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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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«Les puissances alliées ont armé toute l'Europe contre moi; une partie de l'armée a trahi ses devoirs, et la France elle-même a voulu d'autres destinées.

«Avec vous et les braves qui me sont restés fidèles, j'aurais pu entretenir la guerre civile pendant trois ans; mais la France eût été malheureuse, ce qui était contraire au but que je me suis proposé.

«Soyez fidèles au nouveau roi que la France s'est choisi; n'abandonnez pas notre chère patrie, trop long-temps malheureuse! Aimez-la toujours, aimez-la bien cette chère patrie.

«Ne plaignez pas mon sort; je serai toujours heureux, lorsque je saurai que vous l'êtes.

«J'aurais pu mourir; rien ne m'eût été plus facile; mais je suivrai sans cesse le chemin de l'honneur. J'ai encore à écrire ce que nous avons fait.

«Je ne puis vous embrasser tous; mais j'embrasserai votre général.... Venez, général.... (Il serre le général Petit dans ses bras.) Qu'on m'apporte l'aigle.... (Il la baise.) Chère aigle! que ces baisers retentissent dans le coeur de tous les braves!… Adieu, mes enfans!… Mes voeux vous accompagneront toujours; conservez mon souvenir....»

LIVRE DIXIÈME
1815

Au golfe Juan, le 1er mars 1815.
PROCLAMATION
Au peuple français

Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l'État, empereur des Français, etc., etc., etc.

«Français, la défection du duc de Castiglione livra Lyon sans défense à nos ennemis, l'armée dont je lui avais confié le commandement était, par le nombre de ses bataillons, la bravoure et le patriotisme des troupes qui la composaient, à même de battre le corps d'armée autrichien qui lui était opposé, et d'arriver sur les derrières du flanc gauche de l'armée ennemie qui menaçait Paris.

Les victoires de Champ-Aubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamp, de Mormans, de Montereau, de Craone, de Reims, d'Arcis-sur-Aube et de Saint-Dizier; l'insurrection des braves paysans de la Lorraine, de la Champagne, de l'Alsace, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les derrières de l'armée ennemie, en la séparant de ses magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une situation désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissans, et l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressource; elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du duc de Raguse livra la capitale et désorganisa l'armée. La conduite inattendue de ces deux généraux qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre. La situation désastreuse de l'ennemi était telle, qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu devant Paris, il était sans munitions par sa séparation de ses parcs de réserve.

Dans ces nouvelles et grandes circonstances, mon coeur fut déchiré, mais mon âme resta inébranlable. Je ne consultai que l'intérêt de la patrie; je m'exilai sur un rocher au milieu des mers. Ma vie vous était et devait encore vous être utile. Je ne permis pas que le grand nombre de citoyens qui voulaient m'accompagner partageassent mon sort, je crus leur présence utile à la France, et je n'emmenai avec moi qu'une poignée de braves nécessaires à ma garde.

Élevé au trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illégitime. Depuis vingt-cinq ans la France a de nouveaux intérêts, de nouvelles institutions, une nouvelle gloire, qui ne peuvent être garantis que par un gouvernement national et par une dynastie née dans ces nouvelles circonstances. Un prince qui régnerait sur vous, qui serait assis sur mon trône par la force des mêmes armes qui ont ravagé notre territoire, chercherait en vain à s'étayer des principes du droit féodal; il ne pourrait assurer l'honneur et les droits que d'un petit nombre d'individus ennemis du peuple, qui, depuis vingt-cingt ans, les a condamnés dans toutes nos assemblées nationales. Votre tranquillité intérieure et votre considération extérieure seraient perdues à jamais.

Français! dans mon exil j'ai entendu vos plaintes et vos voeux; vous réclamez ce gouvernement de votre choix, qui seul est légitime. Vous accusiez mon long sommeil; vous me reprochiez de sacrifier à mon repos les grands intérêts de la patrie.

J'ai traversé les mers au milieu des périls de toute espèce; j'arrive parmi vous reprendre mes droits qui sont les vôtres. Tout ce que les individus ont fait, écrit ou dit depuis la prise de Paris, je l'ignorerai toujours: cela n'influera en rien sur le souvenir que je conserve des services importans qu'ils ont rendus; car il est des événemens d'une telle nature, qu'ils sont au-dessus de l'organisation humaine.

Français! il n'est aucune nation, quelque petite qu'elle soit, qui n'ait eu le droit, et ne se soit soustraite au déshonneur d'obéir à un prince imposé par un ennemi momentanément victorieux. Lorsque Charles VII rentra à Paris et renversa le trône éphémère de Henri V, il reconnut tenir son trône de la vaillance de ses braves, et non d'un prince régent d'Angleterre.

C'est aussi à vous seuls et aux braves de l'armée, que je fais et ferai toujours gloire de tout devoir.

NAPOLÉON.
Gap, le 6 mars 1815.
Aux habitans des départements des Hautes et Basses-Alpes

Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l'empire, empereur des Français, etc., etc., etc.

Citoyens,

J'ai été vivement touché de tous les sentimens que vous m'avez montrés; vos voeux seront exaucés; la cause de la nation triomphera encore! Vous avez raison de m'appeler votre père; je ne vis que pour l'honneur et le bonheur de la France. Mon retour dissipe toutes vos inquiétudes; il garantit la conservation de toutes les propriétés; l'égalité entre toutes les classes, et les droits dont vous jouissiez depuis vingt-cinq ans, et après lesquels nos pères ont tous soupiré, forment aujourd'hui une partie de votre existence.

Dans toutes les circonstances où je pourrai me trouver, je me rappellerai toujours avec un vif intérêt tout ce que j'ai vu en traversant votre pays.

NAPOLÉON.
Grenoble, 9 mars 1815.
Aux habitans du département de l'Isère

Citoyens,

Lorsque, dans mon exil, j'appris tous les malheurs qui pesaient sur la nation, que tous les droits du peuple étaient méconnus, et qu'il me reprochait le repos dans lequel je vivais, je ne perdis pas un moment. Je m'embarquai sur un frêle navire; je traversai les mers au milieu des vaisseaux de guerre de différentes nations; je débarquai sur le sol de la patrie, et je n'eus en vue que d'arriver avec la rapidité de l'aigle dans cette bonne ville de Grenoble, dont le patriotisme et l'attachement à ma personne m'étaient particulièrement connus.

Dauphinois, vous avez rempli mon attente.

J'ai supporté, non sans déchirement de coeur, mais sans abattement, les malheurs auxquels j'ai été en proie il y a un an; le spectacle que m'a offert le peuple sur mon passage, m'a vivement ému. Si quelques nuages avaient pu arrêter la grande opinion que j'avais du peuple français, ce que j'ai vu m'a convaincu qu'il était toujours digne de ce nom de grand peuple, dont je le saluai il y a plus de vingt ans.

Dauphinois! sur le point de quitter vos contrées pour me rendre dans ma bonne ville de Lyon, j'ai senti le besoin de vous exprimer toute l'estime que m'ont inspirée vos sentimens élevés. Mon coeur est tout plein des émotions que vous y avez fait naître; j'en conserverai toujours le souvenir.

NAPOLÉON.
Lyon, 13 mars 1815.
Aux habitans de la ville de Lyon

Lyonnais!

Au moment de quitter votre ville pour me rendre dans ma capitale, j'éprouve le besoin de vous faire connaître les sentimens que vous m'avez inspirés. Vous avez toujours été au premier rang dans mon affection. Sur le trône ou dans l'exil, vous m'avez toujours montré les mêmes sentimens. Ce caractère élevé qui vous distingue spécialement vous a mérité toute mon estime. Dans des momens plus tranquilles, je reviendrai pour m'occuper de vos besoins et de la prospérité de vos manufactures et de votre ville.

NAPOLÉON.
Lyon, 13 mars 1815.
Décret

Napoléon, etc., etc., etc.

Considérant que la chambre des pairs est composée en partie de personnes qui ont porté les armes contre la France, et qui ont intérêt au rétablissement des droits féodaux, à la destruction de l'égalité entre les différentes classes, à l'annullation des ventes des domaines nationaux, et enfin à priver le peuple des droits qu'il a acquis par vingt-cinq ans de combats contre les ennemis de la gloire nationale;

Considérant que les pouvoirs des députés au corps législatif étaient expirés, et que dès-lors, la chambre des communes n'a plus aucun caractère national; qu'une partie de cette chambre s'est rendue indigne de la confiance de la nation, en adhérant au rétablissement de la noblesse féodale, abolie par les constitutions acceptées par le peuple, en faisant payer par la France des dettes contractées à l'étranger pour tramer des coalitions et soudoyer des armées contre le peuple français; en donnant aux Bourbons le titre de roi légitime, ce qui était déclarer rebelles le peuple français et les armées, proclamer seuls bons Français les émigrés qui ont déchiré, pendant vingt-cinq ans, le sein de la patrie, et violé tous les droits du peuple en consacrant le principe que la nation était faite pour le trône, et non le trône pour la nation.

 

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. La chambre des pairs est dissoute.

2. La chambre des communes est dissoute; il est ordonné à chacun des membres convoqué, et arrivé à Paris depuis le 7 mars dernier, de retourner sans délai dans son domicile.

3. Les collèges électoraux des départemens de l'empire seront réunis à Paris, dans le courant du mois de mai prochain, en Assemblée extraordinaire du Champ-de-Mai, afin de prendre les mesures convenables pour corriger et modifier nos constitutions selon l'intérêt et la volonté de la Nation, et en même temps pour assister au couronnement de l'impératrice, notre très-chère et bien-aimée épouse, et à celui de notre cher et bien-aimé fils.

4. Notre grand-maréchal, faisant fonctions de major-général de la grande armée, est chargé de prendre les mesures nécessaires pour la publication du présent décret.

NAPOLÉON.
Paris, 26 mars 1815.
Réponse de Napoléon à une adresse de ses ministres

Les sentimens que vous m'exprimez sont les miens. Tout à la nation et tout pour la France! voilà ma devise.

Moi et ma famille, que ce grand peuple a élevés sur le trône des Français, et qu'il y a maintenus malgré les vicissitudes et les tempêtes politiques, nous ne voulons, nous ne devons, et nous ne pouvons jamais réclamer d'autres titres.

Réponse de Napoléon à une adresse du conseil d'état

Les princes sont les premiers citoyens de l'état. Leur autorité est plus ou moins étendue, selon l'intérêt des nations qu'ils gouvernent. La souveraineté elle-même n'est héréditaire que parce que l'intérêt des peuples l'exige. Hors de ces principes, je ne connais pas de légitimité.

J'ai renoncé aux idées du grand empire, dont depuis quinze ans je n'avais encore que posé les bases. Désormais le bonheur et la consolidation de l'empire français seront l'objet de toutes mes pensées.

Réponse de Napoléon à une adresse de la cour de cassation

Dans les premiers âges de la monarchie française, des peuplades guerrières s'emparèrent des Gaules. La souveraineté, sans doute, ne fut pas organisée dans l'intérêt des Gaulois, qui furent esclaves ou n'eurent aucuns droits politiques; mais elle le fut dans l'intérêt de la peuplade conquérante. Il n'a donc jamais été vrai de dire, dans aucune période de l'histoire, dans aucune nation, même en Orient, que les peuples existassent pour les rois; partout il a été consacré que les rois n'existaient que pour les peuples. Une dynastie, créée dans les circonstances qui ont créé tant de nouveaux intérêts, ayant intérêt au maintien de tous les droits et de toutes les propriétés, peut seule être naturelle et légitime, et avoir la confiance et la force, ces deux premiers caractères de tout gouvernement.

Réponse de Napoléon à une adresse de la cour des comptes

Ce qui distingue spécialement le trône impérial, c'est qu'il est élevé par la nation, qu'il est par conséquent naturel, et qu'il garantit tous les intérêts: c'est là le vrai caractère de la légitimité. L'intérêt impérial est de consolider tout ce qui existe et tout ce qui a été fait en France dans vingt-cinq années de révolution; il comprend tous les intérêts, et surtout l'intérêt de la gloire et de la nation, qui n'est pas le moindre de tous.

Réponse de Napoléon à une adresse de la cour impériale de Paris

Tout ce qui est revenu avec les armées étrangères, tout ce qui a été fait sans consulter la nation est nul. Les cours de Grenoble et de Lyon, et tous les tribunaux de l'ordre judiciaire que j'ai rencontrés, lorsque le succès des événemens était encore incertain, m'ont montré que ces principes étaient gravés dans le coeur de tous les Français.

Réponse de Napoléon à une adresse du conseil municipal de la ville de Paris

J'agrée les sentimens de ma bonne ville de Paris. J'ai mis du prix à entrer dans ces murs à l'époque anniversaire du jour où, il y a quatre ans, tout le peuple de cette capitale me donna des témoignages si touchans de l'intérêt qu'il portait aux affections qui sont le plus près de mon coeur. J'ai dû pour cela devancer mon armée, et venir seul me confier à cette garde nationale que j'ai créée, et qui a si parfaitement atteint le but de sa création. J'ambitionne de m'en conserver à moi-même le commandement. J'ai ordonné la cessation des grands travaux de Versailles, dans l'intention de faire tout ce que les circonstances permettront pour achever les établissemens commencés à Paris, qui doit être constamment le lieu de ma demeure et la capitale de l'empire; dans des temps plus tranquilles, j'achèverai Versailles, ce beau monument des arts, mais devenu aujourd'hui un objet accessoire. Remerciez en mon nom le peuple de Paris de tous les témoignages d'affection qu'il me donne.

Au palais des Tuileries, le 25 mars 1815.
Décrets impériaux

Napoléon, empereur des Français, etc., etc., etc.

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. Les biens rendus aux émigrés par le dernier gouvernement depuis le 1er avril 1814, et qu'ils auraient aliénés en forme légale et authentique avant nos décrets du 13 du présent mois, ne sont pas compris dans les mesures de séquestres ordonnées par lesdits décrets, sauf aux agens de l'enregistrement à poursuivre, sur les tiers-acquéreurs, le paiement de ce qui pourra être dû sur le prix des aliénations.

2. Si quelques-unes de ces aliénations, bien qu'antérieures à nos décrets du 13 mars présent mois, portaient le caractère de la fraude et de la simulation, la régie de l'enregistrement devra en poursuivre l'annulation devant les tribunaux ordinaires, après avoir rassemblé tous les documens propres à établir la fraude.

3. Les ventes faites par les émigrés désignés aux articles précédens, depuis nos décrets du 13 mars, sont déclarées nulles, sauf aux acquéreurs à prouver devant nos tribunaux qu'elles ont été faites de bonne foi.

4. Les biens que des émigrés rentrés avec la famille des Bourbons auraient acquis depuis le 1er avril 1814 ne seront point soumis au séquestre. Néanmoins, lesdit émigrés seront tenus de vendre, ou mettre hors de leurs mains ces biens, dans le délai de deux ans.

5. Nos décrets du 13 mars, présent mois, seront exécutés dans le surplus de leurs dispositions non contraires aux présentes.

Au palais des Tuileries, le 11 avril 1815.
Au général Grouchy

«Monsieur le comte Grouchy, l'ordonnance du roi en date du 6 mars, et la déclaration signée le 13 à Vienne par ses ministres, pouvaient m'autoriser à traiter le duc d'Angoulême comme cette ordonnance et cette déclaration voulaient qu'on traitât moi et ma famille; mais constant dans les dispositions qui m'avaient porté à ordonner que les membres de la famille des Bourbons pussent sortir librement de France, mon intention est que vous donniez les ordres pour que le duc d'Angoulême soit conduit à Cette, où il sera embarqué, et que vous veilliez à sa sûreté et à écarter de lui tout mauvais traitement. Vous aurez soin seulement de retirer les fonds qui ont été enlevés des caisses publiques, et de demander au duc d'Angoulême qu'il s'oblige à la restitution des diamans de la couronne qui sont la propriété de la nation. Vous lui ferez connaître en même temps les dispositions des lois des assemblées nationales, qui ont été renouvelées, et qui s'appliquent aux membres de la famille des Bourbons qui entreraient sur le territoire français. Vous remercierez en mon nom les gardes nationales du patriotisme et du zèle qu'elles ont fait éclater et de l'attachement qu'elles m'ont montré dans ces circonstances importantes.»

NAPOLÉON.
Paris, le 22 avril 1815.
Acte additionnel aux constitutions de l'empire

Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions, empereur des Français, à tous présens et à venir, salut.

Depuis que nous avons été appelés, il y a quinze années, par le voeu de la France, au gouvernement de l'état, nous avons cherché á perfectionner, à diverses époques, les formes constitutionnelles, suivant les besoins et les désirs de la nation, et en profitant des leçons de l'expérience. Les constitutions de l'empire se sont ainsi formées d'une série d'actes qui ont été revêtus de l'acceptation du peuple. Nous avions alors pour but d'organiser un grand système fédératif européen, que nous avions adopté comme conforme à l'esprit du siècle, et favorable aux progrès de la civilisation. Pour parvenir à le compléter et à lui donner toute l'étendue et toute la stabilité dont il était susceptible, nous avions ajourné l'établissement de plusieurs institutions intérieures, plus spécialement destinées à protéger la liberté des citoyens. Notre but n'est plus désormais que d'accroître la prospérité de la France par l'affermissement de la liberté publique. De là résulte la nécessité de plusieurs modifications importantes dans les constitutions, sénatus-consultes et autres actes qui régissent cet empire. A ces causes, voulant, d'un côté, conserver du passé ce qu'il y a de bon et de salutaire, et de l'autre, rendre les constitutions de notre empire conformes en tout aux voeux et aux besoins nationaux, ainsi qu'à l'état de paix que nous désirons maintenir avec l'Europe, nous avons résolu de proposer au peuple une suite de dispositions tendantes à modifier et perfectionner ses actes constitutionnels, à entourer les droits des citoyens de toutes leurs garanties, à donner au système représentatif toute son extension, à investir les corps intermédiaires de la considération et du pouvoir désirables, en un mot, à combiner le plus haut point de liberté publique et de sûreté individuelle avec la force et la neutralisation nécessaire pour faire respecter par l'étranger l'indépendance du peuple français, et la dignité de notre couronne. En conséquence, les articles suivans, formant un acte supplémentaire aux constitutions de l'empire, seront soumis à l'acceptation libre et solennelle de tous les citoyens, dans l'étendue de la France.

Titre 1er—Dispositions générales.

Art 1er. Les constitutions de l'empire, nommément l'acte constitutionnel du 23 frimaire an 8, les sénatus-consultes des 14 et 16 thermidor an 10, et celui du 28 floréal an 12, seront modifiés par les dispositions qui suivent. Toutes les autres dispositions sont confirmées et maintenues.

2. Le pouvoir législatif est exercé par l'empereur et deux chambres.

3. La première chambre, nommée chambre des pairs, est héréditaire.

4. L'empereur en nomme les membres, qui sont irrévocables, eux et leurs descendans mâles, d'aîné en aîné en ligne directe. Le nombre des pairs est illimité. L'adoption ne transmet point la dignité de pair à celui qui en est l'objet. Les pairs prennent séance à vingt-un ans, mais n'ont voix délibérative qu'à vingt-cinq.

5. La chambre des pairs est présidée par l'archi-chancelier de l'empire, ou, dans le cas prévu par l'article 51 du sénatus-consulte du 18 floréal an 12, par un des membres de cette chambre désigné spécialement par l'empereur.

6. Les membres de la famille impériale, dans l'ordre de l'hérédité, sont pairs de droit. Ils siègent après le président. Ils prennent séance à dix-huit ans, mais n'ont voix délibérative qu'à vingt-un.

7. La seconde chambre, nommée chambre des représentans, est élue par le peuple.

8. Les membres de cette chambre sont au nombre de six cent vingt-neuf. Ils doivent être âgés de vingt-cinq ans au moins.

9. Le président de la chambre des représentans est nommé par la chambre, à l'ouverture de la première session. Il reste en fonctions jusqu'au renouvellement de la chambre. Sa nomination est soumise à l'approbation de l'empereur.

10. La chambre des représentans vérifie les pouvoirs de ses membres et prononce sur la validité des élections contestées.

11. Les membres de la chambre des représentans reçoivent, pour frais de voyage, et durant la session, l'indemnité décrétée par l'assemblée constituante.

12. Ils sont indéfiniment rééligibles.

13. La chambre des représentans est renouvelée de droit en entier tous les cinq ans.

 

14. Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être arrêté, sauf le cas de flagrant délit, ni poursuivi en matière criminelle ou correctionnelle, pendant les sessions, qu'en vertu d'une résolution de la chambre dont il fait partie.

15. Aucun ne peut être arrêté ni détenu pour dettes, à partir de la convocation, ni quarante jours après la session.

16. Les pairs sont jugés par leur chambre, en matière criminelle ou correctionnelle, dans les formes qui seront réglées par la loi.

17. La qualité de pair et de représentant est compatible avec toutes fonctions publiques, hors celles de comptables. Toutefois les préfets et sous-préfets ne sont pas éligibles par le collège électoral du département ou de l'arrondissement qu'ils administrent.

18. L'empereur envoie dans les chambres des ministres d'état et des conseillers d'état qui y siègent et prennent part aux discussions, mais qui n'ont voix délibérative que dans le cas où ils sont membres de la chambre comme pair ou élu du peuple.

19. Les ministres qui sont membres de la chambre des pairs ou de celle des représentans, ou qui siègent par mission du gouvernement, donnent aux chambres les éclaircissemens qui sont jugés nécessaires, quand leur publicité ne compromet pas l'intérêt de l'état.

20. Les séances des deux chambres sont publiques. Elles peuvent néanmoins se former en comité secret; la chambre des pairs, sur la demande de dix membres, celle des représentans sur la demande de vingt-cinq. Le gouvernement peut également requérir des comités secrets pour des communications à faire. Dans tous les cas, les délibérations et les votes ne peuvent avoir lieu qu'en séance publique.

21. L'empereur peut proroger, ajourner et dissoudre la chambre des représentans. La proclamation qui prononce la dissolution, convoque les collèges électoraux pour une élection nouvelle, et indique la réunion des représentans dans six mois au plus tard.

22. Durant l'intervalle des sessions de la chambre des représentans, ou en cas de dissolution de cette chambre, la chambre des pairs ne peut s'assembler.

23. Le gouvernement a la proposition de la loi; les chambres peuvent proposer des amendemens. Si ces amendemens ne sont pas adoptés par le gouvernement, les chambres sont tenues de voter sur la loi, telle qu'elle a été proposée.

24. Les chambres ont la faculté d'inviter le gouvernement à proposer une loi sur un objet déterminé, et de rédiger ce qui leur paraît convenable d'insérer dans la loi. Cette demande peut être faite par chacune des deux chambres.

25. Lorsqu'une rédaction est adoptée dans l'une des deux chambres, elle est portée à l'autre, et si elle y est approuvée, elle est portée à l'empereur.

26. Aucun discours écrit, excepté les rapports des commissions, les rapports des ministres sur les lois qui sont présentées et les comptes qui sont rendus, ne peut être lu dans l'une ou l'autre des chambres.

Titre II.—Des collèges électoraux et du mode d'élection.

27. Les collèges électoraux de département et d'arrondissement sont maintenus, conformément au sénatus-consulte du 16 thermidor an 10, sauf les modifications qui suivent.

28. Les assemblées de canton rempliront chaque année, par des élections annuelles, toutes les vacances dans les collèges électoraux.

29. A dater de l'an 1816, un membre de la chambre des pairs, désigné par l'empereur, sera président à vie et inamovible de chaque collège électoral de département.

30. A dater de la même époque, le collège électoral de chaque département nommera, parmi les membres de chaque collège d'arrondissement, le président et deux vice-prèsidens. A cet effet, l'assemblée du collège de département précédera de quinze jours celle du collège d'arrondissement.

31. Les collèges de département et d'arrondissement nommeront le nombre de représentans établi pour chacun par l'acte et le tableau.

32. Les représentans peuvent être choisis indifféremment dans toute l'étendue de la France. Chaque collége de département ou d'arrondissement qui choisira un représentant hors du département ou de l'arrondissement, nommera un suppléant qui sera pris nécessairement dans le département ou l'arrondissement.

33. L'industrie et la propriété manufacturière et commerciale auront une représentation spéciale. L'élection des représentans commerciaux et manufacturiers sera faite par le collége électoral de département, sur une liste d'éligibles dressée par les chambres de commerce et les chambres consultatives réunies suivant l'acte et le tableau.

Titre III.—De la loi de l'impôt.

34. L'impôt général direct, soit foncier, soit mobilier, n'est voté que pour un an; les impôts indirects peuvent être votés pour plusieurs années.

Dans le cas de la dissolution de la chambre des représentans, les impositions votées dans la session précédente sont continuées jusqu'à la nouvelle réunion de la chambre.

35. Aucun impôt direct ou indirect en argent ou en nature ne peut être perçu, aucun emprunt ne peut avoir lieu, aucune inscription de créance au grand-livre de la dette publique ne peut être faite, aucun domaine ne peut être aliéné ni échangé, aucune levée d'hommes pour l'armée ne peut être ordonnée, aucune portion du territoire ne peut être échangée qu'en vertu d'une loi.

36. Toute proposition d'impôt, d'emprunt ou de levée d'hommes, ne peut être faite qu'à la chambre des représentans.

37. C'est aussi à la chambre des représentans qu'est porté d'abord, 1º budget général de l'état, contenant l'aperçu des recettes et la proposition des fonds assignés pour l'année à chaque département du ministère; 2º le compte des recettes et dépenses de l'année ou des années précédentes.

Titre IV.—Des ministres et de la responsabilité.

38. Tous les actes du gouvernement doivent être contre-signés par un ministre ayant département.

39. Les ministres sont responsables des actes du gouvernement signés par eux, ainsi que de l'exécution des lois.

40. Ils peuvent être accusés par la chambre des représentans, et sont jugés par celle des pairs.

41. Tout ministre, tout commandant d'armée de terre ou de mer peut être accusé par la chambre des représentans, et jugé par la chambre des pairs, pour avoir compromis la sûreté ou l'honneur de la nation.

42. La chambre des pairs, en ce cas, exerce, soit pour caractériser le délit, soit pour infliger la peine, un pouvoir discrétionnaire.

43. Avant de prononcer la mise en accusation d'un ministre, la chambre des représentans doit déclarer qu'il y a lieu à examiner la proposition d'accusation.

44. Cette déclaration ne peut se faire qu'après le rapport d'une commission de soixante membres tirés au sort. Cette commission ne fait son rapport que dix jours au plus tôt après sa nomination.

45. Quand la chambre a déclaré qu'il a lieu à examen, elle peut appeler le ministre dans son sein pour lui demander des explications. Cet appel ne peut avoir lieu que dix jours après le rapport de la commission.

46. Dans tout autre cas, les ministres ayant département ne peuvent être appelés ni mandés par les chambres.

47. Lorsque la chambre des représentans a déclaré qu'il y a lieu à examen contre un ministre, il est formé une nouvelle commission de soixante membres tirés au sort, comme la première, et il est fait, par cette commission, un nouveau rapport sur la mise en accusation. Cette commission ne fait son rapport que dix jours après sa nomination.

48. La mise en accusation ne peut être prononcée que dix jours après la lecture et la distribution du rapport.

49. L'accusation étant prononcée, la chambre des représentans nomme cinq commissaires pris dans son sein, pour poursuivre l'accusation devant la chambre des pairs.

50. L'article 75 du titre VIII de l'acte constitutionnel du 22 frimaire an 8, portant que les agens du gouvernement ne peuvent être poursuivis qu'en vertu d'une décision du conseil-d'état, sera modifié par une loi.

Titre V.—Du pouvoir judiciaire.

51. L'empereur nomme tous les juges. Ils sont inamovibles et à vie, dès l'instant de leur nomination, sauf la nomination des juges de paix et des juges de commerce, qui aura lieu comme par le passé.

Les juges actuels nommés par l'empereur aux termes du sénatus-consulte du 12 octobre 1807, et qu'il jugera convenable de conserver, recevront des provisions à vie avant le 1er janvier prochain.

52. L'institution des jurés est maintenue.

53. Les débats en matière criminelle sont publics.

54. Les délits militaires seuls sont du ressort des tribunaux militaires.

55. Tous les autres délits, même commis par les militaires, sont de la compétence des tribunaux civils.

56. Tous les crimes et délits qui étaient attribués à la haute cour impériale, et dont le jugement n'est pas réservé par le présent acte à la chambre des pairs, seront portés devant les tribunaux ordinaires.

67. L'empereur a le droit de faire grâce, même en matière correctionnelle, et d'accorder des amnisties.

58. Les interprétations des lois demandées par la cour de cassation, seront données dans la forme d'une loi.