Si elle voyait

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Si elle voyait
Si elle voyait
Audiobook
Czyta Emanuel Wickenburg
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CHAPITRE DEUX

Kate passa l’heure suivante à ranger la maison, bien qu’elle l’ait déjà fait avant de sortir faire du shopping. Elle se sentait bizarre d’être aussi anxieuse d’avoir Michelle chez elle. Melissa avait vécu dans cette maison quand elle était au lycée, alors quand elle venait lui rendre visite (pas assez souvent, selon Kate), Kate ne ressentait pas le besoin que l’endroit soit immaculé. Alors pourquoi était-elle aussi préoccupée pour un bébé de deux mois ?

Peut-être que c’est un de ces trucs bizarres de grand-mère, pensa-t-elle, tout en récurant l’évier du cabinet de toilette… une pièce que sa petite-fille ne verrait et n’utiliserait sûrement pas.

Au moment où elle rinçait l’évier, on sonna à la porte. Elle fut soudain submergée d’un bonheur auquel elle ne s’attendait pas. Elle ouvrit la porte avec un grand sourire. Melissa se trouvait de l’autre côté et tenait le siège bébé de Michelle en main. Michelle dormait à poings fermés, avec une épaisse couverture lui entourant les jambes.

« Salut, maman, » dit Mélissa, en entrant dans la maison. Elle regarda rapidement autour d’elle et leva les yeux au ciel. « Tu as passé combien de temps à nettoyer aujourd’hui ? »

« Je refuse de répondre à cette question, » dit Kate, en embrassant sa fille.

Mélissa posa doucement le siège bébé au sol et détacha lentement Michelle. Elle la prit dans ses bras et la tendit tendrement à Kate. Ça faisait presque une semaine que Kate n’avait pas rendu visite à Mélissa et à Terry, mais quand elle prit Michelle dans ses bras, elle eut l’impression que ça faisait bien plus longtemps.

« Qu’est-ce que vous avez prévu pour ce soir ? » demanda Kate.

« Pas grand-chose, en fait, » dit Mélissa. « Et c’est ça qu’il y a de bien. On va sortir dîner et boire un verre. Peut-être aller danser. On a aussi changé d’avis sur le fait qu’elle passe la nuit avec toi parce qu’on s’est rendu compte qu’on n’était pas encore prêt pour ça. Une bonne nuit de sommeil nous ferait le plus grand bien, mais je ne suis pas encore capable d’être séparée d’elle pendant aussi longtemps. »

« Oh, je comprends, » dit Kate. « Mais allez-y, sortez et amusez-vous. »

Mélissa posa le sac à langes qu’elle portait à l’épaule à côté du siège bébé. « Tout ce dont tu as besoin se trouve là-dedans. Elle aura sûrement encore faim dans une heure et elle aura du mal à s’endormir. Terry trouve que c’est mignon mais je trouve ça plutôt diabolique. Si elle a des gaz, il y a des gouttes dans la poche arrière et… »

« Lissa… ça va aller. Tu sais, je me suis déjà occupée d’un enfant. Et je ne m’en suis pas trop mal sortie. »

Mélissa sourit et surprit Kate en lui donnant un rapide bisou sur la joue. « Merci, maman. Je viendrai la chercher vers vingt-trois heures. Ce n’est pas trop tard ? »

« Non, c’est parfait. »

Mélissa jeta un dernier coup d’œil à son bébé et le cœur de Kate se gonfla de bonheur. Elle se rappelait être maman et ressentir la même chose – un amour qui lui aurait fait soulever des montagnes afin de s’assurer que ce petit être humain soit toujours en sécurité.

« S’il y a quoi que ce soit, n’hésite pas à m’appeler, » dit Mélissa, bien que ses yeux soient toujours posés sur Michelle.

« Je n’hésiterai pas. Et maintenant, vas-y. Amuse-toi. »

Mélissa finit par prendre congé et partir. Au moment où elle referma la porte, la petite Michelle se réveilla dans les bras de Kate. Elle sourit d’un air endormi à sa grand-mère et laissa échapper un léger bâillement.

« Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demanda Kate.

La question était dirigée à Michelle mais elle eut l’impression que c’était une question qu’elle se posait à elle-même à voix haute. Sa fille était adulte maintenant et elle avait un enfant. Et aujourd’hui, elle était là, à presque cinquante-six ans, avec son premier petit-enfant dans les bras. Alors… qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Elle repensa à son envie de retourner travailler et pour la première fois, cela lui sembla moins important.

Beaucoup moins important que cette petite fille qu’elle tenait dans ses bras.

***

À vingt heures ce soir-là, Kate se demandait si Mélissa et Terry n’étaient pas tout simplement parvenus à créer le bébé le plus sage de toute l’histoire. Michelle ne pleura pas une seule fois et elle ne fut à aucun moment difficile. Elle était tout simplement contente qu’on la tienne dans ses bras. Après deux heures dans les bras de Kate, Michelle finit par s’endormir. Kate la plaça doucement au milieu de son lit et resta un moment dans l’embrasure de la porte pour regarder sa petite-fille dormir.

Elle était là depuis un petit temps, quand elle entendit son téléphone vibrer sur la table de la cuisine derrière elle. Elle dut détourner les yeux de Michelle un instant mais elle parvint à son téléphone en une question de secondes. La simple vibration signifiait qu’il s’agissait d’un message, plutôt que d’un appel. Et elle ne fut pas du tout surprise de voir que c’était Mélissa.

Comment va-t-elle ? demanda Mélissa.

Incapable de résister, Kate sourit et répondit : Je ne lui ai laissé boire que trois bière. Elle est partie avec un type en moto il y a environ une heure. Je lui ai dit d’être rentrée pour vingt-trois heures.

Elle reçut rapidement une réponse : Oh, ce n’est pas marrant.

Les plaisanteries qu’elles s’échangeaient la rendaient aussi heureuse que le bébé endormi dans sa chambre à coucher. Après la mort de son père, Mélissa était devenue moins ouverte – surtout avec Kate. Elle blâmait le boulot de Kate pour la mort de son père et bien qu’elle ait fini par la suite par comprendre que ce n’était pas le cas, il y avait des moments où Kate avait l’impression que Mélissa lui en voulait toujours pour le temps qu’elle avait passé au FBI après sa mort. Mais bizarrement, Mélissa avait également montré de l’intérêt pour une carrière au FBI… malgré son attitude pas trop positive l’année dernière concernant le fait que sa mère interrompe sa retraite pour reprendre du service.

Toujours en souriant, Kate prit son téléphone dans la chambre à coucher et prit une rapide photo de Michelle. Elle l’envoya à Mélissa. Après y avoir réfléchi un instant, elle l’envoya également à Allen.

Elle eut envie qu’il soit là avec elle. Elle avait de plus en plus souvent ce sentiment ces derniers temps. Elle n’était pas aussi naïve pour penser qu’elle l’aimait, mais elle pourrait imaginer tomber amoureuse de lui si les choses continuaient comme ça. Il lui manquait quand il n’était pas là. Et quand il l’embrassait, elle avait l’impression d’avoir vingt ans de moins.

Elle se prit à sourire quand Allen répondit avec une photo. C’était un selfie de lui avec deux hommes plus jeunes qui lui ressemblaient énormément – sûrement ses fils.

Alors qu’elle regardait la photo, son téléphone se mit à sonner. Le nom qu’elle vit à l’écran la remplit de plaisir.

C’était le directeur adjoint Vince Duran. Son appel l’aurait de toute façon remplie d’enthousiasme mais le fait qu’il soit plus de vingt heures un vendredi soir déclencha des signaux d’alerte en elle – des signaux d’alerte qu’elle appréciait particulièrement.

Elle regarda la petite Michelle qui dormait et prit un moment avant de répondre. « Kate Wise, » dit-elle, en essayant d’adopter un ton neutre.

« Wise, c’est Duran. C’est un bon moment pour parler ? »

« Ce n’est pas le meilleur moment, mais ça va. » répondit-elle. « Est-ce que tout va bien ? »

« Ça dépend. Je vous appelle pour savoir si vous seriez intéressée de vous occuper d’une affaire. »

« Est-ce que c’est une de ces affaires classées dont on avait parlé ? »

« Non. Cette fois-ci… eh bien, ça ressemble beaucoup à une affaire que vous aviez réussi à élucider assez rapidement en 1996. À ce stade, on a quatre victimes à deux endroits différents à Whip Springs, en Virginie. Les meurtres semblent avoir été commis à deux jours d’intervalle. Pour l’instant, c’est la police d’état de Virginie qui s’en occupe mais je leur ai parlé. Et si vous voulez vous occuper de l’enquête, vous avez le feu vert. Mais il faudrait que vous y alliez tout de suite. »

« Je ne vais pas pouvoir y aller tout de suite, » dit-elle. « J’ai un engagement que je dois tenir. » En regardant Michelle, c’était facile à dire. Mais presque chaque muscle de son corps luttait contre son tout nouvel instinct de mamy.

« Je vais déjà vous faire part des détails de l’affaire. Les victimes sont des couples mariés, un dans la cinquantaine et l’autre dans la soixantaine. Les victimes les plus récentes sont celles de la cinquantaine. Leur fille a découvert leurs corps quand elle rentrée de l’université aujourd’hui. Les meurtres ont été commis à environ une cinquantaine de kilomètres l’un de l’autre, un à Whip Springs et l’autre en périphérie de Roanoke. »

« Des couples ? Un quelconque lien entre eux, à part le fait qu’ils soient mariés ? »

« On n’en a pas encore trouvé. Mais les quatre victimes ont été sévèrement charcutées. L’assassin utilise un couteau. Et il fait ça de manière lente et méthodique. Je pense que tout indique qu’il va y avoir un autre couple de victimes dans les deux prochains jours. »

« Oui, on dirait bien qu’on a affaire à un tueur en série, » dit Kate.

Elle repensa à cette affaire de 1996 que Duran avait mentionnée. Une femme à moitié folle et qui avait travaillé en tant que nounou avait ôté la vie de trois couples en seulement deux jours. Il s’était avéré qu’elle avait travaillé pour les trois couples sur une période de dix ans. Kate avait arrêté la femme alors qu’elle était en route pour assassiner un quatrième couple et, selon ses dires, mettre fin à ses propres jours.

 

Est-ce qu’elle allait vraiment refuser cette opportunité ? Après le flashback intense qu’elle avait eu aujourd’hui, est-ce qu’elle allait laisser passer cette occasion d’arrêter un assassin ?

« J’ai combien de temps pour vous donner une réponse ? » demanda-t-elle.

« Je vous laisse une heure. Pas plus. J’ai besoin que quelqu’un s’occupe de cette affaire tout de suite. Et j’ai pensé à vous et à DeMarco. Une heure, Wise… et plus tôt, c’est encore mieux. »

Avant qu’elle ne puisse répondre par un OK ou un merci, Duran raccrocha. Il était généralement chaleureux et amical, mais il pouvait aussi être très irritable s’il n’obtenait pas ce qu’il voulait.

Aussi silencieusement que possible, elle entra dans la chambre et s’assit sur le bord du lit. Elle regarda Michelle dormir et le mouvement de sa poitrine qui se soulevait lentement et méthodiquement sous l’effet de sa respiration. Elle se rappelait clairement quand Mélissa était aussi petite. Le temps était passé à une vitesse folle. Et c’était de là que venait son problème : elle avait l’impression d’avoir raté tellement de choses en tant que mère et épouse à cause de son boulot, mais elle avait néanmoins toujours ressenti ce sens du devoir. Surtout quand elle savait qu’elle pouvait être sur le terrain et faire sa part pour arrêter un assassin.

Quelle genre de personne cela ferait d’elle si elle refusait cette proposition et que Duran finissait par choisir un autre agent qui n’avait peut-être pas la même expérience qu’elle ?

Mais quel genre de grand-mère et de mère serait-elle si elle finissait par appeler Mélissa pour lui dire de rentrer plus tôt et de venir chercher sa fille parce que le FBI faisait de nouveau appel à elle ?

Kate regarda Michelle pendant quelques minutes et se coucha même à côté d’elle, en plaçant sa main sur sa poitrine de bébé pour sentir sa respiration. Et en voyant cette petite étincelle de vie, une vie qui ne savait encore rien des atrocités qui pouvaient exister dans ce monde, il lui fut beaucoup plus facile de prendre sa décision.

En fronçant les sourcils, Kate prit son téléphone et appela Mélissa.

***

Un jour, quand Mélissa avait seize ans, elle avait fait entrer un garçon en douce dans sa chambre tard le soir, quand Kate et Michael étaient déjà endormis. Kate avait été réveillée par un bruit (qu’elle avait compris plus tard être le genou de quelqu’un cognant sur le mur de la chambre de Mélissa) et elle était montée pour aller voir ce qui se passait. Quand elle avait ouvert la porte de la chambre de sa fille et qu’elle l’avait trouvée seins nus avec un garçon dans son lit, elle l’avait jeté en bas du lit et lui avait hurlé de sortir.

La colère qu’elle avait vue ce soir-là dans les yeux de Mélissa fut éclipsée par le regard que sa fille lui jeta au moment où elle attacha Michelle dans le siège bébé à 21h30 – environ une heure après que Duran l’eut appelée concernant l’affaire à Roanoke.

« C’est vraiment n’importe quoi, maman, » dit-elle.

« Lissa, je suis vraiment désolée. Mais qu’est-ce que j’étais supposée faire ? »

« Eh bien, d’après ce que j’ai compris, normalement, les gens restent à la retraite une fois qu’ils l’ont prise. Tu pourrais peut-être commencer par-là ! »

« Ce n’est pas aussi facile que ça, » dit Kate.

« Oh, je sais, maman, » dit Mélissa. « Ça n’a jamais été facile pour toi. »

« Ce n’est pas juste… »

« Et ne pense pas que je sois fâchée parce que tu as écourté la seule soirée un peu relax que je pouvais avoir. Ce n’est même pas pour ça. Je ne suis pas aussi égoïste. Contrairement à d’autres. Je suis fâchée parce que ton boulot – que tu es sensée avoir quitté depuis plus d’un an – continue à passer avant ta famille. Même après tout ce qui… même après papa… »

« Lissa, évitons de parler de ça. »

Mélissa prit le siège bébé avec une douceur surprenante, comparé à la dureté de son ton et la manière dont son corps était crispé.

« Je suis d’accord, » dit Mélissa. « N’en parlons pas. »

Et sur ces mots, elle sortit en claquant la porte derrière elle.

Kate tendit la main vers la poignée de la porte mais se ravisa. Qu’est-ce qu’elle allait faire ? Continuer de se disputer sur le pas de la porte ? De plus, elle connaissait bien Mélissa. Dans quelques jours, elle se serait calmée et elle écouterait probablement ce que Kate avait à lui dire. Peut-être même qu’elle accepterait ses excuses.

Kate se sentit vraiment mal quand elle prit son téléphone pour appeler Duran. Il l’informa qu’il avait de toute façon compté sur sa présence sur l’affaire. Il avait déjà arrangé pour qu’un officier de la police d’état de Virginie les retrouve, elle et DeMarco, à 4h30 du matin à Whip Springs. Quant à DeMarco, elle avait quitté Washington une demi-heure plus tôt dans une voiture banalisée du FBI. Elle arriverait chez Kate vers minuit. Kate réalisa alors qu’elle aurait très bien pu garder Michelle jusqu’à l’heure prévue de vingt-trois heures et éviter la confrontation avec Mélissa. Mais ce n’était pas quelque chose à laquelle elle devait penser à cet instant présent.

La soudaineté des événements avait pris Kate légèrement au dépourvu. Bien que la dernière affaire sur laquelle elle avait travaillé était venu un peu de nulle part, il y avait tout de même eu une sorte de structure stable. Mais ça faisait longtemps qu’on ne lui avait plus assigné une affaire à une telle heure. C’était un peu terrifiant mais elle se sentait également excitée à l’idée – assez excitée pour oublier momentanément la colère que Mélissa ressentait à son égard.

Néanmoins, au moment de faire son sac en attendant que DeMarco arrive, une pensée continuait à l’obséder. Et c’est justement ça, là – ta capacité à ignorer tout ce qui t’entoure en raison de ton boulot – qui a généré autant de problèmes entre vous pour commencer.

Mais elle finit également par mettre facilement cette pensée de côté.

CHAPITRE TROIS

Une des nombreuses choses que Kate avait appris au sujet de DeMarco lors de leur dernière enquête ensemble, c’était qu’elle était ponctuelle. C’était une qualité dont elle se souvint au moment où elle entendit frapper à sa porte à minuit dix.

Je ne me rappelle pas à quand date la dernière fois où j’ai eu de la visite aussi tard, pensa-t-elle. À l’université, peut-être ?

Elle s’avança vers la porte d’entrée avec son sac à l’épaule. Mais quand elle ouvrit la porte, elle vit que DeMarco n’avait aucune intention de partir tout de suite sur la scène de crime.

« Au risque de paraître grossière, il faut vraiment que j’utilise vos toilettes, » dit DeMarco. « Avaler deux cocas pour rester éveillée pour conduire n’était pas une bonne idée. »

Kate sourit et laissa entrer DeMarco. Vu l’urgence et la rapidité que Duran avait instillés en elle au cours de leurs conversations téléphoniques, la brusquerie de DeMarco était le genre de situation un peu comique dont elle avait besoin. C’était également agréable de se rendre compte que, même après deux mois sans se voir, elles étaient toujours aussi à l’aise ensemble que lorsqu’elles avaient travaillé sur leur dernière enquête.

DeMarco sortit de la salle de bains quelques minutes plus tard, avec un sourire gêné aux lèvres.

« Bonjour quand même, » dit Kate. C’était peut-être à cause de la dose de caféine qu’elle avait avalé, mais DeMarco avait plutôt une bonne tête et l’heure tardive n’avait pas l’air de l’affecter.

DeMarco consulta sa montre et hocha la tête. « Oui, j’imagine que c’est déjà le matin. »

« À quelle heure est-ce qu’on t’a appelée ? » demanda Kate.

« Vers vingt heures ou vingt et une heures. Je serais venue plus tôt mais Duran voulait être sûr à cent pourcents que tu serais sur l’affaire. »

« Oui, désolée pour ça, » dit Kate. « Je gardais ma petite-fille pour la première fois. »

« Oh non. Wise… c’est trop nul. Je suis désolée que ça ait gâché ce moment. »

Kate haussa les épaules et balaya le commentaire d’un geste de la main. « Ça ira. Tu es prête à partir ? »

« Oui. J’ai répondu à quelques appels en venant ici, venant de nos gars à Washington. Il est prévu qu’on retrouve l’un des types de la police d’état de Virginie à quatre heures trente à la maison des Nash. »

« La maison des Nash ? » demanda Kate.

« Le dernier couple qui a été assassiné. »

Elles se dirigèrent vers la porte d’entrée. En sortant, Kate éteignit la lumière du salon et prit son sac. Elle était excitée par ce qui l’attendait mais elle avait également l’impression de quitter sa maison de manière un peu précipitée. Après tout, quelques heures plus tôt, sa petite-fille de deux mois était encore endormie sur son lit. Et maintenant, elle était sur le point de partir sur une scène de crime.

Elle vit la sedan banalisée standard du FBI garée devant chez elle, au bord du trottoir. Ça avait l’air surréaliste, mais également tentant.

« Tu veux conduire ? » demanda DeMarco.

« Bien sûr, » dit Kate, en se demandant si c’était une marque de respect ou si elle avait tout simplement besoin de se reposer de la conduite.

Kate s’assit derrière le volant pendant que DeMarco cherchait les renseignements pour se rendre sur le lieu du meurtre le plus récent. C’était dans la ville de Whip Springs, en Virginie, un petit trou paumé situé aux pieds des montagnes Blue Ridge, juste en dehors de Roanoke. Elles parlèrent un peu de leurs vies respectives – Kate expliquant à DeMarco ce que ça faisait d’être grand-mère, tandis que DeMarco restait surtout silencieuse, en mentionnant seulement qu’elle était passée par une autre rupture après que sa petite amie l’avait eu quittée. Kate fut surprise car elle ne s’était pas rendu compte que DeMarco était lesbienne. Elle se dit qu’elle devait vraiment passer un peu plus de temps à apprendre à connaître la femme qui était maintenant sa partenaire. La ponctualité, elle avait remarqué. Mais l’homosexualité, elle n’avait absolument pas capté. Quel genre de partenaire cela faisait d’elle ?

Alors qu’elles se rapprochaient de la scène de crime, DeMarco commença à lire les rapports sur l’affaire que Duran leur avait envoyés. En l’écoutant, Kate regardait si elle voyait le soleil percer à l’horizon mais elle ne vit rien.

« Deux couples âgés, » dit DeMarco. « Désolée… l’un avait presque la soixantaine… ne le prends pas mal. »

« Je ne le prends pas mal, » dit Kate, en se demandant si c’était une pointe d’humour.

« À première vue, ils n’ont apparemment rien en commun, à part l’endroit. La première scène était au cœur même de Roanoke et la plus récente était à seulement cinquante kilomètres de là, à Whip Springs. Il n’y a aucun signe qui semble indiquer que le mari ou la femme ait été la cible initiale. Chaque meurtre était assez sordide et un peu exagéré, comme si l’assassin prenait du plaisir. »

« Et cela peut indiquer qu’il s’agit d’une personne qui pourrait avoir la sensation que les victimes lui ont fait du tort d’une manière ou d’une autre, » dit Kate. « Ça, ou une soif de carnage et d’effusion de sang. »

« Les victimes les plus récentes, les Nash, étaient mariés depuis vingt-quatre ans. Ils ont deux enfants, dont l’un vit à San Diego et l’autre étudie à l’université de Virginie. C’est elle qui a découvert les corps quand elle rentrée hier. »

« Et l’autre couple ? » demanda Kate. « Ils ont des enfants ? »

« Apparemment, non. »

Kate réfléchit à tout ce qu’elle venait d’entendre et pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas, elle se mit à penser à la petite fille qu’elle avait croisée aujourd’hui dans la rue. Ou plutôt, au flashback qu’elle avait eu en voyant cette petite fille.

Quand elles arrivèrent à la maison des Nash, un peu de lumière commençait enfin à pointer à l’horizon bien que le soleil ne soit pas encore levé. La lumière était diffuse à travers les arbres qui entouraient le jardin des Nash. Elles virent qu’une voiture était garée devant la maison. Un homme était debout, appuyé contre le capot, et fumait une cigarette en tenant une tasse de café.

« Vous êtes les agents Wise et DeMarco ? » demanda l’homme.

« Oui, c’est nous, » dit Kate, en faisant un pas en avant et en montrant son badge. « Qui êtes-vous ? »

« Palmetto, de la police d’état de Virginie. Police scientifique. On m’a appelé il y a quelques heures pour me prévenir que vous repreniez l’affaire. Je me suis dit que ce serait mieux que je sois là pour vous expliquer ce qu’on sait jusqu’à présent. Mais ce n’est pas grand-chose. »

 

Palmetto prit une dernière bouffée de sa cigarette avant de la jeter au sol et de l’écraser avec son pied. « Les corps ont déjà été retirés et on a trouvé très peu d’indices. Mais venez, entrez. C’est… révélateur. »

Palmetto parlait avec le ton sans émotions d’un homme qui fait ce genre de boulot depuis longtemps. Il les guida jusqu’à l’allée qui menait au porche des Nash. Quand il ouvrit la porte pour les laisser entrer, Kate sentit cette odeur si caractéristique. C’était l’odeur d’une scène de crime où beaucoup de sang avait été versé. Il y avait également quelque chose de chimique, pas seulement l’odeur cuivrée du sang, mais du mouvement récent de personnes avec des gants qui avaient inspecté les lieux.

Palmetto alluma toutes les lampes au fur et à mesure qu’ils s’avançaient dans la maison – à travers le vestibule, le long du couloir et dans le salon. Sous la lumière crue du plafond, Kate vit la première tache de sang sur le parquet. Puis une autre et encore une autre.

Palmetto les amena devant le divan et leur montra du doigt les taches de sang comme s’il parlait de la pluie et du beau temps.

« Les corps se trouvaient ici, un sur le divan et l’autre au sol. Apparemment, la mère a été tuée en premier, la gorge tranchée, bien qu’un autre coup de couteau semble avoir fini très près du cœur, mais asséné dans le dos. On pense qu’il y a eu une lutte avec le père. Il avait des bleus sur les avant-bras, un peu de sang lui sortait de la bouche et la table de salon était un peu de travers. »

« Est-ce qu’on sait combien de temps s’est passé entre les meurtres et le moment où la fille a découvert les corps ? » demanda Kate.

« Pas plus d’un jour, » répondit Palmetto. « Et probablement plutôt entre douze et seize heures. Je suis sûr que le médecin légiste pourra vous en dire un peu plus aujourd’hui. »

« Est-ce que vous avez trouvé quoi que ce soit d’intéressant ? » demanda DeMarco.

« Oui, c’est un élément de preuve… juste une seule. » Il mit la main dans la poche intérieure de sa veste et en sortit un petit sachet. « J’ai gardé ça. J’ai reçu l’autorisation, alors ne vous tracassez pas. J’ai pensé que vous voudriez l’avoir pour la faire analyser. C’est le seul indice qu’on a trouvé, mais c’est plutôt troublant. »

Il donna le petit sachet en plastique à Kate. Elle le prit et regarda ce qu’il contenait. À première vue, c’était un simple morceau de tissu, de quinze centimètres sur huit. C’était un morceau de tissu épais, bleu, avec une texture duveteuse. Tout le côté droit était taché de sang.

« Où est-ce que ça a été retrouvé ? » demanda Kate.

« Fourré dans la bouche de la mère. Il était vraiment enfoncé loin, presque dans sa gorge. »

Kate le regarda à la lumière. « Vous savez de quoi ça vient ? » demanda-t-elle.

« Aucune idée. On dirait juste un bête morceau de tissu. »

Mais Kate n’en était pas aussi certaine. En fait, son intuition de mamy lui disait que ce n’était pas un simple morceau de tissu. Non… c’était doux, c’était bleu clair et assez duveteux.

Ça venait d’une couverture. Peut-être d’un doudou pour bébé.

« Vous avez d’autres indices ou éléments de preuves à nous donner ? » demanda DeMarco.

« Non, c’est tout ce que j’ai, » dit Palmetto, en se dirigeant vers la porte d’entrée. « Les filles, si vous avez besoin d’aide à partir de maintenant, n’hésitez pas à appeler la police d’état. »

Kate et DeMarco échangèrent un regard agacé quand il eut le dos tourné. Sans avoir besoin de se le dire, elles n’avaient pas du tout apprécié la manière dont il venait de leur parler.

« Eh bien, c’était bref, » dit DeMarco, au moment où Palmetto leur faisait un signe de la main depuis la porte d’entrée.

« Ce n’est pas plus mal, » dit Kate. « Comme ça, on pourra se faire notre propre opinion, sans être influencées par ce que d’autres ont trouvé. »

« Tu penses que la prochaine étape, ce serait de parler avec la fille ? »

« Probablement. Et puis, il faudra qu’on aille visiter la première scène de crime et voir si on peut y trouver quoi que ce soit. Peut-être qu’on aura la chance de trouver quelqu’un qui soit plus sociable que notre ami Palmetto. »

Elles ressortirent de la maison en fermant les lampes. Quand elles se retrouvèrent à l’extérieur, le soleil avait fini par percer et apparaître à l’horizon. Kate mit en poche le morceau de tissu qu’elle pensait être un bout de couverture pour enfant et elle ne put s’empêcher d’imaginer sa petite-fille dormir sous ce genre de doudou.

Et bien que le soleil soit maintenant levé, elle ne put s’empêcher de frissonner.