Za darmo

Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3

Tekst
0
Recenzje
iOSAndroidWindows Phone
Gdzie wysłać link do aplikacji?
Nie zamykaj tego okna, dopóki nie wprowadzisz kodu na urządzeniu mobilnym
Ponów próbęLink został wysłany

Na prośbę właściciela praw autorskich ta książka nie jest dostępna do pobrania jako plik.

Można ją jednak przeczytać w naszych aplikacjach mobilnych (nawet bez połączenia z internetem) oraz online w witrynie LitRes.

Oznacz jako przeczytane
Czcionka:Mniejsze АаWiększe Aa

Ces extraits sont un peu longs; mais j'ai pensé qu'ils vous intéresseraient (applaudissements); j'ai pensé que vous seriez charmés d'apprendre ce qui s'est passé au sein d'une assemblée représentant l'opinion d'une immense ville manufacturière de France: et quand vous voyez que de pareils sentiments sont applaudis comme ils l'ont été dans une assemblée française, comment voulez-vous croire, hommes de Manchester, que la France soit la nation de bandits que certains journaux vous dépeignent? (Applaudissements.) Je ne veux pas dire qu'il n'y ait des préjugés à déraciner en France comme il y en a en Angleterre; mais je dis qu'il ne faut pas chercher querelle à un petit nombre d'hommes à Paris, – d'hommes sans considération et sans influence en France; – mais que nous devons tendre la main aux hommes dont je vous parlais tout à l'heure. (Applaudissements.)

Maintenant, je tâcherai de traiter avec vous d'une manière pratique et détaillée cette question des armements; car c'est probablement la dernière fois que j'aurai à vous en parler, avant qu'elle ne soit portée devant la Chambre. C'est, je le répète, une question sur laquelle la masse des citoyens doit prononcer; les hommes spéciaux n'ont rien à y voir. Je n'ai pas le dessein d'entrer dans les détails du métier; je ne crois pas qu'il soit utile pour vous d'avoir la moindre connaissance pratique de l'horrible métier de la guerre. (Applaudissements.) Je veux seulement vous demander si, dans un état de paix profonde, vous autres contribuables, vous voulez vous décider à courir les risques de la guerre en gardant votre argent dans vos poches, ou bien si vous voulez permettre à un plus grand nombre d'hommes de vivre dans la paresse, en se couvrant d'une casaque rouge ou d'une jaquette bleue, sous le prétexte de vous protéger? (Mouvement.) Pour moi, je crois que nous devons agir en toutes choses selon la justice et l'honnêteté, et partager la branche de l'olivier avec le monde entier; et aussi longtemps que nous agirons ainsi, je veux bien courir les risques de tout ce qui pourra arriver, sans payer un soldat ou un marin de plus! (Vifs applaudissements.) Mais ce n'est pas seulement la question de savoir si nous devons augmenter nos armements qu'il s'agit de décider. Vous avez déjà dépensé, cette année, 17,000,000 liv. st. en armements, et vous êtes très-aptes à décider si vous n'auriez pas pu faire un meilleur emploi de votre argent. (Applaudissements.) Vous êtes-vous informés si la marine que vous payez si largement est employée de la meilleure manière possible? (Écoutez! écoutez! et applaudissements.) Où sont ces grands vaisseaux qui vous coûtent si cher? Ordinairement ils voyagent en faisant un grand étalage de puissance; mais ils ne vont ni à Hambourg ni dans la Baltique, où il y a un si grand commerce. Non! ils ne vont pas là; la température est rude, et il y a peu d'agrément à se trouver sur ces rivages. (Rires et applaudissements.) Vont-ils davantage dans l'Amérique du Nord, aux États-Unis, avec lesquels nous faisons la cinquième ou la sixième partie de notre commerce étranger? Non pas! L'arrivée d'un vaisseau de guerre anglais dans ces parages est signalée par les journaux comme un événement extraordinaire. Les matelots des navires de guerre sont fainéants, et c'est pourquoi ils font bien de n'aller pas souvent dans ce pays-là. En résumé, on n'a besoin d'eux dans aucune région commerçante. (Applaudissements.) À la fin de notre petite session, j'ai demandé un rapport sur les stations occupées par nos navires, et je vous prierai de jeter les yeux sur ce rapport. J'ai demandé un rapport sur les forces navales qui se trouvaient dans le Tage et dans les eaux du Portugal, au commencement de chaque mois, pendant l'année dernière, avec les noms des navires, le nombre des hommes et des canons. Lorsqu'il sera sous vos yeux, je ne serai aucunement surpris si vous lisez que les forces navales que nous avons dans le Tage et le Douro, et sur les côtes du Portugal, dépassent l'ensemble des forces navales américaines. Il est vrai que Lisbonne est une ville agréable, je puis en témoigner, car je l'ai visitée; – le climat en est délicieux; on voit là des géraniums en plein air au mois de janvier. (Rires et applaudissements.) Je ne veux pas disputer sur les goûts des capitaines et des amiraux qui ne demandent pas mieux que de passer l'année dans le Tage, si vous voulez bien le leur permettre. (Applaudissements.) On vous affirme qu'ils y sont pour servir vos intérêts; mais je puis vous assurer qu'il n'en est rien; votre flotte a été mise dans le Tage à l'entière disposition de la reine de Portugal et de ses ministres; et elle est tenue de leur porter secours dans le cas où ils encourraient l'indignation du peuple par leur mauvaise administration. Voilà tout! Sans manquer aux convenances, je puis dire qu'aujourd'hui le Portugal est le plus petit et le plus misérable des États de l'Europe; et je me demande ce que l'Angleterre peut gagner à prendre de semblables pays sous sa protection? Le Portugal compte environ 3 millions d'habitants; nous sommes sûrs de son commerce, par la raison fort simple que nous prenons les quatre cinquièmes du vin de Porto qu'il produit; – et si nous ne le prenions pas, personne n'en voudrait. (Rires et applaudissements.) J'espère qu'on ne m'imputera point un sentiment odieux, j'espère que l'on prendra uniquement au point de vue économique l'argument que je vais employer; mais je dis que si le tremblement de terre qui a ruiné Lisbonne se faisait sentir de nouveau et engloutissait le Portugal sous les eaux de l'Océan, une grande source de dilapidation serait fermée pour le peuple anglais.

Je n'accuse point les Portugais; ils font ce qu'ils peuvent pour s'assister eux-mêmes. Dernièrement encore, un de leurs députés a été renvoyé aux cortez par le cri unanime du peuple, lequel, au dire de lord Palmerston et Cie, n'exerce aucune influence en Portugal (applaudissements); mais chaque fois que la nation essaie de se révolter, les Anglais font usage de leur puissance pour comprimer ses efforts! Que la reine et ses ministres administrent convenablement leur pays et le peuple sera leur meilleur soutien! Je vous engage à suivre cette question du Portugal; étudiez-la et examinez bien ses rapports avec la question des armements. Je sais qu'il y a en Angleterre une grande aversion pour la politique extérieure, et cela vient sans doute de ce que cette politique ne nous a jamais fait aucun bien. (Mouvement.) Mais je puis vous garantir que si vous voulez secouer votre apathie et exercer une surveillance active sur les faits et gestes du département des affaires étrangères, vous épargnerez de bonnes sommes d'argent, – ce qui, à tout prendre, serait un bon résultat par le temps qui court. (Applaudissements.) – Maintenant, messieurs, je poserai cette question: si les gens de Brighton, – si les vieilles femmes des deux sexes de Brighton, – craignent qu'on ne vienne les arracher de leurs lits (rires), pourquoi ne rappelle-t-on pas la flotte qui est dans le Tage pour la faire croiser dans la Manche? (Applaudissements.) Je ne suis pas marin; mais je crois qu'aucun marin ne me démentira, si je dis qu'il vaudrait mieux pour nos équipages qu'ils naviguassent dans la Manche, que de croupir à Lisbonne dans la paresse et la démoralisation.

Nous avons des navires de guerre qui vont de Portsmouth directement à Malte, car Malte est le grand hôpital de notre marine. (Applaudissements prolongés.) Je me trouvais à Malte au commencement de l'hiver, au mois de novembre. Pendant mon séjour, un de nos vaisseaux de ligne arriva de Portsmouth; il entra dans le port de Valette et il y demeura pendant que j'allai de Malte à Naples, et de là en Grèce et en Égypte; il y était encore quand je retournai à Malte. Les principaux officiers étaient sur la côte, où ils vivaient dans les clubs, et le reste de l'équipage avait toutes les peines du monde à se créer l'apparence d'une occupation utile, en hissant et en abaissant alternativement les voiles et en nettoyant le pont. (Éclats de rire.) Je fus introduit chez le consul américain, qui m'entretint beaucoup de notre marine. Il me dit: «Nous autres Américains, nous regardons votre marine comme très-molle. – Qu'entendez-vous par molle? – Oh! répliqua-t-il, les équipages de vos navires sont trop paresseux; ils n'ont rien à faire. Vous ne pouvez espérer d'avoir de bons équipages si vos navires séjournent pendant de longs mois dans le port. Nous autres Américains, nous n'avons jamais plus de trois navires dans la Méditerranée, et un seul de ces trois navires est plus considérable qu'une frégate; mais les instructions de notre gouvernement sont que les navires américains ne doivent jamais séjourner dans un port, qu'ils doivent traverser constamment la Méditerranée dans l'un ou l'autre sens; visiter tantôt un port, tantôt un autre, et donner la chasse aux pirates quand il s'en montre. Nos navires sont toujours en mouvement, et il en résulte que leur discipline est meilleure que celle des navires anglais, dont les équipages demeurent dans un état de perpétuelle oisiveté.» (Mouvement.)

L'orateur revient ensuite sur la mauvaise interprétation que l'on avait donnée de son opinion, relativement à la question du désarmement. J'ai déclaré franchement à Stockport ce que je déclare encore aujourd'hui, ce que j'ai déclaré depuis douze ans dans mes écrits, – à savoir, que nous ne pourrons pas réduire matériellement nos armements aussi longtemps qu'il ne sera opéré aucun changement dans les esprits, relativement à la politique extérieure. Il faut que le peuple anglais se défasse de cette idée, qu'il lui appartient de régler les affaires du monde entier. Je ne blâme pas le ministère de maintenir nos armements; je veux seulement appeler l'attention publique sur la folie que l'on commet en dirigeant aujourd'hui notre politique extérieure comme on le faisait autrefois. (Applaudissements.) Lorsque l'opinion publique, – lorsque la majorité de l'opinion publique, – se trouvera de mon côté, je serai charmé de voir appliquer mes vues; mais jusque-là je veux bien être en minorité, et en minorité je resterai jusqu'à ce que je réussisse à transformer la minorité en majorité. (Applaudissements.) Mais la question qui s'agite devant vous n'est pas de savoir si nous devons démanteler notre flotte; la question est de savoir si vous voulez ou non augmenter votre armée et votre marine. Tout en admettant que l'opinion publique n'adopte pas mes vues, à ce point de consentir à une réduction dans nos armements, je prétends, néanmoins, au nom du West-Riding de l'Yorkshire (applaudissements); au nom du comté de Lancastre, au nom de Londres, d'Édimbourg et de Glascow, que l'opinion publique est avec moi. (Tonnerre d'applaudissements. – L'assemblée se lève comme un seul homme en faisant entendre des hourras prolongés.) Et si l'opinion publique s'exprime partout comme elle vient de le faire ici, nos armements ne seront pas augmentés. (Applaudissements.) Mais que cette manifestation ait lieu ou non, – je parle pour moi-même comme membre indépendant du Parlement, – on n'ajoutera pas un shilling au budget de notre armée et de notre flotte, sans qu'auparavant j'aie forcé la Chambre à une division sur cet objet. (Vifs applaudissements.)

 

Messieurs, en commençant, je vous ai montré le lien qui unit la question des armements à celle de la liberté du commerce; en terminant, je vous dirai que la question de la liberté du commerce est grandement compromise en Europe par les mesures proposées au sujet de nos défenses nationales. Je reçois des journaux de Paris, et je vous dirai qu'à Paris il y a des libres-échangistes qui se sont associés et qui publient un journal hebdomadaire pour éclairer les esprits, comme notre Ligue a publié le sien. Ce journal est dirigé par mon habile et excellent ami M. Bastiat, et la semaine dernière il s'affligeait des remarques d'un autre journal, le Moniteur industriel, qui prétendait que l'Angleterre n'était pas sincère dans sa politique de liberté commerciale, et que, s'apercevant que les principes proclamés par elle n'étaient pas adoptés en Europe, elle préparait ses armements pour enlever par la force ce qu'elle avait cru pouvoir enlever par la ruse. J'exhorte mes concitoyens à résister à cette tentative, qui est faite pour répandre de l'odieux sur nos principes. Nous avons commencé à prêcher la liberté commerciale, avec la conviction qu'elle amènerait la paix et l'harmonie parmi les nations; mais les free-traders les plus enthousiastes n'ont jamais dit, comme le prétendent certains journaux, qu'ils s'attendaient à ce que la liberté commerciale amènerait l'ère rêvée par les millénaires. Nous ne nous sommes jamais attendus à rien de semblable. Nous nous sommes attendus à ce que les autres nations demanderaient du temps, comme la nôtre l'a fait, pour adopter nos vues; mais ce que nous avons toujours espéré, le voici: c'est que les peuples de l'Europe ne nous verraient point douter nous-mêmes les premiers de la tendance de nos propres principes, et nous armer contre les peuples avec lesquels nous voulions entretenir seulement des relations d'amitié. Nous avons entrepris de faire du libre-échange l'avant-coureur de la paix; voilà tout! Lorsque nous avons planté l'olivier, nous n'avons jamais pensé que ses fruits mûriraient en un jour, mais nous avons eu l'espoir de les recueillir dans leur saison; et avec l'aide du Ciel et la vôtre, il en sera ainsi! (Applaudissements prolongés.)

Le colonel Thompson propose un toast à la Ligue et à ses travaux, dont l'utilité a été si grande pour le pays et pour le monde.

M. Bright répond à ce toast:

Si quelqu'un dans cette assemblée avait, en venant ici, quelques doutes sur le véritable objet de notre réunion, ses doutes doivent être maintenant dissipés. On m'a demandé pourquoi nous nous réunissions, maintenant que le monde politique est si calme, et que les réformes que nous avons poursuivies dans cette enceinte sont pour la plupart accomplies; j'ai répondu que nous nous réunissions pour faire honneur au grand principe qui a triomphé, et à un autre principe qui marche vers un plus grand triomphe encore, – à ce principe que, dans l'avenir, l'opinion du peuple sera le seul guide, et l'intérêt du peuple le seul objet du gouvernement de ce pays. Je n'aurai pas besoin de faire longuement l'apologie de la liberté commerciale. Si jamais principe a été triomphant, si jamais but poursuivi par une grande association a été justifié par les résultats, c'est bien le principe de la liberté du commerce et le but qui a été poursuivi par les agitateurs de notre association. (Applaudissements.) N'avons-nous pas entendu dire, pendant de longues années, qu'il fallait que ce pays fût entièrement indépendant de l'étranger? Et maintenant ne devons-nous pas avouer que c'est grâce aux importations de subsistances de l'étranger que plusieurs millions de nos concitoyens ont conservé la vie, pendant ces dix-huit mois? Ne nous disait-on pas que le meilleur moyen d'avoir un approvisionnement sûr et abondant de subsistance, c'était de protéger nos cultivateurs? Et n'est-il pas prouvé à présent qu'après trente années d'une protection rigoureuse, des millions de nos concitoyens seraient morts de faim, si nous n'avions pas reçu du blé du dehors? Ne nous disait-on pas encore que si nous achetions du blé à l'étranger, nous serions obligés d'exporter des masses considérables d'or, et que cet or servirait à édifier des manufactures rivales des nôtres? Eh bien! il y a eu des importations et des exportations considérables de numéraire destinées au paiement du blé, mais où le numéraire a-t-il été retenu? Ne nous revient-il pas, en ce moment, aussi vite qu'il s'en était allé? Et, de plus, la nation qui a pris la plus grande partie de cet or, les États-Unis n'ont-ils pas doublé ou triplé leurs achats de nos marchandises depuis un an? (Applaudissements.) Si quelqu'un vient se plaindre à moi de la liberté commerciale, – quoique je doive dire que peu d'hommes s'en plaignent, si ce n'est quelques esprits obtus que nous ne parviendrons jamais à convaincre, – si quelqu'un me demande si la liberté commerciale a triomphé, si notre politique a réussi, je lui cite les seize millions de quarters de blé qui ont été importés dans les seize derniers mois et je lui demande: qu'auriez-vous fait sans cette importation? Vous auriez eu une anarchie, une ruine, une mortalité sans exemple dans aucun temps et dans aucun pays; vous auriez souffert toutes ces épouvantables calamités si votre politique de restriction et d'exclusion était demeurée plus longtemps en vigueur. (Applaudissements.) Jamais l'efficacité d'un principe n'a été aussi admirablement prouvée que l'a été celle du nôtre, pendant les douze derniers mois. Si un homme avait pu s'élever assez haut pour embrasser le monde de son regard, qu'aurait-il vu? Que faisait alors pour notre pays le génie du commerce? Nous étions abattus par la peur, nous étions en proie à la famine, nous implorions du monde entier notre salut; et le commerce nous a répondu de toutes les régions du globe. Sur les bords de la mer Noire et de la Baltique, auprès du Nil classique et du Gange sacré, sur les rives du Saint-Laurent et du Mississipi, dans les îles éloignées de l'Inde, dans le naissant empire de l'Australie, des créatures humaines s'occupaient de recueillir et d'expédier les fruits de leurs moissons pour nourrir le peuple affamé de ce royaume. (Applaudissements.) L'orateur s'occupe ensuite des résultats politiques de la liberté des échanges. Le rappel des lois-céréales, dit-il, peut être comparé, dans le monde politique, à la débâcle qui suit une longue gelée. Lorsque le dégel arrive, vous voyez sur les fleuves des masses de glaçons se disloquer et se disjoindre; ils se mettent séparément en marche; tantôt ils se touchent, tantôt ils se séparent, mais tous tendent au même but, tous sont entraînés vers l'Océan. C'est ainsi que nous voyons dans notre Parlement les vieux partis se dissoudre pour toujours. Et dans notre Parlement comme au dehors, nous voyons la masse aspirer et marcher vers une liberté plus grande que celle dont nous avons joui jusqu'à ce jour. (Applaudissements.) Où donc allons-nous? (L'orateur énumère les réformes qui restent à accomplir; en première ligne il place la réforme de l'Église établie, puis celle de la transmission des propriétés.) Cette question de la tenure du sol et du mode selon lequel il doit être transmis de main en main et de père en fils, intéresse l'Angleterre et l'Écosse aussi bien que l'Irlande. Les abus qui subsistent depuis si longtemps ont pris naissance à une époque où la population était clair-semée et où le peuple n'avait aucun pouvoir. Il s'agit maintenant de les détruire; et de même que le Parlement a admis la libre introduction des blés étrangers, de même – quoi que puissent faire les influences aristocratiques – il admettra avant peu l'affranchissement du sol, – la liberté sera donnée à la terre comme elle a été donnée à ses produits. (Applaudissements.)

Il est singulier que, dans ce meeting, toutes les pensées se soient tournées vers une question à laquelle personne ne songeait il y a quelques semaines; je veux parler du cri de guerre qui a été jeté dans le pays. J'entends dire de tout côté qu'il y a eu une panique. Eh bien! moi, je suis persuadé du contraire: il n'y a pas eu de panique. Voici ce qui est arrivé. Mon honorable ami le représentant du West-Riding de l'Yorkshire (M. Cobden) est allé au fond du Cornouailles; il y a lu les journaux de Londres et il s'est imaginé que nous ajoutions foi à ce qu'ils disaient. (Rires.) Il faut que je vous donne une autre preuve de sa crédulité. Lorsqu'il se trouvait en Espagne, il m'écrivit une lettre à peu près au moment où une querelle paraissait s'être élevée entre lord Palmerston et quelqu'un à Paris, à propos du mariage de la reine d'Espagne, et savez-vous ce qu'il disait? Il nous suppliait de ne pas entreprendre une guerre à ce sujet, il nous suppliait de ne pas nous livrer à la manie de la guerre. Étant en Espagne, il avait évidemment tout à fait oublié le caractère du peuple au milieu duquel il avait vécu! (Rires.) Il a lu les journaux de Londres, et il s'est imaginé que nous tous y écrivions des premiers Londres. Le fait est que la panique est demeurée tout entière parmi les chefs du parti militaire de ce pays et les rédacteurs en chef des journaux. (Rires.) Pour moi, je suis persuadé que toute cette panique n'est qu'une feinte. Je crois que je puis vous en donner le secret. C'est la coutume dans ce pays que plus un homme est riche, moins il laisse au plus grand nombre de ses enfants. (Écoutez – et applaudissements.) Si un honnête fabricant de coton, ou un marchand, ou un imprimeur sur calicots, vient à amasser 20,000 ou 30,000 liv. st., il s'arrange ordinairement de manière à partager également cette somme entre ses enfants lorsqu'il quitte la terre. (Applaudissements.) Je ne sais vraiment comment un homme qui possède des sentiments naturels et une dose ordinaire d'honnêteté pourrait faire autrement. Mais plus un homme titré possède de propriétés, surtout si ces propriétés consistent en champs, plus il juge nécessaire que son fils aîné les possède toutes après lui. Le colonel Thompson, en donnant l'explication du fait, dit que l'intention de cet homme est de rendre une main assez forte pour contraindre le public à entretenir le reste de la famille. (Rires.) Or, vous savez que les familles aristocratiques se multiplient tout comme les familles des autres classes. (Rires.) Il y a d'abord un ou deux enfants autour de la table; puis, – petit à petit, – il en vient six ou huit, ou dix ou douze, comme le bon Dieu les envoie. Tous ces enfants sont entretenus dans l'idée qu'ils souffriraient dans leur dignité, si on les voyait offrir quelque chose à vendre. Ils n'embrassent pas la carrière commerciale, ils suivent celle des emplois publics. (Rires.) Ils sont tellement pleins de patriotisme qu'ils ne veulent rien faire, si ce n'est consacrer leurs services à leurs concitoyens. Mais la pitance devient de jour en jour plus maigre. (Rires.) Les classes moyennes ont, de jour en jour, fourni un plus grand nombre d'hommes actifs, habiles et intelligents, qui sont venus faire concurrence aux membres de l'aristocratie, dans les services publics. La conséquence de ce fait était facile à prévoir. Comme dirait le colonel Thompson, il est arrivé que cette population a pressé sur les moyens de subsistance. (Rires.) Elle a besoin aujourd'hui d'une carrière plus large pour déployer son énergie, – qu'elle applique principalement à ne rien faire et à manger des taxes. (Rires et applaudissements.)

Songez qu'il s'est passé, depuis une trentaine d'années, des choses qui ont dû plonger dans le désespoir une portion considérable de la classe aristocratique. Prenez les vingt-cinq dernières années et comparez-les à n'importe quelle période de vingt-cinq ans de notre histoire, et vous verrez que nous avons accompli une véritable révolution, une révolution glorieuse et pacifique, et d'autant plus glorieuse qu'elle a été plus pacifique. Nous avons eu, dans nos lois et dans nos institutions, dans la politique de notre gouvernement, dans la constitution même du pouvoir, des changements plus considérables que d'autres n'en ont obtenu par des révolutions sanglantes. Et qui sait ce qui pourra survenir encore? «Si nous avons trente autres années de paix et si des clubs pour la liberté du commerce s'ouvrent dans toutes les grandes villes du royaume, disent les membres de l'aristocratie, nous voudrions bien savoir ce qui adviendra.» Sans aucun doute, quelque chose de très-sérieux pour quelques-uns d'entre eux. Ils en sont, du reste, bien persuadés. Il y a un duel à mort entre l'esprit de guerre et le progrès politique, social et industriel. Nous servirions les desseins de cette classe antinationale, si nous permettions à l'esprit de guerre de se répandre dans la Grande-Bretagne. Laissez-le prévaloir, laissez la guerre désoler de nouveau le monde, et vous aurez beau faire des meetings, aucune nouvelle réforme sociale et industrielle ne s'accomplira dans le gouvernement du Royaume-Uni. (Applaudissements.) Je sais bien que si vous jetez un regard sur les pages de notre histoire dans ces trente dernières années, elles ne vous paraîtront pas aussi brillantes que celles des trente années précédentes. Il n'y a pas eu autant d'hommes nés pour être de grands généraux ou des amiraux; il n'y a pas eu autant de grandes victoires par mer et par terre; vos églises et vos cathédrales n'ont pas été, dirai-je ornées? ne devrais-je pas plutôt dire souillées? par les trophées de la guerre. Un illustre Français, Lamartine, a dit: «Le sang est ce qui brille le plus dans l'histoire, cela est vrai, mais il tache.» «Le sang et la liberté s'excluent,» dit-il encore. Je vous en supplie, messieurs, par toutes les victoires que vous avez déjà remportées, par toutes celles que vous pouvez remporter encore, résistez, résistez énergiquement à tout ce que l'on pourrait vous dire pour entretenir en vous des pensées hostiles aux étrangers, à tout ce que l'on pourrait vous dire pour vous engager à augmenter la somme que vous dépensez en armements. (Applaudissements.)

 

Messieurs, le pouvoir du peuple s'étend chaque jour; efforçons-nous bien de prouver que ce pouvoir est un bienfait pour ceux qui le possèdent. J'imagine quelles seront les exclamations de l'United Service et du club de l'armée et de la marine, lorsque les journaux arriveront à Londres avec un compte rendu de ce meeting. Oh! c'est une époque glorieuse que celle où des milliers de citoyens peuvent se réunir librement! car il n'est pas de liberté plus grande, plus féconde, que celle dont nous jouissons aujourd'hui, – de discuter librement et ouvertement, d'approuver librement ou de condamner librement la politique de ceux qui gouvernent ce grand empire. (Applaudissements.) Je suis resté souvent debout sur le rivage, lorsqu'il n'y avait pas un souffle d'air qui ridât la surface de l'Océan. J'ai vu la marée s'élever, comme si elle était mue par quelque impulsion mystérieuse et irrésistible qui lançait successivement les vagues sur le rivage. Nous qui sommes une grande et magnanime nation, ayons dans nos âmes ce souffle mystérieux et irrésistible, cet amour pour la liberté, cet amour pour la justice! Il nous poussera en avant, en avant toujours, et nous fera obtenir triomphe sur triomphe, jusqu'à ce que cette nation soit – comme toutes les nations peuvent l'être un jour – une communauté heureuse et fortunée, que le monde se proposera pour modèle. (Applaudissements prolongés.)

M. Brotherton propose un autre toast à la liberté du commerce et à la paix.

M. George Thompson répond au toast porté par M. Brotherton. Ne laissons pas revivre, dit-il, les animosités nationales, lorsque les Français eux-mêmes nous donnent un exemple que nous pourrions suivre avec profit. Dans chacun des soixante banquets qui ont eu lieu récemment pour la réforme électorale, un toast a été porté «à la liberté, à l'égalité et à la fraternité.» M. le colonel Thompson se demandait alors ce que penserait un naturel d'un pays éloigné, converti au christianisme par un de nos missionnaires, si, venant dans ce pays, il nous trouvait occupés à nous préparer à la guerre contre une nation qui ne nous a pas témoigné le moindre sentiment d'hostilité. Si les classes ouvrières sont appelées à faire partie de la milice, qu'elles demandent au moins au gouvernement de connaître la cause pour laquelle elles sont destinées à combattre; qu'elles prennent avantage de l'obligation qu'on leur imposera de verser leur sang, s'il en est besoin, pour revendiquer les droits du citoyen et quelques biens qui valent la peine d'être défendus. (Applaudissements.)

Des remercîments sont ensuite votés aux membres du Parlement qui ont honoré le banquet de leur présence; puis l'assemblée se sépare.

À partir de la révolution de Février, des devoirs nouveaux et impérieux réclament tous les instants de Bastiat. Il s'y dévoue avec une ardeur funeste à sa santé et interrompt la tâche qu'il s'était donnée de signaler à la France les bienfaits de la liberté commerciale en Angleterre.

Une invitation lui parvint, le 11 janvier 1849, de la part des free-traders, qui avaient résolu de célébrer à Manchester le 1er février, ce jour où, conformément aux prescriptions législatives, toute restriction sur le commerce des grains devait cesser. Nous reproduisons la réponse qu'il fit alors à M. George Wilson, l'ancien président de la Ligue et l'organe du comité chargé des préparatifs de cette fête.

Monsieur,

«Veuillez exprimer à votre comité toute ma reconnaissance pour l'invitation flatteuse que vous m'adressez en son nom. Il m'eût été bien doux de m'y rendre, car, Monsieur, je le dis hautement, il ne s'est rien accompli de plus grand dans ce monde, à mon avis, que cette réforme que vous vous apprêtez à célébrer. J'éprouve l'admiration la plus profonde pour les hommes que j'eusse rencontrés à ce banquet, pour les George Wilson, les Villiers, les Bright, les Cobden, les Thompson et tant d'autres qui ont réalisé le triomphe de la liberté commerciale, ou plutôt, donné à cette grande cause une première et décisive impulsion. Je ne sais ce que j'admire le plus de la grandeur du but que vous avez poursuivi ou de la moralité des moyens que vous avez mis en œuvre. Mon esprit hésite quand il compare le bien direct que vous avez fait au bien indirect que vous avez préparé; quand il cherche à apprécier, d'un côté, la réforme même que vous avez opérée, et de l'autre, l'art de poursuivre légalement et pacifiquement toutes les réformes, art précieux dont vous avez donné la théorie et le modèle.

Autant que qui que ce soit au monde, j'apprécie les bienfaits de la liberté commerciale, et cependant je ne puis borner à ce point de vue les espérances que l'humanité doit fonder sur le triomphe de votre agitation.

Vous n'avez pu démontrer le droit d'échanger, sans discuter et consolider, chemin faisant, le droit de propriété. Et peut-être l'Angleterre doit-elle à votre propagande de n'être pas, à l'heure qu'il est infestée, comme le continent, de ces fausses doctrines communistes qui ne sont, ainsi que le protectionnisme, que des négations, sous formes diverses, du droit de propriété.