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CHAPITRE QUATORZE

Lorsque Riley ouvrit la porte de sa chambre, une petite lumière clignotait dans le noir. Le répondeur indiquait un nouveau message.

Qu'est-ce que ça peut bien être ? se demanda-t-elle.

Pendant un bref instant, elle s'imagina que ce pourrait être Ryan appelant de sa voiture...

« Salut Riley, nous avons oublié de parler d'un autre rendez-vous plus tard dans la semaine... »

Bien sûr, elle savait que ce n'allait pas être lui et c'était tout aussi bien. Elle ne voulait certainement pas revivre la soirée gênante qu'ils venaient de partager. Non, ils n'avaient pas accroché, et c'était tout. Elle n'en ressentait même pas de la tristesse.

Elle s'avança silencieusement dans la chambre, pensant que Trudy devait déjà dormir.

Mais elle n'était pas dans son lit.

Riley se sentit immédiatement alarmée. Aller à la bibliothèque avait été une étape importante pour Trudy. Elle n'était sans doute pas ressortie cette nuit.

Est-ce qu'elle va bien ?

Riley alluma la lumière et vit une note sur la table près du répondeur. Elle la ramassa et la lut.

Je suis juste descendue à la salle commune pour étudier un moment.

Un petit cœur était dessiné sous le message.

Riley se sentit respirer à nouveau. Trudy était simplement dans le grand salon du dortoir au bout du hall.

Mais la lumière du répondeur clignotait encore.

Alors, qui avait appelé ? Quelqu'un à qui elle aurait envie de parler ?

Elle ne voulait certainement pas reparler à son père de sitôt.

Finalement, elle se dit qu'elle était ridicule et écouta la cassette. Elle entendit une voix féminine...

« Salut les filles... c'est Kyra. Je pensais juste que je... »

Alors que la voix se tut pendant ce qui semblait être un moment d'indécision, Riley réalisa...

Kyra. La grande sœur de Rhea.

La voix continua...

« Je suis désolée de vous déranger, je voulais juste... Appelez-moi, ok ? »

Puis elle laissa son numéro de téléphone, et le message se finit dans un bip.

Riley se rappelait bien de Kyra. Elle avait passé son diplôme à Lanton il y a trois ans, et était revenue rendre visite à sa petite sœur quelques fois. Lorsqu'elle venait, elle passait également du temps avec Riley et Trudy.

C'était une jeune femme solide et chaleureuse avec un sens de l'humour contagieux, ressemblant plus à Trudy qu'à sa jeune sœur plus réservée.

Ou du moins, plus à Trudy telle qu'elle était avant, se dit Riley.

Mais sa voix sur la cassette semblait troublée et inquiète, ce qui bien sûr était à peine surprenant.

L'appel datant seulement d'à peine vingt minutes, Riley imagina qu'il n'était pas trop tard pour la rappeler.

Elle composa le numéro et Kyra décrocha.

— Salut Kyra, c'est Riley.

— Salut Riley. Merci de me rappeler si vite.

Le silence se fit. Bien que Riley avait envoyé une carte à la famille de Rhea, elle réalisa avec culpabilité qu'elle n'avait pas pris contact avec Kyra personnellement.

— Je suis... je suis tellement, tellement désolée pour ce qui est arrivé, balbutia Riley.

— Ouais, dit Kyra. Comment tu t'en sors ?

Riley fut surprise par la question, venant de la propre sœur de Rhea.

— Peu importe, répondit Riley. C'est surtout toi et ta famille ?

Elle entendit Kyra soupirer profondément.

— Ça a été vraiment, vraiment dur. Je suis retournée à la maison dès que j'ai entendu la nouvelle, c'est vraiment difficile pour Maman et Papa. Ça semble tellement irréel. Je ne peux même pas...

Elle laissa le silence retomber.

— Nous avons eu un service funéraire et un enterrement vraiment privé. La ville entière était trop choquée pour faire plus. Mais nous organisons un petit service commémoratif ici à la maison ce dimanche. Ça va vraiment être bizarre pour moi, les gens ici seront tous de la famille et des amis de la communauté, beaucoup de gens avec qui je n'ai quasiment pas parlé ces dernières années. J'ai l'impression que je ne les connais même plus, et que c'est pareil pour eux. Je me sens bien plus proche de toi et Trudy. En fait, je pense que c'était aussi le cas pour Rhea.

Riley dégluti avec difficulté. Elle savait ce qu'elle allait entendre ensuite.

— Oh Riley, dit Kyra, j'aurais aimé que vous puissiez venir toutes les deux. Ça m'aiderait beaucoup.

Riley ne dit rien pendant un moment.

— Kyra, dit-elle enfin, Trudy et moi n'avons pas de voiture, mais... il y a un bus d'ici à Herborn, non ?

— C'est ça. Il y a un bus partant le matin de Lanton qui vous amènerait ici pile à l'heure. Je pourrais vous retrouver à l'arrêt de bus.

Elle savait qu'il n'allait pas être facile de passer l'après-midi parmi les amis et les proches de Rhea endeuillés.

Mais elle savait qu'elle ne pouvait pas refuser.

Cela ne serait pas correct.

— Bien sûr, je viendrai, dit-elle. Je vais demander à Trudy si elle vient aussi. Merci de nous avoir invitées.

— Merci à toi, répondit Kyra, semblant soulagée.

Dès que Riley raccrocha, elle regretta de ne pas avoir posé quelques questions à Kyra. Par exemple, si la police tenait la famille de Rhea informée quant aux éventuels progrès qu'ils faisaient pour attraper le tueur ? Car Riley n'avait entendu aucune nouvelle, et personne ne semblait en avoir.

Elle aurait peut-être le temps de parler à Kyra de tout cela dimanche.

Quoi qu'il en soit, elle devait en parler immédiatement à Trudy. Elle se rendit à la salle commune, où elle trouva Trudy lovée dans un canapé en train de lire un livre de cours. Quelques autres filles s'agglutinaient devant la TV, regardant un genre de spectacle de fin de soirée. Elles ne prêtèrent aucune attention à Riley et Trudy.

Riley s'assit à côté de sa colocataire.

— Trudy, nous avons eu un appel de Kyra.

Trudy referma son livre et ouvrit de grands yeux.

— Oh ! Comment elle va ?

— Elle est... enfin, tu sais, dit Riley avec un haussement d'épaule. Elle ne savait vraiment pas comment répondre à cette question.

— Sa famille à Herborn organise un service commémoratif dimanche. Nous sommes invitées toutes les deux.

Trudy resta bouche bée et devint pâle.

— Oh, Riley, dit-elle presque dans un murmure. Tu va y aller ?

— Je dois y aller, Trudy. Et toi aussi. Kyra avait vraiment l'air d'avoir besoin de nous là bas.

Trudy regarda dans le vide un moment.

— Riley, dit-elle enfin, je ne peux pas. Je suis désolée mais je ne peux juste... pas.

Riley était choquée.

— Pourquoi pas ?

— Je suis juste... je suis encore... , bredouilla Trudy. Riley, tu sais très bien que j'ai du mal à m'en sortir. Je ne pourrais jamais y arriver. Je vais juste m’effondrer et rendre les choses encore plus difficiles pour tout le monde.

Riley commençait maintenant à se sentir un peu énervée, mais elle essaya de ne pas le montrer.

— Trudy, je pense... eh bien, ça pourrait vraiment faire du bien. Tu penses que ton conseiller en dirait quoi ? C'est peut-être même ce dont tu as besoin. Ça pourrait te donner une...

— Conclusion, dit Trudy, achevant la pensée de Riley. Ouais je sais. Et tu as sans doute raison, mais...

Sa voix se brisa.

Elle finit par dire, d'une voix tremblante...

— Je ne peux pas. Je ne peux vraiment pas.

Riley s'attarda un moment, essayent de trouver un moyen de persuader Trudy de l'accompagner au service. Mais elle ne trouvait rien d'autre à dire. Elle était certaine que Trudy ne changerait pas d'avis, même si elle prenait les prochains jours pour y réfléchir.

Essayant de ne pas faire entendre son amertume, Riley dit...

— Je vais rappeler Kyra et lui dire...

— Non, répondit Trudy. Je vais la contacter. Je suis quasiment certaine que j'ai son adresse e-mail.

Riley retint un soupir. Il n'y avait vraiment plus rien à ajouter. Elle laissa Trudy seule dans la salle commune sans un autre mot.

Sur le chemin du retour vers sa chambre, Riley hésita puis s'arrêta. Elle se trouvait devant une porte fermée. Elle s'y était arrêtée de la même façon assez souvent pendant les deux dernières semaines. Elle ne parvenait même pas à se l'expliquer.

Elle espérait peut être trouver une quelconque information, même juste une intuition, sur ce qui s'était passé à l'intérieur de cette chambre lors de cette terrible nuit.

Mais jusqu'à présent, elle ne ressentait pas grand chose lorsqu'elle se tenait là, à l'exception de la triste sensation de l'absence de Rhea.

Et bien sûr, elle était certaine que la porte était verrouillée et qu'elle ne parviendrait pas rentrer à l'intérieur, même si elle le voulait.

Comme pour se le prouver, elle tendit le bras et saisit la poignée.

Au grand étonnement de Riley, la poignée tourna facilement et la porte s'ouvrit.

Quelqu'un a oublié de la fermer, réalisa-t-elle.

Alors, voulait-elle vraiment y pénétrer ?

Oui, elle le voulait.

Riley s'avança prudemment et alluma la lumière. Elle referma la porte derrière elle.

La chambre semblait encore plus étrange que ce à quoi elle s'était attendu, complètement dépouillée de tout ce qui avait appartenu à Rhea ou Heather. L'un des lits avait été enlevé et le matelas sur le second semblait particulièrement dégarni et austère. Et le sang sur le sol avait été frotté si vigoureusement que Riley pouvait encore sentir le produit nettoyant utilisé.

 

Et pourtant...

Un étrange sentiment remua en elle, ressemblant à son expérience précédente, lorsqu'elle avait suivi les pas du tueur le long des chemins du campus.

Riley frissonna.

Voulait-elle vraiment inviter encore une fois la présence du tueur ?

D'un autre côté, comment pouvait-elle faire autrement ?

Peu importe ce que c'était, peut-être, juste peut-être, apprendrait-elle quelque chose d'important, voire même qui était le tueur.

Elle se dit que son imagination s'emballait un peu.

Mais Riley réalisa qu'au fond d'elle-même, elle acceptait cette expérience étrange comme quelque chose de réel.

Elle ferma les yeux et se représenta la chambre, telle qu'elle l'avait été lorsque Rhea et Heather y vivaient, un joyeux désordre, les lits défaits, des affaires dispersées un peu partout et des posters aux murs.

Puis une horreur réelle la frappa...

Elle se tenait au dessus du corps de Rhea, pas encore morte, haletante et se tordant dans tous les sens tandis que le sang jaillissait de la plaie béante à sa gorge. Riley sentit les doigts du tueur s'enrouler autour de la poignée du couteau tandis qu'elle regardait vers la lame brillante de sang.

Elle sentit un sourire de satisfaction se former sur son visage.

Le tueur était impatient de recommencer, et pourtant, il se rappelait à l'ordre...

« Je ne suis pas pressé. »

Les yeux de Riley se rouvrirent et le charme fut rompu. Elle tremblait.

Bien que l'épisode ait été bref, il avait été bien plus intense que ce qu'elle avait pu vivre sur les chemins du campus.

Devait-elle essayer de se replonger dans cet état d'esprit, afin de voir si elle parvenait à en apprendre plus sur le tueur ?

Elle ferma les yeux et respira doucement...

… mais rien ne se passa.

Pourtant, elle ne se sentait pas le moins du monde découragée.

Au contraire, elle ressentait quelque chose qu'elle n'avait plus connu depuis que Rhea avait été assassinée.

D'une façon qu'elle ne comprenait pas encore, elle était à la poursuite du meurtrier.

Tant qu'elle pouvait apercevoir le monde à travers ses yeux, même brièvement et occasionnellement, elle possédait plus de pouvoir sur lui qu'il ne pouvait le comprendre.

Elle murmura à la présence invisible...

« Je te surveille. »

Puis elle éteint la lumière, quitta la chambre, referma la porte et retourna à la sienne.

Elle réalisa qu'elle vivait quelque chose de nouveau.

Et que cela pourrait juste tout changer.

CHAPITRE QUINZE

Riley se sentait terriblement mal à l'aise au service commémoratif ce dimanche. Plus encore, elle se sentait tel un alien mal préparé pour visiter une autre planète.

La famille de Rhea Thorson vivait dans une belle maison tout en couleur crème et beige, et si bien entretenue qu'elle semblait plus neuve qu'elle ne devait l'être réellement. La famille et les amis s'entassaient dans le salon, tous semblant de toute évidence connaître et se soucier des autres.

Riley ne tenait pas en place sur sa chaise et elle se demanda...

A quoi cela ressemblait-il de vraiment avoir sa place, comme tous ces gens ?

Elle n'avait encore rien connu de tel parmi tous les endroits qu'elle avait appelés maison au fur et à mesure des années.

La grande sœur de Rhea, Kyra, avait retrouvé Riley à l'arrêt de bus d'Herborn ce matin, et l'avait ramenée juste à temps pour le service. Elle avait été présentée hâtivement aux parents de Rhea, à des frères et sœurs et une poignée de proches, puis elle avait pris place sur l'une des chaises pliantes qui avaient été alignées dans la pièce.

Au grand soulagement de Riley, le prêtre âgé avait fini son discours assez rapidement. Cependant, elle était quand même perplexe à propos de certaines choses dont il avait parlé, telles que la façon dont Rhea était libérée des démons de ce monde, et comment chacun pouvait se réconforter de la savoir continuer de vivre dans un bonheur éternel.

A vrai dire, Riley ignorait si Rhea était croyante ou non.

Rhea serait-elle heureuse d'entendre le prêtre dire de telles choses ?

Elle n'en avait aucune idée.

Encore une fois, Riley était assaillie par une triste révélation, elle n'avait simplement pas appris à connaître Rhea autant qu'elle l'aurait dû.

Des amis et des proches s'avançaient maintenant sur le devant de la salle, chacun à leur tour, pour partager des souvenirs de Rhea. La plupart des souvenirs heureux concernaient l'école, des jeux, des pique-niques, des vacances en famille et autres du même genre. Certains des souvenirs les plus drôles tirèrent des rires nostalgiques au groupe.

Pourtant, des pleurs étouffés éclataient de temps en temps. Personne ne parvenait à oublier complètement son chagrin, ou le terrible mal qui s'était abattu sur leur communauté, même si personne ne voulait en parler.

Avant de partir ce matin, Riley s'était inquiétée de ne pas savoir quoi porter pour l'occasion. Tout le monde allait-il porter du noir ? Ce qu'elle possédait qui s'en rapprochait le plus était une robe bleu marine, qu'elle espérait assez solennelle.

Mais il s'avérait que Riley était habillée de manière bien plus formelle que la plupart des gens ici. De façon générale, ils étaient décontractés, habillés confortablement, comme s'ils assistaient à un rassemblement de tous les jours, comme si Rhea elle-même pouvait apparaître à tout moment.

Riley devina que le petit service et l'enterrement que Kyra avait mentionné plus tôt devaient avoir été résolument plus sombres. Ce groupe était touchant à vouloir essayer de se convaincre de ce vieux proverbe...

« La vie continue. »

Si seulement c'était vrai, pensa Riley tristement.

Pourtant, la présence de tant de personnes prenant soin les uns des autres l'affectait profondément. Elle se mit à penser au peu de personnes avec qui elle se sentait vraiment profondément connectée.

Y avait-il ne serait-ce qu'une personne comme cela dans sa vie ? Si c'était le cas, c'était presque obligatoirement des amies de la fac comme Trudy, Heather, Gina et...

Rhea.

Elle frissonna lorsque le nom lui traversa l'esprit.

Il était terrifiant de penser à que point ses connexions humaines était fragiles.

Et il y en avait si peu.

Elle pensa à sa grande sœur, Wendy, qui s'était sauvée de la maison à l'adolescence. Cela s'était passé il y a des années et Riley ne l'avait quasiment pas vue depuis. Elles ne s'étaient pas parlé pendant un long moment et Riley ne savait même pas où elle pouvait bien vivre à présent.

Et puis il y avait Oncle Deke et Tante Ruth. Elle avait vécu avec eux dans la petite ville de Larned pendant la plus grande partie de son enfance et de son adolescence. Elle leur devait le peu de stabilité qu'elle avait connu durant ses jeunes années. Elle se sentait mal de leur avoir causé tant de problèmes durant ses années d'adolescence. Ils méritaient mieux de sa part.

Elle se demanda si elle serait un jour capable de se racheter auprès d'eux ?

Elle n'en était pas sûre. Lorsque Oncle Deke était parti à la retraite, lui et Tante Ruth avait déménagés en Floride, et Riley n'avait plus beaucoup de contacts avec eux désormais.

Et il y avait le père de Riley.

Aussi chaotique qu'ait toujours été leur relation, Riley ne pouvait se convaincre qu'elle le détestait. Et elle soupçonnait, à sa façon froide et impitoyable, qu'il se souciait profondément d'elle.

Et en ce moment, elle réalisait pleinement...

Personne n'est sûr de connaître un lendemain.

Son père ne vivrait pas éternellement. Quand il viendra à mourir, comment se sentirait Riley à propos de toutes les choses non résolues et non-dites ?

Était-ce possible qu'ils puissent d'une façon ou d'une autre faire la paix ?

Riley se surprit à penser...

Il est peut-être temps d'essayer.

Mais comment pouvait-elle bien commencer ?

Tandis que toutes ces questions tournoyaient dans sa tête, Riley remarqua qu'une seule personne semblait se sentir aussi mal à l'aise et peu à sa place qu'elle-même, et c'était Kyra. Celle-ci semblait nettement plus sophistiquée que quiconque, vêtue d'une robe rose chic et des chaussures plates confortables mais classes, accompagnées de boucles d'oreilles élégantes et de cheveux bouclés stylés.

Kyra ne cessait de jeter des regards à Riley, ayant l'air de chercher un appui émotionnel.

Riley se rappela les paroles de celle-ci à propos de sa famille et de ses amis à Herborn...

« J'ai l'impression que je ne les connais même plus, et que c'est pareil pour eux. »

Elle savait que Kyra était devenue hôtesse de l'air peu de temps après avoir obtenu son diplôme à Lanton. A chaque fois qu'elle venait rendre visite à Rhea au campus et passait du temps avec Riley et Trudy, elle les régalait avec des histoires sur ses voyages aux quatre coins du monde.

Cela avait toujours paru être une vie excitante aux yeux de Riley. Celle-ci réalisait à présent qu'avec cette vie, Kyra se sentait étrangère dans cette petite ville, où tout le monde connaissait tout le monde et personne ne voyageait bien loin ou pour très longtemps.

Riley remarqua que la famille immédiate de Rhea, son père et sa mère et ses frères et sœurs, y compris Kyra, n'avaient pas profité de l'occasion pour raconter leurs propres histoires. Riley n’était pas surprise. Leur chagrin était sans doute trop frais et trop profond pour partager leurs propres souvenirs de moments heureux avec Rhea. Mais au moins, les parents de Rhea semblaient ravis d'entendre ce que disaient les autres.

Lorsque les histoires se finirent, tout le monde se leva et commença à se mêler, se dirigeant vers une table qui avait été recouverte des plats que chaque invité avait préparé et amené.

Riley aurait voulu pouvoir rapetisser et disparaître.

C'était le moment qu'elle redoutait le plus, se présenter à des gens qu'elle ne connaissait pas et devoir trouver des paroles réconfortantes à dire à chacun.

Mais elle sentit rapidement une main se poser sur son épaule.

Elle se retourna et vit Kyra, qui lui murmura...

— Allons-nous en d'ici. S'il te plaît.

Surprise, elle suivit Kyra à travers la maison jusqu'à sa voiture, garée en marge de la masse de véhicules à l'étroit autour de la maison. Elles montèrent toutes les deux dans la voiture de Kyra, puis cette dernière manœuvra parmi les autres véhicules et partit.

Riley était sur le point de demander...

« Où allons-nous ? »

Mais elle vit que des larmes coulaient sur le visage de son amie.

—Mon dieu, haleta Kyra, je ne pouvais plus respirer là bas. C'était trop pour moi. Merci pour... Merci d'être venue. J'avais vraiment besoin de toi ici, Riley.

Cette-ci fut profondément touchée.

— Je suis contente d'être venue.

Et pour la première fois, elle se sentit réellement contente d'être venue. Il lui apparut qu'elle était désolée que Trudy ne l'ait pas fait.

Elle espérait que celle-ci avait tenu sa promesse et qu'elle avait bien envoyé l'e-mail pour prévenir qu'elle ne viendrait pas. Jusqu'à présent, Kyra n'avait pas mentionné Trudy. Riley trouva préférable de ne rien dire à moins que celle-ci n'aborde le sujet.

Bientôt, Kyra emprunta une allée sinueuse du cimetière de la petite ville jusqu'à ce qu'elle gare enfin la voiture.

Lorsqu'elles sortirent de la voiture et commencèrent à marcher au milieu des tombes, Riley remarqua pour la première fois que c'était un bien charmant jour d'avril. Une agréable brise les rafraîchissait, les arbres étaient verts et les oiseaux chantaient. Le printemps était définitivement arrivé.

Riley et Kyra arrivèrent bientôt au niveau d'une pierre tombale qui semblait si neuve que c'en était presque irréel.

Dessus était gravé...

Rhea Thorson

fille et sœur bien-aimée

Riley ressentit une nouvelle vague de tristesse, voyant que le mot « ami » n'y apparaissait pas pas également. Sous ces mots se trouvait les dates choquantes de la trop courte vie de Rhea.

Riley fut étonnée lorsque Kyra posa sa main sur son épaule et la pressa fermement.

— Tu n'as pas idée à quel point tu comptais pour Rhea.

 

Riley déglutit avec difficulté. Elle ne s'était pas attendue à entendre ces mots.

— Elle me parlait de toi à chaque fois qu'elle en avait l'occasion, continua Kyra. Elle disait que tu étais spéciale, intelligente et forte, et elle pensait que tu allais accomplir des choses incroyables dans ta vie. Elle ne savait pas ce que ça allait être mais elle avait hâte de le découvrir. Tu étais vraiment sa meilleure amie, Riley.

Celle-ci vacilla sous le coup de la surprise.

Sa meilleure amie ?

A aucun moment Riley n'avait su que Rhea ressentait cela.

En vérité, elle-même ne s'était jamais sentie aussi proche de Rhea que, disons, de Trudy.

Et elle avait toujours pensé que Rhea s'était sentie plus proche de Trudy et Heather.

A présent, Riley comprenait peut-être pourquoi Kyra ne s'était pas sentie trop préoccupée par l'absence de Trudy. Bien qu'elle ait invité les deux, il semblait apparemment beaucoup, beaucoup plus important que Riley soit présente.

— Elle disait qu'elle pouvait compter sur toi pour absolument tout, ajouta Kyra.

Riley eut soudainement l'impression de recevoir un coup dans l'estomac.

Est-ce que Rhea ressentait vraiment cela à propos de moi ? se demanda-t-elle.

Elle ne l'avait jamais su.

Si elle l'avait su, l'aurait-elle surveillée plus attentivement cette nuit là au Centaur's Den ?

Rhea n'avait en tout cas pas pu compter sur elle à ce moment là, pas quand cela avait été le plus important.

Riley luttait maintenant contre les larmes.

Elle se rappela des questions qu'elle n'avait pas posées lorsque Kyra avait appelé pour l'inviter ici. Il était temps de les poser.

— Kyra, qu'est-ce que la police vous a dit ? Ils sont sans doute restés en contact avec vous ? A quel point sont-ils proches d'attraper l'homme qui... ?

Kyra secoua la tête et dit...

— Je les appelle tous les jours, et ils disent systématiquement la même chose. Le tueur était un genre de vagabond qui n'a fait que passer. Ils ne pensent pas qu'il soit encore dans les environs. Il pourrait être n'importe où. Il a peut-être commit des crimes similaires ailleurs, et si c'est le cas, les fédéraux pourront aider à le traquer. Mais jusqu'à présent, on dirait juste que la police locale n'a rien.

Riley repensa à la théorie conflictuelle du Dr. Zimmerman selon laquelle Rhea avait connu son attaquant, et sa propre intuition qu'il continuait de surveiller des filles sur le campus, attendant de tuer à nouveau.

Devait-elle parler à Kyra de tout cela ?

Probablement pas, pensa-t-elle.

Puis Kyra ajouta...

— A vrai dire, je n'ai pas l'impression que les policiers fassent beaucoup d'efforts.

Riley se souvint avoir ressentit la même chose lorsqu'elle s'était rendue au poste pour essayer d'obtenir des réponses de l'officier Steele.

Elle se demanda si les policiers faisaient encore des efforts sérieux à présent ?

—Je n'arrête pas d'appeler le doyen Trusler aussi, ajouta Kyra, et il est pire qu'inutile, comme un genre de distributeur automatique de condoléances, répétant encore et encore à quel point il est désolé pour la perte de notre famille, et que l'affaire n'est pas entre ses mains, mais qu'il est certain que la police va la résoudre.

Riley ne savait que répondre. Elles restèrent un long moment silencieuses, les yeux baissés sur la pierre tombale.

Riley prit alors conscience que Kyra la fixait. Elle la regarda à son tour.

—Riley...

Kyra laissa sa pensée en suspens, mais Riley comprit ce qu'elle voulait dire...

« Riley, s'il te plaît, fait quelque chose. S'il te plaît, règle tout ça. »

Celle-ci sentit un nœud d'émotion lui serrer la gorge. Elle savait qu'elle ne pouvait pas dire non à la question non formulée de Kyra.

Elle hocha la tête lentement.

Kyra sourit, semblant soulagée.

—Allez, dit-elle alors, on ferait bien de te ramener à l'arrêt à temps pour attraper ton bus.

Tandis qu'elles s'éloignaient de la pierre tombale, Riley ne cessait de repenser à ce que venait de lui dire Kyra à propos de Rhea...

« Elle disait qu'elle pouvait compter sur toi pour absolument tout. »

Cela semblait à présent être une voix provenant de la tombe, suppliant Riley elle-même de rendre justice.

Comment je parviendrai à rendre justice à qui que ce soit ? s'interrogea-t-elle.