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Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même – Tome II

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Il ne nous reste maintenant qu'à demander si, en 1768, l'intention des lords commissaires du commerce et des colonies étoit que le territoire, qui devoit être renfermé dans les limites, qu'on traça cette année, d'accord avec les Indiens, restât un désert inutile, ou fût établi par les sujets de l'Angleterre? – Le rapport, que les lords actuels disent contenir tous les argumens contre cet établissement, nous fournit lui-même une ample et satisfaisante réponse à cette question.

En 1768, les lords commissaires après avoir énoncé leur opinion contre les trois nouveaux gouvernemens proposés, s'expriment en ces termes: – «Nous sommes contraires à ces gouvernemens, parce qu'il faut encourager l'établissement d'une immense étendue de côtes, jusqu'à présent inoccupée. Comme les habitans des colonies du centre auront, d'après les nouvelles limites, la liberté de s'étendre graduellement dans l'intérieur du pays, ces côtes rempliront le but d'augmenter la population et la consommation, bien plus efficacement et plus avantageusement que l'établissement des gouvernemens nouveaux. L'extension graduelle des établissemens sur le même territoire étant proportionnée à la population, entretient les rapports d'un commerce avantageux entre la Grande-Bretagne et ses possessions les plus éloignées; rapports qui ne peuvent exister dans des colonies séparées par des déserts immenses.»

Peut-il y avoir une opinion plus claire, plus concluante, en faveur de la proposition que nous avons humblement soumise au conseil de sa majesté? – Les lords commissaires de 1768, ne disent-ils pas positivement que les habitans des colonies du centre auront la liberté de s'étendre graduellement dans l'intérieur du pays? – N'est-il donc pas bien extraordinaire qu'après deux ans de délibération, les lords commissaires actuels présentent aux lords du conseil privé un rapport, dans lequel se référant à celui de 1768, ils disent: Que tous les argumens à ce sujet y ont été rassemblés avec beaucoup de force et de précision; et qu'ils ajoutent dans le même paragraphe qu'ils doivent combattre cette opinion et conseiller au roi d'arrêter les progrès des établissemens dans l'intérieur du pays? – Ils disent encore, «Qu'on doit empêcher, autant qu'il est possible, ces établissemens éloignés; et qu'il faut qu'une proclamation nouvelle annonce la résolution où est sa majesté, de ne point permettre à présent qu'on fasse de nouveaux établissemens au-delà des limites; c'est-à-dire, au-delà des montagnes d'Allegany.»

Combien tout cela est étrange et contradictoire! Mais nous nous dispenserons de l'examiner plus strictement, et nous terminerons nos observations sur cet article, en citant l'opinion qu'ont eue, à différentes époques, les lords commissaires du commerce et des colonies.

En 1748, les lords commissaires exprimèrent le plus vif désir d'encourager les établissemens sur les montagnes et sur les bords de l'Ohio.

En 1768, ils déclarèrent, relativement aux nouvelles limites pour lesquelles on négocioit alors, que les habitans des colonies du centre, auroient la liberté de s'étendre graduellement dans l'intérieur du pays.

En 1770, le comte d'Hillsborough60, recommanda l'acquisition d'un territoire sur les montagnes, suffisant pour établir une nouvelle colonie, et il demanda aux lords commissaires de la trésorerie, s'ils étoient dans l'intention de traiter pour cet objet, avec M. Walpole et ses associés.

En 1772, le même comte d'Hillsborough et les autres lords commissaires du commerce et des colonies, firent un rapport sur la pétition de M. Walpole et ses associés, et citèrent à leur appui, celui qu'avoit fait leur bureau, en 1768, comme contenant tous les argumens à ce sujet, rassemblés avec beaucoup de force et de précision. Ce rapport de 1768, annonçoit, ainsi que nous l'avons déjà dit, que les habitans des colonies du centre auroient la liberté de s'étendre graduellement dans l'intérieur du pays, c'est-à-dire, sur les terres dont nous demandons la concession. Mais, quoique les lords commissaires se soient autorisés d'une manière si positive de l'opinion qu'avoient leurs prédécesseurs, en 1768, ils ont en même-temps fait un rapport absolument contraire à cette opinion et à l'engagement qui en étoit la suite.

L'on demandera peut-être ce que signifie la phrase du rapport de 1768, qui dit que les habitans pourront s'étendre graduellement dans l'intérieur du pays? – Nous répondrons qu'elle a été écrite dans l'intention de combattre l'envie qu'on avoit d'établir trois nouveaux gouverneurs, et de disperser la population dans des contrées séparées. – En un mot, nous croyons qu'il est hors de doute, qu'en 1768, l'opinion précise des lords commissaires étoit que le territoire compris dans la ligne des limites, pour laquelle on étoit en négociation et qui ensuite a été tracée, suffisoit alors pour remplir le but qu'on avoit, d'augmenter la population et la consommation. Ces lords pensoient que jusqu'à ce que ce territoire fût entièrement peuplé, il n'étoit pas nécessaire d'établir les trois nouveaux gouvernemens proposés aux frais du royaume, dans des contrées qui sont, comme ils l'observent, séparées par d'immenses déserts.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur le sixième paragraphe du rapport des lords commissaires du commerce et des colonies. Nous nous flattons d'avoir démontré que les habitans des provinces du centre de l'Amérique septentrionale ne peuvent être forcés à échanger le sol et le climat de ces provinces, ni pour les forêts glacées de la Nouvelle-Écosse et du Canada, ni pour les déserts brûlans et mal-sains des deux Florides.

Mais examinons maintenant ce qu'il arriveroit si l'on pouvoit contenir ces habitans dans un territoire resserré. Cela ne les empêcheroit-il pas de se livrer à l'inclination naturelle, qui les porte à cultiver la terre? Ne seroient-ils pas en même-temps forcés d'établir des manufactures qui rivaliseroient celle de la mère-patrie? – Les lords commissaires ont d'avance répondu, avec beaucoup de candeur à ces questions, dans le rapport fait en 1768. – «Nous admettons, disent leur seigneuries, comme un principe incontestable de la vraie politique, que pour prévenir l'établissement des manufactures dans les colonies, il est nécessaire d'ouvrir aux établissemens un territoire étendu et proportionné à l'accroissement de la population; parce que lorsque beaucoup d'habitans sont renfermés dans d'étroites limites, et n'ont pas assez de terre à cultiver, ils sont forcés de porter leurs vues et leur industrie vers les manufactures». – Mais ces lords observent en même-temps: – «Que l'encouragement donné aux colonies voisines de la mer, et l'effet qu'a eu cet encouragement, ont efficacement pourvu à cet objet». Cependant, ils ne désignent pas les parties de l'Amérique septentrionale où l'on a pourvu à l'objet de la population. S'ils ont cru qu'il suffisoit pour cela d'avoir formé l'établissement des gouvernemens de Quebec, de la Nouvelle-Écosse, de l'île de Saint-Jean de Terre-Neuve, et des deux Florides, nous oserons dire qu'ils se sont trompés. Il est une vérité incontestable, c'est que bien que dans les colonies du centre il y ait au moins un million d'habitans, nul d'entr'eux n'a émigré pour aller s'établir dans ces nouvelles provinces. Par cette même raison, et d'après les motifs ordinaires, qui engagent à former des colonies, nous affirmons que personne n'aura envie de quitter le climat salubre et tempéré de la Virginie, du Maryland, de la Pensylvanie, pour aller s'exposer au froid excessif du Canada et de la Nouvelle-Écosse ou aux chaleurs des deux Florides. – D'ailleurs, le gouvernement n'a pas le pouvoir de faire des avantages qui puissent compenser la perte des amis et des voisins, la nécessité de rompre des liens de famille, et l'abandon d'un sol et d'un climat infiniment supérieurs à ceux du Canada, de la Nouvelle-Écosse et des deux Florides.

L'accroissement de population des provinces du centre est sans exemple. Les habitans ont déjà commencé à établir quelques manufactures. Or, n'y a-t-il pas lieu de croire qu'ils seront forcés de porter presque toute leur attention vers ce dernier objet, si l'on les retient dans les étroites limites où ils sont? Eh! comment peut-on empêcher qu'ils ne deviennent manufacturiers, si ce n'est, comme l'ont justement observé les lords commissaires, en leur donnant une étendue de territoire proportionnée à l'accroissement de leur population? – Mais où trouvera-t-on un territoire convenable pour une nouvelle colonie d'habitans des provinces du centre? – Où? – Dans le pays même, où les lords commissaires ont dit que les habitans de ces provinces auroient la liberté de s'établir; pays que le roi a acheté des six Nations; pays où des milliers de ses sujets sont déjà établis; pays, enfin, où les lords commissaires ont reconnu que: – «l'extension graduelle des établissemens sur le même territoire, étant proportionnée à la population, pouvoit entretenir les rapports d'un commerce avantageux entre la Grande-Bretagne et ses possessions les plus éloignées.»

Le septième paragraphe du rapport parle de l'extrait d'une lettre du commandant en chef des forces anglaises en Amérique, extrait que le comte d'Hillsborough a présenté aux lords commissaires du commerce et des colonies. Mais leurs seigneuries ne font mention ni du nom du commandant, ni du temps où il a écrit sa lettre, ni de ce qui l'a engagé à communiquer son opinion sur l'établissement des colonies dans des pays éloignés. Toutefois, nous imaginons que le général Gage est l'auteur de la lettre, et qu'il l'écrivit vers l'année 1768, lorsque les lords commissaires du commerce et des colonies étoient occupés à examiner le plan des trois nouveaux gouverneurs, et avant qu'on eût fait l'acquisition des terres de l'Ohio et établi la ligne des limites avec les six Nations.

 

Certes, nous sommes persuadés que le général n'avoit alors en vue que les pays, qu'il appelle des contrées éloignées, c'est-à-dire, le détroit, le pays des Illinois, et le bas de l'Ohio; car il dit que «Ce sont des pays étrangers, dont l'éloignement ne permet de tirer ni des choses nécessaires à la marine anglaise, ni des bois et des provisions pour les îles à sucre». – Il dit aussi, «Qu'en formant des établissemens à une si grande distance, le transport de la soie, du vin et des autres objets qu'ils produiroient, les rendroit probablement trop chers pour tous les marchés où l'on voudroit les vendre, et que les habitans n'auroient à donner que des fourrures en échanges des marchandises anglaises.»

Ce qui, selon nous, prouve que le général ne vouloit parler que des établissemens du détroit, du pays des Illinois et du bas de l'Ohio, et non du territoire, dont nous demandons la concession, c'est qu'il ajoute: – «Il n'est pas certain que l'établissement de ces contrées ne fût suivi d'une guerre avec les Indiens, et qu'il ne fallût combattre pour chaque pouce de terrain.»

Nous avouons franchement qu'il nous est impossible de concevoir pourquoi les lords commissaires du commerce et des plantations ont chargé leur rapport de l'opinion du général Gage sur ce qu'il appelle l'établissement d'un pays étranger, établissement qu'on ne pouvoit entreprendre sans être obligé de combattre pour chaque pouce de terrain. Nous ne concevons pas plus comment leurs seigneuries ont pu appliquer cette opinion à l'établissement d'un territoire acheté par le roi, depuis près de quatre ans, déjà habité par plusieurs milliers d'Anglais, et où, ainsi que nous le démontrerons dans la suite de ces observations, les Indiens même, qui vivent sur la rive septentrionale de l'Ohio, ont demandé qu'on se hâtât d'établir un gouvernement.

Le huitième paragraphe du rapport qui nous concerne, vante beaucoup l'exactitude et la précision de celui de 1768. Or, ce dernier disoit, ainsi que nous l'avons déjà observé, que les habitans des colonies du centre auroient la liberté de s'établir sur les montagnes et sur les bords de l'Ohio. – Les lords commissaires font aussi un grand éloge de la lettre du commandant en chef, et citent l'opinion de M. Wright, gouverneur de la Georgie, au sujet des grandes concessions de terrain dans l'intérieur de l'Amérique.

Nous aurions désiré qu'en parlant de l'opinion de ce dernier, on nous eût dit dans quel temps sa lettre fut écrite; s'il connoissoit alors la situation du pays des montagnes, les dispositions des habitans des colonies du centre, la douceur du climat des bords de l'Ohio, la fécondité du sol, le voisinage du Potomack, et la facilité de tirer de ce pays de la soie, du lin, du chanvre, et beaucoup d'autres objets, pour les envoyer en Angleterre. – Instruits de ces faits, nous aurions jugé si, en effet, les connoissances et l'expérience du gouverneur Wright relativement aux colonies, doivent, ainsi que l'avancent les lords commissaires, donner dans cette circonstance un grand poids à son opinion.

Ce que pense le gouverneur Wright nous semble devoir se réduire aux propositions suivantes.

1o. Que si l'on concède un vaste territoire à une compagnie, qui désire de le peupler et s'en occupe réellement, on fera sortir d'Angleterre beaucoup d'habitans.

2o. Que cette colonie formera une espèce d'état séparé et indépendant, qui voudra se régir lui-même, avoir des manufactures chez lui, et ne recevoir des provisions ni de la mère-patrie, ni des provinces dans le voisinage desquelles il se trouvera établi; et que comme il sera très-loin du centre du gouvernement, des tribunaux et des magistrats, et conséquemment affranchi de l'inspection des loix, il deviendra bientôt un réceptacle de brigands.

3o. Qu'il faudroit que les habitans fussent très-nombreux dans le voisinage de la mer, et que le terrain y fût bien cultivé et amélioré.

4o. Que les idées du gouverneur Wright ne sont point chimériques; qu'il connoît un peu la situation et l'état des choses en Amérique, et que d'après quelques petits exemples, il se figure aisément ce qui peut et doit certainement arriver si l'on ne le prévient à temps61.

Nous nous permettrons de faire quelques remarques sur ces propositions.

Quant à la première, nous espérons prouver d'une manière satisfaisante, que les colonies du centre, telles que le New-Jersey, la Pensylvanie, le Maryland et la Virginie, n'ont presque d'autre terrain vacant, que celui qu'ont acquis de grands propriétaires pour le revendre à haut prix. Nous observerons ensuite que les pauvres colons, chargés de beaucoup d'enfans, ne sont pas en état de payer ce prix; que cela est cause que plusieurs milliers de familles se sont déjà établies sur l'Ohio; que nous n'avons nulle envie d'engager aucun des sujets européens de sa majesté à aller se fixer dans ces contrées; mais que pour les défricher et les cultiver nous comptons entièrement sur la bonne volonté des habitans qui seront de trop dans les colonies du centre.

Nous répondrons à l'égard de la deuxième proposition, que nous croyons seulement nécessaire d'observer que la supposition de voir devenir ce pays une espèce d'état séparé et indépendant, perd toute sa force, puisqu'on a proposé d'y établir un gouvernement à l'instant où l'on en obtiendroit la concession. Les lords commissaires du commerce et des colonies ne l'ont point désavoué.

Pour la troisième proposition, nous observerons rapidement que nous y avons pleinement répondu dans la dernière partie de nos remarques sur le sixième paragraphe.

Enfin, la quatrième proposition ne contient que l'aveu que fait le gouverneur en disant qu'il connoît un peu la situation et l'état des choses en Amérique; et que d'après quelques petits exemples, il se figure aisément ce qui peut et doit certainement arriver, si l'on ne le prévient à temps. – Nous avouerons que comme le gouverneur ne dit point quels sont ces petits exemples, nous ne prétendons pas juger, si ce qu'il se figure peut s'appliquer à l'objet que nous considérons, ou à quelle autre chose il peut avoir rapport.

Mais, comme les lords commissaires du commerce et des colonies ont jugé à propos d'insérer dans leur rapport, la lettre du général Gage et celle du gouverneur Wright, il est nécessaire que nous citions l'opinion de l'assemblée des citoyens de Virginie sur l'objet dont il est question. Cette opinion se trouve dans la pétition que cette assemblée a adressée au roi le 4 août 1767, et que M. Montague, agent de la colonie, a remise, vers la fin de la même année, aux lords commissaires du commerce et des colonies. – Voici ce que disent les citoyens de Virginie: – «Nous espérons humblement que nous obtiendrons votre royale indulgence, quand nous vous dirons que notre opinion est que le service de votre majesté et l'intérêt général, de vos possessions en Amérique, exigent qu'on continue à encourager62 l'établissement des terres de ces frontières. – L'assemblée observe que par ce moyen, des hommes qui ont des propriétés et sont les sujets fidèles du gouvernement, feront de nouveaux établissemens. Mais si l'on continue à s'y opposer, nous avons les plus fortes raisons de croire que ce pays deviendra le réfuge des vagabonds, des gens qui braveront l'ordre et les loix, et qui, avec le temps, peuvent former un corps funeste à la paix et au gouvernement civil de cette colonie.»

Nous allons maintenant faire quelques observations sur les neuvième, dixième et onzième paragraphes du rapport des lords commissaires du commerce et des colonies.

Dans le neuvième, les lords commissaires disent: – «Qu'une des choses, qui doivent engager à rejeter la proposition des pétitionnaires, c'est ce qu'on dit du grand nombre d'habitans qu'il y a déjà sur les montagnes et sur les bords de l'Ohio». – Nous prouverons, d'après des témoignages incontestables, qu'il y a, en effet, jusqu'à cinq mille familles, qui, l'une dans l'autre, sont au moins de six personnes chacune; indépendamment de quelques milliers de familles, qui sont aussi établies sur les montagnes dans les limites de la province de Pensylvanie. —

Leurs seigneuries ajoutent: – «Que si leur raisonnement est de quelque poids, il doit certainement déterminer les lords du conseil privé à conseiller à sa majesté d'employer tous les moyens pour arrêter les progrès de ces établissemens, et non de faire aucune concession de territoire qui les favorise.»

Nous avons démontré clairement que le pays situé au midi du grand Kenhawa jusqu'à la rivière de Cherokée, appartenoit, non aux Cherokées, mais aux six Nations; – Que maintenant ce pays appartient au roi, parce que sa majesté l'a acquis des six Nations; – Que ni les six Nations, ni les Cherokées ne chassent entre le grand Kenhawa et la terre opposée à la rivière de Sioto; – Que malgré la ligne des limites nouvellement tracées, les lords commissaires du commerce et des colonies sacrifieroient aux Cherokées une étendue de pays de huit cents lieues de long, an moins, pays que sa majesté a acheté et payé; – Que les véritables limites occidentales de la Virginie ne s'étendent pas au-delà des montagnes d'Allegany; – que depuis que sa majesté a acheté le pays des six Nations, elle n'en a pas réuni la moindre partie à la province de Virginie; – Qu'il n'y a point d'établissemens d'après des titres légitimes, sur aucune partie du pays, que nous sommes convenus d'acheter des lords commissaires de la trésorerie; – Qu'en 1748, le gouvernement encourageoit, autant qu'il étoit possible, les établissemens qu'on fesoit sur les montagnes; – Que la proclamation de 1763 ne suspendit ces encouragemens que momentanément, c'est-à-dire, jusqu'à ce que le pays fût acheté des Indiens; – Que l'ardeur qu'on mettoit à établir ces terres étoit si grande, que de grands défrichemens y furent faits avant qu'on les eût acquises; – Que, quoique les colons y fussent journellement exposés aux cruautés des Sauvages, ni une force militaire, ni des proclamations répétées ne purent les engager à abandonner leurs établissemens; – Que le sol des montagnes est très-fertile, et que le pays produit aisément du chanvre, du lin, de la soie, du tabac, du fer, du vin, etc.; – Que ces articles peuvent être charriés à très-bon marché dans un port de mer; – «Que les frais de charroi sont si peu de chose, qu'il est impossible qu'ils empêchent la consommation des marchandises anglaises; – Que le roi n'a acquis les terres des Indiens, et tracé une ligne de démarcation avec eux, que pour que ses sujets pussent s'établir sur ces terres; – Qu'enfin, les commissaires du commerce et plantations déclarèrent, en 1768, que les habitans des provinces du centre auroient la liberté de s'étendre graduellement dans l'intérieur du pays.»

À tous ces faits, nous ajouterons qu'au congrès tenu avec les six Nations, dans le fort Stanwix, en 1768, lorsque sa majesté acheta le territoire de l'Ohio, MM. Penn63 achetèrent aussi de ces Indiens un territoire très-étendu sur les montagnes d'Allegany, et limitrophe des terres en question. – Au printemps de 1769, MM. Penn firent ouvrir un bureau à Philadelphie, pour la distribution du terrain qu'ils avoient acheté au fort Stanwix; et tous les colons qui s'étoient déjà établis sur les montagnes dans les limites de la Pensylvanie, avant qu'elles fussent acquises des Indiens, ont depuis, obtenu des titres légitimes pour leurs plantations.

 

En 1771, on présenta une pétition à l'assemblée générale de Pensylvanie, pour la prier de créer un nouveau comté sur les montagnes. – L'assemblée en considération du grand nombre de familles établies sur ces montagnes, dans les limites de la province, y créa, en effet, le comté de Bedford. – En conséquence, William Thompson fut élu pour représenter ce comté dans l'assemblée générale. Un sheriff, un accusateur public, des juges-de-paix, des huissiers et d'autres officiers civils furent nommés pour résider sur les montagnes. – Mais plus de cinq mille familles, qui sont établies au sud de ces montagnes, et sont près des limites méridionales de la Pensylvanie, restent sans ordre, sans loix, sans gouvernement. Aussi, les voit-on sans cesse en querelle. Elles ont déjà franchi la ligne des limites, tué plusieurs Sauvages et envahi une partie du territoire qui est vis-à-vis de l'Ohio. Si l'on ne se hâte de leur donner des loix, et de les obliger à une juste subordination, le désordre dans lequel elles vivent, sera bientôt à son comble, et deviendra non moins funeste aux anciennes colonies qu'aux Indiens. – Voilà des faits réels. Pourra-t-on donc à présent, les dénaturer au point d'en conclure qu'il ne faut point donner un gouvernement aux sujets du roi, établis sur le territoire de l'Ohio?

Il faut aussi considérer que nous sommes convenus de payer pour une petite partie du terrain acquis au fort Stanwix, tout ce qu'en a coûté la totalité; et qu'en outre nous devons nous charger de tous les frais d'établissemens et d'entretien de la nouvelle colonie.

Il est si vrai que les colons établis sur ce terrain sont sans loix et sans gouvernement, que les Indiens eux-mêmes s'en plaignent; de sorte que si l'on ne remédie pas bientôt à ces maux, les Anglais auront inévitablement la guerre avec les Indiens. Ce danger a été déjà prévu par le général Gage, ainsi qu'on le voit dans ses lettres au comte d'Hillsborough et dans un discours, transmis par ce général, au même lord, et adressé aux gouverneurs de la Pensylvanie, du Maryland et de la Virginie, par les chefs des Delawares, des Munsies et des Mohickons, nations qui vivent sur les bords de l'Ohio.

Après avoir parlé du territoire que le roi a acquis dans leur pays, ces Indiens disent: – «Les gens de votre nation sont venus, en grand nombre, sur les montagnes et se sont établis dans le pays. Nous sommes fâchés de vous dire que plusieurs querelles se sont déjà élevées entre les gens de votre nation et les nôtres; qu'il y a eu des hommes tués des deux côtés, et que nous voyons quelques peuples indiens, et vos anglais prêts à entrer en guerre, ce qui nous inquiète beaucoup, car nous désirons de vivre amicalement avec vous. – Vous nous avez souvent dit que vous aviez des loix pour gouverner votre nation; mais nous ne voyons pas qu'en effet vous en ayez. Ainsi, frères, à moins que vous ne trouviez quelque moyen de contenir ceux de vos anglais, qui habitent entre les grandes montagnes et l'Ohio, et qui sont très-nombreux, il sera impossible aux Indiens de modérer leurs jeunes guerriers. – Soyez en sûrs, les nuages noirs commencent à se rassembler sur ce pays; et si l'on ne se hâte pas de faire quelque chose, ces nuages nous empêcheront bientôt de voir le soleil.

»Nous désirons que vous fassiez la plus grande attention à ce que nous vous disons; parce que cela part du fond de nos cœurs, et que comme nous avons envie de vivre en paix et en amitié avec nos frères les Anglais, nous sommes affligés de voir quelques peuples autour de nous, prêts à se battre avec les gens de votre nation.

»Vos anglais aiment beaucoup nos riches terres. Nous les voyons tous les jours se disputer des champs et brûler les maisons les uns des autres; de sorte que nous ne savons pas s'ils ne passeront pas bientôt l'Ohio pour venir nous chasser de nos villages; et nous ne voyons pas, frères, que vous preniez aucun soin pour les arrêter.»

Ce discours des tribus, qui ont beaucoup d'influence dans leur pays, est très-utile à connoître. – Il prouve que les colons sont très-nombreux sur les montagnes; que les Indiens donnent toute leur approbation à l'établissement d'une colonie sur les bords de l'Ohio; – et qu'ils se plaignent d'une manière très-pathétique, de ce que les sujets du roi ne sont point gouvernés. Il confirme enfin, l'assertion contenue dans le huitième paragraphe du rapport des lords commissaires du commerce et des colonies, qui dit: – «Que si l'on souffre que les colons continuent à vivre dans un état d'anarchie et de confusion, ils commettront tant de désordres, qu'ils ne pourront manquer de nous entraîner dans des querelles avec les Indiens, et de compromettre la sûreté des colonies de sa majesté.»

Cependant, les lords commissaires du commerce et des colonies, ont fort peu d'égard à toutes ces circonstances. Ils se contentent de faire une seule observation: – «Nous ne voyons rien, disent-ils, qui empêche le gouvernement de Virginie d'étendre ses loix et sa constitution jusque dans les contrées de l'Ohio, où des colons se sont établis avec des titres légitimes». – Nous répétons qu'il n'y a point là de colons qui aient de titres légitimes. – Malgré cela, leurs seigneuries disent, dans le dixième paragraphe de leur rapport: – «Qu'il leur paroît qu'il y a quelques possessions accordées par le gouverneur et le conseil de Virginie». – Eh bien! supposons qu'il y en ait, et admettons même que les loix et la constitution de la Virginie s'étendent jusque sur ce territoire, quoique nous soyons bien certains qu'elles ne s'y étendent pas: les lords commissaires en auront-ils davantage proposé quelque manière de gouverner plusieurs milliers de familles qui s'y sont établies, non avec des titres légitimes, mais conformément à l'ancien usage de se placer sur des terrains inoccupés? – Non certainement. Au contraire, leurs seigneuries ont recommandé de conseiller à sa majesté d'employer tous les moyens possibles pour arrêter les progrès de ces établissemens; et par conséquent de laisser les colons sans gouvernement et sans loix, au risque de les voir entraîner les provinces du centre dans une guerre qui détruiroit le commerce et la population des comtés de leurs frontières.

Après avoir fait ces observations, il convient, peut-être, d'examiner si les loix et la constitution de la Virginie peuvent être efficacement étendues jusque sur le territoire de l'Ohio. – La ville de Williamsbourg, capitale de la Virginie, n'est-elle pas au moins à quatre cents milles de distance des établissement de l'Ohio? – Les loix de la Virginie n'exigent-elles pas que toute personne, accusée d'un crime capital, soit jugée à Williamsbourg seulement? – N'est-ce pas là que se tient l'assemblée générale de la province? – N'est-ce pas là qu'est aussi le tribunal du banc du roi, ou le tribunal de l'état? – La Virginie a-t-elle destiné quelques fonds à l'entretien des officiers civils de ces établissemens éloignés, au transport des accusés, et au paiement des frais de voyage et de séjour des témoins, qui auroient huit cents milles à faire pour aller à Williamsbourg et s'en retourner? Enfin, d'après toutes les raisons que nous avons détaillées, les colons de l'Ohio ne seroient-ils pas exactement dans la situation dont parle le gouverneur Wright, dans la lettre qu'ont tant vantée les lords commissaires du commerce et des colonies? – «Les personnes, dit-il, établies au-delà des provinces, étant trop éloignées du siége du gouvernement, des tribunaux et des magistrats, sont hors de la portée des loix et de l'autorité; et leurs établissemens deviendront bientôt un receptacle de brigands.»

Nous pensons ne pas devoir dire grand'chose sur le deuxième paragraphe du rapport des lords commissaires du commerce et des colonies. – La clause de réserve, qui se trouve dans notre pétition, est une clause d'usage; et nous espérons qu'en cette occasion, le conseil privé sera d'avis qu'elle est suffisante, d'autant plus que nous sommes en état de prouver que dans des limites du territoire pour lequel nous voulons traiter, il n'y a point d'établissemens faits avec un titre légal.

Concluons. – Il a été démontré que ni les proclamations royales, ni celles des assemblées provinciales, ni la crainte des horreurs d'une guerre sauvage, n'ont pu empêcher des colons de s'établir sur les montagnes, même avant que le pays fût acheté des Indiens. Or, à présent que ce pays appartient aux Anglais, à présent qu'on a vu les propriétaires de la Pensylvanie, qui sont les soutiens héréditaires de la politique britannique dans leur province, donner toute sorte d'encouragement pour établir les terres à l'ouest des montagnes, à présent, enfin, que la législature de la province a approuvé cette mesure des propriétaires, et que des milliers de familles se sont établies dans le nouveau comté de Bedford, peut-on concevoir que les habitans des colonies du centre, consentiront à ne pas cultiver les fertiles contrées de l'Ohio?

60Premier lord commissaire du bureau du commerce et des colonies.
61Franklin a combattu avec beaucoup d'adresse l'opinion du gouverneur Wright: mais la révolution d'Amérique a prouvé combien ce dernier étoit clairvoyant. (Note du Traducteur.)
62Ces encouragemens étoient une exemption de toute espèce de paiement en argent, de cens pour dix ans, et de toutes les taxes pour quinze ans.
63Les héritiers de William Penn, fondateur de la colonie de Pensylvanie.