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Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie

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Aussitôt après son retour au Caire, il avait envoyé contre l'armée de Mourâd-Bey, qui se tenait dans la Haute-Égypte, le général Desaix et sa division qui obtenait chaque jour de nouveaux succès.

Après avoir ainsi éloigné les ennemis, Bonaparte songe à organiser le gouvernement des provinces de l'Égypte. Il établit un divan dans chacune d'elles, et fait jouir le peuple de la plus belle prérogative de la liberté, celle de concourir à l'élection de ses magistrats. Il forme un système de guerre jusqu'alors inconnu contre les Arabes, qui de tout temps ont désolé ces belles contrées. Il arrête une nouvelle répartition d'impôts plus utile au fisc, et moins onéreuse au peuple; il porte la plus sévère économie dans la partie administrative de l'armée; il établit une compagnie de commerce dans la vue de faciliter l'échange et la circulation de toutes les denrées. Il avait formé un institut au Caire; il y établit une bibliothèque, et fait construire un laboratoire de chimie. Un grand atelier est ouvert pour les arts mécaniques. Déjà la fabrication du pain et celle des liqueurs fermentées est perfectionnée; on épure le salpêtre, on construit de nouvelles machines hydrauliques.

Pendant que Bonaparte semblait recréer la ville du Caire, des savans voyageaient par son ordre dans l'intérieur de l'Égypte, et y faisaient les reconnaissances, les découvertes les plus importantes pour la géographie, l'histoire et la physique.

Le général Andréossy avait reçu l'ordre de soumettre le lac Menzalëh, les bouches Pélusiaques, et d'en faire la reconnaissance, tant sous le rapport militaire que sous le rapport des sciences.

Il sonde, le 2 vendémiaire, la rade de Damiette, de Bougafic et du camp Bougan, ainsi que l'embouchure du Nil, afin de déterminer les passes du Boghaz et la forme de la baie. Il part de Damiette le 11 à deux heures du matin, avec deux cents hommes et quinze djermes conduites par des reis du Nil. Trois de ces djermes sont armées d'un canon. Il passe le Boghaz à sept heures, longe la côte et prend position, à trois heures après midi, à la bouche de Bibëh, où il fait les mêmes opérations qu'à l'embouchure du Nil. Le 12, il pénètre dans le lac jusqu'à cinq lieues; il voulait gagner Matariëh, mais les reis, intimidés par l'apparition subite d'environ cent trente djermes chargées d'Arabes embarqués à Matariëh, le conduisent vers Menzalëh. Tombé sous le vent, il est attaqué et poursuivi; mais, malgré la supériorité du nombre, l'ennemi est obligé de se retirer avec perte. Il se rejette alors sur Damiette, et mouille devant Minié à neuf heures du soir. La nuit du 14 au 15, il est attaqué avec plus d'acharnement, et pas avec plus de succès. Le 16, il se porte sur Mensalëh, et le 17 sur les îles de Matariëh.

Il mouille, le 20, à l'île de Tourna, le 24 à celle de Tumis, le 25 à la bouche d'Omm-Faredje, et il arrive, le 28, sur les ruines de Tinëh, de Peluse, de Farouna; il part le 29, et se dirige sur le canal de Moëz où il pénètre; le 30, il visite San et relève Salêhiëh, prend des renseignemens précis sur le canal de ce nom, et repart le même jour pour Menzalëh et Damiette, où il arrive le 2 brumaire, après avoir terminé la reconnaissance, les sondes, la carte du lac, pour la construction de laquelle il avait fait mesurer à la chaîne une étendue de plus de quarante-cinq mille toises.

Le général Andréossy, revenu au Caire, repart aussitôt avec le citoyen Berthollet pour reconnaître les lacs de natron. Il se rend, escorté de quatre-vingts hommes, à Terranëh, d'où il part dans la nuit du 3 au 4. Après quatorze heures de marche, il arrive aux lacs Natron, situés dans une vallée qui a plus de deux lieues de large, et dont la direction est de quarante-quatre degrés ouest. Ces lacs comprennent une étendue d'environ six lieues. Trois couvens cophtes, dont un isolé, sont situés dans la vallée, vers le sommet de la pointe opposée à Terranëh.

Le 4, il visite les lacs, et se rend au fleuve sans eau. C'est une grande vallée encombrée de sables, adjacente à celle des natrons, et dont le bassin a près de trois lieues d'un bord à l'autre. Il y trouve de grands corps d'arbres entièrement pétrifiés; le même jour il va bivouaquer au quatrième couvent qui est dans la direction d'Ouardan; dans la vallée du lac de Natron, on rencontre quelques sources de très bonne eau. Le natron y est d'une bonne qualité, et peut faire une branche de commerce très importante.

Tous les savans qui ont accompagné Bonaparte sont occupés à des travaux analogues à leurs talens et à leurs connaissances. Nouet et Méchain déterminent la latitude d'Alexandrie, celle du Caire, de Salêhiëh, de Damiette et de Suez.

Lefèvre et Malus font la reconnaissance du canal de Moëz; le premier avait accompagné, avec Bouchard, le général Andréossy dans la reconnaissance du lac Menzalëh.

Peyre et Girard font le plan d'Alexandrie; Lanorey fait la reconnaissance d'Abou-Menedgé; il est, de plus, chargé de diriger les travaux du canal d'Alexandrie.

Geoffroy examine les animaux du lac Menzalëh et les poissons du Nil; Delisle, les plantes qui se trouvent dans la Basse-Égypte.

Arnolet et Champy fils sont chargés d'observer les minéraux de la mer Rouge, et d'y faire des reconnaissances.

Girard est chargé d'un travail sur tous les canaux de la Haute-Égypte.

Denon voyage dans le Faïoum et dans la Haute-Égypte pour en dessiner les monumens. La passion des sciences et des arts lui fait surmonter tous les obstacles, et braver des périls et des fatigues sans nombre.

Conté dirige l'atelier destiné aux arts mécaniques; il fait construire des moulins à vent, et une infinité de machines inconnues en Égypte.

Savigny fait une collection des insectes du désert et de la Syrie.

Beauchamp et Nouet dressent un almanach contenant cinq calendriers, celui de la république française et ceux des Églises romaine, grecque, cophte et musulmane.

Costaz rédige un journal; Fourrier, secrétaire de l'Institut, est commissaire près le divan.

Berthollet et Monge sont à la tête de tous ces travaux, de toutes ces entreprises; on les retrouve partout où il se forme des établissemens utiles, où il se fait des découvertes importantes.

Tandis qu'on fait les préparatifs de l'expédition de Syrie, Bonaparte s'associe aux travaux des savans, et assiste exactement aux séances de l'Institut, où chacun d'eux rend compte de ses opérations. Il veut aller visiter lui-même l'isthme de Suez, et résoudre l'un des problèmes les plus importans et les plus obscurs de l'histoire; il se disposait à cet intéressant voyage, lorsqu'un événement fâcheux et inattendu le força d'ajourner ses projets.

La plus grande tranquillité n'avait cessé de régner dans la ville du Caire; les notables de toutes les provinces délibéraient avec calme, et d'après les propositions des commissaires français Monge et Berthollet, sur l'organisation définitive des divans, sur les lois civiles et criminelles, sur l'établissement et la répartition des impôts, et sur divers objets d'administration et de police générale. Tout à coup des indices d'une sédition prochaine se manifestent. Le 30 vendémiaire, à la pointe du jour, des rassemblemens se forment dans divers quartiers de la ville, et surtout à la grande mosquée. Le général Dupuy, commandant la place, s'avance à la tête d'une faible escorte pour les dissiper; il est assassiné, avec plusieurs officiers et quelques dragons, au milieu de l'un de ces attroupemens. La sédition devient aussitôt générale; tous les Français que les révoltés rencontrent sont égorgés; les Arabes se montrent aux portes de la ville.

La générale est battue; les Français s'arment et se forment en colonnes mobiles; ils marchent contre les rebelles avec plusieurs pièces de canon. Ceux-ci se retranchent dans leurs mosquées, d'où ils font un feu violent. Les mosquées sont aussitôt enfoncées; un combat terrible s'engage entre les assiégeans et les assiégés; l'indignation et la vengeance doublent la force et l'intrépidité des Français. Des batteries placées sur différentes hauteurs, et le canon de la citadelle, tirent sur la ville; le quartier des rebelles et de la grande mosquée sont incendiés.

Les chérifs et les principaux du Caire viennent enfin implorer la générosité des vainqueurs et la clémence de Bonaparte; un pardon général est aussitôt accordé à la ville, et le 2 brumaire l'ordre est entièrement rétabli. Mais, pour prévenir dans la suite de pareils excès, la place est mise dans un tel état de défense, qu'un seul bataillon suffit pour la mettre à l'abri des mouvemens séditieux d'une population nombreuse. Des mesures sont prises aussi pour la garantir à l'extérieur contre toute entreprise de la part des Arabes.

Bonaparte, après avoir imprimé à tout le pays la terreur de ses armes, continue de suivre ses plans d'administration intérieure, sans oublier ce qu'il doit à l'intérêt des sciences, du commerce et des arts.

Le général Bon reçoit ordre de traverser le désert à la tête de quinze cents hommes, et avec deux pièces de canon, et de marcher vers Suez, où il entre le 17 brumaire.

Bonaparte, accompagné d'une partie de son état-major, des membres de l'Institut, Monge, Berthollet, Costaz, de Bourrienne, et d'un corps de cavalerie, part lui-même du Caire le 4 nivôse, et va camper à Birket-êl-Hadj, ou lac des Pèlerins; le 5, il bivouaque à dix lieues dans le désert; le 6, il arrive à Suez; le 7, il reconnaît la côte et la ville, et ordonne les ouvrages et les fortifications qu'il juge nécessaires à sa défense.

Le 8, il passe la mer Rouge près de Suez, à un gué qui n'est praticable qu'à la marée basse. Il se rend aux Fontaines de Moïse, situées en Asie, à trois lieues et demie de Suez. Cinq sources forment ces fontaines qui s'échappent en bouillonnant du sommet de petits monticules de sable; l'eau en est douce et un peu saumâtre. On y trouve les vestiges d'un petit aqueduc moderne qui conduisait cette eau à des citernes creusées sur le bord de la mer, dont les fontaines sont éloignées de trois quarts de lieue.

 

Bonaparte retourne le soir même à Suez; mais la mer étant haute, il est forcé de remonter la pointe de la mer Rouge. Le guide le perd dans les marais, et il ne parvient à en sortir qu'avec la plus grande peine, ayant de l'eau jusqu'à la ceinture.

Les magasins de Suez indiquent assez que cette ville a été l'entrepôt d'un commerce considérable; les barques seules peuvent maintenant arriver au port; mais des frégates peuvent mouiller auprès d'une pointe de sable qui s'avance à une demi-lieue dans la mer. Cette pointe est découverte à la marée basse, et il serait possible d'y construire une batterie qui protégerait le mouillage et défendrait la rade.

Bonaparte encourage le commerce par plusieurs établissemens utiles; il le rassure contre les exactions auxquelles le livraient et les mameloucks et les pachas. Une nouvelle douane, dont les droits sont moins forts que ceux de l'ancienne, remplace celle qui existait avant son arrivée. Il prend des mesures pour assurer et garantir le transport de Suez au Caire et à Belbéis; enfin ses dispositions sont telles, qu'elles doivent dans peu de temps rendre à Suez son antique splendeur.

Quatre bâtimens de Djedda arrivent dans cette ville pendant le séjour qu'y fait Bonaparte. Les Arabes de Tor viennent aussi demander l'amitié des Français. Bonaparte quitte Suez le 10 nivôse, côtoyant la mer Rouge au nord. À deux lieues et demie de cette ville, il trouve les restes de l'entrée du canal de Suez; il le suit pendant quatre lieues. Le même jour, il couche au fort d'Adgeroud; le 11, à dix lieues dans le désert; et le 12 à Belbéis. Le 14, il se porte dans l'oasis d'Houareb, où il retrouve les vestiges du canal de Suez, à son entrée sur les terres cultivées et arrosées de l'Égypte.

Il le suit l'espace de plusieurs lieues, et, satisfait de cette double reconnaissance, il donne ordre au citoyen Peyre, ingénieur, de se rendre à Suez, et d'en partir avec une escorte suffisante pour lever géométriquement et niveler tout le cours du canal, opération qui va résoudre enfin le problème de l'existence d'un des plus grands et des plus importans travaux du monde. De retour à Suez, Bonaparte apprend que Djezzar, pacha de Syrie, s'était emparé du fort de El-A'rych, qui défendait les frontières de l'Égypte. Ce fort, situé à deux journées de Cathié, et à dix lieues dans le désert, était même occupé par l'avant-garde du pacha. Ces mouvemens hostiles ne laissaient aucun doute sur les intentions de Djezzar et de la Porte, qui venait de déclarer la guerre à la France.

Certain d'une attaque, il ne restait plus à Bonaparte d'autre parti à prendre que celui de déconcerter les plans de ses nouveaux ennemis en les prévenant. Il quitte Suez sur-le-champ pour se rendre au Caire. Il passe par Salêhiëh, où se trouvaient les troupes destinées à former l'avant-garde de l'expédition de Syrie: il met cette avant-garde en mouvement, et continue sa route vers le Caire, marchant jour et nuit. Aussitôt qu'il y est rendu, il réunit l'armée qui doit le suivre.

Elle est composée de la division du général Kléber, qui a sous ses ordres les généraux Verdier et Junot, d'une partie des deux demi-brigades d'infanterie légère, et des 25e et 75e de ligne;

De la division du général Regnier, ayant sous ses ordres le général Lagrange, la 9e et la 95e demi-brigade de ligne;

De celle du général Lannes, ayant sous ses ordres les généraux Vaud, Robin et Rambeau, avec une partie de la 22e demi-brigade d'infanterie légère, des 13e et 69e de ligne;

De celle du général Bon, ayant sous ses ordres les généraux Rampon, Vial, et une partie des 4e demi-brigade d'infanterie légère, 18e et 32e demi-brigades de ligne;

De celle du général Murat, avec neuf cents hommes de cavalerie et quatre pièces de 4.

Le général Dommartin commande l'artillerie, et le général Caffarelli le génie.

Le parc d'artillerie est composé de quatre pièces de 12, trois de 8, cinq obusiers, et trois mortiers de cinq pouces.

L'artillerie de chaque division est composée de deux pièces de 8, deux obusiers de six pouces: ces différens corps forment une armée d'environ dix mille hommes.

La 19e demi-brigade, les 3e bataillons des demi-brigades de l'expédition de Syrie, la Légion nautique, les dépôts du corps de cavalerie, la Légion maltaise, sont répartis dans les villes d'Alexandrie, de Damiette et du Caire, pour les garnisons et les colonnes mobiles destinées à protéger contre les Arabes, et à retenir dans l'obéissance les provinces de la Basse-Égypte.

Le général Desaix continuait d'occuper la Haute-Égypte avec sa division.

Le commandement de la province du Caire est remis entre les mains du général Dugua; les autres sont confiés aux généraux Belliard, Lanusse, Zayoncheck, Fugières, Leclerc, et à l'adjudant-général Almeyras. Le citoyen Poussielgue, administrateur-général des finances, reste au Caire; le payeur-général de l'armée, nommé Estève, jeune homme recommandable sous tous les rapports, suit l'expédition.

Le commandement d'Alexandrie était très important. Il ne pouvait être confié qu'à un officier actif, qui réunit les connaissances de l'artillerie à celles du génie et des autres parties militaires. Cette place, par l'éloignement du général en chef, devenait presque indépendante sous les rapports militaires et administratifs. Les Anglais étaient en présence, et des symptômes de peste commençaient à s'y manifester. Le choix du général en chef tomba sur le général de brigade Marmont.

Bonaparte ordonne à l'adjudant-général Almeyras, qu'il charge du commandement de Damiette, de presser les travaux des fortifications, et de faire embarquer des vivres et des munitions pour l'armée de Syrie, en profitant de la navigation du lac Menzalëh et du port de Tinëh, d'où l'on devait les transporter dans les magasins établis à Cathiëh, à cinq heures de marche.

L'armée avait besoin de quelques pièces de siége pour battre la place d'Acre, en cas de résistance. Les difficultés du désert en rendaient le transport impraticable par terre. Les charger sur quelques frégates mouillées dans la rade d'Alexandrie, et braver la croisière anglaise, était un projet audacieux sans doute; mais sans audace marche-t-on à la victoire?

Bonaparte ordonne au contre-amiral Pérée, d'embarquer à Alexandrie l'artillerie de siége dont il avait besoin, d'appareiller avec la Junon, la Courageuse et l'Alceste, de croiser devant Jaffa et de se mettre en communication avec l'armée. Il calcule et détermine l'époque à laquelle il doit arriver.

On rassemble au Caire, en toute diligence, les mulets et les chameaux qui doivent transporter le parc d'artillerie, les vivres, les munitions, et tout ce qui est nécessaire à une armée qui traverse le désert.

Le général Kléber reçoit l'ordre de s'embarquer avec sa division, à Damiette. Les Français s'étaient rendus maîtres de la navigation du lac Menzalëh. Bonaparte ordonne à Kléber de se rendre par ce lac à Tinëh et de là à Cathiëh, de manière à y arriver le 16 pluviôse.

Le général Regnier était parti de Belbéis, avec son état-major, le 4 pluviôse, pour se rendre à Salêhiëh, qu'il avait quitté le 14, afin d'arriver le 16 à Cathiëh où il rejoint son avant-garde; il en part le 18 et prend la route de El-A'rych. Ce village et le fort étaient occupés par deux mille hommes de troupes du pacha d'Acre.

Le général Lagrange, avec deux bataillons de la 85e demi-brigade, un bataillon de la 75e et deux pièces de canon, formait l'avant-garde du général Regnier. Le 20 pluviôse, il aperçoit, en approchant des fontaines de Massoudiac, un parti de marmeloucks auxquels ses tirailleurs donnent la chasse. Il arrive le soir au bois de palmiers près de la mer, en avant de El-A'rych. Le 21, il se porte avec rapidité sur les montagnes de sable qui dominent El-A'rych; il y prend position et y place son artillerie.

Le général Regnier fait battre la charge; à l'instant l'avant-garde se précipite de droite et de gauche sur le village, que Regnier attaquait de front. Malgré la position favorable de l'ennemi dans ce village, situé sur un amphithéâtre, bâti en maisons de pierres crénelées et soutenu par le fort; malgré la vivacité du feu et la résistance la plus opiniâtre, le village est enlevé à la baïonnette; l'ennemi se retire dans le fort et barricade les portes avec tant de précipitation, qu'il abandonne environ trois cents hommes qui sont tués ou faits prisonniers.

Dès le soir, le blocus du fort de El-A'rych est formé par le général Regnier. Ce jour-là même, on avait signalé, sur la route de Ghazah, un corps de cavalerie et d'infanterie qui escortait un convoi destiné à l'approvisionnement de El-A'rych. Ce renfort s'augmente et se grossit jusqu'au 25, où l'ennemi, devenu audacieux par la supériorité que lui donne sa cavalerie, vient camper à une demi-lieue de El-A'rych, sur un plateau couvert d'un ravin très escarpé, position dans laquelle il se croit inexpugnable.

Cependant le général Kléber arrive avec quelques troupes de sa division. Dans la nuit du 26 au 27, une partie de la division Regnier tourne le ravin qui couvrait le camp des mameloucks; elle se précipite dans le camp dont elle est bientôt maîtresse, et tout ce qui ne peut échapper par une prompte fuite est tué ou fait prisonnier. Une multitude de chameaux et de chevaux, des provisions de bouche et de guerre, et tous les équipages des mameloucks tombent au pouvoir des vainqueurs. Deux beys et quelques kiachefs sont tués sur le champ de bataille. C'est le surlendemain de cette glorieuse journée que Bonaparte paraît devant El-A'rych.

Il était encore le 21 au Caire, lorsqu'il reçut un exprès d'Alexandrie, qui lui annonça que le 15, la croisière anglaise, renforcée de quelques bâtimens, bombardait le port et la ville. Il juge aussitôt que ce bombardement ne peut avoir d'autre but que de le détourner de son expédition de Syrie, dont le mouvement commencé avait déjà alarmé les Anglais et le pacha d'Acre. Il laisse donc les Anglais continuer leur bombardement, qui n'a d'autre effet que de couler quelques bâtimens de transport, et part le 22 du Caire, avec son état-major, pour aller coucher à Belbéis. Le 23, il couche à Coreid; le 24 à Salêhiëh; le 25 à Kantara, dans le désert; le 26 à Cathiëh; le 27 au puits de Bir-êl-Ayoub; le 28 au puits de Massoudiac; et le 29, enfin, à El-A'rych, où se réunissent en même temps les divisions Bon et Lannes et le parc de l'expédition.

Le général Regnier avait fait tirer contre le fort quelques coups de canon, et commencer des boyaux d'approche; mais n'ayant pas assez de munitions pour battre en brèche, il avait sommé le commandant du fort et resserré le blocus; il avait aussi fait pousser une mine sous l'une des tours; elle fut éventée par l'ennemi.

Le 30 pluviôse, l'armée prend position devant El-A'rych, sur les monticules de sable, entre le village et la mer. Bonaparte fait canonner une des tours du château, et dès que la brèche est commencée, il somme la place de se rendre.

La garnison était composée d'Arnautes, de Maugrabins, tous barbares sans chefs, ne connaissant aucun des usages, aucun des principes professés dans la guerre par les nations policées. Il s'établit une correspondance également bizarre et curieuse, et qui seule suffirait pour peindre les barbares.

Bonaparte, qui avait le plus grand intérêt à ménager son armée et ses munitions, se prête patiemment à la bizarrerie de leurs procédés; il diffère l'assaut. On continue à parlementer et à tirer successivement. Enfin, le 2 ventôse, la garnison, forte de seize cents hommes, se rend, et met bas les armes, sous la condition de se retirer à Bagdad par le désert. Une partie des Maugrabins prend du service dans l'armée française. On trouve dans le fort environ deux cent cinquante chevaux, deux pièces d'artillerie démontées, et des vivres pour plusieurs jours. Le 3, Bonaparte fait partir pour le Caire les drapeaux enlevés à l'ennemi, et les mameloucks faits prisonniers.

Le 4 ventôse, le général Kléber, à la tête de sa division et de la cavalerie, part de El-A'rych, pour se porter sur Kan-Jounes, premier village qu'on trouve dans la Palestine en sortant du désert.

Le 5, le quartier-général quitte aussi El-A'rych, avec la même destination. Il arrive jusque sur les hauteurs de Kan-Jounes sans avoir de nouvelles de la division Kléber. Le général en chef pousse quelques hommes de son escorte dans le village; les Français n'y avaient point encore paru; quelques mameloucks qui s'y trouvent prennent la fuite, et se retirent au camp d'Abdalla-Pacha, qu'on aperçoit à une lieue de là, sur la route de Ghazah.

Bonaparte n'avait qu'un simple piquet pour escorte. Convaincu que la division Kléber s'est égarée, il se retire sur Santon, trois lieues en avant de Kan-Jounes, dans le désert. Il y trouve l'avant-garde de la cavalerie. Les guides avaient égaré la division Kléber dans le désert; mais ce général ayant arrêté quelques Arabes, les avait forcés de le remettre dans la route dont il s'était éloigné d'une journée de chemin. La division arrive le 6, à huit heures du matin, après quarante-huit heures de la marche la plus pénible, sans avoir pu se procurer une goutte d'eau.

 

Les divisions Bon et Lannes, qui avaient suivi ses traces, s'égarent également une partie du chemin; ces trois divisions, qui, d'après les ordres, n'auraient dû arriver que successivement, se réunissent presque en même temps au Santon. Les puits sont bientôt à sec. On creuse avec peine pour obtenir un peu d'eau; l'armée, qu'une soif ardente dévore, ne peut obtenir qu'un léger soulagement à ses souffrances et à ses besoins.

La division Regnier était restée à El-A'rych, avec l'ordre d'y attendre que tous les prisonniers de guerre l'eussent évacué, que le fort, qui était la clef de l'Égypte, fût mis dans un état de défense respectable, et que le parc d'artillerie fût en marche. Elle devait former l'arrière-garde de l'armée à deux journées de distance.

Le 6 ventôse, le quartier-général et l'armée marchent sur Kan-Jounes.

À une lieue en avant de ce village, on voit sur la route quelques colonnes de granit, et quelques morceaux de marbre épars qu'on pourrait prendre d'abord pour les débris d'un ancien monument; mais comme à quelques toises de là on trouve le puits de Reffa, d'une belle construction, et qui donne de l'eau en grande abondance, il est naturel de penser que ces ruines sont les restes d'un ker-van-serai, où s'arrêtaient les caravanes, pour faire de l'eau à l'entrée du désert qui sépare la Syrie de l'Égypte.

L'armée venait de traverser soixante lieues du désert le plus aride, car les habitations de Cathiëh et de El-A'rych ne présentent que des huttes de terre, et quelques palmiers près des puits. Elle trouva une véritable jouissance à son entrée dans les plaines de Ghazah, et à l'aspect des montagnes de la Syrie.

À l'approche de l'armée, Abdalla, qui était campé avec les mameloucks et son infanterie, à une lieue de Kan-Jounes, avait levé son camp, et s'était replié sur Ghazah.

Le 7, l'armée part de Kan-Jounes, et marche sur Ghazah. À deux lieues de cette ville, on aperçoit un corps de cavalerie qui occupait la hauteur.

Bonaparte dispose en carré chacune des divisions. Celle du général Kléber forme la gauche, et se dirige sur Ghazah, à la droite de l'ennemi; le général Bon occupe le centre, et marche vers son front; la colonne de droite est formée par la division Lannes, qui se dirige sur les hauteurs, et tourne les positions qu'occupait Abdalla; le général Murat, ayant sous ses ordres la cavalerie et six pièces de canon, marchait en avant de l'infanterie, et se disposait à charger l'ennemi.

À son approche, la cavalerie d'Abdalla fait plusieurs mouvemens qui annoncent de l'indécision dans ses desseins. Elle s'ébranle, et paraît vouloir charger; mais bientôt elle rétrograde, et se retire au galop pour prendre une nouvelle position. Le général Murat pousse des partis et fait manœuvrer la cavalerie, pour engager les Turcs à le charger ou à attendre la charge; mais bientôt ils se replient à mesure qu'il avance, et à la nuit ils avaient entièrement disparu; la division Kléber avait coupé quelques uns de leurs tirailleurs, et en avait tué une vingtaine.

L'armée se trouvait à une lieue au-delà de Ghazah; elle prend position sur les hauteurs qui dominent la place, et le quartier-général campe près de cette ville.

Le fort de Ghazah est de forme circulaire, du diamètre d'environ quarante toises, et flanqué de tours. Il renfermait seize milliers de poudre, une grande quantité de cartouches, des munitions de guerre, et quelques pièces de canon. On trouva en outre dans la ville cent mille rations de biscuit, du riz, des tentes et une grande quantité d'orge.

Les habitans avaient envoyé des députés au-devant des Français; ils sont traités en amis. L'armée séjourne le 8 et le 9 dans la ville. Bonaparte consacre ces deux jours à l'organisation civile et militaire de la place et du pays: il forme un divan composé de plusieurs Turcs habitans de la ville, et part, le 10 ventôse, pour Jaffa, où l'ennemi rassemblait ses forces.

Les convois de vivres et de munitions expédiés des magasins de Cathiëh, n'avaient pu suivre la marche de l'armée. Ils étaient arriérés de plusieurs jours de marche, mais les magasins que l'ennemi avait abandonnés à Ghazah mirent l'armée en état de ne pas souffrir de ce retard.

Le désert qui conduit de Ghazah à Jaffa est une plaine immense, couverte de monticules de sable mouvant, que la cavalerie ne parvient à franchir qu'avec beaucoup de difficultés. Les chameaux s'y traînent lentement et péniblement; on est contraint, l'espace d'environ trois lieues, de tripler les attelages de l'artillerie.

L'armée couche le 11 à Ezdoud, et le 12 à Ramlëh, village habité en grande partie par des chrétiens: elle y trouve des magasins de biscuit, que l'ennemi n'avait pas eu le temps d'évacuer; on en trouve également au village de Lida. Des hordes d'Arabes rôdaient autour de ces villages pour les piller; des partis les repoussent et les mettent en déroute. Le 13 ventôse, l'avant-garde, formée par la division Kléber, arrive devant Jaffa. À son approche, l'ennemi se retire dans l'intérieur de la place, et canonne les éclaireurs. Les autres divisions et la cavalerie arrivent quelques heures après.

La cavalerie et la division Kléber ont ordre de couvrir le siége de Jaffa, en prenant position sur la rivière de Lahoya, à deux lieues environ sur la route d'Acre. Les divisions Bon et Lannes forment l'investissement de la ville.

Le 14, on fait la reconnaissance de la place. Jaffa est entouré d'une muraille sans fossés, flanquée de bonnes tours avec du canon. Deux forts défendent le port et la rade; la place paraissait bien armée. On décide le front de l'attaque au sud de la ville, contre les parties les plus élevées et les plus fortes.

Dans la nuit du 14 au 15, la tranchée est ouverte; on établit une batterie de brèche et deux contre-batteries sur la tour carrée, la plus dominante du front d'attaque. On construit une batterie au nord de la place, afin d'établir une diversion.

Les journées du 15 et du 16 sont employées à avancer et perfectionner les travaux. L'ennemi fait deux sorties; il est repoussé vigoureusement et avec perte dans la place; les batteries commencent enfin leur feu.

Le 16, à la pointe du jour, on commence à canonner la place. La brèche est jugée praticable à quatre heures du soir. L'assaut est ordonné. Les carabiniers de la 22e demi-brigade d'infanterie légère s'élancent à la brèche; l'adjudant-général Rambaud, l'adjudant Netherwood, l'officier de génie Vernois sont à leur tête; ils ont avec eux des ouvriers du génie et de l'artillerie. Les chasseurs suivent les éclaireurs. Ils gravissent la brèche sous le feu de quelques batteries de flanc qu'on n'avait pu éteindre. Ils parviennent, après des prodiges de valeur, à se loger dans la tour carrée. Le chef de brigade de la 22e, le citoyen Lejeune, officier très distingué, est tué sur la brèche. L'ennemi fait à plusieurs reprises les plus grands efforts pour repousser la 22e demi-brigade; mais elle est soutenue par la division Lannes, et par l'artillerie des batteries qui mitraillent l'ennemi dans la ville, en suivant les progrès des assiégeans.