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Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3

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Si notre cause s'élève contre le monopole, elle est encore plus opposée à une guerre qui prendrait pour prétexte l'intérêt national. J'espère que les sages avertissements qui sont sortis de la bouche de l'honorable représentant de Manchester (M. Gibson) pénétreront dans vos esprits et dans vos cœurs; car, quand nous voyons à quels moyens le monopole a recours, il n'y a rien de chimérique à redouter que, par un machiavélisme monstrueux, il ne s'efforce, dans un sordide intérêt, de plonger la nation dans toutes les calamités de la guerre. Si nous étions menacés d'une telle éventualité, j'ai la confiance que le peuple de ce pays se lèverait comme un seul homme pour protester contre tout appel à ces moyens sanguinaires qui devront être relégués à jamais dans les annales des temps barbares. Cette agitation doit se maintenir et progresser, parce qu'elle se fonde sur une vue complète des vrais intérêts nationaux et sur les principes de la morale. Oui, nous soulevons une question morale. Laissons à nos adversaires les avantages dont ils s'enorgueillissent. Ils possèdent de vastes domaines, une influence incontestable; ils sont maîtres de la Chambre des lords, de la Chambre des communes, d'une grande partie de la presse périodique et du secret des lettres (applaudissements); à eux encore le patronage de l'armée et de la marine, et la prépondérance de l'Église. Voilà leurs priviléges, et la longue énumération ne nous en effraye pas, car nous avons contre eux ce qui est plus fort que toutes ces choses réunies: le sentiment du juste gravé au cœur de l'homme. (Acclamations.) C'est une puissance dont ils ne savent pas se servir, mais qui nous fera triompher d'eux; c'est une puissance plus ancienne que leurs races les plus antiques, que leurs châteaux et leurs cathédrales, que l'Église et que l'État; aussi ancienne, que dis-je? plus ancienne que la création même, car elle existait avant que les montagnes fussent nées, avant que la terre reposât sur ses fondements; elle habitait avec la sagesse dans l'esprit de l'Éternel. Elle fut soufflée sur la face de l'homme avec le premier souffle de vie, et elle ne périra pas en lui tant que sa race n'aura pas compté tous ses jours sur cette terre. Il est aussi vain de lutter contre elle que contre les étoiles du firmament. Elle verra, bien plus, elle opérera la destruction de tout ce qu'il y a d'injustice au fond de toutes les institutions politiques et sociales. Oh! puisse la Providence consommer bientôt sur le genre humain cette sainte bénédiction! (Applaudissements prolongés.)

Après une courte allocution dans laquelle le président, au nom de la Ligue, adresse aux habitants de la métropole des remercîments et des adieux, la session de 1844 est close et l'assemblée se sépare.

Dans un des passages du discours précédent, M. Fox avait fait allusion à un meeting tenu, deux jours avant, à Northampton. Le but de cette publication étant de jeter quelque jour sur les mœurs politiques de nos voisins, et de montrer, en action, l'immense liberté d'association dont ils ont le bonheur de jouir, nous croyons devoir dire un mot de ce meeting.

LES FREE-TRADERS ET LES CHARTISTES À NORTHAMPTON

Lundi 5 juin 1844, un important meeting a eu lieu dans le comté et dans la ville de Northampton.

Quelques jours d'avance, un grand nombre de manufacturiers, de fermiers, de négociants et d'ouvriers avaient présenté une requête à MM. Cobden et Bright, pour les prier d'assister au meeting et d'y discuter la question de la liberté commerciale. Ces messieurs acceptèrent l'invitation.

Une autre requête avait été présentée, par les partisans du régime protecteur, à M. O'Brien, représentant du comté, et membre de la Société centrale pour la protection agricole. M. O'Brien déclina l'invitation, se fondant sur ce que les requérants étaient bien en état de se former une opinion par eux-mêmes, sans appeler des étrangers à leur aide.

Enfin, les chartistes de Northampton avaient, de leur côté, réclamé l'assistance de M. Fergus O'Connor qui, dans leur pensée, devait s'unir à M. O'Brien pour combattre M. Cobden. M. Fergus O'Connor avait promis son concours.

Le square dans lequel se tenait le meeting contenait plus de 6,000 personnes. Les free-traders proposèrent pour président lord Fitz Williams, maire, mais les chartistes exigèrent que le fauteuil fût occupé par M. Grandy, ce qui fut accepté.

M. Cobden soumet à l'assemblée la résolution suivante:

«Que les lois-céréales et toutes les lois qui restreignent le commerce dans le but de protéger certaines classes sont injustes et doivent être abrogées.»

M. Fergus O'Connor propose un amendement fort étendu qu'on peut résumer ainsi:

«Les habitants de Northampton sont d'avis que toutes modifications aux lois-céréales, toutes réformes commerciales, doivent être ajournées jusqu'à ce que la charte du peuple soit devenue la base de la constitution britannique.»

De nombreux orateurs se sont fait entendre. Le président ayant consulté l'assemblée, la résolution de M. Cobden a été adoptée à une grande majorité.

Un autre trait caractéristique des mœurs politiques que la liberté paraît avoir pour tendance de développer, c'est l'affranchissement de la femme, et son intervention, du moins comme juge, dans les grandes questions sociales. Nous croyons que la femme a su prendre le rôle le mieux approprié à la nature de ses facultés, dans une réunion dont, par ce motif, nous croyons devoir analyser succinctement le procès-verbal.

DÉMONSTRATION EN FAVEUR DE LA LIBERTÉ COMMERCIALE À WALSALL
Présentation d'une coupe à M. John B. Smith

En 1841, la lutte s'établit entre le monopole et la liberté aux élections de Walsall. M. Smith était le candidat des free-traders, et l'influence de la corruption, portée à ses dernières limites, assura aux monopoleurs un triomphe momentané. L'énergie et la loyauté, qui présidèrent à la conduite de M. Smith dans cette circonstance, lui concilièrent l'estime et l'affection de toutes les classes de la société, et les clames de Walsall résolurent de lui en donner un témoignage public. Elles formèrent entre elles une souscription dont le produit a été consacré à faire ciseler une magnifique coupe d'argent. Mercredi soir (11 septembre 1844), une soirée a eu lieu dans de vastes salons, décorés avec goût, et où était réunie la plus brillante assemblée. M. Robert Scott occupait le fauteuil.

Après le thé, M. le président se lève pour proposer la santé de la reine. «Dans une assemblée, dit-il, embellie par la présence d'un si grand nombre de dames, il serait inconvenant de ne pas commencer par payer un juste tribut de respect à notre gracieuse et bien-aimée souveraine. C'est une des gloires de l'Angleterre de s'être soumise à la domination de la femme, et ce n'est pas un des traits les moins surprenants de son histoire, que la nation ait joui de plus de bonheur et de prospérité, sous l'empire de ses souveraines, que n'ont pu lui en procurer les règnes des plus grands hommes, etc.»

Après un discours de M. Walker, en réponse à ce toast, le président arrive à l'objet de la réunion. Il rappelle qu'en 1841, un appel fut fait aux habitants de Walsall pour poser aux électeurs la question de la liberté commerciale. C'était la première fois que cette grande cause subissait l'épreuve électorale. Nous avions alors un candidat whig qui n'allait pas, sur cette matière, jusqu'à l'affranchissement absolu des échanges. Il sentit la nécessité de se retirer, et le champ restait libre aux manœuvres du candidat conservateur. Un grand nombre d'électeurs lui promirent imprudemment leurs votes, sans considérer que la loi leur a confié un dépôt sacré dont ils ne sont pas libres de disposer à leur avantage, mais dont ils doivent compte à ceux qui ne jouissent pas du même privilége. Vous vous rappelez l'anxiété qui régna alors parmi les free-traders, et les difficultés qu'ils rencontrèrent à trouver un candidat à qui l'on pût confier la défense du grand principe que nous posions devant le corps électoral. C'est dans ce moment qu'un homme d'une position élevée, d'un noble caractère et d'un grand talent, M. Smith (applaudissements), accepta sans hésiter la candidature et entreprit de relever ce bourg de la longue servitude à laquelle il était accoutumé. M. Smith était alors président de la chambre de commerce de Manchester, président de la Ligue. Sur notre demande, il vint à Walsall et dirigea la lutte avec une vigueur et une loyauté qui lui valurent, non-seulement l'estime de ses amis, mais encore l'approbation de ses adversaires. L'Angleterre et l'Irlande s'intéressaient au succès de ce grand débat, où les plus chers intérêts du pays étaient engagés. Grâce à des influences que vous n'avez pas oubliées, nous fûmes vaincus cependant, mais non sans avoir réduit la majorité de nos adversaires dans une telle proportion qu'il ne leur reste plus aucune chance pour l'avenir. Les dames de Walsall, profondément reconnaissantes des services éminents rendus par M. Smith à la cause de la pureté électorale non moins qu'à celle de la liberté, résolurent de lui donner un témoignage public de leur estime. Je ne vous retiendrai pas plus longtemps, et ne veux point retarder les opérations qui sont l'objet principal de cette réunion.

Mme. Cox se lève, et s'adressant à M. Smith, elle dit: «J'ai l'honneur de vous présenter cette coupe, au nom des dames de Walsall.»

M. Smith reçoit ce magnifique ouvrage d'orfévrerie, d'un travail exquis, qui porte l'inscription suivante:

«Présenté à M. J. B. Smith, esq

«Par les dames de Walsall, comme un témoignage de leur estime et de leur gratitude, pour le courage et le patriotisme avec lesquels il a soutenu la lutte électorale de 1841, dans ce bourg, contre un candidat monopoleur, – pour l'indépendance de sa conduite et l'urbanité de ses manières, – pour ses infatigables efforts dans la défense des droits du travail contre les intérêts égoïstes et la domination usurpée d'une classe.

 

«Puisse-t-il vivre assez pour jouir de la récompense de ses travaux et voir la vérité triompher et la patrie heureuse!»

M. Smith remercie et prononce un discours que le cadre de cet ouvrage ne nous permet pas de rapporter.

Le but que nous nous sommes proposé était de faire connaître la Ligue, ses principaux chefs, les doctrines qu'elle soutient, les arguments par lesquels elle combat le monopole; nous ne pouvions songer à initier le lecteur dans tous les détails des opérations de cette grande association. Il est pourtant certain que les efforts persévérants, mais silencieux, par lesquels elle essaye de rénover, non-seulement l'esprit, mais encore le personnel du corps électoral, ont peut-être une importance plus pratique que la partie apparente et populaire de ses travaux.

Sans vouloir changer notre plan et attirer l'attention du lecteur sur les travaux électoraux de la Ligue, ce qui exigerait de sa part l'étude approfondie d'un système électif beaucoup plus compliqué que le nôtre, nous croyons cependant ne pouvoir terminer sans dire quelques mots et rapporter quelques discours relatifs à cette phase de l'agitation.

Nous avons vu précédemment qu'il y a en Angleterre deux classes de députés, et, par conséquent, d'électeurs. – 158 membres du Parlement sont nommés par les comtés, et tous sont dévoués au monopole. – Jusqu'à la fin de 1844, les free-traders n'avaient en vue que d'obtenir, sur les députés des bourgs, une majorité suffisante pour contre-balancer l'influence de ce corps compacte de 158 protectionnistes. – Pour cela, il s'agissait de faire inscrire sur les listes électorales autant de free-traders, et d'en éliminer autant de créatures de l'aristocratie que possible. Un comité de la Ligue a été chargé et s'est acquitté pendant plusieurs années de ce pénible et difficile travail, qui a exigé une multitude innombrable de procès devant les cours compétentes (courts of registration), et le résultat a été d'assurer aux principes de la Ligue une majorité certaine dans un grand nombre de villes et de bourgs.

Mais, à la fin de 1844, M. Cobden conçut l'idée de porter la lutte jusque dans les comtés. Son plan consistait à mettre à profit ce qu'on nomme la clause Chandos, qui confère le droit d'élire, au comté, à quiconque possède une propriété immobilière donnant un revenu net de 40 schellings. De même que l'aristocratie avait, en 1841, mis un grand nombre de ses créatures en possession du droit électoral par l'action de cette clause, il s'agissait de déterminer les classes manufacturières et commerciales à en faire autant, en investissant les ouvriers des mêmes franchises, et en les transformant en propriétaires, en landlords au petit pied. – Le temps pressait, car on était au mois de décembre 1844, quand M. Cobden soumit son plan au conseil de la Ligue, et on n'avait que jusqu'au 31 janvier 1845, pour se faire inscrire sur les listes électorales qui doivent servir en cas de dissolution jusqu'en 1847.

Aussitôt le plan arrêté, la Ligue le mit à exécution avec cette activité prodigieuse qui ne lui a jamais fait défaut, et que nous avons peine à croire, tant elle est loin de nos idées et de nos mœurs politiques. Dans l'espace de dix semaines, M. Cobden a assisté à trente-cinq grands meetings publics, tenus dans les divers comtés du nord de l'Angleterre dans le seul but de propager cette nouvelle croisade électorale. – Nous nous bornerons à donner ici la relation d'un de ces meetings, celui de Londres, qui ouvre d'ailleurs la troisième année de l'agitation dans la métropole.

GRAND MEETING DE LA LIGUE AU THÉÂTRE DE COVENT-GARDEN
11 décembre 1844

Six mille personnes assistent à la réunion. Le président de la Ligue, M. George Wilson, occupe le fauteuil.

En ouvrant la séance, après quelques observations générales, le président ajoute:

Vous avez peut-être entendu dire que depuis notre dernier meeting la Ligue avait «pris sa retraite». Mais soyez assurés qu'elle n'a pas perdu son temps dans les cours d'enregistrement (registration courts). Nous avons envoyé des hommes expérimentés dans 140 bourgs, dans le but d'organiser des comités électoraux là où il n'en existe pas, et de donner une bonne direction aux efforts des free-traders là où il existe de semblables institutions. Depuis, les cours de révision ont été ouvertes. C'est là que la lutte a été sérieuse. Je n'ai pas encore les rapports relatifs à la totalité de ces 140 bourgs, mais seulement à 108 d'entre eux. Dans 98 bourgs nous avons introduit sur les listes électorales plus de free-traders que nos adversaires n'y ont fait admettre de monopoleurs; et d'un autre côté nous avons fait rayer de ces listes un grand nombre de nos ennemis. Dans 8 bourgs seulement la balance nous a été défavorable, sans mettre cependant notre majorité en péril. (Applaudissements.)

Le président entre ici dans des détails de chiffres inutiles à reproduire; il expose ensuite les moyens de conquérir une majorité dans les comtés.

M. Villiers, m. P., prononce un discours. La parole est ensuite à M. Cobden. Nous extrayons du discours de l'honorable membre les passages qui nous ont paru d'un intérêt général.

M. Cobden… Les monopoleurs ont fait circuler à profusion une brochure adressée aux ouvriers, qui porte pour épigraphe une sentence qui a pour elle l'autorité républicaine, celle de M. Henry Clay. Je suis bien aise qu'ils aient inscrit son nom et cité ses paroles sur le frontispice de cette œuvre, car les ouvriers n'oublieront pas que, depuis sa publication, M. Henry Clay a été repoussé de la présidence des États-Unis. Il demandait cet honneur à trois millions de citoyens libres, et il fondait ses droits sur ce qu'il est l'auteur et le père du système protecteur en Amérique. J'ai suivi avec une vive anxiété les progrès de cette lutte, et reçu des dépêches par tous les paquebots. J'ai lu le compte rendu de leurs discours et de leurs processions. Vraiment les harangues de Clay et de Webster auraient fait honneur aux ducs de Richmond et de Buckingham eux-mêmes. (Rires.) Leurs bannières portaient toutes des devises, telles que celles-ci: «Protection au travail national.» «Protection contre le travail non rémunéré d'Europe.» «Défense de l'industrie du pays.» «Défense du système américain.» «Henry Clay et protection.» (Rires.) Voilà ce qu'on disait à la démocratie américaine, comme vous le dit votre aristocratie dans ce même pamphlet. Et qu'a répondu le peuple américain? Il a rejeté Henry Clay; il l'a rendu à la vie privée. (Applaudissements.) Je crois que nos sociétés prohibitionnistes, s'il leur reste encore un grand dépôt de cette brochure, pourront l'offrir à bon marché. (Rires.) Elles seront toujours bonnes à allumer des cigares. (Nouveaux rires.)…

Eh bien! habitants de Londres! Qu'y a-t-il de nouveau parmi vous? Vous avez su quelque chose de ce que nous avons fait dans le Nord; que se passe-t-il par ici? Je crois que j'ai aperçu quelques signes, sinon d'opposition, du moins de ce que j'appelle des tentatives de diversion. Vous avez eu de grands meetings, remplis de beaux projets pour le soulagement du peuple… Mon ami M. Villiers vous a parlé du grand développement de l'esprit charitable parmi les monopoleurs et de leur manie de tout arranger par l'aumône. En admettant que cette charité soit bien sincère et qu'elle dépasse celle des autres classes, j'ai de graves objections à opposer à un système qui fait dépendre une portion de la communauté des aumônes de l'autre portion. (Écoutez! écoutez!) Mais je nie cette philanthropie elle-même, et, relevant l'accusation qu'ils dirigent contre nous, – froids économistes, – je dis que c'est parmi les free-traders que se trouve la vraie philanthropie. Ils ont tenu un grand meeting, il y a deux mois, dans le Suffolk. Beaucoup de seigneurs, de nobles, de squires, de prêtres se sont réunis, et pourquoi? Pour remédier, par un projet philanthropique, à la détresse générale. Ils ont ouvert une souscription. Ils se sont inscrits séance tenante; et qu'est-il arrivé depuis? Où sont les effets de cette œuvre qui devait fermer toutes les plaies? J'oserais affirmer qu'il est tel ligueur de Manchester qui a plus donné pour établir dans cette ville des lieux de récréation pour les ouvriers, qu'il n'a été recueilli parmi toute la noblesse de Suffolk pour le soulagement des ouvriers des campagnes. Ne vous méprenez pas, messieurs, nous ne venons pas ici faire parade de générosité, mais décrier ces accusations sans cesse dirigées contre le corps le plus intelligent de la classe moyenne de ce pays, et cela parce qu'il veut se faire une idée scientifique et éclairée de la vraie mission d'un bon gouvernement. Ils nous appellent «économistes politiques; durs et secs utilitaires». Je réponds que les «économistes» ont la vraie charité et sont les plus sincères amis du peuple. Ces messieurs veulent absolument que le peuple vive d'aumônes; je les somme de nous donner au moins une garantie qu'en ce cas le peuple ne sera pas affamé. Oh! il est fort commode à eux de flétrir, par une dénomination odieuse, une politique qui scrute leurs procédés. (Rires.) Nous nous reconnaissons «économistes», et nous le sommes, parce que nous ne voulons pas voir le peuple se fier, pour sa subsistance, aux aumônes de l'aristocratie, sachant fort bien que, s'il le fait, sa condition sera vraiment désespérée. (Applaudissements.) Nous voulons que le gouvernement agisse sur des principes qui permettent à chacun de pourvoir à son existence par un travail honnête et indépendant. Ces grands messieurs ont tenu un autre meeting aujourd'hui. On y a traité de toutes sortes de sujets, excepté du sujet essentiel. (Écoutez!) Une réunion a eu lieu ce matin à Exeter-Hall, où il y avait des gens de toute espèce, et dans quel but? Afin d'imaginer des moyens et de fonder une société pour «l'assainissement des villes.» (Rires.) Ils vous donneront de la ventilation, de l'air, de l'eau, des desséchements, des promenades, de tout, excepté du pain. (Applaudissements.) Cependant, du moins en ce qui concerne le Lancashire, nous avons les registres généraux de la mortalité qui montrent distinctement le nombre des décès s'élevant et s'abaissant d'année en année, avec le prix du blé, et tous pouvez suivre cette connexité avec autant de certitude que si elle résultait d'une enquête du coroner. Il y a eu trois mille morts de plus dans les années de cherté que depuis que le blé est descendu à un prix naturel, et cela dans un très-petit district du Lancastre. Et ces messieurs, dans leurs sociétés de bienveillance, parlent d'eau, d'air, de tout, excepté du pain qui est le soutien et comme l'étoffe de la vie! Je ne m'oppose pas à des œuvres de charité; je les appuie de toute mon âme; mais je dis: Soyons justes d'abord, ensuite nous serons charitables. (Applaudissements.) Je ne doute nullement de la pureté des motifs qui dirigent ces messieurs; je ne les accuserai point ici d'hypocrisie, mais je leur dirai: «Répondez à la question, ne l'escamotez pas.»

Je me plains particulièrement d'une partie de l'aristocratie57, qui affiche sans cesse des prétentions à une charité sans égale, dont, sans doute par ce motif, les lois-céréales froissent la conscience, et qui les maintient cependant, sans les discuter et même sans vouloir formuler son opinion. Je fais surtout allusion à un noble seigneur qui en a agi ainsi l'année dernière, à l'occasion de la motion de M. Villiers, quoique, en toutes circonstances, il fasse profession d'une grande sympathie pour les souffrances du peuple. Il ne prit pas part à la discussion, n'assista pas même aux débats, et ne vint pas moins au dernier moment voter contre la motion. (Grands cris: Honte! honte! le nom! le nom!) Je vous dirai le nom; c'est lord Ashley. (Murmures et sifflets.) Eh bien, je dis: Admettons la pureté de leurs motifs, mais stipulons au moins qu'ils discuteront la question et qu'ils l'examineront avec le même soin qu'ils donnent «aux approvisionnements d'eau et aux renouvellements de l'air.» Ne permettons pas qu'ils ferment les yeux sur ce sujet. Comment se conduisent-ils en ce qui concerne la ventilation? Ils appellent à leur aide les hommes de science. Ils s'adressent au docteur Southwood-Smith, et lui disent: Comment faut-il s'y prendre pour que le peuple respire un bon air? Eh bien! quand il s'agit de donner au peuple du travail et des aliments, nous les sommons d'interroger aussi les hommes de science, les hommes qui ont passé leur vie à étudier ce sujet, et qui ont consigné dans leurs écrits des opinions reconnues pour vraies dans tout le monde éclairé. Comme ils appellent dans leurs conseils Southwood-Smith, nous leur demandons d'y appeler aussi Adam Smith, et nous les sommons ou de réfuter ses principes ou d'y conformer leurs votes. (Applaudissements.) Il ne suffit pas de se tordre les bras, de s'essuyer les yeux et de s'imaginer que dans ce siècle intelligent et éclairé le sentimentalisme peut être de mise au sénat. Que dirions-nous de ces messieurs qui gémissent sur les souffrances du peuple, si, pour des fléaux d'une autre nature, ils refusaient de prendre conseil de la science, de l'observation, de l'expérience? S'ils entraient dans un hôpital, par exemple, et si, à l'aspect des douleurs et des gémissements dont leurs sens seraient frappés, ces grands philanthropes mettaient à la porte les médecins et les pharmaciens, et tournant au ciel leurs yeux attendris, ils se mettaient à traiter et médicamenter à leur façon? (Rires et applaudissements.) J'aime ces meetings de Covent-Garden, et je vous dirai pourquoi. Nous exerçons ici une sorte de police intellectuelle. Byron a dit que nous étions dans un siècle d'affectation; il n'y a rien de plus difficile à saisir que l'affectation. Mais je crois que si quelque chose a contribué à élever le niveau moral de cette métropole, ce sont ces grandes réunions et les discussions qui ont lieu dans cette enceinte. (Acclamations.) Il va y avoir un autre meeting ce soir dans le but d'offrir à sir Henry Pottinger un don patriotique. Je veux vous en dire quelques mots. Et d'abord, qu'a fait sir Henry Pottinger pour ces monopoleurs? – Je parle de ces marchands et millionnaires monopoleurs, y compris la maison Baring et Cie, qui a souscrit pour 50 liv. st. à Liverpool, et souscrira sans doute à Londres. Je le demande, qu'a fait M. Pottinger pour provoquer cette détermination des princes-marchands de la Cité? Je vous le dirai. Il est allé en Chine, et il a arraché au gouvernement de ce pays, pour son bien sans doute, un tarif. Mais de quelle espèce est ce tarif? Il est fondé sur trois principes. Le premier, c'est qu'il n'y aura aucun droit d'aucune espèce sur les céréales et toutes sortes d'aliments importés dans le Céleste Empire. (Écoutez! Écoutez!) Bien plus, si un bâtiment arrive chargé d'aliments, non-seulement la marchandise ne paye aucun droit, mais le navire lui-même est exempt de tous droits d'ancrage, de port, etc., et c'est la seule exception de cette nature qui existe au monde. Le second principe, c'est qu'il n'y aura aucun droit pour la protection. (Écoutez!) Le troisième, c'est qu'il y aura des droits modérés pour le revenu. (Écoutez! écoutez!) Eh quoi! c'est pour obtenir un semblable tarif, que nous, membres de la Ligue, combattons depuis cinq ans! La différence qu'il y a entre sir Henry Pottinger et nous, la voici: c'est que pendant qu'il a réussi à conférer, par la force, un tarif aussi avantageux au peuple chinois, nous avons échoué jusqu'ici dans nos efforts pour obtenir de l'aristocratie, par la raison, un bienfait semblable en faveur du peuple anglais. (Applaudissements.) Il y a encore cette différence: c'est que, en même temps que ces marchands monopoleurs préparent une splendide réception à sir Henry Pottinger pour ses succès en Chine, ils déversent sur nous l'invective, l'insulte et la calomnie, parce que nous poursuivons ici, et inutilement jusqu'à ce jour, un succès de même nature. Et pourquoi n'avons-nous pas réussi? Parce que nous avons rencontré sur notre chemin la résistance et l'opposition de ces mêmes hommes inconséquents, qui vont maintenant saluant de leurs toasts et de leurs hurrahs la liberté du commerce… en Chine. (Applaudissements.) Je leur adresserai à ce sujet une ou deux questions. Ces messieurs pensent-ils que le tarif que M. Pottinger a obtenu des Chinois sera avantageux pour ce peuple? À en juger par ce qu'on leur entend répéter en toute occasion, ils ne peuvent réellement pas le croire. Ils disent que les aliments à bon marché et la libre importation du blé seraient préjudiciables à la classe ouvrière et abaisseraient le taux des salaires. Qu'ils répondent catégoriquement. Pensent-ils que le tarif sera avantageux aux Chinois? S'ils le pensent, quelle inconséquence n'est-ce pas de refuser le même bienfait à leurs concitoyens et à leurs frères! S'ils ne le pensent pas, s'ils supposent que le tarif aura pour les Chinois tous ces effets funestes qu'un semblable tarif aurait, à ce qu'ils disent, pour l'Angleterre, alors ils ne sont pas chrétiens, car ils font aux Chinois ce qu'ils ne voudraient pas qu'on fît à eux-mêmes. (Bruyantes acclamations.) Je les laisse entre les cornes de ce dilemme et entièrement maîtres de choisir.

 

Il y a quelque chose de sophistique et d'erroné à représenter, comme on le fait, le tarif chinois comme un traité de commerce. Ce n'est point un traité de commerce. Sir Henry Pottinger a imposé ce tarif au gouvernement chinois, non en notre faveur, mais en faveur du monde entier. (Écoutez! écoutez!) Et que nous disent les monopoleurs? «Nous n'avons pas d'objection contre la liberté commerciale, si vous obtenez la réciprocité des autres pays.» Et les voilà, à cette heure même, nous pourrions presque entendre d'ici leur «hip, hip, hip, hurrah! hurrah!» les voilà saluant et glorifiant sir Henry Pottinger pour avoir donné aux Chinois un tarif sans réciprocité avec aucune nation sur la surface de la terre! (Écoutez!) Après cela pensez-vous que sir Thomas Baring osera se présenter encore devant Londres? (Rires et cris: Non! non!) Lorsqu'il manqua son élection l'année dernière, il disait que vous étiez une race ignorante. Je vous donnerai un mot d'avis au cas qu'il se représente. Demandez-lui s'il est préparé à donner à l'Angleterre un tarif aussi libéral que celui que sir Henry Pottinger a donné à la Chine, et sinon, qu'il vous explique les motifs qui l'ont déterminé à souscrire pour cette pièce d'orfévrerie qu'on présente à M. Pottinger. Nous ne manquons pas, à Manchester même, de monopoleurs de cette force qui ont souscrit aussi à ce don patriotique. On fait toujours les choses en grand dans cette ville, et pendant que vous avez recueilli ici mille livres sterling dans cet objet, ils ont levé là-bas trois mille livres, presque tout parmi les monopoleurs qui ne sont ni les plus éclairés, ni les plus riches, ni les plus généreux de notre classe, quoiqu'ils aient cette prétention. Ils se sont joints à cette démonstration en faveur de sir Henry Pottinger. J'ai été invité aussi à souscrire. Voici ma réponse: Je tiens sir Henry Pottinger pour un très-digne homme, supérieur à tous égards à beaucoup de ceux qui lui préparent ce splendide accueil. Je ne doute nullement qu'il n'ait rendu d'excellents services au peuple chinois; et si ce peuple peut envoyer un sir Henry Pottinger en Angleterre, si ce Pottinger chinois réussit par la force de la raison (car nous n'admettons pas ici l'intervention des armes), si, dis-je, par la puissance de la logique, à supposer que la logique chinoise ait une telle puissance (rires), il arrache au cœur de fer de notre aristocratie monopoliste le même tarif pour l'Angleterre que notre général a donné à la Chine, j'entrerai de tout mon cœur dans une souscription pour offrir à ce diplomate chinois une pièce d'orfévrerie. (Rires et acclamations prolongés.) Mais, gentlemen, il faut en venir à parler d'affaires. Notre digne président vous a dit quelque chose de nos derniers travaux. Quelques-uns de nos pointilleux amis, et il n'en manque pas de cette espèce, – gens d'un tempérament bilieux et enclins à la critique, qui, ne voulant ni agir par eux-mêmes, ni aider les autres dans l'action, de peur d'être rangés dans le servum pecus, n'ont autre chose à faire qu'à s'asseoir et à blâmer, – ces hommes vont répétant: «Voici un nouveau mouvement de la Ligue; elle attaque les landlords jusque dans les comtés; elle a changé sa tactique.» Mais non, nous n'avons rien changé, rien modifié; nous avons développé. Je suis convaincu que chaque pas que nous avons fait était nécessaire pour élever l'agitation là où nous la voyons aujourd'hui. (Écoutez!) Nous avons commencé par enseigner, par distribuer des pamphlets, afin de créer une opinion publique éclairée. Cela nous a tenu nécessairement deux ou trois ans. Nous avons ensuite porté nos opérations dans les colléges électoraux des bourgs; et jamais, à aucune époque, autant d'attention systématique, autant d'argent, autant de travaux n'avaient été consacrés à dépouiller, surveiller, rectifier les listes électorales des bourgs d'Angleterre. Quant à l'enseignement par la parole, nous le continuons encore; seulement, au lieu de nous faire entendre dans quelque étroit salon d'un troisième étage, comme il le fallait bien à l'origine, nous nous adressons à de magnifiques assemblées telles que celle qui est devant moi. Nous distribuons encore nos pamphlets, mais sous une autre forme: nous avons notre organe, le journal la Ligue, dont vingt mille exemplaires se distribuent dans le pays, chaque semaine. Je ne doute pas que ce journal ne pénètre dans toutes les paroisses du royaume, et ne circule dans toute l'étendue de chaque district. Maintenant, nous allons plus loin, et nous avons la confiance d'aller troubler les monopoleurs jusque dans leurs comtés. (Applaudissements.) La première objection qu'on fait à ce plan, c'est que c'est un jeu à la portée des deux partis, et que les monopoleurs peuvent adopter la même marche que nous. J'ai déjà répondu à cela en disant que nous sommes dans cette heureuse situation de nous asseoir devant un tapis vert où tout l'enjeu appartient à nos adversaires et où nous n'avons rien à perdre. (Écoutez!) Il y a longtemps qu'ils jouent et ils ont gagné tous les comtés. Mon ami M. Villiers n'a eu l'appui d'aucun comté la dernière fois qu'il a porté sa motion à la Chambre. Il y a là 152 députés des comtés, et je crois que si M. Villiers voulait prouver clairement qu'il peut obtenir la majorité, sans en détacher quelques-uns, il y perdrait son arithmétique. Nous allons donc essayer de lui en donner un certain nombre.

Ici l'orateur passe en revue les diverses clauses de la loi électorale et indique, pour chaque position, les moyens d'acquérir le droit de suffrage soit dans les bourgs, soit dans les comtés. Nous n'avons pas cru devoir reproduire ces détails qui ne pourraient intéresser qu'un bien petit nombre de lecteurs.

57L'orateur désigne ici le parti qui s'intitule «la jeune Angleterre,» et qui a pour chefs lord Ashley, Manners, d'Israëli, etc. Lord Ashley, cherchant à rejeter sur les manufacturiers les imputations que la Ligue dirige contre les maîtres du sol, attribue les souffrances du peuple à l'excès du travail. En conséquence, de même que M. Villiers propose chaque année la libre introduction du blé étranger, lord Ashley propose la limitation des heures de travail. L'un cherche le remède à la détresse générale dans la liberté, l'autre dans de nouvelles restrictions. – Ainsi, ces deux écoles économiques sont toujours et partout en présence.