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Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie

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L'émigré avait jeté de coupables espérances dans la troupe, et réveillé des souvenirs que la circonstance rendait fâcheux; il se retira. Ces germes de désordre étaient lents à se développer. Les Anglais recoururent à une autre ruse. El-A'rych, placé à quatre journées de marche dans le désert, n'était soutenu que par le poste de Cathiëh. Ses communications étaient longues, pénibles, exigeaient des escortes assez nombreuses. Les officiers de Sidney imaginèrent de mettre cette circonstance à profit. Ils multiplièrent les messagers du visir, expédièrent des Tartares, qui, effrayés, tremblaient au seul nom de Bédouins, refusaient de continuer leur route, s'ils n'étaient protégés par trente à quarante hommes. Le commandant, qui avait pénétré l'artifice, se montrait peu disposé à se prêter à ces frayeurs; mais ils insistaient, se retranchaient sur l'importance de leurs dépêches, et finissaient toujours par enlever quelques soldats à la garnison. Enfin, le Tartare de confiance du généralissime se présenta, et déclara net qu'il ne courrait pas les risques de la traversée, si on ne lui donnait une escorte capable de contenir les tribus. Le commandant Cazal disputait sur le nombre, et était bien résolu à ne pas céder, quelque spécieuses que fussent les allégations, lorsqu'un détachement de dromadaires chargé de lui remettre trois effendis que Kléber envoyait au visir, se présenta. Cette troupe allait reprendre le chemin de Cathiëh; le Tartare fut sans prétexte, et le fort ne se dessaisit d'aucun de ses défenseurs. Sa position, néanmoins, n'en devint pas meilleure. Les dromadaires s'étaient mêlés à la garnison, et avaient imprudemment répandu parmi elle qu'ils avaient ordre de se replier sur Salêhiëh dès qu'ils verraient El-A'rych investi. Cette nouvelle ébranla sa constance: elle se crut sacrifiée, perdue, et ne montra plus qu'indécision.

Enfin, l'armée ottomane déboucha; elle s'établit sur le torrent qui couvre le fort, occupa le bois de palmiers qui l'avoisine, s'étendit au pied des dunes, porta un corps de mameloucks au puits de Mecondia, et poussa un gros de cavalerie à la gorge du désert. Ces dispositions achevées, elle envoya sommer la place. Son parlementaire se présenta avec un de nos prisonniers, et menaça la garnison, si elle ne rendait immédiatement le fort de ne lui faire aucun quartier. Le commandant ne voulut rien entendre; on s'adressa à ses soldats. Ils étaient encore tout étourdis d'une attaque bruyante qui venait d'avoir lieu; ils eurent la faiblesse de prêter l'oreille à de coupables espérances, et une insurrection terrible ne tarda pas à éclater. Le feu s'était ranimé; les Turcs s'élançaient de la première parallèle, et, plantant leur drapeau dans les sables, travaillaient des pieds et des mains à s'établir sur une ligne plus rapprochée du fort. Ils avaient d'abord obtenu quelque succès; mais nos projectiles tombaient si juste que les hommes, les guidons, quoique aussitôt remplacés qu'abattus, furent à la fin obligés de disparaître.

Le début était heureux, le moral des troupes pouvait se remonter, on redoubla de séductions. On enivra de nouveau les soldats de l'espoir de revoir la France; on leur exagéra les forces du visir. On fit valoir l'habile distribution des corps qui cernaient la place; on insista sur l'impossibilité où ils étaient d'être secourus. Abandonnés, perdus au milieu du désert, que pouvaient-ils contre les hordes sauvages que l'Asie poussait sur eux? Pouvaient-ils se flatter de les vaincre? Pouvaient-ils même se promettre de les arrêter? Pourquoi se dévouer à d'inutiles tortures? Pourquoi s'exposer aux outrages dont ces barbares accablent les vaincus? N'était-il pas plus sage d'assurer, au prix de quelques masures qu'on ne pouvait défendre, la vie de tant de braves, qui, résignés à verser leur sang pour la France, voulaient du moins que leur mort lui profitât. Résister n'offrait aucune chance de salut; traiter les présentait toutes: il fallait traiter.

La garnison ébranlée hésitait encore sur ce qu'elle avait à faire; mais la force vint seconder l'artifice, les attaques se développèrent pour appuyer la séduction. Les Turcs débouchent tout à coup du vallon des Citernes. Ils culbutent, replient nos avant-postes, et s'établissent dans des ruines, d'où on essaie en vain de les débusquer. Cette brusque irruption achève ce que la perfidie a commencé. Les troupes désespèrent d'elles-mêmes; elles s'agitent, s'inquiètent, et, se révoltant à la vue des vains dangers auxquels on les expose, elles demandent impérieusement que les hostilités cessent, et que le fort soit rendu. Le commandant essaie de ranimer leur courage. Il les rassemble, leur expose leur situation, leurs ressources, l'importance du poste qui leur est confié, les espérances que l'armée fonde sur leur bravoure; tous ses efforts sont inutiles. Ses conseils sont accueillis par des murmures, ses observations couvertes de cris séditieux; on l'interrompt; on refuse de l'entendre; on ne veut plus lui obéir. Il ne se rebute pas néanmoins. Il interpelle ses soldats; il leur reproche durement de prêter l'oreille à des suggestions perfides, de s'abandonner à de coupables espérances, et leur montrant le camp des ennemis: Eh bien! leur dit-il, puisque vous n'osez affronter les Turcs, courez, j'y consens, mendier leurs outrages. Les braves qui n'ont pas abjuré les sentimens français suffiront à défendre le fort; les portes sont ouvertes, allez.

Les ponts-levis s'étaient, en effet, abattus; mais la résolution du commandant avait imposé. La troupe était subjuguée, confondue; elle manifestait l'intention de se défendre, Cazal la renvoya à ses positions. La nuit ramena les intrigues; tout était de nouveau changé quand l'attaque recommença. Les Turcs s'échappèrent en tumulte de leurs tranchées, se répandirent sur les glacis, bravèrent le feu des détachemens qu'ils n'avaient pu ni intimider ni séduire; et, se portant tout à coup sur leur droite, ils se jetèrent dans le bastion, et l'occupèrent sans brûler une amorce. Ils suivirent les troupes qui avaient si honteusement rendu les postes qu'elles devaient défendre. Ils pénétrèrent dans les retranchemens, se couvrirent de tout ce qui leur tomba sous la main, et parvinrent à se maintenir malgré la mousqueterie qui partait des tours, des parapets voisins.

L'ennemi était au pied des ouvrages, une partie des troupes annonçait les dispositions les plus fâcheuses; tout était dans le désordre et la confusion. Les uns, inspirés par la frayeur, s'écriaient que les murailles allaient sauter, que les Turcs avaient attaché la mine; les autres, poussés par la malveillance, déploraient l'obstination du commandant, et soutenaient que la garnison était perdue si elle ne se hâtait de capituler. Cazal essaya de calmer ces frayeurs. Il fit jeter quelques obus sur les points menacés, et ordonna de déplacer toutes les poudres, tous les projectiles qui pourraient aggraver l'explosion. Le feu s'était peu à peu ralenti pendant qu'on se livrait à ces soins; les terreurs semblaient dissipées, les imaginations mieux assises; il résolut de hasarder une sortie. Chargé de balayer les retranchemens qu'occupent les Osmanlis, le capitaine Ferey réunit ses grenadiers, ouvre la barrière, commande, part, et n'est suivi par personne. Il revient, prie, exhorte, commande encore, et n'est pas mieux obéi. Le commandant accourt, rappelle aux mutins tout ce que le devoir, l'honneur inspirent, sans être plus heureux. Trois fois il leur ordonne de le suivre à l'ennemi; trois fois ils lui répondent qu'ils ne marcheront pas, qu'ils ne veulent plus se battre. La rébellion se propage comme un trait; au-dedans, au-dehors, les troupes ne connaissent plus de frein. L'un se plaint qu'on les sacrifie; l'autre jure qu'il ne brûlera pas une amorce; tous prétendent que le fort va sauter, et demandent à grands cris qu'il soit rendu. Cazal, pour toute réponse, leur montre l'ennemi qui chemine. Il les presse, les engage à continuer le feu; mais loin de les ramener, sa constance les irrite: ils jettent, brisent leurs armes, ou, montant sur le parapet, ils les agitent la crosse en l'air, et font signe aux assiégeans qu'ils sont prêts à se rendre. Quelques uns même se portent au drapeau; ils l'abattent, le précipitent dans la lunette, et ne s'aperçoivent pas plus tôt qu'il est de nouveau arboré, qu'ils accourent pour le renverser encore et lui substituer un drapeau blanc. Quelques braves accourent à la défense des couleurs nationales. Le capitaine Guillermain fond sur ceux qui les attaquent; le sergent Codicé se joint à lui: ils se groupent autour du signe qu'ils ont juré de conserver intact; ils bravent, ils menacent, et réussissent à éloigner les furieux qui, plus d'une fois, les couchent en joue.

Cependant, les Turcs voyant que le fort ne tirait plus, accourent en foule, et des lignes et du camp; ils couvrent les glacis, inondent les fossés. Bientôt une multitude sauvage, qu'on n'a aucun moyen d'éloigner, se presse au pied des retranchemens, et demande à grands cris d'être reçue dans la place. Elle s'essaie à escalader les bastions, entasse des matériaux qui n'ont pas encore été mis en œuvre; et tel est l'aveuglement de nos soldats, qu'ils lui jettent des cordages, qu'ils l'aident à franchir les remparts. Les prisonniers, qui, jusque-là étaient restés paisibles, se soulèvent à la vue de leurs camarades hissés sur les murs. Ils renversent les pierres qui, interceptent la communication du fort au bastion; ils ouvrent la poterne, introduisent tout ce qui se présente, et fondent sur les Français. Ceux-ci sentent alors la faute qu'ils ont commise; ils se rassemblent, se pelotonnent, rompent, écrasent les Turcs; mais, accablés bientôt par une soldatesque sauvage, dont les flots vont toujours croissant, ils tombent sous le damas auquel ils se sont imprudemment livrés. Ce n'est plus un combat, c'est une boucherie où quelques hommes rares se débattent au milieu d'une troupe d'égorgeurs. Cazal parvient cependant à se faire jour, à la tête de quelques uns des siens. Il gagne la porte du fort, s'y établit, s'y barricade, et oppose, à la foule qui le presse, une résistance dont elle ne peut triompher. Douglas, qu'attire la chaleur du combat, le somme, le supplie de se soumettre au sort. Il s'y refuse, et proteste qu'il est résolu de s'ensevelir sous les décombres s'il n'obtient une capitulation. Rajeb-Pacha, l'aga des janissaires, surviennent au même instant; ils ont fait briser les palissades, renverser les barrières; la porte est le seul obstacle qui leur reste à franchir pour pénétrer dans le fort. Ils s'irritent, demandent qu'elle soit ouverte, et consentent cependant à la proposition de Cazal, que leur transmet Douglas. On écrit aussitôt; on rédige une convention ainsi conçue:

 
ART. 1er

La garnison du fort sortira avec les honneurs de la guerre, et emportera ses bagages. Les officiers conserveront leurs armes et leurs effets.

ART. 2

Les malades et les blessés sont recommandés à la générosité de l'armée ottomane.

Fait au fort d'El-A'rych, le 8 nivôse an VIII.

Le colonel Douglas signa cette pièce, en expliqua le contenu aux pachas, impatiens, qui y apposèrent leur sceau, et la repassa au commandant, qui la garda.

On se mit aussitôt à déblayer les barricades, et le porte fut ouverte. Semblables à un torrent qui a rompu ses digues, les Turcs se précipitent alors dans la forteresse, et portent partout le ravage et la mort. Les uns se répandent dans l'hôpital, égorgent les malades et les blessés dans leurs lits; les autres convertissent les forges en ateliers d'assassinats. Ici, ils décapitent sur l'enclume les malheureux qu'ils immolent; là, ils les mutilent à coups de pelle et de pioche sur la culasse des canons. Plus loin ils les précipitent par-dessus le rempart, ou les descendent avec des cordes, pour les livrer à d'autres tigres impatiens de les égorger. Tel fut le résultat des manœuvres philanthropiques des officiers de Sidney; l'humanité, l'honneur, tout avait été foulé aux pieds pour arriver à cette horrible hécatombe.

Si du moins elle n'eût pas été inutile! mais Kléber avait déjà modifié ses instructions. Le temps, la situation des affaires en Europe avaient ébranlé sa constance. Il était revenu sur les conditions dont il avait d'abord déclaré ne pouvoir se désister que sur des ordres écrits, et offrait d'inspiration ce que venait de lui arracher la perfidie. Il était rebuté, impatient d'évacuer un pays qu'il désespérait de conserver. Il ne demandait pour le rendre que la neutralité de la Porte, et la libre sortie des troupes qu'il commandait. Si ces conditions étaient admises, il donnait ordre à ses plénipotentiaires de conclure, et les autorisait même à stipuler la remise d'El-A'rych, comme garantie du traité. Mais ses dépêches n'avaient pas franchi le Bogaz, que déjà la nouvelle du désastre lui était parvenue. Il s'aperçut alors du piége que lui avait tendu Sidney. Il se plaignit de la déloyauté du commodore, qui retenait ses plénipotentiaires au large, pour laisser au visir le temps d'agir; et, s'élevant au-dessus des circonstances, il donna au général Reynier, qui le pressait de livrer bataille, l'ordre de marcher aux Turcs. «Vous avez, lui manda-t-il, quatorze bataillons, neuf régimens de cavalerie, une belle artillerie; je ne crois pas qu'avec cela vous puissiez douter d'un brillant succès.» Rampon devait prendre part au mouvement. Verdier était chargé de l'appuyer, et Friant avait ordre d'accourir de la Haute-Égypte, de couvrir le Caire, pendant que le général en chef s'avançait sur Belbéis avec la 61e, la cavalerie et l'artillerie de la réserve. La réflexion vint bientôt calmer cet élan. Tout était le 4 à la guerre; le 5, tout se trouva à la modération, à la longanimité. Kléber, qui la veille écrivait, pressait, ne voulait pas qu'on perdît une heure, timide, réservé maintenant, se bornait à demander qu'au moins l'armistice proposé par sir Sidney Smith et par le grand-visir fût désormais respecté, et, s'il se pouvait, garanti par des otages; il ne voulait pas même que les plénipotentiaires insistassent sur la restitution du fort. Il ne s'en tint pas là. Cédant tout à coup à l'impatience, à l'impétuosité de son caractère, il voulut, suivant son expression, trancher les difficultés d'un seul coup. Il ouvrit une négociation directe avec le grand-visir, et se désista de trois des quatre articles dont les plénipotentiaires avaient ordre de ne pas se départir.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

(№ 1.)

Damiette, 16 décembre 1799.
Le général de division Desaix, et le citoyen Poussielgue, administrateur des finances, au général en chef Kléber

Citoyen Général,

Smith n'a pas encore paru; aussitôt qu'on l'apercevra, nous lui enverrons demander le lieu où nous pourrons le joindre, et les personnes que nous pourrons amener avec nous, pour ne causer aucun embarras.

Un officier venu d'El-A'rych rapporte que le grand-visir a envoyé des Turcs, que le commissaire anglais Douglas, a fait accompagner par deux frégates anglaises, pour sommer le commandant de cette place de se rendre. Les détails de cette sommation vous seront envoyés par le général Verdier; elle a eu lieu le 18 de ce mois. Les envoyés du grand-visir ont annoncé qu'il était avec son armée à Ghazah.

Cette conduite a-t-elle pour objet de presser les conférences, d'en influencer le résultat, ou le grand-visir ne veut-il pas les attendre? Il a au moins voulu avoir un prétexte pour tenter une reconnaissance de la place.

Il nous tarde à présent d'être auprès du commodore anglais, pour que la suspension d'armes soit convenue jusqu'à la fin des conférences, ou que nous retournions auprès de vous, si nous nous apercevons qu'il n'y a rien à faire auprès de lui.

Vous avez oublié de nous remettre le sauf-conduit du grand-visir pour le commandant de l'escadre turque; nous vous prions de l'envoyer à Damiette auprès du général Verdier, pour nous le remettre, ou pour nous le faire passer. Salut et respect.

Desaix, Poussielgue.

(№ 2.)

Damiette, 22 décembre 1799.
Le général de division Desaix, l'administrateur général des finances Poussielgue, au général en chef Kléber

Citoyen Général,

Les citoyens Savary et Pérusse sont revenus ce matin; ils ont passé la nuit à bord du Tigre, et nous ont rapporté les lettres et pièces dont vous trouverez ci-joint copie.

Vous y remarquerez principalement la proposition d'une trêve par terre, à condition de remettre les postes d'El-A'rych et de Catiëh entre les mains de l'armée ottomane.

Sans nous arrêter à cette proposition ridicule, nous saisirons l'ouverture qui est faite pour obtenir une trêve, en laissant les choses de part et d'autre in statu quo, ou en les modifiant à avantages égaux de part et d'autre.

Voici les nouvelles que Smith nous a données. Le Guillaume Tell est à Malte, les Anglais sont à Goze et continuent à bloquer Malte; le Généreux est rentré à Toulon; le Leander a été repris à Corfou. Il y a vingt mille Espagnols qui bloquent Gibraltar par terre; les Russes bloquent Gênes par mer; nos escadres sont bloquées à Brest par une escadre anglaise de même force. Smith assure que l'escadre hollandaise s'est rendue sans combat, comme on l'a débité, et que l'armée combinée en Hollande a été battue par les coalisés. Au reste, ces nouvelles sont anciennes. Il n'en est pas arrivé, depuis le départ de l'adjudant-général Morand, de plus fraîches que celles dont il a eu connaissance.

Vous verrez la déclaration de guerre de la Russie à l'Espagne.

Vous verrez aussi la déclaration de la Porte, qui renvoie le chargé d'affaires d'Espagne à Constantinople, à cause de l'intérêt qu'il prenait aux affaires de France. Cette déclaration n'annonce pourtant pas une rupture.

Enfin Smith dit qu'on parle beaucoup des belles manœuvres de notre amiral Bruix, et qu'elles lui ont fait infiniment d'honneur.

Nous irons coucher aujourd'hui à Lesbëh, et demain matin nous serons à bord du Tigre.

Smith a paru sensible aux provisions que nous lui avons fait remettre de votre part. Il vous envoie en échange des liqueurs d'Angleterre.

Salut et respect.

Desaix, Poussielgue.

(№ 3.)

Le général de division Desaix, l'administrateur général des finances Poussielgue, au général en chef Kléber
À bord du Tigre, 25 décembre 1799.

Citoyen Général,

Nous recevons votre lettre du 29 frimaire avec le sauf-conduit du grand-visir.

Le citoyen Damas est parti hier soir avec les réponses de M. Smith à vos lettres. Nous en sommes encore au même point, c'est-à-dire que nous n'avons pas entamé la question principale. Les premiers mots échappés à M. Smith sont si loin de ce que nous avons à demander, et même de ce que nous espérions obtenir, qu'avant d'entrer en matière nous avons jugé qu'il fallait bien préparer les esprits, et les disposer à écouter sans étonnement nos propositions. Il ne s'agirait de rien moins, suivant M. Smith, si nous l'avons bien deviné, que de traiter l'armée comme prisonnière de guerre, c'est-à-dire qu'en rentrant en France elle ne pourrait porter les armes. Qu'on mettrait en liberté tous les Français non militaires, arrêtés dans l'étendue de l'empire ottoman, mais que la paix avec cet empire n'aurait lieu qu'à la paix générale.

Nous vous répétons, citoyen Général, que nous avons deviné ces propositions plutôt que nous ne les avons entendues, et que nous avons éludé une explication plus claire, afin de reprendre du terrain avant de combattre.

Nous comptons entamer aujourd'hui plus sérieusement cette affaire, et établir nos bases.

Vous recevrez sans doute, par la voie d'Alexandrie, les premières lettres que nous vous écrirons.

Salut et respect.

Desaix, Poussielgue.

(№ 4.)

Au quartier-général du Caire, 29 septembre 1799.
Kléber, Général en chef, au Grand-Visir

J'apprends que les escarmouches continuent devant El-A'rych, et en conséquence je déclare à Votre Excellence que tant qu'elle n'aura pas fait retirer ses troupes à une bonne marche de ce fort, aucune trêve, aucun arrangement ne saurait avoir lieu. Si les intérêts même confiés à Votre Excellence ne lui prescrivaient pas la plus grande loyauté, dans les circonstances actuelles, elle aurait dû y être déterminée par la franchise avec laquelle j'ai parlé et agi depuis nos relations.

J'ai aussi à me plaindre de la non-exécution du cartel d'échange arrêté entre le général français Marmont et Petrona-Bey devant Aboukir. D'après ce cartel, qui doit avoir obtenu l'approbation de Votre Excellence, puisque sir Sidney Smith le rappelle souvent dans ses écrits, il lui serait sans doute difficile de justifier l'arrestation des Français tombés en son pouvoir, lorsqu'il lui est connu que j'ai cinquante fois plus d'Osmanlis peut-être à offrir en échange. Je prie Votre Excellence de vouloir bien également s'expliquer à ce sujet, et de croire à la haute considération que j'ai pour elle.

Signé Kléber.

(№ 5.)

Quartier-général de Ghazah (sans date).
Reçue par un Tartare, arrivé au Caire le 22 décembre 1799
Au modèle des Princes de la nation du Messie, etc

J'ai reçu et j'ai compris le contenu de la lettre que vous m'avez directement envoyée par Mousa, Tartare, en réponse à celles que je vous ai précédemment écrites. Je pense que les dépêches que j'ai fait remettre à l'officier que vous aviez envoyé à bord du vaisseau du commandant anglais Smith mon honoré ami, vous sont parvenues.

Vous m'avez écrit que vous voulez évacuer l'Égypte, et que les arrangemens qui seront proposés et pris pour effectuer cette évacuation seraient conformes à la dignité et à l'équité de la Sublime Porte, ainsi qu'aux devoirs de l'alliance qu'elle a contractée, et au droit des gens, afin d'épargner, par ce moyen, l'effusion du sang. Vous m'avez fait savoir plusieurs fois que vous désiriez ouvrir des conférences pour traiter de l'évacuation de l'Égypte, et que si, malgré ces avances, la Sublime Porte ne secondait pas de pareilles dispositions, vous n'étiez plus responsable devant Dieu ni devant les hommes du sang qui serait répandu; préférant alors moi-même de traiter avec vous sur des propositions aussi raisonnables, j'ai consenti à l'ouverture des conférences.

 

Le Commandant Smith, mon ami, vient de m'écrire qu'il s'était tout récemment rendu avec son vaisseau devant Damiette, et qu'il n'avait pas trouvé les délégués que vous avez consenti à envoyer à son bord; mais que les mauvais temps l'ont forcé de quitter les parages de Damiette, et d'aller jusqu'à Jaffa, d'où il se rendrait de nouveau devant Damiette, avec l'espérance de trouver vos délégués, et que s'ils n'y sont pas encore arrivés, il se portera vers Alexandrie. Cependant une aile de mon armée se trouve déjà devant El-A'rych, et les troupes musulmanes commençant à détruire par des escarmouches les Français qui s'y trouvent, il est impossible qu'il n'y ait pas du sang répandu. Les circonstances ne me permettant pas de retarder la marche de mon armée, nous ne pourrions, en conséquence, prendre des arrangemens conciliatoires, si nous ne profitions pas du temps qui s'écoule. Si donc vous êtes toujours dans les dispositions que vous avez manifestées, il importe que vous vous hâtiez de faire arriver vos plénipotentiaires à bord du vaisseau de mon ami Smith. Mais, comme les vents contraires et les mauvais temps, ont été les motifs du retard qui a eu lieu jusqu'à présent, j'ai écrit au commandant Smith, que, dans le cas où vos délégués seraient à son bord, il les conduisît à son quartier-général de Ghazah, où ils seront à l'abri de pareils accidens et des orages. Mais si vous n'avez pas encore envoyé vos délégués à bord du commandant Smith, et que vous soyez toujours disposé à terminer l'affaire de l'évacuation de l'Égypte sans effusion de sang, je vous engage à envoyer par terre vos délégués à Ghazah. Dès qu'ils y seront rendus, il n'y aura plus d'hostilités de part ni d'autre. Dès que vos envoyés seront à Ghazah, j'inviterai le commandant Smith à s'y rendre, et l'on s'occupera d'arranger et de consolider l'affaire de l'évacuation de l'Égypte, dans l'endroit qui sera désigné à cet effet, sur le rivage de cette ville.

Comme vous me mandez, dans toutes vos dépêches, que votre volonté n'est point de répandre du sang, et que le succès de l'affaire dont il s'agit serait un moyen de rétablir l'ancienne amitié entre la Sublime Porte et les Français, je vous fais savoir par la présente, dont Mousa, Tartare, est porteur, que de pareilles dispositions ne peuvent jamais être rejetées par la Sublime Porte, parce qu'une semblable conduite serait contraire à notre équité et à notre loi.

J'espère que, lorsque vous aurez reçu cette lettre, et que vous en aurez compris le contenu, vous agirez, ainsi que vous l'annoncez dans vos lettres précédentes, et d'une manière conforme à votre intelligence et à la connaissance supérieure que vous avez des affaires.

Signé Joussef.
Note du commodore Sidney Smith

(№ 6.)

À bord du Tigre, devant le cap Carmel, le 30 déc. 1799.

Le soussigné a beaucoup réfléchi sur la note de messieurs les commissaires français, datée d'hier; et considérant qu'elle renferme des considérations d'une extension au-delà de ce qui fut prévu et convenu entre son altesse le suprême visir et lui, il se réserve d'y répondre d'une manière définitive après la conférence qu'il se propose d'avoir avec son altesse, lors de son arrivée au camp impérial à Ghazah, vers lequel il dirige sa route en ce moment. Il croit ne pouvoir mieux répondre à la franchise que messieurs les commissaires lui ont témoignée, que de leur communiquer le projet de la réponse qu'il se propose de soumettre à la considération de son altesse, avant de la leur présenter en due forme, et cela afin qu'ils suggèrent telles modifications ou tels changemens qu'ils pourront juger convenables, le soussigné se sentant disposé à les écouter favorablement pour faciliter un arrangement définitif, et autant que cela ne sera pas contraire aux obligations contractées par le traité du 5 janvier. Le général en chef Kléber a insisté avec beaucoup de raison sur ce que rien ne fût proposé à l'armée française contre son honneur et celui de sa nation, et le soussigné, en reconnaissant ce principe, a le droit de s'attendre à la réciprocité; et comme rien n'est plus contraire à l'honneur que de ne pas remplir strictement les obligations contractées par un engagement formel, il croit devoir mettre messieurs les commissaires français à même de juger de l'étendue de ses liaisons, par la communication de l'article du traité dont il est fait mention dans le projet.

Signé Sidney Smith.

(№ 7.)

Au quartier-général du Caire, le 13 nivôse au VIII
(3 janvier 1800).
Le général en chef Kléber, au général Desaix et au citoyen Poussielgue, plénipotentiaires près du Grand-Visir,

J'ai reçu, citoyens, les lettres que vous m'avez adressées du bord le Tigre, et je vous présume actuellement sur la plage de Ghazah.

J'ai aussi reçu les journaux de Francfort jusqu'au 10 octobre; ils ont particulièrement fixé mon attention.

Si jamais le douzième paragraphe de la lettre du général Bonaparte doit être applicable à une circonstance, c'est bien à celle-ci: l'Italie perdue, l'armée navale sortie de la Méditerranée, et bloquée dans le port de Brest; la flotte hollandaise au pouvoir des ennemis; les Anglais et les Russes dans la Hollande; Muller battu sur le Rhin; les frontières de l'Alsace livrées à la défense de ses habitans; la Vendée ressuscitée de ses cendres, et Mayence en feu. Enfin, le Corps Législatif proposant de déclarer la patrie en danger, et rejetant cette proposition, non pas parce que le danger n'existe pas réellement, mais parce que le décret qui pourrait le constater n'y apporterait aucun remède. Quoi de plus alarmant!

D'après cela, et la situation plus que pénible dans laquelle je me trouve, et qui devient de jour en jour plus difficile, je crois, comme général et comme citoyen, devoir me relâcher de mes premières prétentions, et tâcher de sortir d'un pays que sous plus d'un rapport je ne puis conserver, duquel on ne paraît pas même s'occuper en France, si ce n'est pour improuver sa conquête. L'espoir d'un renfort prompt et suffisant devait nous engager à gagner du temps; cette espérance détruite, le temps que nous passons ici est perdu pour la patrie; hâtons-nous de lui porter un secours qu'elle est hors d'état de nous faire parvenir.

En conséquence, dès que l'on vous proposera la simple neutralité de la Porte ottomane pendant la guerre, et la libre sortie de l'Égypte, avec armes, bagages et munitions, avec la faculté de servir partout et contre tous à notre retour en France, vous devez conclure le traité sans hésiter, et je m'empresserai de le confirmer. Je remettrai de suite, pour garantie du traité, le fort d'El-A'rych; mais les autres places et forts, tant de la Haute-Égypte que de la Basse, ne seront évacués ni cédés que lorsque tous les bâtimens nécessaires à notre traversée seront rendus devant Damiette et Alexandrie, munis de vivres. Le nombre de ces bâtimens sera calculé sur vingt-cinq mille hommes. Les commissaires turcs qui pourraient être envoyés au Caire, devront être accompagnés d'officiers anglais qui serviront d'otages; j'en fournirai de mon côté à sir Sidney Smith à nombre et grades égaux; mais, dans tous les cas, vous ne romprez pas vos négociations, sans que vous m'ayez fait connaître au préalable le dernier mot du grand-visir.

Vous trouverez ci-joint copie de la lettre que j'écris à sir Sidney Smith, et duplicata de celle que je vous écrivis il y a quelques jours, et qui, peut-être, ne vous sera pas parvenue; enfin, copie de mes deux dernières au grand-visir, relativement au blocus d'El-A'rych et à l'armistice. Ces pièces sont suffisantes pour vous dicter la conduite que vous avez à tenir relativement aux objets qu'elles contiennent, me rapportant sans cesse autant à votre prudence qu'à votre zèle et à votre sagacité.

Je vous salue,

Signé Kléber.

(№ 8.)

Quartier-général du Caire, le 12 nivôse au VIII
(4 janvier 1800).
Au général Reynier

J'ai reçu votre lettre il y a deux heures; l'événement d'El-A'rych est un de ceux auxquels on ne devait jamais s'attendre. Il est affligeant, mais ne doit pas nous décourager; une bataille gagnée peut nous donner encore le temps de nous reconnaître.