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Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie

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Après une heure de marche environ, un des hussards qui étaient en éclaireurs, annonce les mameloucks. L'adjudant-général Rabasse qui commande l'avant-garde, prévient le général Davoust, et s'avance pour mieux reconnaître l'ennemi et soutenir ses éclaireurs qui déjà étaient chargés. Bientôt il l'est lui-même, et soutient le choc avec une bravoure et une intelligence admirable, mais le nombre l'accable; et, quoique culbuté avec son cheval, il se retire sans perte sur le corps de bataille où le général Desaix venait d'arriver; l'ordre est aussitôt donné à l'infanterie d'avancer, et à la cavalerie de prendre position sur un monticule extrêmement escarpé, pour y attendre et recevoir la charge; mais on ne peut parvenir à l'y placer. Une grande valeur animait le chef de brigade Duplessis; il désirait depuis long-temps trouver l'occasion de se signaler. Il ne peut voir arriver de sang-froid l'ennemi, et son courage impatient lui fait oublier l'exécution des ordres qu'il a reçus; il se porte, à quinze pas en avant de son régiment, et fait sonner la charge. Il se précipite au milieu des ennemis, et y fait des traits de la plus grande valeur; mais il a son cheval tué, et l'est bientôt lui-même d'un coup de trombon. Sa mort jette un peu de désordre; le général Davoust est forcé de faire avancer la ligne des dragons. Ces braves, commandés par le chef d'escadron Bouvaquier, chargent si impétueusement les mameloucks, qu'ils les obligent de se retirer en désordre et d'abandonner le champ de bataille.

L'infanterie et l'artillerie n'avançaient que lentement et péniblement dans le sable; tout était fini quand elles arrivèrent.. Cette affaire, dans laquelle les mameloucks ont eu plus de vingt morts et beaucoup de blessés, parmi lesquels Osman Hassan, a coûté aux Français plusieurs officiers, entr'autres l'intrépide Bouvaquier, chef d'escadron, plusieurs soldats tués et quelques blessés.

Après ce combat, les mameloucks firent un crochet, et retournèrent promptement à la Kuita, laissant plusieurs blessés et des chevaux dans les déserts. Le général Desaix écrit au général Belliard de les y chercher s'ils y restent, et de les suivre partout s'ils en sortent. Il revient le même jour à Kéné. Il forme une colonne mobile composée d'un bataillon de la 61e et du 7e de hussards, qu'il met à la disposition du général Davoust, auquel il donne l'ordre de détruire jusqu'au dernier des Arabes d'Yamb'o, qu'on annonçait être toujours dans les environs d'Aboumana. En même temps le commandant de Girgé avait ordre de se porter au rocher de la rive droite qui fait face à cette ville pour les combattre et les arrêter dans le cas de retraite; ils étaient forcés d'y passer.

Les Arabes d'Yamb'o sentirent que le moment était difficile; ils se décidèrent à ne pas attendre le général Davoust, et passèrent le Nil au-dessus de Bardis.

Le commandant de Girgé, qui en est informé, va les reconnaître, revient à Girgé, prend deux cent cinquante hommes de sa garnison, et va à leur rencontre.

COMBATS DE BARDIS ET DE GIRGÉ

Le 16, après midi, le chef de brigade Morand arrive à la vue de Bardis. Les Arabes d'Yamb'o, beaucoup de paysans, des mameloucks et des Arabes sortent aussitôt du village en poussant de grands cris; le citoyen Morand leur fait faire une vive décharge de mousqueterie; ils répondent et battent un peu en retraite. Le nombre des ennemis était considérable; la position de Morand était bonne; il avait peu de troupes, il crut devoir y rester. Une demi-heure après, il fut attaqué de nouveau, et reçut les ennemis comme la première fois; ils laissèrent beaucoup de leurs morts sur la place, et s'enfuirent à la faveur de la nuit qui arrivait; Morand en profita aussi pour revenir à Girgé couvrir ses établissemens.

Un nouveau combat fut livré le lendemain. Les Arabes d'Yamb'o marchèrent sur Girgé, où ils parvinrent à pénétrer. Pendant qu'ils cherchaient à piller le bazar, Morand forme deux colonnes, et dirige l'une dans l'intérieur de la ville, et l'autre en dehors. Cette disposition réussit à souhait; tout ce qui était dans la ville fut tué; le reste s'enfuit vers les déserts. Dans ces deux jours, les Arabes d'Yamb'o ont perdu deux cents morts; le citoyen Morand a eu quelques blessés.

Le chef de bataillon Ravier l'a très bien secondé dans cette affaire, où il a donné des preuves de zèle et d'intelligence.

Le général Davoust, qui avait su la défaite des Arabes d'Yamb'o, passa le Nil; mais il ne put arriver à Girgé qu'après le combat, et lorsque la nouvelle d'une dernière défaite des Arabes d'Yamb'o y parvenait. Voici ce qui y donna lieu.

Dès le 14 germinal, le commandant Pinon, qui était resté à Siout pour gouverner la province, avait écrit au citoyen Lasalle de venir à Siout, pendant qu'il irait donner la chasse à des Arabes qui inquiétaient les environs de Mélàoui. Le citoyen Lasalle, qui était resté à Tahta avec son régiment, s'y rendit. Pinon revint le 19, et le même jour il eut avis que les Arabes d'Yamb'o, après avoir été battus à Girgé, étaient venus dévaster Tahta, et que leur chef cherchait encore à soulever le pays.

COMBAT DE GÉHÉMI

Le 21, le citoyen Lasalle part pour les attaquer, ayant sous ses ordres un bataillon de la 88e, le 22e de chasseurs et une pièce de canon.

Le 23, à une heure après midi, le citoyen Lasalle arrive près de Géhémi, village extrêmement grand, où étaient les Arabes d'Yamb'o. Il fait de suite cerner le village par des divisions de son régiment, et marche droit à l'ennemi avec l'infanterie. Les Arabes d'Yamb'o font une décharge de mousqueterie, et se jettent dans un enclos à doubles murailles qu'ils venaient de créneler. Malgré le feu du canon et la fusillade, ils résistèrent plusieurs heures; enfin ils furent enfoncés. Ceux qui ne furent pas tués sur-le-champ s'enfuirent; mais une grande partie fut taillée en pièces par le 22e. Une centaine ou deux gagnèrent cependant les déserts à la faveur des arbres et des jardins. Les Arabes d'Yamb'o ont perdu dans cette action environ trois cents hommes tués, parmi lesquels se trouve le chérif, successeur d'Hassan.

Après l'affaire de Birambra, du 13 germinal, le général Desaix s'était rendu à Kéné, pour y organiser l'expédition destinée contre Cosséir; les marchands de ce port et de Jedda viennent le trouver, et lui demander paix et protection. Ils sont accueillis et caressés. Il fait la paix avec les cheiks de Cosséir, et avec un cheik du pays d'Yamb'o qui remplissait à Cosséir les fonctions de consul pour son pays. Il donne ordre au général Belliard de faire construire un fort à Kéné, de hâter les préparatifs de l'expédition sur Cosséir, et le nomme commandant de la province de Thèbes dont l'administration venait d'être organisée. Après ces dispositions, le général Desaix se rend de Kéné à Girgé, dont il confie le commandement au citoyen Morand; il part ensuite pour Siout, où il arrive le 26 floréal.

Cependant le général Davoust n'avait pas cessé de suivre les Arabes d'Yamb'o; mais après l'affaire du citoyen Lasalle, ils parurent détruits, et ce général vint à Siout. Il y était depuis plusieurs jours, et ne pouvait savoir ce qu'était devenu le petit nombre qui avait échappé au 22e, lorsque tout à coup on le prévient qu'il se forme à Bénéadi, grand et superbe village, et dont les habitans passent pour les plus braves de l'Égypte, un rassemblement de mameloucks, d'Arabes et de Darfouriens caravanistes, venus de l'intérieur de l'Afrique. On ajoute que Mourâd-Bey doit venir des oasis se mettre à la tête de cette troupe.

Le général Davoust se dispose aussitôt à marcher contre ce village; il renforce sa colonne d'un bataillon de la 88e et du 15e de dragons; il remplace provisoirement Pinon dans le commandement de la province de Siout, par le chef de brigade Silly, qui l'a conservé depuis.

COMBAT DE BÉNÉADI

Le 29, le général Davoust arrive près de Bénéadi qui est plein de troupes; le flanc du village vers le désert était couvert par une grande quantité de cavalerie, mameloucks, Arabes et paysans. Ce général forme son infanterie en deux colonnes; l'une doit enlever le village pendant que l'autre le tournera. Cette dernière était précédée par la cavalerie, sous les ordres de Pinon, chef de brigade distingué par ses talens; mais en passant près d'une maison, ce malheureux officier reçoit un coup de fusil et tombe mort. Le général Davoust le remplace par l'adjudant-général Rabasse. La cavalerie aperçoit les mameloucks dans les déserts; une des colonnes d'infanterie s'y porte; mais l'avant-garde de Mourâd-Bey, que l'affreuse misère faisait sortir des oasis, lui porte promptement le conseil de retourner. Les Arabes et les paysans à cheval avaient déjà lâché pied. L'infanterie et la cavalerie reviennent à la charge. Le village est aussitôt investi; l'infanterie y entre, et malgré le feu qui sort de toutes les maisons, les Français s'en rendent entièrement maîtres. Deux mille, tant Arabes d'Yamb'o que Maugrabins, Darfouriens, mameloucks démontés, et habitans de Bénéadi, restent sur le champ de bataille. En un instant ce beau village est réduit en cendres et n'offre que des ruines. On y fait un butin immense, et on y trouve jusqu'à des caisses pleines d'or.

Pendant que Davoust détruisait Bénéadi, les Arabes de Géama et d'El-Bacoutchi menaçaient Miniet; un grand nombre de villages des environs de Miniet s'insurgeaient, et les débris du rassemblement de Bénéadi y couraient: le chef de brigade Détrée, qui avait peu de troupes, désirait qu'un secours vint changer sa position. Le général Davoust y marcha, mais il arriva trop tard. Détrée avait fait un vigoureux effort, et les ennemis avaient été forcés de se retirer. On disait que les Arabes d'Yamb'o marchaient sur Benesouef, dont les environs se révoltaient aussi; le général Davoust y court. L'opinion parmi les habitans de la province de Benesouef est qu'il ne descend de troupes que lorsque les autres ont été détruites; en conséquence ils courent aux armes, et, s'ils sont en force, ils attaquent les prétendus fuyards; s'ils sont trop faibles, ils se mettent à la poursuite de ces troupes pour les dévaliser; que s'ils ne peuvent les massacrer, ni les piller, ils leur refusent les moyens de subsistance.

 

Le général Davoust se trouva dans le dernier de ces cas. Arrivé près du village d'Abou-Girgé, son Cophte se porte en avant pour faire préparer des vivres. Le cheik répond qu'il n'y a point de vivres chez lui pour les Français, qu'ils sont tous détruits en haut, et que si lui ne se dépêche de se retirer, il le fera bâtonner d'importance. Le Cophte veut lui représenter ses torts; on le renverse de son cheval, et le cheik s'en empare. Le Cophte, fort heureux de se sauver, vient rendre compte de sa réception au général Davoust, qui, après avoir fait sommer le village de rentrer dans l'obéissance, et avoir porté des paroles de paix, le fait cerner, et ordonne de mettre tout à feu et à sang: mille habitans sont morts dans cette affaire. Le général Davoust continue sa route sur Benesouef; les ennemis, dont le nombre ne pouvait inquiéter, avaient passé le fleuve; le général Davoust se disposait à les y poursuivre, quand il reçut du général Dugua l'ordre de se rendre au Caire.

Lorsque les beys Hassan Jeddâoui et Osman Hassan partirent de la Kuita pour remonter vers Sienne, le général Belliard les suivit de très près, et les força de se jeter au-dessus des cataractes: il laissa ensuite à Hesney le brave chef de brigade Eppler, avec une garnison de cinq cents hommes qui devait contenir le pays, y lever des contributions, et surtout veiller à ce que les mameloucks ne redescendissent pas, et il revint à Kéné s'occuper sans relâche de la construction du fort, mais plus encore de l'expédition de Cosséir.

Vers le 20 floréal, Eppler eut avis que les mameloucks étaient revenus à Sienne, où ils vivaient fort tranquillement, et se refaisaient de leurs fatigues et de leurs pertes. Cet excellent officier jugea qu'il était important de leur enlever cette dernière ressource; en conséquence il donna ordre au capitaine Renaud, qu'il avait envoyé quelques jours auparavant à Etfou avec deux cents hommes, de marcher sur Sienne, et de chasser les mameloucks au-dessus des cataractes.

COMBAT DE SIENNE

Le 27, à deux heures après midi, arrivé à une demi-lieue de Sienne, le capitaine Renaud est prévenu qu'il va être attaqué. À peine a-t-il fait quelques dispositions que les ennemis arrivent sur lui bride abattue; ils sont attendus et reçus avec le plus grand sang-froid. La charge est fournie avec la dernière impétuosité, et quinze mameloucks tombent morts au milieu des rangs: Hassan-Bey Jeddâoui est blessé d'un coup de baïonnette, et son cheval tué; Osman-Bey Hassan reçoit deux coups de feu, dix mameloucks expirent à une portée de canon du champ de bataille, vingt-cinq autres sont trouvés morts de leurs blessures à Sienne.

Ce combat, l'exemple du désespoir d'une part, et du plus grand courage de l'autre, a coûté cinquante morts et plus de soixante blessés aux ennemis qui, pour la troisième fois, ont été rejetés au-dessus des cataractes, où la misère et tous les maux vont les accabler.

Le capitaine Renaud a quatre hommes tués et quinze blessés.

Le premier soin du général Desaix, à son arrivée à Siout, fut de faire chercher des chameaux et confectionner des outres, afin d'aller joindre Mourâd-Bey à Elouâh; expédition qu'il désirait faire marcher de front avec celle de Gosséir; mais l'apparition des Anglais dans ce port le força de diriger contre Cosséir toute son attention.

Le général Belliard, qui devait la commander, se trouvant attaqué d'un grand mal d'yeux, Desaix lui envoya le citoyen Donzelot, son adjudant-général, pour le seconder ou le remplacer: ils partirent l'un et l'autre de Kéné, le 7 prairial, avec cinq cents hommes de la 21e.

Le 10, le général Belliard prend possession du port de Cosséir, où se trouve un fort qui, avec quelques réparations, peut devenir important.

BATAILLE ET SIÉGE D'ABOUKIR

Telle était la situation de la Haute-Égypte et de l'armée du général Desaix, quand Bonaparte arriva au Caire de son expédition de Syrie. Son premier soin avait été d'organiser son armée et d'en remplir tous les cadres, afin de la mettre promptement en état de marcher à de nouveaux combats. Il n'avait détruit qu'une partie du plan général d'attaque combiné entre la Porte et l'Angleterre; il jugea qu'il lui faudrait bientôt écarter les autres dangers qu'il avait prévus.

En effet, il est bientôt instruit par le général Desaix que les mameloucks de la Haute-Égypte s'étant divisés, une partie s'est portée dans l'oasis de Sébahiar, avec dessein de se réunir à Ibrahim-Bey, qui était revenu à Ghazah, tandis que Mourâd-Bey descendait par le Faïoum pour gagner l'oasis du lac Natron, afin de se réunir à un rassemblement d'Arabes qui s'y était formé, et que le général Destaing avait reçu ordre de disperser avec la colonne mobile mise à sa disposition. Cette marche de Mourâd-Bey, combinée avec le mouvement des Arabes, annonçait le dessein de protéger un débarquement soit à la tour des Arabes, soit à Aboukir.

Le 22 messidor, le général Lagrange part du Caire avec une colonne mobile; il arrive à Sébahiar où il surprend les mameloucks dans leur camp; ils n'ont que le temps de fuir dans le désert, en abandonnant tous leurs bagages et sept cents chameaux. Osman-Bey, plusieurs kiachefs et quelques mameloucks sont tués. Cinquante chevaux restent au pouvoir des braves que le général Lagrange commande.

Le général Murat reçoit l'ordre de se rendre à la tête d'une colonne mobile, aux lacs Natron, d'en éloigner les rassemblemens d'Arabes, de seconder le général Destaing, et de couper le chemin à Mourâd-Bey. Ce général arrive aux lacs Natron, prend, chemin faisant, un kiachef et trente mameloucks qui évitaient la poursuite du général Destaing. Mourâd-Bey est informé, près des lacs Natron, que les Français y sont; il rétrograde aussitôt, et couche le 25 messidor près des pyramides de Gisëh, du côté du désert.

Bonaparte, informé de ce mouvement, part du Caire le 26 messidor, avec les guides à cheval et ceux à pied, les grenadiers des 18e et 32e, les éclaireurs et deux pièces de canon; il va coucher aux pyramides de Gisëh, où il ordonne au général Murat de le joindre. Arrivé aux pyramides, son avant-garde poursuit les Arabes qui marchaient à la suite de Mourâd-Bey, parti le matin pour remonter vers le Faïoum. On tue quelques hommes; on prend plusieurs chameaux.

Le général Murat, qui avait rejoint Bonaparte, suit l'espace de cinq lieues la route qu'avait tenue Mourâd-Bey.

Bonaparte, disposé à rester deux ou trois jours aux pyramides de Gisëh, y reçoit une lettre d'Alexandrie, qui lui apprend qu'une flotte turque, de cent voiles, avait mouillé à Aboukir le 23, et annonçait des vues hostiles contre Alexandrie. Il part au moment même pour se rendre à Gisëh; il y passe la nuit à faire ses dispositions; il ordonne au général Murat de se mettre en marche pour Rahmanié, avec sa cavalerie, les grenadiers de la 69e, ceux des 18e et 32e, les éclaireurs, et un bataillon de la 13e qu'il avait avec lui.

Une partie de la division Lannes reçoit l'ordre de passer le Nil dans la nuit, et de se rendre à Rahmanié.

Une partie de la division Rampon reçoit également l'ordre de passer le Nil à la pointe du jour, pour se porter aussi sur Rahmanié.

Le parc destiné à marcher se met en mouvement; pendant la nuit, tous les ordres et toutes les instructions sont expédiés dans les provinces.

Bonaparte recommande au général Desaix d'ordonner au général Friant de rejoindre les traces de Mourâd-Bey, et de le suivre avec sa colonne mobile partout où il ira; de faire bien approvisionner le fort de Kéné dans la Haute-Égypte, et celui de Cosséir; de laisser cent hommes dans chacun de ces forts; de surveiller la situation du Caire pendant l'expédition contre le débarquement des Turcs à Aboukir; de se concerter avec le général Dugua, commandant au Caire, et d'envoyer la moitié de sa cavalerie à l'armée. Il recommande au général Dugua de tenir, autant qu'il lui sera possible, des colonnes mobiles dans les provinces environnant le Caire; de se concerter avec les généraux Desaix et Regnier; de tenir la citadelle du Caire et les forts bien approvisionnés et de s'y retirer en cas d'événement majeur.

Il écrit au général Regnier de faire surveiller les approvisionnemens des forts d'El-A'rych, Cathiëh, Salêhiëh et Belbéis; de s'opposer autant qu'il le pourra avec la 85e et le corps de cavalerie à ses ordres, à tous les mouvemens, soit de la part des fellâhs ou des Arabes révoltés, soit de celle d'Ibrahim-Bey et des troupes de Djezzar; enfin, en cas de forces supérieures, d'ordonner aux garnisons de s'enfermer dans les forts, tandis que lui et ses troupes rentreraient au Caire.

Au général Kléber, de faire un mouvement sur Rosette, en laissant les troupes nécessaires à la sûreté de Damiette et de la province.

Le général Menou, avec une colonne mobile, était parti pour les lacs Natron. Il reçoit l'ordre de mettre deux cents Grecs avec une pièce de canon, pour tenir garnison dans les couvens, qui sont bâtis de manière à faire d'excellens forts. L'objet est de défendre l'occupation de cet oasis à Mourâd-Bey, ainsi qu'aux Arabes; il lui est ordonné de rejoindre l'armée à Rahmanié avec le reste de sa colonne.

Le général en chef, avec le quartier-général, part de Gisëh le 28 messidor, couche le même jour à Ouardan, le 29 à Terranëh, le 30 à Chabour; il arrive le 1er thermidor à Rahmanié, où l'armée se réunit le 2 et le 3.

Les généraux Lannes, Robin et Fugières, qui étaient dans les provinces de Menouff et de Charkié pour y faire payer le miri, rejoignent l'armée à Rahmanié.

Bonaparte apprend que les cent voiles turques mouillées à Aboukir le 24, avaient débarqué environ trois mille hommes et de l'artillerie, et avaient attaqué le 27 la redoute, qu'ils avaient enlevée de vive force; que le fort d'Aboukir, dont le commandant avait été tué, s'était rendu le même jour par une de ces lâchetés qui méritent un exemple sévère.

Le fort est séparé de la terre par un fossé de vingt pieds, avant une contrescarpe taillée dans le roc; le revêtement en est bon; il eût pu tenir jusqu'à l'arrivée du secours.

L'adjudant-général Julien, à Rosette, se conduit avec autant de sagesse que de prudence; il fait conduire dans le fort les munitions, les vivres, les malades qui sont à Rosette; mais il reste dans cette ville, avec la plus grande partie des deux cents hommes environ qu'il avait à ses ordres; il maintient la confiance et la tranquillité dans la province et dans le Delta, et son intrépidité en impose aux agens de l'ennemi.

Le général Marmont écrit que les Turcs ont pris Aboukir par capitulation; qu'ils sont occupés à débarquer leur artillerie, qu'ils ont coupé les pontons construits par les Français pour la communication avec Rosette, sur le passage qui joint le Madié à la rade d'Aboukir; que les espions qu'il avait envoyés rapportaient que l'ennemi avait le projet de faire le siége d'Alexandrie, et était fort d'environ quinze mille hommes.

Bonaparte envoie le général Menou à Rosette, avec un renfort de troupes; il lui ordonne d'observer l'ennemi, de défendre le Bogaze à l'embouchure du Nil.

On espérait que l'ennemi deviendrait entreprenant, par la prise d'Aboukir; qu'il marcherait, soit sur Rosette, soit sur Alexandrie; mais Bonaparte apprend qu'il s'établit et se retranche dans la presqu'île d'Aboukir, qu'il forme des magasins dans le fort, qu'il organise les Arabes, et attend Mourâd-Bey, avec ses mameloucks, avant de se porter en avant.

L'ennemi acquérait chaque jour de nouvelles forces: il était donc important de prendre une position d'où l'on pût l'attaquer également, soit qu'il se portât sur Rosette, soit qu'il voulût investir Alexandrie; une position telle que l'on pût marcher sur Aboukir, s'il y restait, l'y attaquer, lui enlever son artillerie, le culbuter dans la mer, le bombarder dans le fort, et le lui reprendre.

Bonaparte se décide à prendre cette position au village de Birket, situé à la hauteur d'un des angles du lac Madié, d'où l'on se porte également sur l'Eter, Rosette, Alexandrie et Aboukir; d'où l'on peut en outre resserrer l'ennemi dans la presqu'île d'Aboukir, lui rendre plus difficile sa communication avec le pays, et intercepter les secours qu'il peut attendre des Arabes et des mameloucks.

Le général Murat, avec la cavalerie, les dromadaires, les grenadiers, et le 1er bataillon de la 69e, part de Rahmanié le 2 au soir, pour se rendre à Birket. Le général a l'ordre de se mettre en communication avec Alexandrie par des détachemens; de faire reconnaître l'ennemi à Aboukir, et de pousser des patrouilles sur l'Eter et autour du lac Madié.

 

L'armée part de Rahmanié le 4 thermidor, ainsi que le quartier-général. Le 5, elle est en position à Birket. Des sapeurs sont envoyés à Beddâh pour y nettoyer les puits. Une patrouille enlève le 3, près de Buccintor, environ soixante chameaux chargés d'orge et de blé, que les Arabes conduisaient à Aboukir.

L'armée part de Birket dans la nuit du 5; une division prend position à Kafr-Finn, et l'autre à Beddâh. Le quartier-général se rend à Alexandrie. Le général en chef passe la nuit à prendre connaissance des rapports de l'ennemi à Aboukir. Il fait partir les trois bataillons de la garnison d'Alexandrie, aux ordres du général Destaing, pour aller reconnaître l'ennemi, prendre position, et faire nettoyer les puits. À moitié chemin d'Alexandrie à Aboukir, il apprend que le général Kléber, avec une partie de sa division, est à Foua, et suit les mouvemens de l'armée, ainsi qu'il en avait reçu l'ordre.

Bonaparte avait employé la matinée du 6 à voir les fortifications d'Alexandrie, et à tout disposer pour attaquer l'ennemi. D'après les rapports des espions et ceux faits par les reconnaissances, Mustapha-Pacha, commandant l'armée turque, avait débarqué avec environ quinze mille hommes, beaucoup d'artillerie et une centaine de chevaux, et s'occupait à se retrancher.

Dans l'après-midi, Bonaparte part d'Alexandrie avec le quartier-général, et prend position au puits entre Alexandrie et Aboukir. La cavalerie du général Murat, les divisions Lannes et Rampon, ont ordre de se rendre à cette même position; elles y arrivent dans la nuit du 6 au 7, à minuit, ainsi que quatre cents hommes de cavalerie venant de la Haute-Égypte.

Le 7 thermidor, à la pointe du jour, l'armée se met en mouvement; l'avant-garde est commandée par le général Murat, qui a sous ses ordres quatre cents hommes de cavalerie, et le général de brigade Destaing, avec trois bataillons et deux pièces de canon.

La division Lannes formait l'aile droite, et la division Lanusse l'aile gauche. La division Kléber, qui devait arriver dans la journée, formait la réserve. Le parc, couvert d'un escadron de cavalerie, venait ensuite.

Le général de brigade Davoust, avec deux escadrons et cent dromadaires, a ordre de prendre position entre Alexandrie et l'armée, autant pour faire face aux Arabes et à Mourâd-Bey, qui pouvaient arriver d'un moment à l'autre, que pour assurer la communication avec Alexandrie.

Le général Menou, qui s'était porté à Rosette, avait eu l'ordre de se trouver à la pointe du jour à l'extrémité de la barre de Rosette à Aboukir, et au passage du lac Madié, pour canonner tout ce que l'ennemi aurait dans le lac, et lui donner de l'inquiétude sur sa gauche.

Mustapha-Pacha avait sa première ligne à une demi-lieue en avant du fort d'Aboukir, environ mille hommes occupaient un mamelon de sable retranché à sa droite sur le bord de la mer, soutenu par un village à trois cents toises, occupé par douze cents hommes et quatre pièces de canon. Sa gauche était sur une montagne de sable, à gauche de la presqu'île, isolée, à six cents toises en avant de la première ligne; l'ennemi occupait cette position qui était mal retranchée, pour couvrir le puits le plus abondant d'Aboukir. Quelques chaloupes canonnières paraissaient placées pour défendre l'espace de cette position à la seconde ligne; il y avait deux mille hommes environ et six pièces de canon.

L'ennemi avait sa seconde position en arrière du village, à trois cents toises; son centre était établi à la redoute qu'il avait enlevée; sa droite était placée derrière un retranchement prolongé depuis la redoute jusqu'à la mer, pendant l'espace de cent cinquante toises; sa gauche, en partant de la redoute vers la mer, occupait des mamelons et la plage qui se trouvait à la fois sous les feux de la redoute et sous ceux des chaloupes canonnières; il avait dans cette seconde position, à peu près sept mille hommes et douze pièces de canon. À cent cinquante toises derrière la redoute, se trouvait le village d'Aboukir et le fort occupés ensemble par environ quinze cents hommes; quatre-vingts hommes à cheval formaient la suite du pacha, commandant en chef.

L'escadre était mouillée à une demi-lieue dans la rade.

Après deux heures de marche, l'avant-garde se trouve en présence de l'ennemi; la fusillade s'engage avec les tirailleurs.

Bonaparte arrête les colonnes, et fait ses dispositions d'attaque.

Le général de brigade Destaing, avec ses trois bataillons, marche pour enlever la hauteur de la droite de l'ennemi, occupée par mille hommes. En même temps un piquet de cavalerie a ordre de couper ce corps dans sa retraite sur le village.

La division Lannes se porte sur la montagne de sable, à la gauche de la première ligne de l'ennemi, où il avait deux mille hommes et six pièces de canon; deux escadrons de cavalerie ont l'ordre d'observer et de couper ce corps dans sa retraite.

Le reste de la cavalerie marche au centre; la division Lanusse reste en seconde ligne.

Le général Destaing marche à l'ennemi au pas de charge; celui-ci abandonne ses retranchemens, et se retire sur le village; la cavalerie sabre les fuyards.

Le corps sur lequel marchait la division Lannes, voyant que la droite de sa première ligne est forcée de se replier, et que la cavalerie tourne sa position, veut se retirer, après avoir tiré quelques coups de canon; deux escadrons de cavalerie et un peloton des guides lui coupent la retraite, et forcent à se noyer dans la mer ce corps de deux mille hommes; aucun n'évite la mort; le commandant des guides à cheval, Hercule, est blessé.

Le corps du général Destaing marche sur le village, centre de la seconde ligne de l'ennemi; il le tourne en même temps que la 32e demi-brigade l'attaque de front. L'ennemi fait une vive résistance; sa seconde ligne détache un corps considérable par sa gauche pour venir au secours du village; la cavalerie le charge, le culbute, et poursuit les fuyards, dont une grande partie se précipite dans la mer.

Le village est emporté, l'ennemi est poursuivi jusqu'à la redoute, centre de sa seconde position. Cette position était très forte; la redoute était flanquée par un boyau qui fermait à droite la presqu'île jusqu'à la mer. Un autre boyau se prolongeait sur la gauche, mais à peu de distance de la redoute; le reste de l'espace était occupé par l'ennemi qui était sur des mamelons de sable et dans les palmiers.

Pendant que les troupes reprennent haleine, on met des canons en position au village et le long de la mer; on bat la droite de l'ennemi et sa redoute. Les bataillons du général Destaing formaient, au village qu'ils venaient d'enlever, le centre d'attaque en face de la redoute; ils ont ordre d'attaquer.

Le général Fugières reçoit l'ordre de former en colonne la 18e demi-brigade, et de marcher le long de la mer pour enlever au pas de charge la droite les Turcs. La 32e, qui occupait la gauche du village, l'ordre de tenir l'ennemi en échec, et de soutenir la 18e.

La cavalerie, qui formait la droite de l'armée, attaque l'ennemi par sa gauche; elle le charge avec impétuosité à plusieurs reprises; elle sabre et force à se jeter dans la mer tout ce qui est devant elle; mais elle ne pouvait rester au-delà de la redoute, se trouvant entre son feu et celui des canonnières ennemies. Emportée par sa valeur dans ce défilé de feux, elle se repliait aussitôt qu'elle avait chargé, et l'ennemi renvoyait de nouvelles forces sur les cadavres de ses premiers soldats.