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Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie

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Je traite aussi bien que possible les Grecs de l'Archipel: je leur donne permission de sortir d'Alexandrie et de Damiette avec des chargemens de marchandises, dont sont seulement exceptés le blé et le riz, n'ayant pas cru devoir envoyer des vivres à nos ennemis. Plusieurs de ces Grecs sont déjà revenus nous porter des objets de consommation qui nous sont d'une très grande utilité. M. Smith a arrêté, pris et dépouillé plusieurs de ces bâtimens sortant d'Alexandrie. J'écris au capitan-pacha, pour lui faire sentir que c'est une insulte que font les Anglais à la Porte. Je lui mande que je n'ai donné à ces bâtimens permission de sortir avec des chargemens, que par considération pour le grand-seigneur, dont les Grecs sont les sujets, et par égard pour lui, capitan-pacha, gouverneur-né et presque propriétaire de tout l'Archipel.

Tel est, citoyen Ministre, le compte que j'ai cru devoir vous rendre de notre situation politique en Égypte; je vous prie de la mettre sous les yeux du Premier Consul.

Salut et respect.

Abdala Menou.

TROISIÈME PARTIE.
CAMPAGNE CONTRE LES ANGLAIS ET LES TURCS

CHAPITRE PREMIER.
ARRIVÉE DE LA FLOTTE ANGLAISE. DISPOSITIONS MILITAIRES

L'armée anglaise avait reçu à Rhodes et à Macri, dès le commencement de pluviôse, tout ce qui était nécessaire pour ouvrir la campagne: le ministère la pressait d'agir contre l'Égypte27; mais les Turcs ne se hâtaient pas d'y concourir. Ils paraissaient craindre autant les succès de leurs alliés que leur défaite. Le visir, encore effrayé de la bataille d'Héliopolis, tremblant de s'exposer à de nouveaux revers, était bien déterminé à ne marcher que lorsque les Anglais lui auraient ouvert la route. Son autorité était méconnue dans la plupart des provinces de la Syrie; il n'avait, pour former une armée et des magasins, que les secours et les convois qu'il recevait de sa capitale. Le capitan-pacha était à Constantinople avec une partie de sa flotte; il penchait à traiter avec les Français plutôt que de courir encore les hasards d'une expédition, et attendait la fin des irrésolutions de la Porte.

Ces différens chefs, persuadés que leurs efforts pour reprendre l'Égypte seraient inutiles, craignaient de s'exposer séparément aux premiers revers; mais les ordres du gouvernement anglais devinrent impératifs, et ses généraux ne purent s'y refuser. Ils redoutaient autant que leurs soldats la bravoure éprouvée et l'habitude de victoires de l'armée qu'ils avaient à combattre. Instruits néanmoins du caractère et des dispositions de celui qui la commandait, ils espérèrent profiter de ses fautes pour s'établir sur quelques points, affaiblir les Français par des affaires de détail, et se maintenir, en attendant des secours et l'effet des attaques que le visir et un corps parti de l'Inde devaient effectuer. Aussitôt qu'ils apprirent que le capitan-pacha avait mis à la voile de Constantinople, et leur amenait un renfort de six mille Albanais et janissaires, ils partirent de Macri. Le 10 ventôse, ils parurent dans la rade d'Aboukir. (Les tableaux nos 1 et 2, contiennent l'état de cette armée, ainsi que celui de l'armée d'Orient et de sa répartition.) Leur flotte fut contrainte de retarder son débarquement jusqu'au 17, les vents du nord et du nord-est rendant la mer trop houleuse au point choisi pour l'exécuter.

La frégate la Régénérée entra le 10 ventôse dans le port d'Alexandrie; elle venait de Rochefort, et portait deux cents hommes de la 51e demi-brigade, une compagnie d'artillerie et des munitions. Le brick le Lodi, qui arrivait le même jour de Toulon, avait rencontré la flotte de l'amiral Gantheaume, qui portait un renfort de quatre à cinq mille hommes, et que des circonstances avaient engagé à relâcher dans ce port. Dès-lors on put s'apercevoir que le moment le plus favorable pour arriver à Alexandrie était manqué; mais l'arrivée de ces bâtimens et cette nouvelle donnèrent à l'armée d'Orient la certitude que le gouvernement s'occupait fortement de la secourir.

L'apparition de la flotte anglaise fut connue au Caire, le 13, à trois heures après midi. D'après les rapports, les chaloupes étaient à la mer pour opérer le débarquement; et la prise de trois officiers du génie anglais qui faisaient une reconnaissance de la côte sous Aboukir, ne laissait aucun doute sur le point menacé.

Nous avons vu précédemment que le général Menou s'était fait illusion jusqu'alors, en repoussant les avis qui lui venaient de toutes parts sur cette expédition. Il n'avait pas même consenti à l'envoi des bâtimens pour observer les préparatifs des Anglais et surveiller leurs mouvemens. Aucun corps de réserve qu'on pût opposer avec succès au débarquement, n'existait sur la côte; on l'avait même dégarnie de troupes, et les places n'étaient pas suffisamment approvisionnées.

On était assuré par tous les rapports que le visir n'était pas encore prêt à agir, et qu'il ne passerait le désert que lorsqu'il serait certain du succès des Anglais. On savait qu'Aboukir était le seul point de la côte qui pût leur convenir pour opérer une descente, parce que leur flotte trouvait un abri dans cette rade, et que de là ils pouvaient aussitôt se porter sur Alexandrie. Tous les hommes qui avaient un peu étudié l'organisation de l'Égypte et son système de défense, tous ceux qui connaissaient les forces de l'armée française, était convaincus que la seule bonne disposition était de la réunir.

Au moment où l'on reçut la nouvelle du débarquement, toute l'armée s'attendit à marcher vers Aboukir: aussi fut-elle très étonnée des dispositions que prit le général Menou. Il ordonna au général Reynier de partir sur-le-champ pour Belbéis, avec deux demi-brigades et l'artillerie de sa division; au général Morand, d'aller promptement à Damiette, avec cinq cents hommes de la division Rampon, qui précédemment avaient été appelée au Caire; et au général Bron de conduire à Aboukir le 22e régiment de chasseurs, fort seulement de deux cent trente chevaux. Le reste de la cavalerie dut attendre des ordres à Boulac. La division Lanusse ne partit que le 14 pour Rahmaniëh, et même la 88e, la plus forte demi-brigade de cette division, fut appelée au Caire, le jour de son départ.

Quelques généraux essayèrent de faire sentir au général Menou la nécessité de rassembler promptement l'armée vers Aboukir. Ils lui observèrent que le visir ne marcherait pas avant d'être certain du succès des Anglais; qu'on aurait le temps de les battre et de se porter ensuite vers Salêhiëh, avant qu'il pût y paraître; que, dans le cas même où le visir, par des mouvemens plus rapides, aurait obtenu de légers succès, ses troupes seraient aisément dissipées, lorsqu'elles apprendraient la défaite de leurs alliés: qu'enfin, en divisant l'armée, on l'exposait à des revers, etc. Le général Reynier écrivit28 au général Menou ces observations, il les lui renouvela ensuite de bouche, ajoutant qu'il fallait mettre de côté toute les haines particulières pour ne songer qu'à l'ennemi… Tout fut inutile. Dans l'impossibilité de lui faire adopter de meilleures dispositions, il espéra que son départ dissiperait la jalousie et les craintes qu'il inspirait, et crut qu'ensuite les autres généraux pourraient faire avec plus de succès les mêmes observations; mais le général Menou fut sourd à toutes les représentations; et ne recevant ni le lendemain, ni les jours suivans, aucun avis du débarquement, il se persuada d'autant mieux qu'il avait fait d'excellentes dispositions.

 

Sans doute, puisqu'il s'opiniâtrait à rester au Caire et à diviser l'armée, le seul moyen de sauver l'Égypte, eût été de choisir un autre chef; les circonstances et l'éloignement du gouvernement, auraient peut-être autorisé un tel parti; mais c'était un exemple dangereux pour la discipline, que de grands succès auraient pu seuls justifier, et rien n'était préparé pour les obtenir: on ne pouvait prévoir que les Anglais seraient sept jours sans débarquer; d'ailleurs on aurait pu dire, après la victoire, que le général Menou l'aurait également remportée.

CHAPITRE II.
DÉBARQUEMENT DES ANGLAIS. – COMBAT DU 22 VENTÔSE

Les vents passèrent le 16 au nord-ouest; la mer devint plus calme, et les ennemis purent s'occuper du débarquement. Ils envoyèrent des chaloupes armées vers la bouche du lac Maadiëh, pour s'emparer du bac et interrompre la communication directe d'Alexandrie avec Rosette; mais une centaine d'hommes qui descendit pour cette opération, fut culbutée par quarante grenadiers de la 61e, et cette entreprise échoua.

Le général Friant, dès l'arrivée de la flotte anglaise, avait réparti ses troupes de la manière suivante:


En tout, à Aboukir, quinze cent cinquante hommes d'infanterie, cent quatre-vingts cavaliers et dix pièces de canon.

Il ne laissa pour la garde d'Alexandrie que les marins et les invalides.

Ce corps était trop faible pour résister au débarquement d'une armée qui avait à sa disposition une grande quantité de chaloupes et tous les moyens de la marine anglaise. On ne pouvait espérer de succès qu'en parvenant à culbuter dans la mer les premiers qui aborderaient, avant que les troupes eussent le temps de se former, et en mettant du désordre dans les chaloupes par un feu d'artillerie bien dirigé.

Les Anglais, qui ne fondaient quelque espérance de succès que sur la faiblesse du corps chargé de garder les côtes, désignèrent pour cette première opération l'élite de leur armée. Ils réunirent toutes leurs chaloupes, et y embarquèrent, le 17, avant le jour, les troupes suivantes, sous les ordres des majors-généraux Moore et Ludlow:



Les chaloupes, formées sur une ligne séparée en cinq divisions, s'approchent lentement de la côte. Les troupes françaises, pour se garantir du feu des chaloupes canonnières ennemies, disposées en avant et sur les flancs de celles de transport, prennent position derrière les mamelons de sable, dans l'ordre suivant: la 61e demi-brigade, avec une pièce de 12, deux obusiers, et ses deux pièces de 4, sa droite vers le commencement de la digue du lac Maadiëh; le 18e de dragons à la gauche de cette demi-brigade, le 20e de dragons et la 75e sur le revers occidental de la hauteur des puits. Les détachemens de la 25e et de la 51e forment, avec deux pièces de 8 et un obusier, une réserve entre ce dernier corps et le fort d'Aboukir.

La hauteur des puits est un mamelon de sable mouvant, de pente rapide, surtout du côté de la mer. Ce point est le seul où des troupes qui débarquent puissent trouver une position militaire avantageuse29. La ligne de chaloupes anglaises reste long-temps au milieu de la baie; elle paraît menacer tous les points de la côte; enfin elle se divise en deux lignes. Arrivées à portée de canon, elles se serrent davantage, et viennent aborder au pied de cette hauteur. Les matelots ramaient debout et avec vigueur, sans s'inquiéter de l'artillerie française, tandis que l'infanterie était couchée au fond des chaloupes. La droite, en mettant pied à terre, gravit promptement la hauteur, et s'y met en bataille; la gauche s'étend sur le revers, de manière à appuyer son flanc à la mer. La 61e demi-brigade charge aussitôt la gauche des ennemis, qui ne peuvent soutenir ce premier choc; une compagnie de grenadiers, qui s'établit sur douze chaloupes, les prend de revers; déjà beaucoup d'entre eux jettent leurs armes, mais la seconde ligne, qui venait de débarquer, leur porte du secours. La 61e, trop faible alors pour culbuter seule les Anglais et reprendre la hauteur, borne ses efforts à soutenir le combat.

Le 18e et le 20e de dragons chargent, à la gauche de la 61e, les premières troupes formées sur la hauteur; ces deux corps, repoussés à cette première attaque, essaient une seconde charge sur la gauche des ennemis, mais le feu de la seconde ligne les force de se retirer.

La 75e, avertie trop tard de l'instant du débarquement, trouve les Anglais formés sur la hauteur; en un moment la moitié de ses premiers pelotons est mise hors de combat par les feux de la ligne anglaise, son déploiement ne peut s'effectuer; elle est obligée de se retirer.

Les pièces d'artillerie qui étaient à gauche, ne faisant pas assez d'effet, on voulut les rapprocher de la hauteur, avec les détachemens de la 51e et de la 25e; mais les sables ayant apporté des lenteurs dans ce mouvement, les Anglais étaient déjà formés à leur arrivée: ils rejoignirent la 75e demi-brigade, qui s'était retirée à la distance de trois cents toises.

La 61e reçoit alors l'ordre de se retirer; les soldats, mêlés depuis deux heures avec les Anglais, et d'autant plus animés qu'ils obtenaient quelques succès, quittent avec peine le champ de bataille. Cette demi-brigade effectue sa retraite dans le meilleur ordre, emmène toute son artillerie et forme l'arrière-garde. On détache dans Aboukir une compagnie de la 51e pour renforcer la garnison de ce fort, et les troupes se réunissent à l'Embarcadaire30. Alexandrie avait été laissée presque sans garnison, et les Anglais pouvant tenter quelque nouvelle attaque, qui aurait empêché les troupes de protéger cette place importante, on s'y retira pendant la nuit.

Le bataillon de la 75e, le détachement de la 25e et le 3e de dragons, qui étaient à Edko, reçurent, par des signaux, l'ordre de venir à Alexandrie; d'après une mauvaise interprétation de cet ordre, la Maison-Carrée, poste fortifié, important à conserver pour défendre le passage de le bouche du lac, fut évacuée et démantelée. Il resta à Rosette cinquante hommes de la 61e, et au fort Julien une compagnie de cette demi-brigade, et des invalides.

Lorsque les Anglais furent bien certains de la retraite des troupes françaises, ils envoyèrent un corps sur la hauteur qui domine le village d'Aboukir, pour bloquer le fort, et poussèrent leur avant-garde jusqu'au défilé de l'Embarcadaire.

On apprit au Caire, le 20, à cinq heures du soir, le débarquement des Anglais. Toute l'armée vit alors quelle faute on avait faite de ne pas marcher au premier avis. On lui avait fait perdre les momens les plus favorables, les sept jours écoulés depuis l'apparition des ennemis jusqu'à leur débarquement. La cavalerie aurait pu, à marches forcées, arriver le 17. Deux jours après, dix mille hommes et cinquante pièces de canon auraient pu être réunis vers Aboukir, et détruire entièrement cette armée, avant qu'elle eût achevé de s'organiser, débarqué son artillerie et retranché son camp: ce moment passé, le succès devenait plus douteux. On était instruit que le visir était campé à Yabnëh, qu'on l'attendait à El-A'rych, et qu'il se disposait à passer le désert. On ne pouvait savoir si on aurait encore le temps d'aller battre les Anglais, et de revenir sur la frontière de Syrie avant son arrivée, et on avait la nouvelle qu'une partie de la flotte anglaise de l'Inde était déjà dans la mer Rouge. On ignorait si les Anglais avaient poursuivi vivement les troupes qui s'étaient opposées à leur débarquement; s'ils leur avaient fait éprouver une perte considérable, s'ils avaient su profiter de ce premier succès pour attaquer aussitôt Alexandrie, et s'en emparer par un coup de main audacieux. Cette ville n'était pas en état de tenir huit jours contre une attaque régulière; on pouvait craindre de n'arriver qu'après sa chute; et lors même que les Anglais ne l'auraient pas attaquée, on leur avait laissé le temps de se retrancher dans quelques fortes positions. On pouvait craindre enfin qu'ils n'eussent obtenu quelques succès partiels sur les trois demi-brigades parties avec le général Lanusse. Tous ces motifs devaient faire sentir la nécessité de rassembler promptement un corps d'armée considérable, d'évacuer plusieurs postes, et de ne laisser dans ceux qu'on jugerait nécessaires que de faibles détachemens.

Le général Menou fit partir du Caire, le 21, la 88e demi-brigade, un bataillon de la 25e, huit cent cinquante hommes de la 21e, arrivés de Beneisouef, la cavalerie et le parc d'artillerie, qu'il borna seulement à trois pièces de 12. Il écrivit au général Rampon de partir pour Rahmaniëh avec la 32e, les carabiniers de la 2e et une partie du 20e} de dragons, et de laisser à Damiette, à Lesbëh et autres forts, le reste de la 2e légère, cent dragons du 20e et une compagnie d'artillerie légère. Le général Reynier reçut l'ordre de faire partir la 13e pour Rahmaniëh, par la route du Delta, et d'envoyer au Caire la 9e demi-brigade, qui devait remplacer la 85e, destinée pour Rahmaniëh. Cet ordre, d'un style fort ambigu, laissait ce général à Belbéis, avec son artillerie et son ambulance, sans moyens à opposer au visir. Deux demi-brigades de sa division étaient disposées dans les places du Caire, de Belbéis et de Salêhiëh, et la marche de la 13e par le Delta, devant être fort longue dans cette saison, le général Reynier se détermina à passer avec elle par le Caire, à se mettre à la tête des deux demi-brigades de sa division qui allaient à l'ennemi, et à emmener son artillerie.

 

Ces dispositions laissaient trop de troupes à Damiette, au Caire, à Belbéis, à Salêhiëh et dans la Haute-Égypte. Le général Menou ne fit pas évacuer cette dernière; ce fut après son départ seulement que le général Belliard en donna l'ordre au général Donzelot.

Le 17, le général Lanusse arrive à Rahmaniëh, il entend le bruit du canon d'Aboukir, et part sur-le-champ pour aller au secours du général Friant. Le 19, il effectue sa jonction avec lui, sur les hauteurs de Nicopolis en avant d'Alexandrie. La cavalerie, qui, depuis le 18, était renforcée du 22e régiment de chasseurs, fournissait une grand'garde près d'une maison située à une demi-lieue de l'Embarcadaire.

Le corps de l'armée anglaise établi à terre le premier jour, fut long-temps livré à lui-même; le débarquement des autres corps, ainsi que celui de l'artillerie et des chevaux, ayant été retardé par la grosse mer, il ne fut terminé que le 20. Ce jour-là, les Anglais se portèrent vers l'Embarcadaire, déjà occupé par leur avant-garde, et là ils achevèrent de s'organiser.

Ils se mirent en marche le 21 à huit heures du matin, et repoussèrent la grand'garde de cavalerie, qui envoya prévenir de leur approche. Les généraux Friant et Lanusse, considérant que le lac Maréotis n'était pas praticable dans cette saison, et que si les Anglais s'établissaient sur les digues du canal d'Alexandrie et du lac Maadiëh, le reste de l'armée pourrait difficilement se réunir à eux, résolurent de s'opposer, avec leurs faibles moyens, à la marche des ennemis, afin de conserver cette communication importante. La garde d'Alexandrie fut laissée aux marins et aux dépôts, et ils s'avancèrent jusqu'à la pointe du lac Maadiëh, sur les hauteurs voisines du camp des Romains, avec les troupes suivantes:




C'est avec ce petit nombre de troupes que les généraux Friant et Lanusse ont l'audace d'attendre toute l'armée anglaise, c'est-à-dire seize mille hommes d'infanterie, deux mille soldats de marine tirés de la flotte, deux cents cavaliers, et dix pièces de canon attelées.

Les Anglais marchaient lentement, leur infanterie avait de la peine à se traîner dans les sables mouvans qu'elle devait parcourir. Des chaloupes canonnières s'avançaient dans le lac Maadiëh, à la hauteur de sa gauche, ainsi qu'un grand nombre de barques chargées de munitions, de vivres et d'eau douce. Lorsqu'ils virent les troupes françaises postées sur les hauteurs qu'ils voulaient occuper, ils s'arrêtèrent, et on se canonna réciproquement. Ils n'osèrent pas attaquer, et campèrent, à trois heures après midi, à moins de deux lieues du point de leur départ.

Ils se remirent en marche le 22, à la pointe du jour: craignant l'impétuosité française, et surtout la cavalerie, ils se formèrent sur trois lignes; au centre de leur armée était un carré, dont les côtés étaient composés d'infanterie en colonnes serrées.

L'aile gauche s'ébranla la première; elle suivit le bord du lac Maadiëh, afin de s'appuyer au canal et de tourner la droite des Français; le centre se mit en mouvement plus tard, et la droite après lui.

Le centre marchait lentement sur le revers d'une hauteur qui le masquait à la position des Français, et l'aile gauche paraissait isolée. Le général Lanusse espère la culbuter, au moyen d'une attaque très vive, avant qu'elle puisse être secourue par le reste de l'armée: il le propose au général Friant, ordonne à la 69e de s'avancer sur les hauteurs qui bordent la mer pour occuper la droite des ennemis, laisse un bataillon de la 18e} en réserve sur la hauteur du camp des Romains, un bataillon de la 4e légère avec une pièce et un obusier d'artillerie légère, à droite de ces hauteurs, et se met aussitôt en marche avec le reste de ses troupes, et le 22e régiment de chasseurs.

Tandis que le brave Lanusse commence son mouvement, le centre des Anglais paraît sur la hauteur; la première ligne s'avance; on ne peut plus alors arriver sur le flanc de l'aile gauche avant de l'attaquer. Le 22e régiment de chasseurs la charge avec la plus grande bravoure, la traverse et fait poser les armes à deux bataillons; mais les feux exécutés avec beaucoup de vivacité et de précision, par la seconde ligne, le forcent à se retirer et à abandonner ses prisonniers. La 4e légère, dirigée par l'adjudant commandant Bayer, combat pendant ce temps, avec avantage, le reste de la première ligne et la fait ployer. La 18e se formait en bataille sur sa gauche; mais la colonne qui marchait toujours à la droite du centre des Anglais, se déploie rapidement sur son flanc, son feu y met du désordre: elle ne peut achever son mouvement pour lui faire face. La 4e légère et le 22e de chasseurs, trop inférieurs pour soutenir seuls le combat, commencèrent alors leur retraite.

Pendant ce temps, le général Friant s'était avancé avec les 25e et 75e précédées de tirailleurs, qui inquiétaient l'aile gauche des Anglais. La 61e avait aussi marché jusqu'à la pointe du lac Maadiëh, et attaquait cette aile, qui s'était arrêtée et la recevait par des feux très nourris; mais étant trop inférieure, et le mouvement projeté par le général Lanusse n'ayant pu être exécuté, elle se retira sur la digue du canal. Le général Friant fit reprendre aux 25e et 75e leur position sur la hauteur.

Les généraux Friant et Lanusse sentirent qu'il serait imprudent de s'engager plus long-temps avec une armée aussi supérieure, et qu'on tenterait vainement de l'empêcher d'occuper cette position. Une belle charge, exécutée par le 3e de dragons, protége la retraite de la 4e légère, qui était fort engagée, et ralentit la marche des Anglais. La 69e forme l'arrière-garde de gauche, en suivant le bord de la mer; elle attend à portée de fusil la droite des Anglais, et exécute, dans le meilleur ordre, une retraite par échelon, qui lui mérite l'admiration des ennemis. La 61e fait une pareille retraite sur la droite, près du canal. Les troupes françaises prennent position sur les hauteurs de Nicopolis.

Les Anglais, après avoir dépassé les hauteurs du camp des Romains, déploient leurs colonnes du centre; long-temps ils paraissent incertains s'ils attaqueront les Français; ils avaient la supériorité du nombre; leurs soldats devaient être animés par le succès facile qu'ils venaient d'obtenir; cependant ils n'osent l'entreprendre. Ils se bornent à faire marcher leur aile gauche sur le grand mamelon, au-delà des étangs, et à détacher un bataillon sur le canal; mais le feu des pièces placées sur la hauteur de Nicopolis, et quelques tirailleurs jetés dans le canal, les forcent bientôt à la retraite. L'aile gauche n'ose pas rester sur le mamelon et se retire. L'armée anglaise campe, la droite à la mer vers le camp des Romains, la gauche au canal d'Alexandrie, vis-à-vis la pointe du lac Maadiëh, et travaille de suite, avec une grande activité, à fortifier cette position par une ligne de redoutes.

Les ennemis eurent, dans cette affaire, quinze cents hommes hors de combat. La perte, du côté des Français, fut de cinq cents. Cette différence provient du petit nombre des Français, de la supériorité de leur artillerie, et de la charge du 22e, qui mit beaucoup d'Anglais hors de combat. Le général Lanusse fut légèrement blessé.

Ce dernier, ainsi que le général Friant, sentait que la position des hauteurs de Nicopolis n'était pas susceptible d'être défendue, si l'armée anglaise l'attaquait, et qu'il était surtout important de s'occuper de la sûreté d'Alexandrie. Ils y laissent une forte avant-garde pour en imposer aux ennemis, et leur faire croire que leur intention était de la défendre; mais pour soutenir sa retraite, et préparer les moyens de résistance d'Alexandrie, ils firent réparer l'ancienne enceinte des Arabes, et y placèrent la 4e légère avec deux bataillons de la 18e; le 3e bataillon de cette demi-brigade fut établi à la redoute commencée sur la hauteur dite de Cléopâtre; le 3e bataillon de la 35e occupa les hauteurs près de la colonne de Pompée. On travailla en même temps à perfectionner les fortifications. Comme la cavalerie devenait inutile pour la défense de cette place, et qu'il y avait peu de fourrage dans les magasins, on ne garda que le 18e de dragons; le reste fut envoyé pendant la nuit à Rahmaniëh, au-devant de l'armée. Elle eut beaucoup de peine à traverser le lac Maréotis, et dut s'éloigner pour trouver un chemin, jusqu'auprès du Marabou.

Les généraux qui étaient à Alexandrie firent partir, le 25, un bâtiment pour instruire le gouvernement de ce qui s'était passé, et prévenir l'amiral Gantheaume, qu'on savait en route, de la position de la flotte anglaise.

27Le ministère anglais avait à justifier la rupture du traité d'El-A'rych, et à calmer l'indignation des Turcs, irrités d'avoir perdu l'Égypte au moment où ils s'y croyaient établis; il avait à arracher des mains de l'opposition une arme terrible; et pour détourner les regards de cette responsabilité qui pesait sur lui, il dirigea contre l'Égypte une armée, errant sur les mers depuis plusieurs mois. L'opinion publique, en Angleterre, était contraire à cette expédition. Les circonstances et des fautes multipliées l'ont fait réussir; mais qu'en est-il résulté pour cette puissance? des dépenses excessives et une grande perte d'hommes; l'armée d'Orient a évacué l'Égypte avec des conditions semblables à celles du traité d'El-A'rych, sans que les troupes anglaises puissent se glorifier de succès qui ne sont dus ni à leur bravoure ni aux talens de leurs généraux.
28Lettre du général Reynier au général Menou: Au Caire, le 13 ventôse an IX. Vous m'envoyez, citoyen Général, l'ordre de partir pour Belbéis avec deux demi-brigades et le général Robin: il va être exécuté, parce qu'un militaire doit premièrement obéir; mais l'intérêt de l'armée me commande quelques observations que vous écouterez. Je suis chargé de défendre la frontière qui peut être attaquée par le visir; mais je pense que, dans notre position, elle peut être dégarnie. Le visir est arrivé ou va arriver à El-A'rych; mais il n'est pas probable qu'il marche avant d'avoir reçu la nouvelle du succès des Anglais. Ses préparatifs pour passer le désert ne sont pas complets, et il enverra seulement quelques partis à Catiëh et au-delà. S'il marche et attaque Salêhiëh, cette place est en état de résister jusqu'à ce que les troupes viennent la secourir, après avoir battu le débarquement. Il poussera peut-être quelques partis contre Belbéis et le Caire; mais cela n'est pas aussi dangereux que de laisser faire des progrès aux Anglais. L'armée qui débarque à Aboukir doit être de dix à douze mille hommes. Si le général Friant n'a pas réussi à culbuter leur premier débarquement, il doit être actuellement enfermé dans Alexandrie, et nous avons besoin, pour combattre les Anglais, de toutes nos forces disponibles. Lors du débarquement des Turcs à Aboukir, Bonaparte ne laissa à Belbéis et à Salêhiëh que cent hommes, fort peu de troupes à Damiette, et une très faible garnison au Caire: il réunit tout pour marcher à Aboukir. La position est semblable, nous devons faire de semblables dispositions: c'est particulièrement dans cette armée qu'il faut mettre en usage la grande maxime de guerre, de suppléer au nombre par la rapidité des marches. Je pense qu'il convient de faire marcher ma division, avec toutes les forces disponibles, vers Alexandrie. La garnison de Salêhiëh est plus que suffisante; je renforcerais un peu celle de Belbéis: des dromadaires éclaireraient le désert, et je laisserais les instructions nécessaires aux commandans de ces places. J'ai combattu plusieurs fois les Anglais, et je désire, ainsi que les troupes que je commande, concourir à les battre encore en Égypte. Dans plusieurs de mes lettres précédentes, je vous ai parlé de cette expédition: elle est importante, et nous ne devons rien négliger pour la faire échouer d'une manière glorieuse pour l'armée d'Orient, et digne des exemples que nous ont donnés les autres armées. Si vous attendez de nouveaux renseignemens sur ce débarquement, avant de vous déterminer à faire partir toutes les troupes pour Alexandrie, je vous demande de faire rester ma division ici ou à Birket-El-Hadji; je trouve cela plus conforme à mon plan de défense de la frontière de Syrie, et ces troupes seraient beaucoup plus disponibles pour les porter sur Alexandrie aussitôt que vous le jugerez convenable. Cette lettre et les observations qu'elle contient sont dictées par le sentiment profond de l'intérêt de l'armée. Nous devons tous nous réunir dans ce moment pour la faire sortir victorieuse de la position où elle se trouve, menacée sur deux points opposés par deux armées différentes, mais dont l'une est bien plus dangereuse que l'autre. Réponse du général Menou. Vous recevrez de mes nouvelles à Belbéis, citoyen Général: je ne vous laisserai rien ignorer, et tout sera prévu; vous devrez veiller à la frontière de Syrie, partez promptement. Je vous salue, Signé Abd. J. Menou.
29Après la bataille d'Aboukir du 7 thermidor an VII, Bonaparte avait ordonné la construction d'un fort sur cette hauteur; mais on négligea de s'en occuper pour des fortifications moins importantes, quoique le gouvernement l'eût recommandé au général Menou. Ce fort aurait rendu le débarquement très difficile.
30On donnait ce nom à un endroit de la baie de Canope, où la langue de terre qui sépare la mer du lac Maadiëh est fort étroite et n'a pas plus de cent cinquante toises.