons et formées de la même manière que la division Souham. Le maréchal duc d'Istrie tenait la droite avec toute la cavalerie de la garde.

A onze heures, ces dispositions faites, le prince de la Moskwa, en présence d'une nuée de cavalerie ennemie qui couvrait la plaine, se mit en mouvement sur le défilé de Poserna. On s'empara de différens villages sans coup férir. L'ennemi occupait, sur les hauteurs du défilé, une de plus belles positions qu'on puisse avoir; il avait six pièces de canon, et présentait trois lignes de cavalerie.

Le premier carré passa le défilé au pas de charge et aux cris de vive l'empereur long-temps prolongés sur toute la ligne. On s'empara de la hauteur. Les quatre carrés de la division Souham dépassèrent le défilé.

Deux autres divisions de cavalerie vinrent alors renforcer l'ennemi avec vingt pièces de canon. La canonnade devint vive; l'ennemi ploya partout: la division Souham se dirigea sur Lutzen; la division Gérard prit la direction de la route de Pegau. L'empereur voulant renforcer les batteries de cette dernière division, envoya douze pièces de la garde, sous les ordres de son aide-de-camp le général Drouot, et ce renfort fit merveille. Les rangs de la cavalerie ennemie furent culbutés par la mitraille.

 

Au même moment, le vice-roi débouchait de Mersebourg, avec le onzième corps, commandé par le duc de Tarente, et le cinquième, commandé par le général Lauriston: le corps du général Lauriston tenait la gauche sur la grande route de Mersebourg à Leipsick; celui du duc de Tarente, où était le vice-roi, tenait la droite. Le vice-roi ayant entendu la vive canonnade qui avait lieu près de Lutzen, fit un mouvement à droite, et l'empereur se trouva presqu'au même moment au village de Lutzen.

La division Marchand, et successivement les divisions Brenier et Ricard passèrent le défilé; mais l'affaire était décidée quand elles entrèrent en ligne.

Quinze mille hommes de cavalerie ont donc été chassés de ces belles plaines, à peu près par un pareil nombre d'infanterie. C'est le général Wintzingerode qui commandait ces trois divisions, dont une était celle du général Lanskoi; l'ennemi n'a montré qu'une division d'infanterie. Devenu plus prudent par le combat de Weissenfels, et étonné du bel ordre et du sang-froid de notre marche, l'ennemi n'a osé aborder d'aucune part l'infanterie, et il a été écrasé par notre mitraille. Notre perte se monte à trente-trois hommes tués et cinquante-cinq blessés, dont un chef de bataillon. Cette perte pourrait être considérée comme extrêmement légère, en comparaison de celle de l'ennemi qui a eu trois colonels, trente officiers et quatre cents hommes tués ou blessés, outre un grand nombre de chevaux; mais par une de ces fatalités dont l'histoire de la guerre est pleine, le premier coup de canon qui fut tiré dans cette journée, coupa le poignet au duc d'Istrie, lui perça la poitrine, et le jeta roide mort. Il s'était avancé à cinq cents pas du côté des tirailleurs pour bien reconnaître la plaine. Ce maréchal qu'on peut à juste titre nommer brave et juste, était recommandable autant par son coup-d'oeil militaire, par sa grande expérience de l'arme de la cavalerie, que par ses qualités civiles et son attachement à l'empereur. Sa mort sur le champ d'honneur est la plus digne d'envie; elle a été si rapide qu'elle a dû être sans douleur. Il est peu de pertes qui pussent être plus sensibles au coeur de l'empereur; l'armée et la France entière partageront la douleur que S. M. a ressentie.

Le duc d'Istrie, depuis les premières campagnes d'Italie, c'est-à-dire, depuis seize ans, avait toujours, dans différens grades, commandé la garde de l'empereur qu'il avait suivi dans toutes ses campagnes et à toutes ses batailles.

Le sang-froid, la bonne volonté et l'intrépidité des jeunes soldats étonne les vétérans et tous les officiers: c'est le cas de dire qu'aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années.

S. M. a eu dans la nuit du 1er au 2 mai son quartier-général à Lutzen; le vice-roi avait son quartier-général à Markrandstedt; le général Lauriston était à Kiebersdorf; le prince de la Moskwa avait son quartier-général à Kaya, et le duc de Raguse avait le sien à Poserna. Le général Bertrand était à Stohssen; le duc de Reggio en marche sur Naumbourg.

A Dantzick la garnison a obtenu de grands avantages et fait une sortie si heureuse qu'elle a fait prisonnier un corps de trois mille Russes.

La garnison de Wittemberg paraît aussi s'être distinguée et avoir fait, dans une sortie, beaucoup de mal à l'ennemi.

Le 2 mai 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Les combats de Weissenfels et de Lutzen n'étaient que le prélude d'événemens de la plus haute importance. L'empereur Alexandre et le roi de Prusse qui étaient arrivés à Dresde avec toutes leurs forces dans les derniers jours d'avril, apprenant que l'armée française avait débouché de la Thuringe, adoptèrent le plan de lui livrer bataille dans les plaines de Lutzen, et se mirent en marche pour en occuper la position; mais ils furent prévenus par la rapidité des mouvemens de l'armée française; ils persistèrent cependant dans leurs projets, et résolurent d'attaquer l'armée pour la déposter des positions qu'elle avait prises.

La position de l'armée française au 2 mai, à neuf heures du matin, était la suivante:

La gauche de l'armée s'appuyait à l'Elster; elle était formée par le vice-roi, ayant sous ses ordres les cinquième et onzième corps. Le centre était commandé par le prince de la Moskwa, au village de Kaia. L'empereur avec la jeune et la vieille garde était à Lutzen.

Le duc de Raguse était au défilé de Poserna, et formait la droite avec ses trois divisions. Enfin le général Bertrand, commandant le quatrième corps, marchait pour se rendre à ce défilé. L'ennemi débouchait et passait l'Elster aux ponts de Zwenkau, Pegau et Zeist. S. M. ayant l'espérance de le prévenir dans son mouvement, et pensant qu'il ne pourrait attaquer que le 3, ordonna au général Lauriston, dont le corps formait l'extrémité de la gauche, de se porter sur Leipsick, afin de déconcerter les projets de l'ennemi, et de placer l'armée française, pour la journée du 3, dans une position toute différente de celle où les ennemis avaient compté la trouver et où elle était effectivement le 2, et de porter ainsi de la confusion et du désordre dans leurs colonnes.

À neuf heures du matin, S. M. ayant entendu une canonnade du côté de Leipsick, s'y porta au galop. L'ennemi défendait le petit village de Listenau et les ponts en avant de Leipsick. S. M. n'attendait que le moment où ces dernières positions seraient enlevées, pour mettre en mouvement toute son armée dans cette direction, la faire pivoter sur Leipsick, passer sur la droite de l'Elster, et prendre l'ennemi à revers; mais à dix heures, l'armée ennemie déboucha vers Kaïa, sur plusieurs colonnes d'une noire profondeur; l'horizon en était obscurci. L'ennemi présentait des forces qui paraissaient immenses. L'empereur fit sur-le-champ ses dispositions. Le vice-roi reçut l'ordre de se porter sur la gauche du prince de la Moskwa; mais il lui fallait trois heures pour exécuter ce mouvement. Le prince de la Moskwa prit les armes, et avec ses cinq divisions soutint le combat, qui au bout d'une demi-heure devint terrible. S. M. se porta elle-même à la tête de la garde derrière le centre de l'armée, soutenant la droite du prince de la Moskwa. Le duc de Raguse, avec ses trois divisions, occupait l'extrême droite. Le général Bertrand eut ordre de déboucher sur les derrières de l'armée ennemie, au moment où la ligne se trouverait le plus fortement engagée. La fortune se plut à couronner du plus brillant succès toutes ces dispositions. L'ennemi, qui paraissait certain de la réussite de son entreprise, marchait pour déborder notre droite et gagner le chemin de Weissenfels. Le général Compans, général de bataille du premier mérite, à la tête de la première division du duc de Raguse, l'arrêta tout court. Les régimens de marine soutinrent plusieurs charges avec sang-froid, et couvrirent le champ de bataille de l'élite de la cavalerie ennemie. Mais les grands efforts d'infanterie, d'artillerie et de cavalerie, étaient sur le centre. Quatre des cinq divisions du prince de la Moskwa étaient déjà engagées. Le village de Kaia fut pris et repris plusieurs fois. Ce village était resté au pouvoir de l'ennemi: le comte de Lobau dirigea le général Ricard pour reprendre le village; il fut repris.

La bataille embrassait une ligne de deux lieues couvertes de feu, de fumée et de tourbillons de poussière. Le prince de la Moskwa, le général Souham, le général Girard, étaient partout, faisaient face à tout. Blessé de plusieurs balles, le général Girard voulut rester sur le champ de bataille. Il déclara vouloir mourir en commandant et dirigeant ses troupes, puisque le moment était arrivé pour tous les Français qui avaient du coeur, de vaincre ou de mourir.

Cependant, on commençait à apercevoir dans le lointain la poussière et les premiers feux du corps du général Bertrand. Au même moment le vice-roi entrait en ligne sur la gauche, et le duc de Tarente attaquait la réserve de l'ennemi, et abordait au village où l'ennemi appuyait sa droite. Dans ce moment, l'ennemi redoubla ses efforts sur le centre; le village de Kaïa fut emporté de nouveau; notre centre fléchit; quelques bataillons se débandèrent; mais cette valeureuse jeunesse, à la vue de l'empereur, se rallia en criant vive l'empereur! S. M. jugea que le moment de crise qui décide du gain ou de la perte des batailles était arrivé: il n'y avait plus un moment à perdre. L'empereur ordonna au duc de Trévise de se porter avec seize bataillons de la jeune garde au village de Kaia, de donner tête baissée, de culbuter l'ennemi, de reprendre le village et de faire main basse sur tout ce qui s'y trouvait. Au même moment, S. M. ordonna à son aide-de-camp le général Drouot, officier d'artillerie de la plus grande distinction, de réunir une batterie de quatre-vingts pièces, et de la placer en avant de la vieille garde, qui fut disposée en échelons comme quatre redoutes, pour soutenir le centre, toute notre cavalerie rangée en bataille derrière. Les généraux Dulauloy, Drouot et Devaux partirent au galop avec leurs quatre-vingts bouches à feu placées en un même groupe. Le feu devint épouvantable. L'ennemi fléchit de tous côtés. Le duc de Trévise emporta sans coup férir le village de Kaia, culbuta l'ennemi et continua à se porter en avant en battant la charge. Cavalerie, infanterie, artillerie de l'ennemi, tout se mit en retraite.

Le général Bonnet, commandant une division du duc de Raguse, reçut ordre de faire un mouvement par sa gauche sur Kaïa, pour appuyer les succès du centre. Il soutint plusieurs charges de cavalerie dans lesquelles l'ennemi éprouva de grandes pertes.

Cependant le général comte Bertrand s'avançait et entrait en ligne. C'est en vain que la cavalerie ennemie caracola autour de ses carrés; sa marche n'en fut pas ralentie. Pour le rejoindre plus promptement, l'empereur ordonna un changement de direction en pivotant sur Kaïa. Toute la droite fit un changement de front, la droite en avant.

L'ennemi ne fit plus que fuir; nous le poursuivîmes une lieue et demie. Nous arrivâmes bientôt sur la hauteur que l'empereur Alexandre, le roi de Prusse et la famille de Brandebourg occupaient pendant la bataille. Un officier prisonnier qui se trouvait là, nous apprit cette circonstance.

Nous avons fait plusieurs milliers de prisonniers. Le nombre n'en a pu être considérable, vu l'infériorité de notre cavalerie et le désir que l'empereur avait montré de l'épargner.

Au commencement de la bataille, l'empereur avait dit aux troupes: C'est une bataille d'Égypte. Une bonne infanterie doit savoir se suffire.

Le général Gouré, chef d'état-major du prince de la Moskwa a été tué, mort digne d'un si bon soldat! Notre perte se monte à dix mille hommes tués ou blessés; celle de l'ennemi peut être évaluée de vingt-cinq à trente mille hommes. La garde royale de Prusse a été détruite. Les gardes de l'empereur de Russie ont considérablement souffert; les deux divisions de dix régimens de cuirassiers russes ont été écrasées.

S. M. ne saurait trop faire l'éloge de la bonne volonté, du courage et de l'intrépidité de l'armée. Nos jeunes soldats ne considéraient pas le danger. Ils ont dans cette circonstance relevé toute la noblesse du sang français.

L'état-major-général, dans sa relation, fera connaître les belles actions qui ont illustré cette brillante journée, qui, comme un coup de tonnerre, a pulvérisé les chimériques espérances et tous les calculs de destruction et de démembrement de l'empire. Les trames ténébreuses ourdies par le cabinet de Saint-James pendant tout un hiver, se trouvent en un instant dénouées comme le noeud gordien par l'épée d'Alexandre.

Le prince de Hesse-Hombourg a été tué. Les prisonniers disent que le jeune prince royal de Prusse a été blessé, que le prince de Mecklenbourg-Strelitz a été tué.

L'infanterie de la vieille garde, dont six bataillons étaient seulement arrivés, a soutenu par sa présence l'affaire avec ce sang-froid qui la caractérise. Elle n'a pas tiré un seul coup de fusil. La moitié de l'armée n'a pas donné, car les quatre divisions du corps du général Lauriston n'ont fait qu'occuper Leipsick; les trois divisions du duc de Reggio étaient encore à deux journées du champ de bataille: le comte Bertrand n'a donné qu'avec une de ses divisions, et si légèrement, qu'elle n'a pas perdu cinquante hommes; ses seconde et troisième divisions n'ont pas donné. La seconde division de la jeune garde, commandée par le général Barrois, était encore à cinq journées; il en est de même de la moitié de la vieille garde, commandée par le général Decouz, qui n'était encore qu'à Erfurth: des batteries de réserve formant plus de cent bouches à feu n'avaient pas rejoint, et elles sont encore en marche depuis Mayence jusqu'à Erfurth: le corps du duc de Bellune était aussi à trois jours du champ de bataille. Le corps de cavalerie du général Sébastiani, avec les trois divisions du prince d'Eckmühl, étaient du côté du Bas-Elbe. L'armée alliée forte de cent cinquante à deux cent mille hommes, commandée par les deux souverains, ayant un grand nombre de princes de la maison de Prusse à sa tête, a donc été défaite et mise en déroute par moins de la moitié de l'armée française.

 

Les ambulances et le champ de bataille offraient le spectacle le plus touchant: les jeunes soldats, a la vue de l'empereur, faisaient trêve à leur douleur, en criant: vive l'empereur!Il y a-vingt ans, a dit l'empereur, que je commande des armées françaises; je n'ai pas encore vu autant de bravoure et de dévouement.

L'Europe serait enfin tranquille, si les souverains et les ministres qui dirigent leurs cabinets, pouvaient avoir été présens sur ce champ de bataille. Ils renonceraient à l'espérance de faire rétrograder l'étoile de la France; ils verraient que les conseillers qui veulent démembrer l'empire français et humilier l'empereur, préparent la perte de leurs souverains.

Le 3 mai, à neuf heures du soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

L'empereur, à la pointe du jour du 3, avait parcouru le champ de bataille. A dix heures, il s'est mis en marche pour suivre l'ennemi. Son quartier-général, le 3 au soir, était à Pegau. Le vice-roi avait son quartier-général à Wichstanden, à mi-chemin de Pegau à Borna. Le comte Lauriston, dont le corps n'avait pas pris part à la bataille, était parti de Leipsick, pour se porter sur Zwemkau où il était arrivé. Le duc de Raguse avait passé l'Elster au village de Lietzkowitz, et la comte Bertrand l'avait passé au village de Gredel. Le prince de la Moskwa était resté en position sur le champ de bataille. Le duc de Reggio, de Naumbourg devait se porter sur Zeist.

L'empereur de Russie et le roi de Prusse avaient passé par Pegau dans la soirée du 2, et étaient arrivés au village de Loberstedt à onze heures du soir; ils s'y étaient reposés quatre heures, et en étaient partis le 3, à trois heures du matin, se dirigeant sur Borna.

L'ennemi ne revenait pas de son étonnement de se trouver battu dans une si grande plaine, par une armée ayant une si grande infériorité de cavalerie. Plusieurs colonels et officiers supérieurs faits prisonniers, assurent qu'au quartier-général ennemi, on n'avait appris la présence de l'empereur à l'armée, que lorsque la bataille était engagée; ils croyaient tous l'empereur à Erfurt.

Comme cela arrive toujours dans de pareilles circonstances, les Prussiens accusent les Russes de ne pas les avoir soutenus; les Russes accusent les Prussiens de ne s'être pas bien battus. La plus grande confusion règne dans leur retraite. Plusieurs de ces prétendus volontaires qu'on lève en Prusse, ont été faits prisonniers; ils font pitié. Tous déclarent qu'ils ont été enrôlés de force, et sous peine de voir les biens de leur famille confisqués.

Les gens du pays disent que le prince de Hesse-Hombourg a été tué: que plusieurs généraux russes et prussiens ont été tués ou blessés; le prince de Mecklenbourg-Strelitz aurait également été tué; mais toutes ces nouvelles ne sont encore que des bruits du pays.

La joie de ces contrées d'être délivrées des cosaques ne peut se décrire. Les habitans parlent avec mépris de toutes les proclamations et de toutes les tentatives qu'on a faites pour les engager à s'insurger.

L'armée russe et prussienne était composée du corps des généraux prussiens York, Blucher et Bulow; de ceux des généraux russes Wittgenstein, Wintzingerode, Miloradowitch et Tormazow. Les gardes russes et prussiennes y étaient. L'empereur de Russie, le roi de Prusse, le prince-royal de Prusse, tous les princes de la maison de Prusse étaient à la bataille.

L'armée combinée russe et prussienne est évaluée de cent cinquante à deux cent mille hommes. Tous les cuirassiers russes y étaient, et ont beaucoup souffert.

Le 4 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le quartier-général de l'empereur était le 4 au soir à Borna;

Celui du vice-roi à Kolditz;

Celui du général comte Bertrand à Frohbourg;

Celui du général comte Lauriston à Moeelbus;

Celui du prince de la Moskwa à Leipsick;

Celui du duc de Reggio à Zeitz.

L'ennemi se retire sur Dresde dans le plus grand désordre et par toutes les routes.

Tous les villages qu'on trouve sur la route de l'armée sont pleins de blessés russes et prussiens.

Le prince de Neufchâtel, major-général, a ordonné que l'on enterrât, le 4 au matin, à Pegau, le prince de Mecklenbourg-Strelitz avec tous les honneurs dus à son grade.

A la bataille du 2, le général Dumontier, qui commande la division de la jeune garde, a soutenu la réputation qu'il avait déjà acquise dans les précédentes campagnes. Il se loue beaucoup de sa division.

Le général de division Brenier a été blessé. Les généraux de brigade Chemineau et Grillot ont été blessés et amputés.

Recensement fait des coups de canon tirés à la bataille, le nombre s'en est trouvé moins considérable qu'on avait cru d'abord: on n'a tiré que trente-neuf mille cinq cents coups de canon. A la bataille de la Moskwa on en avait tiré cinquante et quelques mille.

Le 5 mai au soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le quartier-général de l'empereur était à Colditz, celui du vice-roi à Harta, celui du duc de Raguse derrière Colditz, celui du général Lauriston à Wurtzen, du prince de la Moskwa à Leipsick, du duc de Reggio à Altenbourg, et du général Bertrand à Rochlitz.

Le vice-roi arriva devant Colditz le 5 à neuf heures du matin. Le pont était coupé, et des colonnes d'infanterie et de cavalerie avec de l'artillerie défendaient le passage. Le vice-roi se porta avec une division à un gué qui est sur la gauche, passa la rivière, et gagna le village de Komichau, où il fit placer une batterie de vingt pièces de canon: l'ennemi évacua alors la ville de Colditz dans le plus grand désordre, et en défilant sous la mitraille de nos vingt pièces.

Le vice-roi poursuivit vivement l'ennemi; c'était le reste de l'armée prussienne, fort de vingt à vingt-cinq mille hommes, qui se dirigea, partie sur Leissnig, et partie sur Gersdorff.

Arrivées à Gersdorff, les troupes prussiennes passèrent à travers une réserve qui occupait cette position: c'était le corps russe de Miloradowitch, composé de deux divisions formant à peu près huit mille hommes sous les armes; les régimens russes, n'étant que de deux bataillons de quatre compagnies chaque, et les compagnies n'étant que de cent cinquante hommes, mais n'ayant que cent hommes présens sous les armes, ce qui ne fait que sept à huit cents hommes par régiment: ces deux divisions de Miloradowitch étaient arrivées à la bataille au moment où elle finissait, et n'avaient pas pu y prendre part.

Aussitôt que la trente-sixième division eut rejoint la trente-cinquième, le vice-roi donna l'ordre au duc de Tarente de former les deux divisions en trois colonnes, et de déposter l'ennemi. L'attaque fut vive: nos braves se précipitèrent sur les Russes, les enfoncèrent et les poussèrent sur Harta. Dans ce combat nous avons eu cinq à six cents blessés, et nous avons fait mille prisonniers: l'ennemi a perdu dans cette journée deux mille hommes.

Le général Bertrand arrivé à Rochlitz, y a pris quelques convois de blessés, de malades et de bagages, et a fait des prisonniers; plus de douze cents voitures de blessés avaient passé par cette route.

Le roi de Prusse et l'empereur Alexandre avaient couché à Rochlitz.

Un adjudant-sous-officier du dix-septième provisoire, qui avait été fait prisonnier à la bataille du 2, s'est échappé et a raconté que l'ennemi a fait de grandes pertes et se retire dans le plus grand désordre; que pendant la bataille les Russes et les Prussiens tenaient leur drapeaux en réserve, ce qui fait que nous n'en avons pas pu prendre; qu'ils nous ont fait cent deux prisonniers, dont quatre officiers; que ces prisonniers étaient conduits en arrière sous la garde du détachement laissé aux drapeaux; que les Prussiens ont fait de mauvais traitemens aux prisonniers; que deux prisonniers ne pouvant pas marcher par extrême fatigue, ils leur ont passé le sabre au travers du corps; que l'étonnement des Prussiens et des Russes d'avoir trouvé une armée si nombreuse, aussi bien exercée et munie de tout, était à son comble; qu'il y avait de la mésintelligence entre eux, et qu'ils s'accusaient respectivement de leurs pertes.