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Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même – Tome II

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LE CHEMIN DE LA FORTUNE,
OU
LA SCIENCE
DU BONHOMME RICHARD 75

Bénévole lecteur!

J'ai ouï dire que rien ne fait autant de plaisir à un auteur que de voir ses ouvrages respectueusement cités par d'autres écrivains. Jugez donc combien je dus être content d'une aventure que je vais vous rapporter.

Passant dernièrement à cheval dans un endroit, où il y avoit beaucoup de monde rassemblé pour une vente publique, je m'arrêtai. Il n'étoit pas encore l'heure de faire la vente, et en attendant qu'on commençât, la compagnie causoit sur la dureté des temps. Quelqu'un s'adressant à un homme à cheveux blancs, simplement et proprement mis, lui dit: – «Et vous, père Abraham, que pensez-vous de ce temps-ci? Ne croyez-vous pas que le fardeau des impôts ruinera entièrement le pays? Car comment ferons-nous pour les payer? Que nous conseillez-vous?»

Le père Abraham se leva et répondit: – «Si vous voulez savoir ma façon de penser, je vais vous la dire brièvement; car un mot suffit à qui sait entendre, comme dit le bonhomme Richard». – Tout le monde se réunit pour engager le père Abraham à parler, et l'assemblée ayant formé un cercle autour de lui, il tint le discours suivant:

«Mes amis, il est certain que les impôts sont très-lourds. Si nous n'avions à payer que ceux que le gouvernement met sur nous, nous pourrions les trouver moins considérables: mais nous en avons beaucoup d'autres, qui sont bien plus onéreux pour quelques-uns d'entre nous. L'impôt de notre paresse nous coûte le double de la taxe du gouvernement; notre orgueil le triple, et notre folie le quadruple. Ces impôts sont tels, qu'il n'est pas possible aux commissaires d'y faire la moindre diminution. Cependant, si nous voulons suivre un bon conseil, il y a encore quelqu'espoir pour nous. Dieu aide ceux qui s'aident eux-mêmes, comme dit le bonhomme Richard.

»S'il existait un gouvernement, qui obligeât les sujets à donner la dixième partie de leur temps pour son service, on le trouveroit assurément très-dur: mais la plupart d'entre nous sont taxés par leur paresse d'une manière beaucoup plus forte. La paresse occasionne des incommodités et raccourcit nécessairement la vie. La paresse, semblable à la rouille, use bien plus promptement que le travail: mais la clef, dont on se sert est toujours claire, comme dit encore le bonhomme Richard. – Si vous aimez la vie, ne prodiguez pas le temps; car, comme dit encore le bonhomme Richard, c'est l'étoffe dont la vie est faite. Nous donnons au sommeil bien plus de temps qu'il ne faut, oubliant que le renard qui dort n'attrape point de poules, et que nous aurons assez le temps de dormir dans la tombe, comme dit le bonhomme Richard.

»Si le temps est la plus précieuse de toutes les choses, prodiguer le temps doit être, comme dit le bonhomme Richard, la plus grande des prodigalités; puisque, comme il nous l'apprend ailleurs, le temps perdu ne se retrouve jamais, et que ce que nous appelons assez de temps, se trouve toujours fort peu de temps. – Agissons donc, pendant que nous le pouvons, et agissons à propos. Avec de l'assiduité, nous ferons beaucoup plus avec moins de peine. La paresse rend tout difficile, et le travail tout aisé. Celui qui se lève tard a besoin d'agir toute la journée, et peut à peine avoir fini ses affaires le soir. D'ailleurs, la paresse va si lentement que la pauvreté l'a bientôt attrapée. Conduisez vos affaires, et ne vous laissez jamais conduire par elles. Un homme qui se couche de bonne heure, et se lève matin, dit le bonhomme Richard, devient bien portant, riche et sage.

»Que signifient donc les désirs, les espérances de temps plus heureux? Nous pouvons rendre le temps meilleur si nous savons agir. – L'activité n'a pas besoin de former des vœux; celui qui vit d'espérance mourra de faim. Il n'y a point de profit sans peine. Je dois me servir de mes mains, puisque je n'ai point de terre; ou, si j'en ai, elle est fortement imposée. Le bonhomme Richard dit que celui qui a un métier a un fonds de terre, et que celui qui a une profession a un emploi utile et honorable. Mais il faut alors qu'on fasse valoir son métier et qu'on suive sa profession; sans quoi ni le fonds de terre, ni l'emploi ne nous aideront à payer les taxes.

»Si nous sommes laborieux, nous ne mourrons jamais de faim. La faim regarde la porte de l'homme qui travaille, mais elle n'ose pas y entrer. Les commissaires et les huissiers la respectent également; car l'activité paie les dettes, et le désespoir les augmente. Vous n'avez besoin ni de trouver un trésor, ni d'hériter d'un riche parent: le travail est le père du bonheur, et Dieu donne tout à ceux qui s'occupent.

»Tandis que les fainéans dorment, labourez profondément votre champ; vous recueillerez du bled et pour votre consommation, et pour vendre. Labourez aujourd'hui, car vous ne savez pas combien vous pourrez en être empêché demain. C'est ce qui a fait dire au bonhomme Richard: Un aujourd'hui vaut mieux que deux demain; et ensuite: Ne remettez jamais à demain ce que vous pouvez faire aujourd'hui.

»Si vous étiez domestique ne seriez-vous pas honteux qu'un bon maître vous trouvât les bras croisés. Eh bien! puisque vous êtes votre propre maître, rougissez lorsque vous vous surprenez vous-même dans l'oisiveté, tandis que vous avez tant à faire pour vous-même, pour votre famille, pour votre patrie. – Ne mettez point de gants pour prendre vos outils. Souvenez-vous que le bonhomme Richard dit qu'un chat ganté n'attrape point de souris. – Il est vrai, qu'il y a beaucoup à faire, et peut-être manquez-vous de force. Mais ayez de la persévérance, et vous en verrez les bons effets. L'eau qui tombe constamment goutte à goutte finit par user la pierre. Avec de la patience une souris coupe un cable; et de petits coups répétés abattent de grands chênes.

»Il me semble entendre quelqu'un d'entre vous me dire: – Ne faut-il donc pas se permettre quelques instans de loisir? – Mon ami, je veux vous apprendre ce que dit le bonhomme Richard. Si vous voulez avoir du repos, employez bien votre temps; et puisque vous n'êtes pas sûr d'une minute, gardez-vous de perdre une heure. – Le loisir est un temps qu'on peut employer à quelque chose d'utile. L'homme laborieux se procure ce loisir, mais le paresseux ne l'obtient jamais; car une vie tranquille et une vie oisive sont deux choses fort différentes. – Bien des gens voudraient vivre sans travailler, et par leur esprit seulement; mais ils n'ont pas assez de fonds pour cela. Le travail, au contraire, mène toujours à sa suite la satisfaction, l'abondance et le respect. – Les plaisirs courent après ceux qui les fuient. La fileuse vigilante ne manque jamais de chemise. Depuis que j'ai des brebis et une vache, chacun me souhaite le bon jour.

»Mais indépendamment de notre industrie, il faut que nous ayons de la constance, de la résolution, des soins; que nous voyions nos affaires avec nos propres yeux, et que nous ne nous en rapportions pas trop aux autres. Le bonhomme Richard dit: Je n'ai jamais vu un arbre qu'on transplante souvent, ni une famille qui déménage plusieurs fois dans l'année, prospérer autant que ceux qui ne changent point de place. – Trois déménagemens, dit-il encore, font le même tort qu'un incendie. – Conservez votre boutique et votre boutique vous conservera. – Si vous voulez que vos affaires se fassent, allez-y vous-même; si vous ne voulez pas qu'elles soient faites, envoyez-y. – Celui qui veut prospérer par la charrue, doit la conduire lui-même. – L'œil du maître fait plus que ses deux mains. – Le défaut de soin fait plus de tort que le défaut de savoir. – Ne pas surveiller vos ouvriers, c'est laisser votre bourse à leur discrétion. – Le trop de confiance dans les autres est la ruine de bien des gens; car dans les affaires de ce monde, ce n'est pas par la foi qu'on se sauve, mais c'est en n'en ayant pas.

»Les soins qu'on prend pour soi-même sont toujours utiles. – Si vous voulez avoir un serviteur fidèle et que vous aimiez, servez-vous vous-même. – Une petite négligence peut occasionner un grand mal, dit le bonhomme Richard. Faute d'un clou, le fer d'un cheval se perd; faute d'un fer, on perd le cheval; et faute d'un cheval, le cavalier est lui-même perdu, parce que son ennemi l'atteint et le tue. Tout cela ne vient que d'avoir négligé un clou de fer à cheval.

»Mes amis, en voilà assez sur le travail et sur l'attention que chacun doit donner à ses affaires: mais à cela, il faut ajouter la tempérance, si nous voulons être plus sûrs du succès de notre travail.

»Un homme qui ne sait pas épargner à mesure qu'il gagne, mourra sans laisser un sou, après avoir eu toute sa vie le nez collé sur son ouvrage. Une cuisine grasse rend un testament maigre, dit le bonhomme Richard. Depuis que pour faire les honneurs d'une table à thé, les femmes ont négligé de filer et de tricoter, et que pour boire du punch, les hommes ont quitté la hache et le marteau, bien des fortunes se dissipent en même-temps qu'on les gagne. – Si vous voulez être riche, songez à ménager ce que vous acquérez. L'Amérique n'a pas enrichi les Espagnols, parce que leurs dépenses sont plus considérables que leurs revenus.

»Renoncez donc à vos folies dispendieuses et vous aurez bien moins à vous plaindre de la dureté des temps, du poids des impôts, et de la difficulté d'entretenir vos maisons; car les femmes, le vin, le jeu et la mauvaise foi, font qu'on trouve sa fortune petite et ses besoins très-grands. Il en coûte aussi cher pour maintenir un vice que pour élever deux enfans. Vous vous imaginez, peut-être, qu'un peu de thé, un peu de punch, de temps en temps, une table un peu mieux servie, des habits plus beaux, et quelque petite partie de plaisir, ne peuvent être de grande conséquence. Mais souvenez-vous que beaucoup de petites choses font une masse considérable. Prenez garde aux menues dépenses. Une petite voie d'eau, fait périr un grand navire, dit le bonhomme Richard. Le goût des friandises conduit à la mendicité. Les fous donnent des repas, et les sages les mangent.

 

»Vous êtes ici tous rassemblés pour une vente de meubles élégans et de bagatelles fort chères. Vous appelez cela des biens; mais, si vous n'y prenez garde, il en résultera du mal pour quelqu'un de vous. Vous comptez que tout cela sera vendu bon marché. Peut-être le sera-t-il, en effet, pour beaucoup moins qu'il ne coûte. Mais si vous n'en avez pas besoin, cela sera toujours trop cher pour vous. Rappelez-vous les maximes du bonhomme Richard: si vous achetez ce qui vous est inutile, vous ne tarderez pas à vendre ce qui vous est nécessaire. Avant de profiter d'un bon marché, réfléchissez un moment. Richard pense, sans doute, que le bon marché n'est qu'illusoire, et qu'en vous gênant dans vos affaires, il vous fait plus de mal que de bien.

»Voici encore deux dictons du Bonhomme. – Beaucoup de gens ont été ruinés pour avoir fait de bons marchés. C'est une folie d'employer son argent à acheter un repentir. – Cependant, cette folie se fait tous les jours dans les ventes, faute de se souvenir de l'almanach du bonhomme Richard. – Pour le plaisir de porter de beaux habits, dit-il, beaucoup de gens vont le ventre vide, et laissent leur famille manquer de pain. – Les étoffes de soie, le satin, le velours, l'écarlate, éteignent le feu de la cuisine. Loin d'être nécessaires, ces étoffes peuvent être à peine regardées comme des choses commodes; mais parce qu'elles paroissent jolies, combien de gens sont tentés de les avoir!

»Par ces extravagances, et d'autres pareilles, les gens du bon ton sont gênés, se ruinent et sont ensuite forcés d'emprunter de ceux qu'ils avoient méprisés, mais qui, par leur travail et leur sobriété ont su se maintenir dans leur état. – C'est ce qui prouve, comme l'observe le bonhomme Richard, qu'un laboureur sur ses pieds est plus grand qu'un gentilhomme à genoux.

»Peut-être que ceux qui sont ruinés avoient hérité d'une fortune honnête, mais sans savoir par quels moyens elle avoit été acquise, et ils pensoient que puisqu'il étoit jour, il ne feroit jamais nuit. Mais, dit le bonhomme Richard, à force de prendre à la huche, sans y rien mettre, on en trouve bientôt le fond, et quand le puits est sec, on connoît tout le prix de l'eau. Mais c'est ce qu'on auroit su d'abord si l'on avoit consulté le Bonhomme. – Voulez-vous apprendre ce que vaut l'argent? Essayez d'en emprunter. Celui qui va faire un emprunt, va chercher une mortification, dit le bonhomme Richard; et certes, autant en fait celui qui, après avoir prêté à certaines gens, redemande son dû.

»Les avis du bonhomme Richard vont plus loin. L'orgueil de se parer, dit-il, est une malédiction. Quand vous en êtes atteint, consultez votre bourse avant de consulter votre fantaisie: l'orgueil est un mendiant qui crie aussi haut que le besoin, et est bien plus insatiable. Quand vous avez acheté une jolie chose, il faut que vous en achetiez encore dix autres afin d'être assorti. – Mais, dit le bonhomme Richard, il est plus aisé de réprimer la première fantaisie que de satisfaire toutes celles qui la suivent. Il est aussi fou au pauvre de vouloir singer le riche, qu'il l'est à la grenouille de s'enfler pour devenir l'égale d'un bœuf. Les grands vaisseaux peuvent se hasarder en pleine mer: mais les petits bateaux doivent se tenir près du rivage.

»Les folies de l'orgueil sont bientôt punies; car, comme le dit le bonhomme Richard, l'orgueil qui dîne de vanité, soupe de mépris. Il dit encore: L'orgueil déjeune avec l'abondance, dîne avec la pauvreté, et soupe avec la honte. – Mais après tout, à quoi sert cette vanité de paroître, pour laquelle on se donne tant de peine et l'on s'expose à de si grands dangers? Elle ne peut ni nous conserver la santé, ni adoucir nos souffrances; et sans augmenter notre mérite, elle nous rend l'objet de l'envie, et accélère notre ruine.

»Mais quelle folie n'y a-t-il pas à s'endetter pour des superfluités? Dans la vente qu'on va faire ici, l'on nous offre six mois de crédit; et peut-être cela a-t-il engagé quelques-uns de nous à s'y trouver, parce que, n'ayant point d'argent comptant, ils espèrent de satisfaire leur fantaisie, sans rien débourser. Mais, hélas! songez bien à ce vous que faites, quand vous vous endettez. Vous donnez à un autre des droits sur votre liberté. Si vous ne pouvez pas payer au terme fixé, vous rougirez de voir votre créancier; vous ne lui parlerez qu'avec crainte; vous vous abaisserez à vous excuser auprès de lui, d'une manière rampante; peu-à-peu, vous perdrez votre franchise, et vous vous déshonorerez par de misérables menteries. Le bonhomme Richard observe que la première faute est de s'endetter, et la seconde de mentir. – Les dettes portent le mensonge sur leur dos, dit-il ailleurs.

»Un anglais, né libre, ne devroit jamais rougir ni craindre de parler à qui que ce puisse être. Mais la pauvreté ôte à l'homme toute espèce de courage et de vertu. Il est difficile qu'un sac vide puisse se tenir de bout.

»Que penseriez-vous d'un prince ou d'un gouvernement qui vous défendroit, par un édit, de vous habiller comme les personnes de distinction, sous peine d'emprisonnement ou de servitude? – Ne diriez-vous pas que vous êtes nés libres; que vous avez le droit de vous vêtir à votre fantaisie; que l'édit est contraire à vos priviléges et le gouvernement tyrannique? Cependant, vous vous soumettez volontairement à cette tyrannie, quand vous vous endettez pour vous parer!

»Votre créancier a le droit de vous priver de votre liberté, en vous confinant dans une prison pour toute votre vie, ou en vous vendant comme un esclave, si vous n'êtes pas en état de le payer.

»Quand vous avez fait un marché, vous ne songez, peut-être, guère au paiement. Mais, comme dit le bonhomme Richard, les créanciers ont meilleure mémoire que les débiteurs. Les créanciers sont une secte superstitieuse et grande observatrice des nombres de jours, et des temps précis. L'échéance de votre dette arrive sans que vous y preniez garde, et l'on vous en fait la demande, avant que vous vous soyez préparé à y satisfaire. Si au contraire, vous pensez à ce que vous devez, le terme qui sembloit d'abord si long, vous paroîtra, en s'approchant, extrêmement court. Vous vous imaginerez que le temps aura mis des ailes à ses talons, comme il en a à ses épaules. – Le carême n'est jamais long pour ceux qui doivent payer à pâques.

»Peut-être vous croyez-vous, en ce moment, dans un état prospère, qui vous permet de satisfaire impunément quelque petite fantaisie. Mais épargnez pour le temps de la vieillesse et du besoin, pendant que vous le pouvez. Le soleil du matin ne dure pas tout le jour. Le gain est incertain et passager; mais la dépense est continuelle. Le bonhomme Richard dit qu'il est plus aisé de bâtir deux cheminées que d'entretenir du feu dans une. Ainsi, couchez-vous sans souper, plutôt que de vous lever avec des dettes. Gagnez tout ce qu'il vous est possible de gagner et sachez le conserver: c'est-là la pierre philosophale qui changera votre plomb en or; et quand vous posséderez cette pierre, bien est-il sûr que vous ne vous plaindrez plus de la rigueur des temps et de la difficulté de payer les impôts.

»Cette doctrine, mes amis, est celle de la raison et de la prudence. Mais ne vous confiez pourtant pas trop à votre travail, à votre sobriété, à votre économie. Ce sont d'excellentes choses: mais elles vous seront inutiles, sans les bénédictions du ciel. Demandez donc humblement ces bénédictions. Ne soyez point insensibles aux besoins de ceux à qui elles sont refusées; au contraire, accordez-leur des consolations et des secours. Souvenez-vous que Job fut pauvre et qu'ensuite il retrouva son opulence.

»Pour conclure ce discours, je vous dirai que l'école de l'expérience est chère: mais, comme le dit le bonhomme Richard, c'est fa seule où les imprudens s'instruisent et encore est-ce fort rare; car il est certain qu'on peut donner un bon avis, mais non pas une bonne conduite. Cependant, rappelez-vous que celui qui ne sait pas recevoir un bon conseil, ne peut pas être utilement secouru; et si vous ne voulez pas écouter la raison, dit encore le bonhomme Richard, elle vous frappera sur toutes les jointures de vos membres.»

Le vieil Abraham finit ainsi sa harangue. Les gens qui l'avoient écouté et approuvé, ne manquèrent pourtant pas de faire aussitôt le contraire de ce que prescrivoient ses maximes. Ils agirent comme s'ils venoient d'entendre un sermon ordinaire; car dès que la vente commença, ils achetèrent à l'envi et de la manière la plus extravagante.

Je vis que le bonhomme avait soigneusement étudié mon almanach, et mis en ordre tout ce que j'avois dit sur le travail et l'économie, durant l'espace de vingt-cinq ans. Les fréquentes citations qu'il avoit faites de moi, auroient été ennuyeuses pour tout autre: mais ma vanité en fut merveilleusement flattée, quoique je fusse bien certain que la dixième partie de la sagesse qu'il m'attribuoit, ne m'appartenoit pas, et que je n'avois fait que recueillir quelques maximes du bon sens de tous les siècles et de toutes les nations.

Cependant, je résolus de faire mon profit de ce que je venois d'entendre répéter; et quoique j'eusse d'abord eu envie d'acheter de l'étoffe pour un habit neuf, je me retirai dans la résolution de faire durer le vieux un peu plus long-temps. – Lecteur, si vous pouvez en faire de même, vous y gagnerez autant que moi.

Richard Saunders.

Fin du dernier Volume
75Cet ouvrage a déjà été traduit: mais il est si intéressant, que j'ai cru devoir en donner une traduction nouvelle. (Note du Traducteur.)