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La maison d’à côté

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La maison d’à côté
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La maison d’à côté
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Czyta Nicole Forup
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CHAPITRE SEIZE

Chloé savait qu’elle allait réveiller Danielle. Il était 7h35 quand elle s’arrêta à un Starbucks sur la route, afin d’apporter au moins un gage de réconciliation pour la sortir aussi tôt du lit. Elle frappa à la porte de sa sœur, un café au lait et deux espresso en main, prête à faire face à un accès de colère.

À sa grande surprise, Danielle avait l’air bien éveillée quand elle ouvrit la porte. Elle regarda Chloé d’un air sceptique, puis la laissa entrer sans dire un mot. Ce ne fut qu’une fois que la porte fut refermée derrière elle et que Danielle se soit laissé tomber dans le divan qu’elle lui adressa la parole.

« Il est tôt, » dit-elle. « Est-ce que je te manquais vraiment autant ? »

« Un peu, » dit Chloé.

Elle s’assit, en tâtant le terrain avant de continuer. Il était clair que Danielle était réveillée depuis un petit temps. Chloé entendait de la musique en arrière-plan et l’ordinateur de Danielle était ouvert sur la table basse du salon. Une tasse de café était posée juste à côté. La musique sortait du haut-parleur de l’ordinateur, une sorte de métal industriel qui se résumait à un vague bourdonnement statique.

« Pourquoi est-ce que tu ne réponds pas à mes appels et à mes messages ? » demanda Chloé.

« Parce que je savais pourquoi tu appelais. Et je n’ai toujours pas d’infos à te donner. »

« Tu n’as aucune nouvelle ? Et est-ce qu’il a dit quoi que ce soit le jour de la fête de quartier qui pourrait faire penser qu’il allait mettre les voiles ? »

« Non. Rien. Il m’a déposée chez moi et il m’a dit qu’il m’appellerait quand les choses se seraient tassées. »

« Tu m’as dit que tu pensais qu’il voyait une autre femme, » dit Chloé. « Est-ce que tu as lu les messages qu’ils s’échangeaient ? »

« Certains messages mais pas tous, non. Mais j’ai assez vu ses seins et lu assez de messages obscènes. C’était de toute façon tout ce qu’il y avait. Rien d’intéressant à en tirer. »

« Est-ce que tu es préoccupée à son sujet ? »

« Non, » dit Danielle. « C’est un grand garçon et il sortait avec au moins deux femmes différentes. Ça ne me semble pas si bizarre que ça qu’il ne soit pas dans les parages. Peut-être que la pression de deux femmes, c’était de trop pour lui et qu’il a quitté la ville. Dieu seul sait combien d’autres femmes il avait sur le côté. »

« Nous avons eu confirmation que c’est une femme qui a signalé sa disparition. Est-ce que le nom de Sophie Arbogast te dit quelque chose ? »

Danielle secoua la tête. « Non. Pas que je sache. » Elle prit le café au lait sans demander si c’était pour elle et elle en but une gorgée, malgré le fait qu’elle ait encore une tasse de café juste devant elle.

« Pour être tout à fait honnête, » dit Chloé, « tu as probablement raison. Peut-être qu’il s’est rendu compte qu’il avait dépassé les bornes à la fête de quartier. Bien qu’il ait eu le dessus, ça l’a peut-être blasé. Peut-être qu’il est gêné maintenant d’être avec toi et peut-être que l’autre femme l’a également déçu d’une certaine manière. Ce n’est pas rare pour des hommes sans racines ou sans vraies raisons de rester dans un endroit en particulier, de tout simplement bouger sans crier gare. Je voulais juste savoir comment tu allais et m’assurer que tout allait bien. »

« Je vais bien, » dit Danielle. « Ce n’est pas la première fois qu’un type disparaît de ma vie sans crier gare. »

« C’est bien vrai ? Tu n’essayes pas de jouer à la dure avec moi, hein ? » demanda Chloé.

« Non. On ne sortait ensemble que depuis un mois. Mais je commençais quand même à me dire que c’était trop beau pour être vrai. Il était gentil et attentionné, et j’ai même dû le manipuler pour parvenir à quelque chose sur le plan physique. Et puis… eh bien, puis il y a eu la fête de quartier et les messages sur son téléphone. Et j’ai vu le genre de type qu’il était réellement. »

« Et depuis lors… est-ce que tu as… »

« Oui, j’ai pris mes médicaments. »

Chloé se mit debout car elle sentait bien que tout ce qu’elle parvenait à faire, c’était d’énerver lentement mais sûrement Danielle. « OK. Je voulais juste m’assurer que tu allais bien. Après la nouvelle que je t’ai annoncée hier, j’étais préoccupée par le fait que tu ne répondes pas à mes appels. Est-ce que tu pourrais m’appeler si Martin te contacte ? »

« Oui, mais je ne pense vraiment pas qu’il va le faire. Il a montré un peu trop de lui-même samedi. Il n’a certainement jamais voulu que je connaisse ce côté-là de sa personnalité. »

« Prends soin de toi, Danielle. »

Elle ressentit le besoin d’ajouter quelque chose mais avant que les mots n’aient eu le temps de sortir de sa bouche, elle sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Elle le sortit et vit que c’était Greene qui l’appelait. Elle tourna le dos à Danielle et alla dans la cuisine pour répondre à l’appel de Greene.

« Bonjour, » dit-elle. « J’ai vu votre message concernant Sophie Arbogast. Est-ce qu’on va lui rendre visite pour l’interroger ? »

« Peut-être qu’on finira par y aller. Mais pour l’instant, on a quelque chose de mieux. On a reçu un appel ce matin de quelqu’un qui avait remarqué la présence d’une voiture dans un lac. Je suis sur les lieux à l’instant présent et on a pu confirmer qui était le propriétaire des plaques d’immatriculation. La voiture appartenait à Martin Shields. »

« Et un corps a été retrouvé ? »

« Non, pas encore. Une équipe va arriver d’ici une heure pour sonder le fond du lac. Mais j’aimerais que tu me rejoignes. Il te faut combien de temps pour arriver à Monument Lake ? La voiture a été retrouvée près d’une ancienne route de service menant au vieux château d’eau. »

« Je peux être là dans une demi-heure. »

« Super, » dit Greene. « Et autre chose aussi… ce n’est pas vraiment une enquête du FBI pour l’instant. C’est la police locale qui s’en occupe. Mais j’ai demandé à être informé de toute avancée dans cette affaire en raison de tes liens avec le disparu. J’ai dû un peu insister mais finalement le directeur Johnson nous a permis d’y travailler sur le côté. Je veux juste que tu le saches avant d’arriver sur les lieux. »

« OK, » dit-elle. « Merci pour votre aide. »

Chloé raccrocha et remit lentement son téléphone en poche. Elle retourna au salon mais ne se rassit pas dans le divan. Il fallait qu’elle annonce la nouvelle à Danielle, puis qu’elle rejoigne Greene. Depuis qu’elle avait commencé son stage au FBI, c’était la première fois qu’une affaire interférait directement avec sa vie privée.

Et elle n’aimait pas ça.

« Danielle… c’était l’agent Greene, mon supérieur. Ils viennent de retrouver une voiture… la voiture de Daniel. Elle était immergée dans Monument Lake. »

Une expression d’angoisse traversa le visage de Danielle, avant de se transformer en une véritable préoccupation. Pendant un moment, on aurait dit que son cerveau ne savait pas très bien sur quelle émotion se focaliser.

« Oh mon dieu. Est-ce qu’il est… ? »

« On ne sait pas encore. Pour l’instant, il n’y a aucun indice qui indique qu’il y ait eu un corps à l’intérieur. »

« Et c’était juste là, à l’instant ? » demanda-t-elle. « Ils viennent juste de découvrir la voiture ? »

« Oui. Je dois d’ailleurs me rendre sur place. Est-ce que… est-ce que ça va aller ? »

« Oui, j’imagine. C’est juste... que c’est beaucoup d’informations d’un coup. »

« Ça ne veut pas nécessairement dire qu’il faille s’attendre au pire, » dit Chloé. « Il n’y a aucun corps. Juste la voiture. »

« Oui, » dit-elle d’une petite voix. « OK… »

« Danielle… est-ce que ça va aller ? »

« Oui, ça va aller. Tiens-moi juste au courant. »

« Je n’y manquerai pas, » dit Chloé. « Mais promets-moi de m’appeler si ça ne va pas, OK ? »

Danielle se contenta de hocher la tête et de jeter un regard vide en direction de son ordinateur. Chloé lui jeta un dernier coup d’œil et eut à nouveau l’impression que quelque chose clochait – que quelque chose ne tournait pas rond.

Danielle n’avait pas l’air triste ou préoccupée.

Elle avait l’air terrifiée.

Chloé faillit lui en parler mais elle ne voulait pas faire attendre Greene trop longtemps. En plus, elle savait déjà que Danielle ne se confierait pas sur son état émotionnel – pas avant d’avoir eu le temps de digérer toutes les informations.

Ce fut donc avec ce sentiment désagréable sur le cœur que Chloé quitta sa sœur terrifiée.

CHAPITRE DIX-SEPT

Chloé reconnut tout de suite la route en gravier. Bien qu’elle n’y soit jamais venue quand elle était plus jeune, cette route avait acquis une certaine réputation lorsqu’elle était au lycée. Elle était connue à Pinecrest comme la route des amoureux. Elle avait visiblement été laissée à l’abandon, car de mauvaises herbes l’avaient envahie et le gravier était presque devenu inexistant à certains endroits.

Au moment où elle gara sa voiture derrière plusieurs voitures de police et une voiture banalisée qui était celle de Greene, elle vit qu’une dépanneuse avait commencé à sortir la voiture de l’eau. Deux policiers grimpaient le long de la rive, après avoir attaché une sorte de câble au remorquage de la dépanneuse, afin de rendre la tâche plus facile.

Plusieurs personnes – environ dix au total – étaient rassemblées au bord de l’eau et attendaient que la voiture soit entièrement sortie. Elle repéra Greene et le rejoignit.

« Tu en as déjà parlé à ta sœur ? » lui demanda-t-il.

« Oui. J’étais avec elle quand vous avez appelé. Mais j’ai quand même une question : si la voiture était toujours dans l’eau, comment ont-ils fait pour identifier les plaques ? »

 

« L’arrière du véhicule a heurté un affleurement rocheux à environ une dizaine de mètres. L’avant était toujours visible à travers la surface de l’eau et on pouvait facilement lire les plaques d’immatriculation. Maintenant, dis-moi… qu’est-ce que tu peux déduire du fait que l’avant pointe vers le haut ? »

Elle répondit en regardant la dépanneuse avancer et tirer en partie la voiture hors de l’eau. De la boue éclaboussa le bas de caisse au moment où il toucha la rive.

« J’en déduis que la voiture est entrée dans l’eau en marche arrière. Et si on envisage l’option du suicide, ça n’a pas de sens. Pourquoi prendre autant de précautions ? Si la voiture est bien entrée dans l’eau en marche arrière, cela veut dire que la personne qui la conduisait voulait être sûre d’avoir le temps d’en sortir. Je penche plutôt pour un acte criminel. »

Greene acquiesça d’un mouvement de tête. « Maintenant, allons voir si on trouve quoi que ce soit d’intéressant dans la voiture. »

L’agent Greene était le seul agent sur les lieux, ce qui lui donnait autorité sur la situation. Il laissa tout de même la police locale jeter un coup d’œil en prenant des notes. Une fois qu’ils eurent terminé, l’agent Greene fit signe à Chloé de le suivre pour aller inspecter le véhicule. Il lui tendit une paire de gants en latex.

« La première chose que je regarde, » lui dit Greene, « c’est s’il y a quoi que ce soit derrière le volant ou la pédale de gaz. Il arrive parfois que les gens deviennent créatifs avec ce genre de choses. Celui qui se trouvait derrière le volant n’a peut-être même pas dû conduire la voiture lui-même dans le lac. Mais… dans ce cas-ci, je ne vois rien qui suggère ce genre d’installation. »

Chloé ouvrit la boîte à gants. De l’eau en sortit en ruisselant. Elle farfouilla à l’intérieur mais n’y trouva rien d’intéressant : des papiers d’assurance, un paquet de chewing-gum, quelques CD. Certains de ces CD étaient exactement le genre de musique que Danielle écoutait. Chloé sentit un instinct de protection envers sa sœur – comme si elle était soudain trop près de cette scène de crime.

« Tu as trouvé quelque chose d’intéressant ? » demanda Greene.

« Rien, » dit-elle, en refermant la boîte à gants.

Ils regardèrent ensuite en-dessous des sièges, à la recherche d’un quelconque indice. Il leur fallut moins de deux minutes pour se rendre compte qu’il n’y avait rien.

Ils refermèrent la portière et Greene regarda en direction du coffre. C’était logique qu’ils finissent par l’ouvrir pour y jeter un coup d’œil. Mais vu ce qu’ils avaient découvert dans la voiture, Chloé s’attendait à n’y trouver qu’une roue de secours.

Greene regarda en direction du groupe de policiers. « Shérif, est-ce que vous avez quelque chose pour ouvrir ce coffre ? »

L’un des policiers hocha la tête et se dirigea vers l’une des voitures de patrouille. Il fouilla dans le coffre et revint avec un outil que Chloé n’avait vu qu’une seule fois auparavant. Ça ressemblait à un tournevis modifié, avec une tête plus lourde. Elle savait qu’il fallait autre chose que de la finesse pour ouvrir un coffre, alors les outils utilisés pour le faire avaient en général une apparence plutôt primitive.

Le shérif amena l’outil à l’arrière de la voiture de Martin et le plaça à hauteur de la serrure du coffre. Un autre policier était allé jusqu’à sa voiture pour aller chercher un petit mais robuste pied de biche, au cas où. Mais il s’avéra que le pied de biche ne fut pas nécessaire. Chloé entendit un bruit de ferrailles et de serrure qui cédait, et le coffre s’ouvrit tout grand.

Le shérif regarda à l’intérieur puis se retourna vers Greene.

« Bingo, » dit-il.

Chloé et Greene jetèrent un coup d’œil à l’intérieur du coffre. Chloé eut l’impression de recevoir une claque au moment où elle vit le corps. C’était indéniablement Martin. Il les regardait d’un œil vide, comme si cela lui importait peu d’être mort. Il avait deux grandes plaies au niveau de la poitrine, dont une juste au-dessus du cœur. Elles étaient clairement dues à des coups de couteau.

En regardant le corps, une pensée alarmante lui envahit l’esprit.

Est-ce que Danielle a raconté à quelqu’un d’autre qu’elle avait découvert qu’il la trompait ? Si c’est le cas… merde… elle pourrait être considérée comme un suspect. Et ces médocs qu’elle prend quand elle veut ne vont certainement pas arranger les choses.

« Eh bien, maintenant on est au moins certain que ce n’était pas un suicide, » dit Greene. Il regarda ensuite en direction de Chloé. « Est-ce que cette affaire est trop personnelle pour toi pour y prendre part ? »

Elle faillit dire oui. L’idée qu’il soit probable que Danielle finisse par être interrogée ne lui plaisait guère. Mais en même temps, elle savait qu’elle devait rester professionnelle.

« Non, ça va. »

« OK, » dit-il. « Alors voilà la bonne nouvelle. Le meurtre est récent et s’il y a un quelconque indice qui a été laissé sur le corps par le meurtrier, il sera facile de le trouver. Surtout des cheveux… comme celui-ci… »

Il s’interrompit et se pencha en avant dans le coffre. De sa main gantée, il lui montra un cheveu sur l’avant-bras droit de Martin. Il n’était pas beaucoup plus long que les cheveux sur la tête de Martin.

Et bien qu’il soit humide, il était clair qu’il s’agissait d’un cheveu noir. Et court.

Comme ceux de Danielle.

CHAPITRE DIX-HUIT

Chloé eut l’impression que la journée passait à une vitesse folle, un peu à la manière dont le temps passe incroyablement vite après un accident de voiture ou tout autre événement traumatisant. Elle avait l’impression que cette journée l’amenait inéluctablement au moment où quelque chose d’énorme allait lui tomber dessus. Elle ne cessait de penser à la dispute entre Martin et Steven – et au sourire qu’elle avait vu à ce moment-là sur les lèvres de Danielle.

Elle avait choisi de ne pas appeler Danielle. Pas encore. Elle voulait recevoir les résultats d’analyse du cheveu retrouvé sur le corps de Martin et s’assurer d’avoir toutes les informations en main avant de l’appeler. Elle savait que rien de concret ne pourrait être fait sans un échantillon de l’ADN de Danielle mais elle savait également qu’il pourrait bientôt y avoir assez de raisons pour arrêter Danielle et obtenir l’échantillon à ce moment-là.

Alors qu’elle attendait au labo de recevoir les résultats de l’analyse du cheveu et d’une empreinte digitale partielle retrouvée sur le coffre, Chloé ne cessait de regarder son téléphone. Et ce faisant, il y avait une pensée qui n’arrêtait pas de lui revenir en tête, une pensée qu’elle espérait n’être que le résultat d’une réaction excessive.

Oh mon dieu, Danielle, qu’est-ce que tu as fait ? Qu’est-ce que tu as bien pu FAIRE ?

En attendant, elle travaillait avec Greene dans l’un des bureaux vides du labo et dressaient la liste des personnes qui avaient vu Martin au cours des derniers jours de sa vie. Ils utilisèrent ses relevés téléphoniques et compilèrent les noms de ceux qui l’avaient vu en dernier. À cause de la fête de quartier, Chloé fut forcée de donner son propre nom, ainsi que celui de Danielle.

« Je peux l’interroger pour toi, si tu préfères, » dit-il.

« Non, ça va aller. »

« Tu es sûre ? C’est beaucoup de stress pour une stagiaire. »

Quand elle se contenta de hocher la tête, Greene regarda ailleurs. « Tu sais, » ajouta-t-il, « si elle était d’accord de nous donner un échantillon d’ADN, on pourrait peut-être tout de suite l’écarter de la liste des suspects. »

« L’analyse ADN du cheveu prend quoi… huit heures ? » demanda-t-elle.

« Si le cheveu est en bon état – comme celui-ci – ça peut aller plus vite. En cinq heures, on pourrait avoir les résultats. »

Juste au moment où Greene avait l’air de vouloir lui offrir quelques mots de réconfort, on frappa à la porte du bureau. Un autre stagiaire passa la tête par l’embrasure, un type que Chloé avait rencontré à quelques reprises et qui travaillait avec un autre agent dans le domaine de la collecte de renseignements.

« J’ai deux pistes potentielles pour vous, » dit-il. « D’abord, cette amie, la femme qui a signalé sa disparition. Elle dit que Martin Shields lui faisait tout le temps des avances. Elle dit qu’ils s’étaient rencontrés à une fête il y a quelques mois. Elle n’a pas du tout eu l’air surprise qu’il ait été retrouvé mort dans un lac. »

« Et elle veut bien qu’on lui parle ? » demanda Greene.

« Oui. Elle attend votre appel. »

« Et quelle est la deuxième piste ? » demanda Chloé.

« On a vérifié le relevé de carte de crédit de Martin Shields. La dernière chose qu’il ait payée, c’était cinquante-cinq dollars en essence. On a contacté la station-service et ils sont occupés à repasser les enregistrements des caméras de sécurité du parking. Ils pensent qu’il soit possible que nous puissions voir l’intérieur de la voiture. »

« Merci, » dit Greene, au moment où le stagiaire lui tendait les documents relatifs à ces conclusions et prenait congé. L’agent Greene réfléchit un instant avant de se lever en soupirant.

« Voilà ce qu’on va faire, » dit-il. « Je vais aller voir cette femme qui prétend avoir couché avec Martin. Ce n’est pas nécessaire que tu viennes assister à tout ce déballage qui implique aussi la vie de ta sœur. Je préfère que tu te rendes à la station-service. »

« Et en ce qui concerne Danielle ? »

« J’enverrai quelques policiers pour aller lui parler. »

« Est-ce que je pourrais lui parler avant ? C’est… c’est grave, quand même. »

« Désolé, je me suis un peu avancé tout à l’heure. Je ne peux pas te laisser faire ça. À cause des liens personnels et tout ça. Je suis sûr que tu comprends. »

« Oui, bien sûr. Mais je suis sûre que vous pouvez comprendre que je connais bien ma sœur. Ce n’est pas elle qui a fait ça… c’est impossible. Laissez-moi juste lui parler un moment pour la prévenir de ce qui l’attend. »

Greene y réfléchit un instant, puis parla à voix basse bien qu’ils soient seuls dans la pièce. « Je comprends. La famille, c’est sacré. C’est sûr que c’est une situation particulière. Tu peux lui parler, mais sache que si elle quitte la ville ou cherche à nous éviter, ça retombera sur toi. Je te fais confiance, Chloé. Va d’abord à la station-service, puis parle avec ta sœur. Si tu apprends quoi que ce soit de neuf, je veux que tu m’appelles tout de suite. »

« Merci, » dit-elle. « Est-ce que vous risquez des problèmes pour ça ? »

« Non. Techniquement, ça ne sort pas des limites du protocole. N’importe quel agent ferait la même chose pour son partenaire. Alors oui… je suis sûr. Mais en revanche, il faut que vous y alliez maintenant. Car une fois qu’on aura reçu les résultats de l’analyse ADN… »

Chloé hocha la tête, certaine de savoir ce qu’il voulait dire par là. Elle prit les renseignements relatifs à la station-service et à la carte de crédit de Martin et sortit de la pièce. En se dirigeant vers l’avant de l’édifice, elle passa devant la porte du labo qui travaillait actuellement à l’identification du cheveu et de l’empreinte digitale.

Son cœur battit plus vite dans sa poitrine et elle se dépêcha à sortir. En se dirigeant vers sa voiture, elle fut de nouveau envahie par cette question.

Danielle, qu’est-ce que tu as fait ?

***

La station-service se trouvait à moins de cinq kilomètres de l’appartement de Danielle. Elle y arriva à 11h25 et l’endroit était pratiquement désert. Quelques clients étaient occupés à choisir des snacks et des magazines. Le caissier fut tout de suite très coopératif et ravi de l’aider. On l’avait prévenu de sa venue, alors il avait déjà préparé les enregistrements en question.

Après avoir demandé à un autre employé qui était occupé à remplir les rayons de venir le remplacer à la caisse, le caissier l’amena à l’arrière du magasin. Ils arrivèrent dans une petite réserve, remplie de caisses de snacks. Au fond à droite, il y avait une petite installation pour le système de sécurité. Un grand écran affichait six prises de vue différentes de caméras installées dans le parking extérieur. Un autre écran montrait deux angles différents d’enregistrement à l’intérieur du magasin, et une troisième prise de vue derrière la caisse.

 

« La voiture qui vous intéresse apparaît juste ici, » dit le caissier, en montrant du doigt l’angle central en bas de l’écran.

Après quelques secondes, la voiture de Martin apparut effectivement à l’écran. Il se gara sous l’auvent de l’une des six pompes. Une fois que la voiture se trouva sous l’auvent, il fut impossible de voir qui était à l’intérieur.

« Est-ce qu’il est possible de reculer l’enregistrement et de le faire passer au ralenti ? » demanda-t-elle.

« Oui, bien sûr. Et je peux aussi faire pause quand vous voulez. Il suffit que vous me disiez quand. »

Le caissier fit reculer l’enregistrement et la voiture de Martin recula à toute vitesse avant de disparaître. Puis il fit de nouveau passer l’enregistrement mais cette fois-ci, au ralenti. La voiture réapparut à l’écran.

« Faites pause, » dit Chloé.

Le caissier obtempéra. Le côté passager de la voiture faisait face à la caméra. Chloé put facilement discerner la silhouette d’une personne à l’intérieur. Mais avec la distance entre le véhicule et la caméra, ainsi que la déformation causée par la vitre du côté passager, il était difficile de bien voir les détails.

« Est-ce que vous pouvez un peu zoomer ? » demanda Chloé.

« Oui, mais ça va être granuleux. »

Le caissier tapa une commande dans le système de sécurité, qui était visiblement un peu dépassé. L’image zooma sur la silhouette du siège passager. Le caissier avait raison, l’image était incroyablement granuleuse.

Mais ça n’avait pas beaucoup d’importance car la ressemblance avec Danielle était sans équivoque. Sa tête était même légèrement tournée vers la caméra, rendant encore plus facile son identification.

En soi, ça ne la surprenait pas vraiment. Après tout, Danielle avait quitté la fête de quartier avec Martin. Et la caméra de sécurité indiquait que l’enregistrement avait eu lieu environ une demi-heure après que Martin et Danielle soient partis.

Il n’empêche que ça constituait une preuve. C’était une preuve suffisante pour le FBI pour la considérer comme un suspect potentiel.

« Merci, » dit Chloé, avec une voix basse et tremblante.

Elle s’éloigna lentement de l’écran mais au moment où elle se retrouva dans le magasin, elle se dépêcha de sortir. Il fallait qu’elle voie Danielle en tête à tête avant que le couperet ne tombe.

Et sur base de cet enregistrement, elle savait que ça ne tarderait plus.