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Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie

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Cependant le visir avait ralenti sa marche, et s'était arrêté à Salêhiëh et Belbéis, pour y organiser son armée, former des magasins, et se recruter d'Arabes, de mameloucks et de gens du pays.

Je fus instruit sur ces entrefaites que le général de division Lagrange, avec un corps de trois mille neuf cents hommes, rassemblés le 26 germinal, couvrait Rahmaniëh. Mes efforts et mes espérances augmentèrent. Il eût été avantageux peut-être à nos deux corps de se réunir pour combattre le visir lorsqu'il venait de traverser le désert, et avant qu'il eût pu mettre de l'ordre dans ses troupes, prendre de l'influence dans le pays et le soulever. Mais le général Lagrange avait ordre de couvrir Rahmaniëh, et ce ne fut que forcé par l'armée anglaise et le corps du capitan-pacha, après un combat très vif qui dura toute la journée du 19 floréal, qu'il l'abandonna. Le 23, il arriva au Caire avec ses troupes. J'appris aussi que la digue du lac Maadiëh avait été rompue, et que les eaux se répandant dans le lac Maréotis, rendaient déjà les communications de Rahmaniëh à Alexandrie très difficiles.

J'appris encore que les forces anglaises étaient débarquées à Suez.

Aussitôt la réunion des troupes du général Lagrange, je crus, avant que l'armée anglaise pût être près du Caire, devoir marcher sur Belbéis, pour voir l'ennemi, sonder ses projets, l'attaquer et savoir s'il ne serait pas possible de le renvoyer à Salêhiëh.

En effet, le 24, le petit corps de troupes auquel la défense du Caire devait être confiée, fut organisé sous les ordres du général Alméras; et, le 25, je marchai avec le reste des troupes, commandé par les généraux de division Lagrange et Robin. Le même jour, je couchai à El-Menayer. Quelques détachemens que nous rencontrâmes, furent repoussés.

Le 26, au jour, je me mettais en mouvement pour Belbéis, lorsque l'ennemi, qui venait à notre rencontre avec du canon, parut; je marchai sur lui occupant les hauteurs du désert à l'est d'El-Menayer. Vous trouverez ci-joint le rapport de l'affaire, qui a duré jusqu'à midi; voyant que l'ennemi courait d'un côté lorsque je marchais de l'autre et m'avançais sur lui; voyant qu'il était très décidé à ne point quitter l'Égypte; voyant qu'en guerroyant de la sorte j'usais mes munitions, et que je perdais des hommes sans en tirer aucun avantage; craignant qu'un corps de cavalerie assez nombreux qui avait disparu le matin, après avoir poussé une charge vigoureuse, ne fût venu sur le Caire; pensant en outre, que les Anglais et les troupes du capitan-pacha avaient suivi le général Lagrange, et devaient se trouver à un ou deux jours du Caire, je me décidai à revenir pour travailler à barrer le Nil, faire des batteries, fortifier Gisëh, et perfectionner autant que possible mon immense ligne. En arrivant au Caire, le général Alméras me dit qu'il m'avait envoyé plusieurs courriers, pour annoncer l'arrivée des Anglais et du capitan-pacha à Terranëh.

Pressé par trois armées nombreuses, et qui, tous les jours recevaient de nouvelles forces de la désertion des habitans de l'Égypte, des Arabes, des mameloucks (tous ceux de la Haute-Égypte se réunirent au capitan-pacha, et même l'émigration des habitans de l'Asie, que l'espoir du pillage attirait dans cette fertile contrée), j'avais à défendre la ville du Caire, dont la population devenait ennemie, et pouvait réunir vingt-cinq à trente mille combattans; au milieu de nos camps la ligne de circonvallation offrait un développement de douze mille six cents toises. J'étais sans argent; les fonds qui sont entrés en caisse depuis le départ de l'armée proviennent des versemens faits par les officiers généraux ou particuliers, et par des individus attachés à l'armée, qui, sur la demande qu'on leur en a faite, ont donné leur argent pour les dépenses de l'armée; quelques contributions ordinaires et extraordinaires, ainsi que la monnaie, nous ont fourni des ressources; j'avais très peu de vivres et de munitions d'artillerie. Il fallut presque tout créer, magasins, affûts, poudre, etc. Alexandrie n'était plus qu'une île d'un accès très difficile, et avec laquelle j'étais sans communication depuis vingt-deux jours.

Je délibérai si nous nous retirerions dans la Haute-Égypte; mais l'examen de cette contrée n'offrait aucune position militaire, j'avais très peu de moyens de transport, et je ne devais pas croire que l'ennemi me laisserait le temps de préparer cette retraite: il n'y avait aucune ville qui offrît assez de moyens pour la création d'un arsenal, assez de ressources pour les travaux que nous eussions été obligés d'entreprendre; cette contrée d'ailleurs était ravagée par une peste affreuse.

Le parti que je pris fut celui que Chevert prit à Prague dans des circonstances bien moins difficiles; car il n'était pas au centre de l'Afrique, pressé par deux armées ottomanes; il n'avait pas au milieu de son camp une population nombreuse et féroce; nous avions comme lui une armée européenne devant nous (l'armée anglaise), et je n'avais comme lui qu'un faible corps en état de combattre, et un développement immense à défendre; j'avais en outre un grand nombre de malades, de guerriers mutilés, et des citoyens que l'amour des arts et des sciences avaient attirés en Égypte.

Je fis arrêter les chefs de la religion, les membres du divan et les hommes les plus marquans de la ville du Caire; ils furent renfermés dans la citadelle; on dirigea les batteries sur la ville; les plus grandes menaces lui furent faites: les généraux, les officiers, les soldats se mirent à creuser des fossés. On éleva des retranchemens sur lesquels on posa des canons, la plupart trouvés en Égypte; le mouvement continuel des troupes semblait les multiplier; partout nous présentâmes une altitude imposante et une apparence de force qui fit que nos ennemis jugèrent que, pour arriver au Caire, il fallait marcher sur nos cadavres et ses ruines… Le peuple du Caire dut penser que le moindre mouvement hostile de sa part serait le signal de la mort de ses chefs et de la destruction de la ville. Nos exploits étaient récens, l'impression qu'ils avaient faite était grande, et on devait tout craindre d'hommes habitués depuis long-temps à toutes les chances de la guerre. On vit bien que nous voulions périr tous ou dicter les conditions de notre retraite; aussi l'ennemi mit-il beaucoup de lenteur dans ses mouvemens, marcha avec beaucoup de précaution, et ne voulut arriver devant nous qu'après avoir réuni de grands moyens; cela me fit gagner du temps, en attendant les instructions du général en chef, dont je n'avais pas de nouvelles depuis quarante-cinq jours. Le 24 prairial, arriva un détachement de dromadaires qui me remit une lettre, et point d'instructions pour la conduite que je devais tenir dans ces circonstances difficiles; je renvoyai ce détachement pour informer le général en chef de notre position, qu'il semblait ne pas connaître. Ci-joint la lettre que je lui écrivis.

Le 1er messidor nous fûmes entièrement investis par les armées combinées, et toute communication à l'extérieur fut coupée. Les jours suivans les ennemis firent replier quelques uns de nos avant-postes, et commencèrent à établir des batteries: ils avaient jeté un pont de bateaux au village de Choubra, un petit corps d'armée descendait de la Haute-Égypte.

Le 3, on convint d'une suspension d'armes, et le 4 il y eut une conférence composée de trois officiers français, d'un nombre égal d'officiers des armées combinées; le 5 nous proposâmes les conditions de notre retraite; le 8 elles furent acceptées, et ratifiées le 9.

Nos lignes de circonvallation ne pouvaient tenir par leur développement immense, et par la faiblesse de plusieurs points, contre une attaque de vive force. Nous avions à peine cent cinquante coups à tirer par pièce. Nous avions à dos la population du Caire, qui, ne recevant plus de vivres de la campagne, aurait certainement, en cas d'attaque, concerté ses mesures avec celles des assiégeans; nos lignes étant forcées, les différens corps se fussent retirés très difficilement sur la citadelle; nous perdions nos chevaux d'artillerie et de cavalerie, et tous nos moyens de transport de munitions. La résistance qu'on eût pu faire eût été de vingt à vingt-cinq jours, en raison des subsistances; mais alors plus d'espoir d'entrer en négociations, il faut être à la merci des ennemis, obéir à leurs ordres; quelle capitulation pouvait-on espérer de deux armées turques maîtresses de l'Égypte et du Caire? Les Anglais pourraient-ils les arrêter?

Nous aurions cependant pris ce parti, mon Général, si des points de contact avec la France eussent encore existé pour nous, et s'il nous fût resté quelque espoir de secours. Nous ne pouvions les attendre, ces secours, que jusqu'au 25 au plus tard, la convention a été conclue le 9.

Mais, mon Général, depuis huit mois vous connaissez l'expédition d'Abercombrie; vous avez fait pour la brave armée d'Égypte, que vous regardez comme votre famille, tout ce qu'il était possible. Gantheaume avait été expédié avec cinq mille hommes; s'il fût arrivé à temps, notre position serait bien différente; il n'a pu passer, tous vos efforts ont été infructueux. Depuis quatre mois, nous défendons l'Égypte pied à pied. Vous connaissez notre situation, et bien sûrement vous avez tout fait pour l'améliorer. Rien n'est arrivé, que pouvons-nous espérer? Les Anglais ne seraient pas, je crois, aux portes du Caire, s'ils craignaient une escadre nombreuse dans la Méditerranée.

Je ne vous ferai pas l'éloge des officiers-généraux, des chefs, des officiers, des soldats. Ces guerriers, couverts de cicatrices, ont battu, sous vos ordres, cinq armées autrichiennes en Italie, et ont fait la conquête de l'Égypte. Ils luttent depuis trois ans contre les privations de toute espèce, la peste et les efforts de l'Europe et de l'Asie: vous les connaissez tous; ils n'ont cessé de se rendre dignes de vous.

Vous trouverez ci-joint le plan de l'arrondissement du Caire; vous le connaissez mieux que personne. Déroulez-le, jetez les yeux sur la situation des troupes, l'état de nos munitions, et sur celui de la caisse; voyez les rapports du directeur du génie et du commandant d'artillerie; ces pièces seront suffisantes pour vous donner une idée de nos ressources, de nos moyens et de notre position. Je joins aussi l'état des malheureuses victimes de la maladie contagieuse.

 

J'emmène avec moi les troupes auxiliaires à cheval et à pied. Beaucoup d'habitans du pays nous suivent avec leurs familles. Je ferai aussi embarquer plusieurs chevaux et jumens, qui seront remis au gouvernement, s'il le désire, en le remplaçant par des chevaux français.

Le chef de brigade du génie d'Hautpoul, mon général, et le citoyen Champy, directeur-général des poudres et salpêtres, vous remettront la convention que j'ai faite avec les trois généraux des armées combinées. Le commissaire Reynier se rend en France pour porter les états des besoins de notre armée; je vous les recommande tous les trois, mon général; ils jouissent à l'armée d'une grande considération, et sont estimés du général en chef.

Salut et respect.

Signé Belliard.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

(№ 1.)

Au quartier-général d'Alexandrie, le 4 floréal an IX (24 avril 1801)
Le général en chef Menou, au général Bonaparte, premier consul

Citoyen Premier Consul,

Le 10 ventôse, cent cinquante bâtimens anglais paraissent devant Alexandrie et Aboukir; parmi eux neuf ou quinze vaisseaux de ligne; total, trente-deux bâtimens de guerre de toutes les grandeurs; le doute sur le nombre des vaisseaux de ligne vient de ce qu'ils ont des vaisseaux de la Compagnie des Indes et des vaisseaux de 50; on croit qu'ils ne sont armés qu'en flûte, mais ils les mettent en ligne.

Le 13 ventôse, arrive au Caire la nouvelle de l'apparition des Anglais. À cette époque, l'Égypte était menacée de quatre côtés différens: dans la mer Rouge, par les troupes anglaises de l'Inde; du côté de Salêhiëh, par l'armée ottomane; à Damiette, par une flotte de la même nation; à Alexandrie, Aboukir et Rosette, par les Anglais. Mourâd-Bey devenait aussi très inquiétant, car il est vraisemblable que, dans cette lutte, il se rangera du côté le plus fort. À cette époque, les troupes françaises du cinquième arrondissement, qui comprend Alexandrie, Rosette et Bahirëh, consistaient dans les 61e et 75e de ligne, les 3e et 18e dragons, avec une artillerie de campagne assez nombreuse.

Le 13 au soir, partent du Caire le 22e chasseurs à cheval, la 4e légère, la 18e et la 69e de ligne, sous les ordres du général de division Lanusse et du général de brigade Silly. La 25e de ligne, qui était dans le Delta, reçoit ordre aussi de se porter à Rosette, pour de là marcher où le jugerait nécessaire le général Friant.

Le 17 ventôse, les Anglais débarquent à Aboukir, sur le même point où avaient débarqué les Turcs en l'an VII. Le général Friant leur offre la plus vive résistance en les chargeant à la baïonnette et en dirigeant le feu de son artillerie avec beaucoup de justesse; il tue ou met hors de combat deux mille hommes aux ennemis; mais, accablé par le nombre, il est obligé de se retirer sur les hauteurs de Canope, et de là, sur celles qui sont entre le camp des Romains et le lac Maadiëh.

Le 18, arrive le 22e régiment de chasseurs; le 19, les trois demi-brigades commandées par les généraux Lanusse et Silly.

Les 18, 19, 20 et 21, escarmouches et commencement du siége d'Aboukir par les ennemis; ils le battent par terre et par mer.

Dans la nuit du 17 au 18, le général Friant avait expédié un courrier au Caire, pour y apprendre ce qui s'était passé. Dans la nuit du 20 au 21, le courrier arrive au Caire.

Le 21, le général en chef, malgré la position où se trouvaient Souez, Salêhiëh et Damiette, menacés par l'ennemi, se détermine à partir avec toute l'infanterie et la cavalerie, sauf la 9e de ligne et la 22e légère, qu'il laisse pour défendre le Caire et les frontières de la Syrie. Il envoie ordre au général Rampon de se rendre sur-le-champ à Rahmaniëh avec quinze cents hommes et son artillerie; il envoie aussi ordre au général Donzelot de descendre de la Haute-Égypte au Caire avec la 21e légère.

Le 21, le général en chef se met en route avec la 13e, la 85e et la 88e de ligne, un détachement de la 21e, qui était depuis long-temps au Caire, le 7e de hussards, le 14e, le 15e et le 20e de dragons.

Le 22, les ennemis viennent attaquer les généraux Friant et Lanusse, qui, après un combat très vif, se replient sur les hauteurs en avant de la porte de Rosette. L'ennemi se retire aussi sur les hauteurs entre le camp des Romains et le lac Maadiëh, où il commence à se retrancher. L'ennemi a perdu dans cette journée à peu près mille à douze cents hommes. Les troupes françaises y ont aussi beaucoup perdu; elles se sont battues comme des lions, mais les dispositions n'ont pas été faites telles qu'elles devaient être; le général Lanusse n'a fait battre ses troupes que partiellement, au lieu de réunir leurs efforts.

Le 24, le général en chef arrive à Rahmaniëh; il y attend le 25 le général Rampon, et le 26 il part pour Birket, où le rejoint le général Rampon; le 28 il arrive à Alexandrie après une marche des plus pénibles, ayant été obligé d'aller traverser le lac Maréotis, par-delà le Marabou, la chaussée de Réda étant occupée par l'ennemi.

Le 29, le général en chef fait ses dispositions; le 30, à trois heures et demie du matin, il attaque les ennemis dans leur position entre le camp des Romains et la pointe du lac Maadiëh. Le combat a été terrible pendant six heures de temps; mais, citoyen Premier Consul, ceux qui depuis long-temps voulaient l'évacuation de l'Égypte ont donné dans cette mémorable journée des preuves de leur inaltérable malveillance. Les troupes du centre et la cavalerie ont fait des prodiges de valeur; elles ont percé deux fois les deux lignes ennemies, sont entrées dans leurs redoutes; mais n'étant secondées ni par la droite ni par la gauche, elles ont été obligées de se retirer avec beaucoup de perte. L'infanterie du centre était commandée par les généraux Rampon, Zayoncheck et Destaing; la cavalerie, par les généraux Roize et Boussard. Le général Destaing a eu le bras cassé, Roize a été tué dans le camp ennemi, Boussard a eu deux coups de feu et un coup de baïonnette.

À la gauche, commandée par le général Lanusse, les troupes se sont montrées avec le plus grand sang-froid; mais, mal dirigées par ce général, elles n'ont rien fait de ce qui avait été ordonné. Il en a été de même pour la droite, commandée par le général Reynier.

À la fin de l'affaire, sur les neuf heures du matin, le général Lanusse a eu la cuisse emportée par un boulet perdu; il est mort le soir même: le général Silly, un des plus braves et des plus honnêtes hommes de l'armée, a eu aussi la cuisse emportée, mais il va bien.

À la droite, le général Baudot a eu aussi la cuisse emportée par un boulet perdu: il est mort de sa blessure.

À neuf heures et demie, voyant que tous les efforts étaient inutiles, le général en chef a ordonné la retraite, qui s'est faite avec le plus grand ordre. L'armée française est venue reprendre sa position en avant de la porte de Rosette; les ennemis ont gardé la leur.

Une grande quantité d'officiers de l'état-major et de chefs de corps ont été tués ou blessés; presque tous ont été démontés. Le général en chef a eu aussi un cheval tué sous lui.

Sir Ralph Abercrombie, général en chef de l'armée ennemie, est mort de ses blessures, ainsi qu'un autre de leurs généraux, sir Kerry; deux autres ont été blessés, ainsi que M. Smith.

Tous les aides-de-camp du général en chef se sont conduits avec la plus grande distinction; l'aide-de-camp du général Murat, qui était venu apporter des dépêches d'Ancône, a été tué à côté du général en chef.

La perte des ennemis et celle des Français a été à peu près la même, quinze cents hommes hors de combat de part et d'autre.

Le lendemain de la bataille, 1er germinal, les malveillans ont cherché à exciter du mouvement dans l'armée; les troupes ont été inébranlables; ils ont écrit au Caire, mandant que tout était perdu, et qu'il fallait tout évacuer, tout vendre à quelque prix que ce fût. Le général en chef, instruit à temps, a rassuré tout le monde, excepté les gens qui, par faiblesse ou malveillance, ne se rassurent jamais.

Le général en chef a fait retrancher de la manière la plus forte la position en avant de la porte de Rosette; elle est presque inattaquable.

Le fort d'Aboukir s'est rendu le 17 ventôse.

Les ennemis ont marché sur Rosette; le fort s'est rendu après une très belle défense, et le Boghaz a été forcé par les canonnières anglaises; mais elles ne pourront pas remonter le Nil, vu le peu d'eau qui y existe aujourd'hui.

Le général en chef a envoyé le général Lagrange pour couvrir Rahmaniëh avec environ quatre mille hommes. Il est posté sur le bord et sur la rive gauche du Nil, à mi-chemin de Rahmaniëh et Rosette. Les Anglais ont leur position à deux lieues au-dessus de cette place; ils ont leur droite appuyée au lac d'Edko, et leur gauche au Nil.

Les Anglais, qui se croient tout permis, ont coupé, du côté de Béda, la digue qui contient les eaux du lac Maadiëh; la mer s'est répandue dans tout l'espace qui formait autrefois le lac Maréotis, et de là dans une vallée qu'on croit s'étendre jusqu'auprès de Derne. Le général en chef a fait sur-le-champ porter à bras d'hommes et sur des prolonges d'artillerie, des bateaux qu'on a placés sur le lac Maréotis; ils servent à entretenir la communication avec Rahmaniëh: la cavalerie peut passer dans environ trois pieds d'eau. On construit aussi des pontons qui porteront du canon, pour s'opposer aux canonnières que l'ennemi pourrait porter sur le lac Maréotis. On s'est servi, pour exécuter cette mesure, d'un ancien canal creusé pour faire passer les galères du port dans le lac Maréotis; il est entre le mamelon et le fort des Bains.

Une portion de l'armée des Osmanlis est arrivée à Salêhiëh.

Deux vaisseaux anglais sont entrés dans la mer Rouge.

Vous voyez, citoyen Premier Consul, quelle est la position de l'armée française en Égypte: le général en chef vous promet qu'il se battra jusqu'à la mort, et qu'il rendra à jamais mémorable la défense des Français en Égypte, s'ils ne reçoivent pas de secours.

L'amiral Gantheaume, sorti de Brest vingt et un jours avant la Régénérée, partie de Rochefort, aurait pu être arrivé ici avant l'apparition des Anglais. La Régénérée n'a mis que dix-sept jours dans sa traversée. Si l'amiral Gantheaume était arrivé, les Anglais ne seraient plus aujourd'hui en Égypte: il a été vu à l'entrée de Toulon le 30 pluviôse; c'est le Lodi qui en a fait le rapport. Quelle fatalité a donc retardé la marche de l'escadre française?

Le général en chef ne peut trop se louer des capitaines de vaisseau Villeneuve, Richer et Barré; eux et leurs marins s'emploient partout.

Résumé

Les Anglais sont maîtres d'Aboukir et de la presqu'île, jusqu'à la pointe du lac Maadiëh à leur gauche, et le camp des Romains à leur droite.

Ils sont maîtres de toute la côte, depuis Aboukir jusqu'à Rosette inclusivement; ils se sont emparés du fort Julien et du Boghaz; leur position de ce côté est à deux lieues en avant de Rosette.

Les Français sont maîtres d'Alexandrie jusque vers les hauteurs qui sont à un quart de lieue en avant de la porte de Rosette; leur camp retranché est assis sur ces hauteurs: ils sont maîtres de Rahmaniëh, et ils ont un corps considérable au-dessous de cette place, à quatre lieues de Rosette et vis-à-vis des Anglais; ils sont encore maîtres de Bourlos, Damiette, le Caire et de tout le reste de l'Égypte.

Mourâd-Bey est à Miniet. Que feront les Osmanlis? cela est encore très incertain.

Le général en chef a nommé deux lieutenans-généraux, afin de comprimer tous les malveillans; ce sont les généraux Friant et Rampon.

Le général en chef prendra peut-être le parti de renvoyer en France tous ces malveillans, qui ont juré haine à leur pays. Dans les circonstances difficiles, il faut employer les grands remèdes.

Ci-joint l'ordre de bataille donné le 29 au soir, à Alexandrie, à tous les généraux de l'armée. Une note explicative fera connaître ce qui a été exécuté et ce qui ne l'a pas été.

Salut et respect.

Signé Menou.

(№ 2.)

NOTES DU GÉNÉRAL ***,
SUR LA SITUATION DE L'ARMÉE D'ÉGYPTE,
DEPUIS LA FIN DE L'AN VII JUSQU'AU 12 FLORÉAL AN IX
Dans la Haute-Égypte

2 bataillons de la 21e légère, avec le général Donzelot.

 

Salêhiëh, Belbéis, le Caire, Boulac et Gisëh.


Le Caire, Boulac et Gisëh.


Alexandrie et Aboukir.


Rosette, Rahmaniëh et le Delta.


Damiette et Lesbëh.



(№ 3.)

En quarantaine à , le

Tu sera surpris, mon cher Savary, d'apprendre l'arrivée en France du général Reynier, tandis qu'une armée anglaise envahit l'Orient, agit dans l'intérieur de l'Égypte et occupe peut-être en cet instant sa capitale. Je vais te développer les raisons d'un retour auquel tu ne t'attendais certainement pas: je commence par les moyens.

Le 23 floréal, à huit heures du soir, cinquante guides à pied, autant à cheval, trois compagnies de la 32e, avec une pièce de canon, ont investi la maison qu'étaient venu occuper les généraux Reynier et Damas, après que le général Menou leur eut retiré leurs troupes: résister n'eût été ni possible ni utile; cependant ils étaient déterminés à tout plutôt que de laisser saisir leurs papiers et leur correspondance. Heureusement le général Menou n'en avait pas l'intention, ou, ce qui est plus vraisemblable, il ne l'a point osé; et à onze heures du soir, le général Reynier, l'adjudant commandant Boyer, le chef de bataillon du génie Bachelu, l'ami Néraud et moi, nous étions à bord du Lodi; le général Damas, avec l'inspecteur en chef Daure, fut embarqué sur le Good-Union. Nous n'avons pu appareiller que le 29.

Instruit, ou plutôt trompé par les rapports fabuleux du général en chef, qui seuls parvenaient au gouvernement, grâce aux précautions qu'il prenait pour empêcher qu'aucune lettre ne fût remise à bord des bâtimens expédiés, il est nécessaire de soulever le voile qui couvre le tableau dégoûtant de ses opérations, de sa scélératesse et de ses crimes.

Depuis long-temps les généraux marquans dans l'armée par leurs talens et leurs lumières, avaient excité l'animosité du général Menou, qui frémissait de rage en voyant des généraux plus jeunes que lui se permettre de lui faire des représentations fondées, et de lui donner de sages conseils. Depuis long-temps il méditait la vengeance que lui suggéraient son amour-propre et sa morgue blessés; et les mêmes circonstances qui auraient dû l'engager à se réunir à eux pour sauver l'armée et défendre l'Égypte, sont celles dont il a profité pour organiser et exécuter les moyens d'assouvir sa haine.

Le 10 ventôse, une flotte anglaise de cent cinquante voiles paraît devant Aboukir; on en reçoit la nouvelle au Caire le 13 après midi; le rapport annonçait que les chaloupes étaient à la mer pour opérer le débarquement. Un général doué seulement du sens commun, se fût pénétré de la nécessité de réunir jusqu'aux moindres détachemens de son armée, de se précipiter avec elle sur Aboukir… Aussi n'est-ce point là ce que fit le général Menou; il envoie l'ordre au général Reynier de partir sur-le-champ, avec deux demi-brigades de sa division, pour Belbéis. Il garde les deux autres au Caire, et donne l'ordre à la division Lanusse de se tenir prête à marcher sur Alexandrie. Le général Bron part avec le 22e de chasseurs seulement, pour Aboukir, et le reste de la cavalerie, les 14e, 15e et 7e de hussards, attend à Boulac des ordres de départ.

Cependant le 14 le général Lanusse reçoit l'ordre d'emmener avec lui trois demi-brigades de sa division et de s'arrêter à Rahmaniëh où il attendra de nouveaux ordres. Le chef de l'état-major général lui écrit que vu l'état des choses, la 88e (aussi de sa division et l'une des plus fortes) restera au Caire, et qu'il peut, s'il le veut, emmener son artillerie.

Le général Menou, soit pour soutenir son débile courage, soit pour étourdir l'armée sur les dangers qui la menaçaient et la livrer plus facilement aux ennemis, répand parmi les troupes les bruits les plus ridicules. Il annonce lui-même que la flotte anglaise est chargée seulement de peignes et de brosses, dont la côte s'est trouvée couverte; il écrit aux généraux que les Anglais ne veulent faire que des simulacres de débarquement; et, satisfait de ses bonnes dispositions, goûtées pleinement par les Destaing, les Robin, les Valentin, etc., il reste au Caire dans son quartier-général.

Les généraux de division Reynier, Damas, Lanusse et Belliard, pour lesquels les vexations multipliées du général Menou n'étaient rien et l'honneur de l'armée tout, oubliant les torts qu'il avait avec eux, se rendent chez lui et lui font toutes les observations qu'exigeaient le salut de l'armée et la conservation de la colonie. Rien ne peut vaincre son obstination; ils se retirent. Le général Reynier, convaincu qu'il est de son grade et de son devoir de combattre de tous ses moyens les mauvaises dispositions du général en chef, lui écrit et lui fait sentir qu'il est de la plus grande importance de marcher de suite avec toute l'armée sur Aboukir; qu'en la divisant, on la fera battre partout; que le grand-visir, d'ailleurs peu à craindre, n'est point encore en mesure de passer le désert, et ne le fera certainement que lorsqu'il aura su le résultat de la tentative des Anglais; qu'on aura le temps, après avoir battu le débarquement, d'être de retour à Salêhiëh pour rejeter dans le désert une armée extrêmement diminuée par les maladies et la désertion. Il lui rappelle la grande maxime de guerre de suppléer au nombre par la rapidité des marches, maxime sur laquelle est basée la réputation des Turenne, des Montecuculli, etc.; mais le général Menou, persistant dans son inébranlable fermeté, poursuit ses mauvaises dispositions, et, entouré de ses troupes, il attend de pied ferme au Caire qu'on lui annonce le débarquement de quinze à dix-sept mille Anglais que pouvaient porter les cent cinquante voiles ennemies, et auxquels le général Friant n'avait à opposer que mille sept cents hommes à Alexandrie.

Le 20 ventôse, on apprend au général Abdallah Menou que les Anglais, retardés pendant sept jours par les gros temps, ont débarqué, le 17, au point choisi par les Turcs en thermidor an VII. Il part du Caire le 21, et arrive le 24 à Rahmaniëh.

Le général Lanusse (qui devait attendre à Rahmaniëh de nouveaux ordres) instruit du débarquement, ne consultant que son honneur et la gloire de l'armée, enfreint l'injonction qui lui était faite, pour voler au secours du général Friant et sauver Alexandrie.

Le général Reynier, envoyé à Belbéis, avec deux demi-brigades, reçoit l'ordre de les faire partir pour Rahmaniëh: elles devaient passer sous le commandement du général Damas, et le général Reynier devait rester à Belbéis avec son ambulance et son artillerie: il est à remarquer que le général Jacques Menou ne l'avait envoyé à Belbéis qu'afin de l'éloigner de l'armée, où il redoutait sa présence, et qu'il lui retirait des troupes dont il donnait le commandement au général Damas, dans l'espoir de détruire l'harmonie qui existait entre ces généraux. Cependant le général Reynier marche à l'ennemi avec ses deux demi-brigades, son artillerie, et le général Damas; et, parti le 21 de Belbéis, il arrive le 25 à Rahmaniëh, avec son infanterie.

Le général en chef y avait reçu l'avis des deux combats qu'avaient essuyés les généraux Friant et Lanusse, et où nous avions été repoussés le 17 et le 22. Cela ne l'empêcha pas de s'embarquer dans son canja pour aller voir sa femme au village de Fouah; il allait pousser au large, lorsque l'arrivée des généraux Reynier et Damas suspendit cet élan de tendresse conjugale; on attendait le général Rampon, auquel on avait donné l'ordre de laisser à Lesbëh et autres forts six cents hommes de la 2e légère avec une compagnie d'artillerie légère, la meilleure de l'armée, et on arriva enfin le 29 ventôse à Alexandrie.

L'ennemi s'était emparé le 22, d'une position des plus militaires qu'occupaient les généraux Friant et Lanusse avec trop peu de troupes pour pouvoir s'opposer à ses efforts. La droite des Anglais appuyait à la mer, la gauche au lac Maadiëh, les deux ailes flanquées par des chaloupes canonnières, le centre couvert de redoutes: ils avaient eu huit jours pour se retrancher et garnir leurs ouvrages d'une artillerie de position des plus nombreuses et des mieux servies.