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Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même – Tome II

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PENSÉES
SUR
LE FLUIDE UNIVERSEL, etc

Passy, le 25 juin 1784.

La vaste étendue de l'Univers paroît, dans tout ce que nous pouvons en découvrir, remplie d'un fluide subtil, dont le mouvement ou la vibration s'appelle lumière.

Ce fluide est, peut-être, le même que celui qui, attiré par une matière plus solide, la pénètre, la dilate, en sépare les parties constitutives, en rend quelques-unes fluides, et maintient la fluidité de quelques autres. Quand nos corps sont totalement privés de ce fluide, on dit qu'ils sont gelés. Quand ils en ont une quantité nécessaire, ils sont dans un état de santé, et propres à remplir toutes leurs fonctions: il est alors appelé chaleur naturelle. Lorsqu'il est en très-grande quantité, on le nomme fièvre. S'il en entre beaucoup trop dans le corps, il sépare, brûle, détruit les chairs, et est appelé feu.

Tandis qu'un corps organisé, soit animal, soit végétal, augmente en croissance ou remplace ce qu'il perd continuellement, n'est-ce pas en attirant et en consolidant ce fluide, appelé feu, de manière à en former une partie de sa substance? Et n'est-ce point la séparation des parties de cette substance, c'est-à-dire la dissolution de son état solide, qui met ce fluide subtil en liberté, quand il reparoît comme feu?

Le pouvoir de l'homme, relativement à ce fluide, se borne à le diviser, à en mêler les diverses espèces, ou à changer sa forme et ses apparences, par les différentes manières dont il le compose. Mais il ne peut ni créer une nouvelle matière, ni anéantir celle qui existe. Or, si le feu est un élément, ou une sorte de matière, la quantité qu'il y en a dans l'univers, est fixée et doit y rester. Il ne nous est possible ni d'en détruire la moindre partie, ni d'y faire la moindre addition. Nous pouvons seulement le séparer de ce qui le contient, et le mettre en liberté, comme par exemple, quand nous brûlons du bois; ou le faire passer d'un corps solide dans l'autre, comme lorsque nous fesons de la chaux, en brûlant de la pierre; parce qu'alors la pierre conserve une partie du feu, qui sort du bois. Lorsque ce fluide est en liberté, ne peut-il pas pénétrer dans tous les corps, soit organisés, soit non organisés, abandonner totalement ces derniers, et quitter en partie les autres, tandis qu'il faut qu'il y en reste une certaine quantité jusqu'à ce que le corps soit dissous?

N'est-ce pas ce fluide qui sépare les parties de l'air et leur permet de se rapprocher, ou les écarte davantage, à proportion de ce que sa quantité est diminuée ou augmentée? N'est-ce pas parce que les parties de l'air ont plus de gravité, qu'elles forcent les parties de ce fluide à s'élever avec les matières auxquelles il est attaché, comme la fumée ou la vapeur?

N'a-t-il pas une grande affinité avec l'eau, puisqu'il quitte un corps solide pour s'unir avec elle, et s'élever en vapeur, laissant le solide, froid au toucher et à un degré qu'on peut mesurer par le thermomètre?

La vapeur attachée à ce fluide s'élève avec lui. Mais à une certaine hauteur, ils se séparent presqu'entièrement. La vapeur conserve très-peu de ce fluide quand elle retombe en pluie; et encore moins quand elle est en neige ou en grêle. Que devient alors ce fluide? S'élève-t-il au-dessus de notre atmosphère, et se mêle-t-il également avec la masse universelle de la même matière? ou une couche sphérique de cette matière, plus dense que l'air, ou moins mêlée avec lui, attirée par notre globe, et repoussée seulement jusqu'à une certaine hauteur par la pesanteur de l'air, enveloppe-t-elle la terre, et suit-elle son mouvement autour du soleil?

En ce cas, comme il doit y avoir une communication continuelle de ce fluide avec la terre, n'est-ce pas par le mouvement qu'il reçoit du soleil, que nous sommes éclairés? Ne se peut-il pas que chacune de ses infiniment petites vibrations, frappant la matière commune avec une certaine force, il en pénètre la substance, y est retenu par l'attraction, et augmenté par des vibrations nouvelles, jusqu'à ce que la matière en ait reçu toute la quantité qu'elle est susceptible de contenir?

N'est-ce pas ainsi que la surface de ce globe est continuellement échauffée par les vibrations qui se répètent pendant le jour; et rafraîchie quand la nuit les fait cesser, ou que des nuages les interrompent?

N'est-ce pas ainsi que le feu est amassé, et compose la plus grande partie de la substance des corps combustibles?

Peut-être que quand notre globe fut créé, et que ses parties constitutives prirent leur place à différens degrés de distance du centre, et proportionnément à leur plus ou moins de gravité, le fluide du feu attiré vers ce centre, pouvoit, comme très-léger, être en grande partie forcé de prendre place au-dessus du reste, et former ainsi l'enveloppe sphérique, dont nous avons parlé plus haut. Elle doit, ensuite, avoir été continuellement diminuée par la substance qu'elle a fournie aux corps organisés; mais en même-temps ses pertes se sont réparées, lorsque ces corps ont été brûlés ou détruits.

La chaleur naturelle des animaux n'est-elle pas produite, parce que la digestion sépare les parties des alimens et met leur feu en liberté?

N'est-ce pas la sphère du feu qui allume les globes errans qu'elle rencontre, lorsque la terre fait sa révolution autour du soleil, et qui après avoir enflammé leur surface, les fait crever aussitôt que l'air qu'ils contiennent est très-raréfié par la chaleur?

OBSERVATIONS
SUR LE RAPPORT FAIT PAR LE BUREAU
DU COMMERCE ET DES COLONIES,
POUR EMPÊCHER L'ÉTABLISSEMENT
DE LA PROVINCE DE L'OHIO 43

Le premier paragraphe du rapport semble établir deux propositions comme faits; savoir:

La première, c'est que l'espace de terre, spécifié avec les commissaires de la trésorerie, contient une partie de la province de Virginie.

La seconde, c'est qu'il s'étend à plusieurs milles à l'ouest de la chaîne des montagnes d'Allegany.

À l'égard de la première proposition, nous remarquerons seulement qu'aucune partie de cet espace de terre, n'est située à l'orient des montagnes d'Allegany, et que ces montagnes doivent être considérées comme les vraies limites occidentales de la Virginie; car le roi n'avoit aucun droit sur le pays situé à l'ouest de ces montagnes, jusqu'en 1768, qu'il l'acheta des six Nations; et depuis cette époque, on ne l'a réuni, ni en totalité, ni en partie, à la province de Virginie.

Quant à la seconde proposition, nous observerons que les lords commissaires du commerce et des colonies, nous paroissent ne s'être pas moins trompés sur cet objet que sur le premier; car ils disent que l'espace de terre, dont il s'agit, s'étend à plusieurs degrés de longitude à l'ouest. La vérité est qu'il n'y a pas plus d'un degré et demi de longitude depuis la chaîne occidentale des montagnes d'Allegany, jusqu'à la rivière de l'Ohio.

D'après le second paragraphe du rapport des lords commissaires, il semble qu'ils craignent que les terres situées au sud-ouest des limites tracées sur la carte, soient réclamées par les Cherokées, comme leur pays de chasse, ou même que ce soit là que chassent les six Nations et leurs confédérés.

Les Cherokées n'ont aucun droit sur ce pays. C'est une opinion nouvelle, qui ne peut être défendue, et dont on n'a entendu parler qu'en 1764, lorsque M. Steward fut nommé inspecteur des colonies méridionales. Nous allons le démontrer par le rapport exact des faits; et nous ferons voir, en même-temps, que le roi a un droit incontestable à la rive méridionale de l'Ohio, jusqu'à la rivière des Cherokées, par la cession qu'en ont faite les six Nations, dans le congrès qui a eu lieu au fort Stanwix, en novembre 1768. En un mot, le pays qui s'étend depuis le grand Kenhawa jusqu'à la rivière des Cherokées, n'a jamais été habité par les Cherokées, ni servi à leurs chasses. Il fut autrefois habité par les Schawanesses, et il leur appartint jusqu'au moment où les six Nations en firent la conquête.

M. Colden, qui est actuellement sous-gouverneur de New-York, et qui a écrit l'histoire des cinq Nations44, observe que vers l'année 1664, les cinq Nations ayant été amplement pourvues par les Anglais, de fusils et de munitions, se livrèrent entièrement à leur génie belliqueux. Elles portèrent leurs armes depuis la Caroline méridionale jusqu'au nord de la Nouvelle-Angleterre, et depuis les bords du Mississipi, jusqu'à l'extrémité d'un pays, qui a douze cents milles de longueur du nord au sud, et six cents milles de largeur. Elles détruisirent toutes les peuplades qu'elles rencontrèrent, et sur lesquelles les Anglais n'ont conservé aucun renseignement.

 

En 1701, les cinq Nations mirent sous la protection des Anglais, tout le pays où elles chassoient, comme on le voit dans les annales des colonies, et comme cela est confirmé par un acte du 4 septembre 1726.

Le gouverneur Pownal, qui, il y a déjà plusieurs années, examina avec beaucoup de soin les droits des Indiens, et particulièrement de ceux qui formoient la confédération septentrionale, dit dans son livre intitulé: de l'Administration des Colonies, – «On peut prouver clairement que les cinq Nations ont droit de chasser sur les bords de l'Ohio, dans le pays de Ticûeksouchrondité et de Scaniaderiada, puisqu'elles en ont fait la conquête, en subjuguant les Schaöanaès, que nous appelons Delawares, les Twictwées et les Illinois, et qu'elles le possédoient à la paix de Riswick, en 1697.»

M. Lewis Evans, qui connoît beaucoup l'Amérique septentrionale, et qui, en 1755, a publié une carte des colonies du centre, y a marqué le pays situé au sud-est de l'Ohio, comme celui sur lequel chassent les six Nations; et dans l'analyse de sa carte, il s'exprime ainsi: – «Les Schawanesses, qui étoient autrefois une des plus puissantes nations de cette partie de l'Amérique, et dominoient depuis Kentucke jusqu'au sud-ouest du Mississipi, ont été vaincus par les six Nations confédérées, qui, depuis ce moment, sont restées maîtresses du pays. – Aucune nation, ajoute M. Evans, ne résista avec autant de courage et de fermeté que celle des Schawanesses; et quoiqu'elle ait été quelque temps dispersée, elle s'est encore rassemblée sur les bords de l'Ohio, et y vit sous la domination des confédérés.»

Il y eut un congrès tenu en 1744, par les représentans des provinces de Pensylvanie, de Maryland et de Virginie, avec ceux des six Nations. Là, les commissaires de la Virginie, dans un discours qu'ils adressèrent aux Sachems et aux guerriers indiens, leur dirent: – «Apprenez-nous de quelles nations vous avez conquis les terres, en Virginie; combien il y a de temps que vous avez fait ces conquêtes, et jusqu'où elles s'étendent. Et s'il y a sur les frontières de la Virginie, quelques terres que les six Nations aient droit de réclamer, nous nous empresserons de vous satisfaire.»

Alors, les six Nations répondirent d'une manière fière et décisive. – «Tout le monde sait que nous avons dompté les diverses nations qui vivoient sur les bords de la Susquehannah, du Cohongoranto45, et sur le revers des grandes montagnes de la Virginie. Les Conoy-uck-suck-roona, les Cock-now-was-roonan, les Tohoa-irough-roonan et les Connut-skin-ough-roonaw ont senti le pouvoir de nos armes. Ils font maintenant partie de nos nations, et leurs terres sont à nous. – Nous savons très-bien que les Virginiens ont souvent dit que le roi d'Angleterre et les habitans de cette colonie avoient soumis tous les Indiens qui y étoient. Cela n'est pas vrai. Nous avouons qu'ils ont vaincu les Sach-dagugh-ronaw, et qu'ils ont écarté les Tuskaroras46. À ce titre, ils ont droit à la possession de quelque partie de la Virginie: mais c'est nous, qui avons soumis tous les peuples qui résidoient au-delà des montagnes; et si les Virginiens ont jamais un juste droit aux terres de ces peuples, il faut qu'ils le tiennent de nous.»

En l'année 1750, les Français arrêtèrent sur les bords de l'Ohio, quatre marchands anglais, qui trafiquoient avec les six Nations, les Schawanesses et les Delawares. Ils les envoyèrent prisonniers à Quebec, et de là en France.

En 1754, les Français prirent authentiquement possession de l'Ohio, et construisirent des forts à Venango, au confluent de l'Ohio et du Monongehela, et à l'embouchure de la rivière des Cherokées.

En 1755, l'Angleterre donna le commandement d'une armée au général Braddock, et l'envoya en Amérique pour chasser les Français des lieux qu'ils possédoient sur les montagnes d'Allegany et sur les bords de l'Ohio. À son arrivée à Alexandrie, ce général tint conseil avec les gouverneurs de la Virginie, du Maryland, de la Pensylvanie, de New-York et de la Baie de Massachusett; et comme ces officiers savoient très-bien que les terres réclamées par les Français, appartenoient aux six Nations, et non pas aux Cherokées, ni à aucune autre tribu d'Indiens, le général donna ordre à sir William Johnson, de rassembler les chefs des six Nations, et de leur rappeler la cession qu'ils avoient faite de ces terres au roi d'Angleterre en 1726, époque où ils avoient aussi mis sous la protection de ce prince tout leur pays de chasse, pour être défendu pour eux et pour leur usage.

Les instructions du général Braddock, contenant une reconnoissance très-claire du droit qu'avoient les six Nations sur les terres dont il s'agit ici, nous croyons devoir transcrire les mots qui les terminent. – «Il paroît que les Français ont de temps en temps employé la ruse et la violence47, pour bâtir des forts sur les limites des terres dont nous avons fait mention; ce qui est contraire à tous les actes et traités qui y ont rapport. Ainsi, vous pouvez, en mon nom, assurer les six Nations que je suis envoyé par sa majesté britannique, pour détruire tous lesdits forts, en bâtir d'autres qui protégeront lesdites terres, et en garantiront la possession aux six Nations et à leurs héritiers et successeurs pour jamais, conformément à l'esprit de nos traités. J'inviterai donc les six Nations à prendre la hache, et à venir se mettre en possession de leurs propres terres.»

Les négociations, qui ont eu lieu en 1755, entre les cours de France et d'Angleterre, prouvent évidemment que le général Braddock et les gouverneurs américains, n'étoient pas les seuls qui pensoient que c'étoit aux six Nations qu'appartenoit le pays qui s'étend sur les montagnes d'Allegany, sur les deux rives de l'Ohio, et jusqu'aux bords du Mississipi.

Nous allons rapporter une observation très-juste, qui se trouve dans un mémoire relatif aux prétentions de la France sur les terres des six Nations, et remis le 7 juin 1755, par les ministres du roi d'Angleterre au duc de Mirepoix. – «Quant à la réclamation faite par la France, de l'article XV du traité d'Utrecht, la cour de la Grande-Bretagne ne pense pas que la France soit fondée à s'autoriser ni des expressions, ni de l'intention de ce traité.

»1o. La cour de la Grande-Bretagne est convaincue que l'article XV est seulement relatif aux personnes des Sauvages, et non à leur pays. Les expressions du traité sont claires et précises. Elles disent que les cinq Nations, ou les cinq Cantons sont soumis à la Grande-Bretagne; ce qui, d'après tous les traités, doit se rapporter au pays, aussi bien qu'aux habitans. – La France l'a déjà reconnu de la manière la plus solennelle. – Elle a bien pesé l'importance de cet aveu, au moment où elle a signé le traité; et la Grande-Bretagne ne peut jamais l'oublier. – Le pays possédé par ces Indiens est très-bien connu, et ses limites ne sont pas incertaines, comme le porte le mémoire de la cour de France. Ces Indiens en sont entièrement les maîtres, et ils en font tout ce que d'autres propriétaires font dans tous les autres pays.

»2o. Quelque chose que puisse alléguer la France, en considérant ces contrées comme des dépendances du Canada, il est certain qu'elles ont appartenu et qu'elles appartiennent encore aux mêmes Indiens, qui n'y ont point renoncé, ni ne les ont abandonnées aux Anglais; et par le quinzième article du traité d'Utrecht, la France s'est engagée à ne point troubler ces Indiens48.

»Malgré tout ce qui a été avancé dans cet article, la cour de la Grande-Bretagne ne peut avouer que la France ait le moindre titre à la possession de l'Ohio, et du territoire dont elle parle dans son mémoire49.

»On n'allègue point et on ne peut pas, en cette occasion, alléguer la possession, puisque la France ne peut pas prétendre qu'avant ni depuis le traité d'Aix-la-Chapelle, elle y ait rien eu, excepté certains forts, qui ont été dernièrement bâtis sur les terres qui appartiennent évidemment aux cinq Nations, et qui ont été cédées par elles à la couronne de la Grande-Bretagne et à ses sujets, ainsi qu'on peut le démontrer par des traités et des actes de la plus grande authenticité.

»La cour de la Grande-Bretagne maintient que les cinq Nations des Iroquois, reconnues par la France, sont originairement, ou par droit de conquête, les légitimes propriétaires de la rivière de l'Ohio et de tout le pays mentionné dans son mémoire; et quant au territoire que ces Indiens ont cédé à la Grande-Bretagne, ce qui, il faut l'avouer, est la manière la plus juste et la plus légale de faire une acquisition de cette nature, elle le réclame, parce qu'il lui appartient, qu'elle le cultive depuis plus de vingt ans, et qu'elle y a fait divers établissemens depuis les sources mêmes de l'Ohio jusqu'à Pichawillanès, dans le centre du pays, entre l'Ohio et le Wabache.»

En 1755, les lords commissaires du commerce et des colonies, désirèrent de connoître précisément le territoire des six Nations. En conséquence, ils engagèrent le docteur Mitchel à publier une carte générale de l'Amérique septentrionale. M. Pownal, qui est encore secrétaire du bureau du commerce et des colonies, certifia que ce bureau avoit fourni au docteur Mitchel, tous les documens nécessaires à ce sujet; et le docteur observe lui-même sur sa carte: – «Que depuis l'année 1672, les six Nations ont toujours étendu leur territoire, quand elles ont soumis et incorporé parmi elles les anciens Schawanesses, premiers possesseurs de ces contrées et de la rivière de l'Ohio. En outre, les six Nations réclament un droit de conquête sur les Illinois et sur toute l'étendue du Mississipi. Cela est confirmé, puisqu'en 1742, elles possédoient tout ce qui leur est désigné sur cette carte, et que personne n'a jamais prétendu le leur disputer.»

Pour mieux démontrer encore le droit qu'ont les six Nations à la possession du pays situé sur les bords de l'Ohio, et dont le ministère anglais fait mention dans le mémoire remis au duc de Mirepoix, en 1755, nous observerons que les six Nations, les Schawanesses et les Delawares, occupoient le territoire au midi du grand Kenhawa, même après que les Français eurent formé quelques établissemens sur les bords de l'Ohio; et qu'en 1752, ces tribus avoient un grand village sur les bords de la rivière de Kentucke, à deux cent trente-huit milles au-dessous du Sioto. – En 1754, elles habitoient et chassoient au sud de l'Ohio, dans le pays-bas et à environ trois cent vingt milles au-dessous du grand Kenhawa. – En 1755, elles avoient aussi un grand village, vis-à-vis de l'embouchure du Sioto, précisément dans le même endroit qui doit être la frontière méridionale des terres, que demandent M. Walpole et ses associés.

 

Il est un fait certain: c'est que les Cherokées n'ont jamais eu ni villages, ni établissemens dans le pays qui est au sud du grand Kenhawa; qu'ils n'y chassent point; et que les six Nations, les Schawanesses et les Delawares ne résident et ne chassent plus au sud de l'Ohio, ni ne le fesoient plus, quelques années avant d'avoir vendu le pays au roi. Ce sont des faits qu'on peut clairement et aisément prouver.

Au mois d'octobre 1768, les Anglais tinrent un congrès avec les six Nations, au fort Stanwix. Voici ce que dit l'orateur indien à sir William Johnson. – «Frère, toi qui connois toutes les affaires, tu dois savoir que nos droits vont très-loin au midi du grand Kenhawa, et que nous sommes très-bien fondés à nous étendre du même côté jusqu'à la rivière de Cherokée; prétention que nous ne pouvons céder à aucune autre nation Indienne, sans nuire à notre postérité, et outrager les guerriers qui ont combattu pour la conquérir. – Nous espérons donc que notre droit sera respecté.»

En novembre 1768, les six Nations vendirent au roi d'Angleterre, tout le pays qui s'étend de la rive méridionale de l'Ohio, jusqu'à la rivière de Cherokée. Mais malgré cette vente, aussitôt qu'on apprit en Virginie que le gouvernement favorisoit les prétentions des Cherokées, et qu'on eut vu de retour le docteur Walker et le colonel Lewis, que cette province avoit envoyés au congrès du fort Stanvix, lord Bottetourt chargea ces deux commissaires de se rendre à Charles-Town, dans la Caroline méridionale, pour essayer de convaincre M. Stuart50 de la nécessité d'étendre la ligne de démarcation qu'il avoit tracée, d'accord avec les Cherokées, et l'engager à la porter depuis le grand Kenhawa jusqu'à la rivière d'Holston.

Ces deux commissaires furent choisis par lord Bottetourt, parce qu'ils s'étoient occupés depuis long-temps des affaires qui avoient rapport aux Indiens, et qu'ils connoissoient parfaitement l'étendue du pays des Cherokées. Quand ils furent arrivés dans la Caroline méridionale, ils écrivirent à M. Stuart, relativement aux prétentions formées par les Cherokées, sur les terres au midi du grand Kenhawa. M. Stuart n'avoit été nommé que depuis très-peu d'années, à la place qu'il remplissoit alors, et d'après la nature de ses premières occupations, on ne devoit pas penser qu'il pût bien connoître le territoire des Cherokées. Voici ce qu'on trouve dans la lettre que lui adressèrent les commissaires virginiens.

Charles-Town, le 2 février, 1769.

«Les Cherokées n'ont jamais prétendu à la possession du pays situé au midi du grand Kenhawa. À présent, ce pays appartient à la couronne, puisque sir William Johnson l'a fort chèrement acheté des six Nations, et en a reçu l'acte de cession au fort Stanwix.»

En 1769, la chambre des citoyens de la colonie de Virginie, représenta à lord Bottetourt: – «Qu'elle avoit la plus grande raison de craindre que si la ligne tracée pour servir de limites, étoit conservée, les Indiens et les autres ennemis de sa majesté, auroient sans cesse une entrée libre et facile jusque dans le cœur du pays de l'Ohio, de la rivière d'Holston et du grand Kenhawa; qu'alors les établissemens qu'on entreprendroit de faire dans ces contrées, seroient sans doute entièrement détruits; et que tout le pays51 qui s'étend depuis l'embouchure du Kenhawa, jusqu'à celle de la rivière de Cherokée, et ensuite vers l'est jusqu'à la montagne du Laurier, pays si récemment cédé à sa majesté, et sur lequel aucune tribu d'Indiens ne formoit de prétentions, resteroit entièrement abandonné aux Cherokées; qu'en conséquence il pourroit y avoir à l'avenir, des réclamations, totalement contraires aux vrais intérêts de sa majesté, et que les acquisitions qu'on regardoit, avec raison, comme les plus avantageuses de la dernière guerre, seroient tout-à-fait perdues.»

D'après les faits dont nous venons de faire l'exposition, il est évident:

1o. Que le pays situé au midi du grand Kenhawa, ou au moins, celui qui s'étend jusqu'à la rivière de Cherokée, appartenoit originairement aux Schawanesses.

2o. Qu'en subjuguant les Schawanesses, les six Nations devinrent les vrais propriétaires de ce pays.

3o. Qu'en conséquence de la cession que les six Nations en ont faite au roi d'Angleterre, dans le congrès tenu, en 1768, au fort Stanwix, ce pays appartient à présent légitimement aux Anglais.

4o. Que les Cherokées n'ont jamais résidé ni chassé dans ce pays, et qu'ils n'y ont aucune espèce de droit.

5o. Que la chambre des citoyens de la colonie de Virginie a été très-fondée à affirmer que les Cherokées, dont les Virginiens connoissent les possessions, parce qu'ils en sont voisins, n'ont aucun droit sur le territoire qui est au sud du grand Kenhawa.

6o. Enfin, que ni les six Nations, ni les Schawanesses, ni les Delawares n'habitent ni ne chassent plus dans ce pays.

Ces considérations prouvent qu'en nous permettant d'établir toutes les terres, comprises dans notre contrat avec les lords commissaires de la trésorerie, le conseil privé ne nuira ni au service de sa majesté, ni à la confédération des six Nations, ni même aux Cherokées.

Mais, depuis le congrès du fort Stanwix, où les six Nations ont cédé au roi le pays que nous demandons, il y a eu quelque traité par lequel la couronne a promis aux six Nations et aux Cherokées de ne point former d'établissemens au-delà de la ligne marquée sur la carte jointe au rapport du bureau du commerce et des colonies, quoique les lords commissaires aient reconnu que les six Nations avoient cédé la propriété de ces terres à sa majesté; si, disons-nous, il existe un tel traité, nous nous flattons que les lords commissaires ne feront plus aucune objection, en voyant spécialement inséré dans l'acte de concession, qu'il nous sera défendu d'établir aucune partie du pays, sans en avoir préalablement obtenu la permission de sa majesté, et l'agrément des Cherokées, des six Nations et de leurs confédérés.

Il est dit dans le troisième paragraphe du rapport des lords commissaires, – «Que le principe du bureau du commerce et des colonies étoit qu'après le traité de Paris, on devoit rapprocher les limites occidentales des colonies de l'Amérique septentrionale, de manière que ces établissemens fussent entièrement à la portée du commerce du royaume». Nous n'aurons point la hardiesse de contester ce qu'avancent les lords commissaires: mais nous croyons pouvoir observer que l'établissement du pays, qui s'étend sur les montagnes d'Allegany et sur l'Ohio n'étoit point regardé, avant le traité de Paris, ni dans le temps de la proclamation royale, faite au mois d'octobre 1763, comme hors de la portée du commerce du royaume. Ce qui le prouve, c'est qu'en 1748, M. John Hanbury et un assez grand nombre d'autres anglais, présentèrent une pétition au roi, pour lui demander cinq cent mille acres de terre sur les montagnes d'Allegany, et sur les bords de l'Ohio; et les lords commissaires du commerce et des colonies, firent, à ce sujet, un rapport favorable au conseil-privé de sa majesté. Ils dirent: – «Que l'établissement du pays situé à l'occident des grandes montagnes, et centre des possessions anglaises dans ces contrées, seroit conforme aux intérêts de sa majesté, et accroîtroit les avantages et la sûreté de la Virginie et des colonies voisines.»

Le 23 février 1748, les mêmes lords commissaires rapportèrent encore au conseil-privé: – «Qu'ils avoient pleinement exposé la grande utilité et l'avantage d'étendre nos établissemens au-delà des grandes montagnes; ce que le conseil avoit approuvé. – Comme ces nouvelles propositions, ajoutent-ils, rendent probable qu'on établira une plus grande étendue de terrain, que ne l'annonçoient les premières, nous pensons qu'en accordant ce que demande la pétition, on se conformera aux intérêts du roi, et on assurera le bien-être de la Virginie.»

Le 16 mars 1748, le roi donna ordre au gouverneur de la Virginie, de concéder à M. Hanbury et à ses associés, cinq cent mille acres de terre sur les montagnes d'Allegany. Ces mêmes concessionnaires font aujourd'hui partie de la compagnie de M. Walpole. – L'ordre du roi portoit expressément: – «Ces établissemens seront utiles à nos intérêts et augmenteront la sécurité de notre dite colonie, ainsi que les avantages des colonies voisines; – d'autant plus que nos chers sujets se trouvant par-là, à même de cultiver l'amitié des Indiens qui habitent ces contrées, et d'étendre leur commerce avec eux, de tels exemples peuvent exciter les colonies voisines à tourner leurs pensées vers des projets de la même nature.»

Il nous paroît évident que le bureau du commerce et des colonies, dans le temps que lord Halifax le présidoit, pensoit que les établissemens sur les montagnes d'Allegany, n'étoient point contraires aux intérêts du roi, ni assez éloignés des côtes de la mer, pour être – «Hors de la portée du commerce du royaume, et pour que son autorité et sa juridiction ne pussent pas s'y exercer.»

Le rapport que nous examinons, donne à entendre que les deux principaux objets de la proclamation de 1763, étoient de ne pas porter les établissemens qu'on feroit à l'avenir, au-delà des sources des rivières qui coulent de l'ouest et du nord-ouest et se jettent dans la mer, ou, en d'autres termes, à l'est des montagnes d'Allegany; et de ne point créer d'autres gouvernemens que les trois qu'on venoit de former en Canada et dans les deux Florides52. – Pour établir ce fait, les lords commissaires du commerce et des colonies, citent une partie de la proclamation.

Mais si l'on considère cette proclamation dans son entier, on trouvera qu'elle a pour but neuf objets principaux, savoir;

1o. De déclarer aux sujets de sa majesté, qu'elle a établi en Amérique quatre gouvernemens distincts: celui de Quebec, celui de la Floride orientale, celui de la Floride occidentale et celui de la Grenade.

2o. De fixer les limites respectives de ces quatre nouveaux gouvernemens.

3o. De donner l'approbation royale à la conduite et à la bravoure des officiers et des soldats de l'armée du roi, et au petit nombre d'officiers de la marine, qui ont servi dans l'Amérique septentrionale, et de les récompenser par des concessions gratuites de terres à Quebec et dans les deux Florides.

4o. D'empêcher les gouverneurs de Quebec et des deux Florides d'accorder des permissions d'arpenter, ou des patentes pour des terres au-delà des limites de leurs gouvernemens respectifs.

5o. De défendre aux gouverneurs des autres colonies ou plantations en Amérique, d'accorder des concessions de terres, au-delà des sources des rivières qui coulent de l'ouest et du nord-ouest, et tombent dans l'océan Atlantique, ou d'autres terres qui, n'ayant été cédées au roi ni achetées par lui, sont réservées aux Indiens.

6o. De réserver pour le présent, sous la protection et la souveraineté du roi, pour l'usage desdits Indiens, toutes les terres qui ne sont point comprises dans les limites des trois nouveaux gouvernemens, ou dans celle de la compagnie de la baie d'Hudson; ainsi que le pays situé à l'ouest des sources des rivières, qui coulent de l'ouest et du nord-ouest vers la mer; sa majesté défendant à ses sujets de faire des acquisitions sur lesdites terres, et d'en prendre possession, sans en avoir obtenu d'elle une permission expresse.

43En 1770, Benjamin Franklin, Thomas Walpole, banquier de Londres, John Sargent, Samuel Warton et quelques autres, présentèrent une pétition au roi d'Angleterre, pour obtenir la concession de terres sur les bords de l'Ohio, où ils vouloient établir une nouvelle province. Lord Halifax, qui étoit alors à la tête du bureau du commerce, approuvoit beaucoup ce projet. Mais lord Hillsborough, qui le remplaça, pensoit autrement; et lorsqu'en 1772, la pétition lui fut renvoyée, il fit un rapport pour la faire rejeter. Franklin écrivit les observations qu'on va lire, et le conseil du roi prononça en faveur des pétitionnaires. Lord Hillsborough en fut si piqué, qu'il donna sur-le-champ sa démission. (Note du Traducteur.)
44Les cinq Nations d'alors sont les mêmes que celles qu'on appelle les six Nations, depuis qu'elles se sont confédérées avec quelques autres peuplades. (Note du Traducteur.)
45Le Potowmack.
46Les premiers vivoient non loin de la rivière James, en Virginie, et les seconds sur les bords de cette rivière.
47C'est le délégué du gouvernement le plus injuste et le plus perfide de l'Europe, qui ose ainsi parler des Français! (Note du Traducteur.)
48Nullo in posterum impedimento, aut molestiâ afficiant.
49Ce territoire est tout le pays qui s'étend depuis les montagnes d'Allegany jusqu'à l'Ohio, sur les deux rives de ce fleuve et jusqu'aux bords du Mississipi.
50Inspecteur-général des affaires indiennes dans la partie méridionale des colonies anglaises.
51Il est au moins de huit cents milles de long.
52La Floride orientale et la Floride occidentale.