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Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3

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«Ces faits sont de la plus haute importance, non-seulement parce qu'ils confirment le principe général que nous proclamons, mais encore parce qu'ils nous conduisent au but de nos recherches, et nous signalent le moyen spécifique d'abolir l'esclavage et la traite. Laissez sa libre action à ce principe, et il étendra sa bénigne influence sur toute créature humaine actuellement retenue en servitude.» (Écoutez! écoutez!) Et qui donc a abandonné ce principe? Très-certainement ce n'est pas nous. – J'arrive maintenant à la Convention de 1840, à laquelle, dans une occasion récente, faisait allusion ce grand homme qui dirige la Ligue, notre maître à tous, qui s'est créé lui-même ou qui a été créé à cette fin, je veux parler de M. Cobden. (Des applaudissements enthousiastes éclatent dans toute la salle.)

L'orateur cite ici des délibérations, des rapports, des enquêtes émanés de la Convention, et qui démontrent que cette association s'était rattachée au principe exposé plus haut par M. Sturge. Il continue ainsi:

Je le demande encore: Qui rend maintenant hommage à ce principe? N'est-ce pas ceux qui disent: Nous ne reculons pas devant les résultats; nous n'avons pas posé un principe comme étant la loi de la nature et de Dieu; nous n'avons pas prouvé par les annales de l'humanité que le malheur et la ruine ont toujours suivi sa violation, pour venir, maintenant que le temps de l'application est arrivé, dans les circonstances les plus favorables, reculer et dire: Nous n'en parlions que comme d'une abstraction; nous n'osons pas le mettre en œuvre; nous contemplons avec horreur le moment où il va lutter loyalement contre le principe opposé! – Que l'on ne dise pas que nous voulons favoriser l'esclavage et la traite; car bien loin de là, quand nous plaidons la cause de la liberté illimitée du commerce, nous sommes influencés par cette ferme croyance qu'elle est le moyen le plus doux, le plus pacifique de réaliser l'abolition de la traite et de l'esclavage. Nous marchons dans vos sentiers; nous adoptons vos doctrines; nous applaudissons à l'habileté avec laquelle vous avez révélé la beauté de cette loi divine qui a ordonné que, dans tous les cas où une franche rivalité est admise, les systèmes fondés sur l'oppression doivent être détruits par ceux qui ont pour base l'honnêteté et la justice. Nous vous imitons en tout, excepté dans votre pusillanimité et dans ce que nous ne pouvons nous empêcher de regarder comme votre inconséquence. Ne nous blâmez pas de ce que notre foi est plus forte que la vôtre. Nous honorons vos sentiments d'humanité. Votre erreur consiste, selon nous, en ce que vous vous laissez entraîner par ces sentiments à quelque chose qui ressemble à la négation de vos propres doctrines. Tout ce que nous vous demandons, c'est de rester attachés à vos principes; de les appliquer courageusement; et si vous ne l'osez, permettez-nous du moins de ne pas suivre les conseils d'hommes qui manquent de courage, quand le moment est venu de prouver qu'ils ont foi dans l'infaillibilité des principes qu'ils ont proclamés eux-mêmes. – Aujourd'hui nos amis fondent leur opposition à leur grand principe, sur ce qu'il ne saurait être appliqué d'une manière absolue sans entraîner des conséquences désastreuses. Mais je leur rappellerai que ce n'est point ainsi qu'ils raisonnaient autrefois. Ils en demandaient l'application immédiate sans égard aux conséquences fatales que prédisaient leurs adversaires. Ils croyaient sincèrement ces craintes chimériques, et fussent-elles fondées, ce n'était pas une raison, disaient-ils, pour ajourner un grand acte de justice. On nous disait: Vous faites tort à ceux à qui vous voulez faire du bien, aux nègres. On nous opposait sans cesse le danger pour les noirs de leur affranchissement immédiat. Un membre du Parlement m'affirmait un jour, devant des milliers de nos concitoyens réunis pour nous entendre discuter cette question, que si nous émancipions les nègres, ils rétrograderaient dans leur condition; qu'au lieu de se tenir debout comme des hommes, ils prendraient bientôt l'humble attitude des quadrupèdes. (Rires.) Il faisait un tableau effrayant de la misère qui les attendait, et y opposait la poétique description de leur bonheur, de leur innocence et même de leur luxe actuels. (Rires.) Si vous doutez de ce que je dis, informez-vous auprès du membre du Parlement qui parla le dernier, hier soir, à la Chambre. (Rires.) Oui, on nous disait gravement que l'émancipation empirerait le sort des noirs, et paralyserait les philanthropiques projets des planteurs. Les Antilles, d'ailleurs, allaient être inondées de sang, les habitations incendiées, et nos navires devaient pourrir dans nos ports. Vous pouvez, monsieur le président, attester la vérité de mes paroles. On calculait le nombre de vaisseaux devenus inutiles et les millions anéantis. Au milieu de tous ces pronostics funèbres, quelle était notre devise? Fiat justitia, ruat cœlum. Quelle était notre constante maxime? «Le devoir est à nous; les événements sont à Dieu.» Non, le triomphe d'un grand principe ne peut avoir une issue funeste. Lancez-le au milieu du peuple, et il en est comme lorsqu'une montagne est précipitée dans l'Océan: l'onde s'agite, tourbillonne, écume, mais bientôt elle s'apaise et son niveau poli reflète la splendeur du soleil. (Applaudissements prolongés.) Avons-nous, ou n'avons-nous pas un principe dans ce grand mouvement? Si nous l'avons, poussons-le jusqu'au bout. Il a été éloquemment démontré dans une précédente séance, par l'orateur qui doit me succéder à cette tribune, que ce que nous défendons, c'est la cause de la moralité; par des centaines de ministres accourus de toutes les parties du royaume, que c'est la cause de la religion; que c'est le droit de l'homme, le devoir de la législature, que l'honneur et la prospérité de ce pays, que les intérêts des régions lointaines sont attachés au triomphe de ce principe; eh bien, poussons-le jusqu'au bout. (Applaudissements.)

Mais, disent quelques-uns de nos amis, «nous exceptons Cuba et le Brésil.» Je ne répéterai pas, avec M. Wilson, qu'il est indifférent pour les nègres que vous consommiez du sucre-esclave ou du sucre-libre, car si c'est de ce dernier, il ne peut arriver sur notre marché qu'en faisant quelque part un vide qui sera comblé par du sucre-esclave; mais je demanderai à nos adversaires quel droit ils ont de réclamer l'intervention de la législature dans une matière aussi exclusivement religieuse que celle-ci, où il s'agit d'incriminer ou d'innocenter telle ou telle consommation? Ils n'en ont aucun. Je veux qu'on réunisse des hommes appartenant à toutes les sectes religieuses, les hommes de la plus haute intelligence; je veux qu'ils aient le respect le plus profond pour la volonté du Créateur et toute la délicatesse imaginable en matière de moralité et de scrupules; et j'ose affirmer qu'ils ne s'accorderont pas sur la question de savoir s'il est criminel de se servir d'une chose, parce que sa production, dans des contrées lointaines, a donné lieu à quelques abus, et je crois que la grande majorité d'entre eux décidera qu'une telle question est entre la conscience individuelle et Dieu. Je suis certain du moins qu'elle n'est point du domaine de la Chambre des communes. (Écoutez! écoutez!)

Un mot encore, et je finis. Je voudrais conseiller à nos amis de bien réfléchir avant de fournir de tels arguments au cabinet actuel ou à tout autre. Si sir Robert Peel n'avait pas été mis à même de dérouler sur le bureau de la Chambre le mémoire abolitionniste qui porte la vénérable signature de M. Thomas Clarkson, il eût été privé du plus fort argument dont il s'est servi pour résister au principe que nous soutenons, la liberté d'échanges avec le Brésil comme avec l'univers. Mais il a imposé silence à ses adhérents. Il a dit aux planteurs des Antilles: Tenez-vous tranquilles. J'ai par devers moi quelque chose qui vaut mieux que tout ce que vous pourriez dire comme propriétaires dans les Indes occidentales. Et s'adressant à la Chambre des communes, il a dit: «Les abolitionnistes sont contre vous. Ils nous adjurent au nom de l'humanité d'exclure les produits du Brésil. Si nous le faisons, ce n'est pas parce que nous possédons de grandes plantations dans l'Inde et à Demerara; parce que les Chandos et les Buckingham ont de vastes propriétés à la Jamaïque. Non, nous ne cédons pas à de telles considérations. Ce n'est pas non plus parce que nous sommes obligés de ménager les colons, d'autant plus que si nous les blessions, ils renverseraient dès demain la loi-céréale. Nous ne sommes déterminés par aucune de ces raisons; nous sommes parfaitement désintéressés, et nous ferions bon accueil au sucre du Brésil, s'il n'était teint du sang des esclaves. Il est vrai que nous fûmes toujours les adversaires de l'émancipation, et que lorsqu'il ne nous a plus été possible de reculer, nous avons imposé à la nation une charge de vingt millions sterling que nous avons distribués non aux esclaves, mais à leurs oppresseurs. (Bruyantes acclamations.) Le sens du juste est si délicat chez nous que nous avons indemnisé le tyran et non la victime. (Nouvelles acclamations.) Nous avons payé les planteurs pour qu'ils s'abstinssent du crime; nous avons sauvé leur réputation et peut-être leur âme. Nous avons fait tout cela, c'est vrai, mais nous sommes bien changés aujourd'hui. N'ai-je pas assisté aux meetings d'Exeter-Hall? N'y ai-je point péroré? N'y ai-je point entendu l'orgue saluer la présence et la parole de Daniel O'Connell? Nous sommes bien changés. Nous sommes maintenant les disciples, les représentants des Grenville, des Sharpe, des Wilberforce, qui se reposent de leurs travaux. Nous nous couvrons de leur manteau, et nous vous adjurons, au nom de deux millions et demi d'esclaves, de ne pas manger de sucre du Brésil.» (Applaudissements prolongés.) Après ce discours, il regardera sans doute les monopoleurs par-dessus les épaules, et dira: «Vous ne vous souciez guère du café, n'est-ce pas? – Non, disent-ils. – Très-bien, reprend sir Robert, nous réduirons le droit du café de 25 p. 0/0, et nous prohiberons le sucre. – Et c'est ainsi que toute cette belle philanthropie passe de la cafetière dans le sucrier. (Rires.)

 

Après quelques autres considérations, M. Thompson, revenant à cette idée, que l'abstention de la consommation du sucre-esclave est une affaire de conscience, termine ainsi:

Ma force est dans mes arguments, et je n'en appelle qu'à la raison. Si je puis éveiller votre conscience et convaincre votre jugement, vous m'appartenez. Si je ne le puis, que Dieu vous juge, quant à moi, je ne vous jugerai pas. Je m'efforcerai de vous persuader de bien faire, et vous plaindrai si vous faites mal. Je poursuivrai le bien moi-même, et n'emploierai d'autres efforts pour conquérir mes frères que la raison, la tolérance et l'amour. (À la fin de ce discours, l'assemblée se lève en masse, les chapeaux et les mouchoirs s'agitent, et les applaudissements retentissent pendant plusieurs minutes.)

La séance du 29 mai fut présidée par le comte Ducie, qui a traité longuement la question de la liberté commerciale au point de vue de l'agriculture pratique. Le meeting a entendu MM. Cobden, Perronet Thompson, Holland, propriétaire dans le Worcestershire, et M. Bright, m. P.

Séance du 5 juin 1844

Le fauteuil est occupé par M. George Wilson.

Le premier orateur entendu est M. Edward Bouverie, membre du Parlement pour Kilmarnock.

L'honorable membre examine l'esprit de la législature actuelle manifesté par ses actes. La majorité ayant toujours maintenu les lois-céréales, sous le prétexte de faire fleurir l'agriculture, et avec elle toutes les classes qui se livrent aux travaux des champs, M. Cobden a demandé qu'il fût fait une enquête dans les comtés agricoles, afin de savoir si la loi avait atteint son but, et si, sous l'empire de cette loi, les fermiers et les ouvriers des campagnes jouissaient de quelque aisance et de quelque sécurité. Il semble que les amis du monopole, qui s'intitulent exclusivement aussi «les amis des fermiers», auraient dû saisir avidement cette occasion de montrer qu'en appuyant la protection, ils suivaient une saine politique. Mais, continue M. Bouverie, ils ont dit: «Nous ne voulons pas d'enquête.» Et pourquoi? Parce qu'ils savent bien qu'elle démontrerait l'absurdité et la futilité de leurs doctrines; que la protection n'est que déception; que ce n'est autre chose que le public mis au pillage. Ils préfèrent les ténèbres à la lumière. Ils craignent la lumière, parce que leurs actions ne sont pas pures.

Est venu ensuite le bill sur les travaux des manufactures, connu sous le nom de «bill des dix heures». Et qu'avons-nous vu? Une majorité étalant sa fastueuse sympathie pour les classes ouvrières, déclarant que le peuple de ce pays est soumis à un trop rude travail, et que l'intensité de ce travail, pour les femmes et les enfants, est incompatible avec la santé de leur corps et même de leur âme. Mais quoi! c'est cette même majorité qui, en maintenant la loi-céréale, force le peuple à demander sa subsistance à un travail excessif. La loi-céréale dit au peuple: «Tu n'auras pas à ta disposition les mêmes moyens d'existence que si le commerce des blés était libre. Tu n'auras pas les mêmes moyens de travail que si de grandes importations provoquaient des exportations correspondantes et augmentaient ainsi l'emploi des bras.» C'est donc cette loi qui broie le peuple et le force à chercher une maigre pitance dans des sueurs excessives, dans un travail incessant, incompatible avec le maintien de sa santé, de ses forces et de son bien-être. Mais nous avons vu autre chose. Nous avons vu tomber cette philanthropie affectée; et dès l'instant que le ministère eut déclaré qu'il s'opposait à cette proposition et en faisait une question de cabinet, nous avons vu la majorité défaire ce qu'elle avait fait, moins soucieuse de sa prétendue sympathie pour le peuple que de maintenir le pouvoir aux mains des ministres de son choix.

Ce n'est pas qu'il n'ait été fait quelques timides pas dans la voie de la liberté commerciale. On a diminué les droits sur les raisins de Corinthe (currants). (Rires.) J'en félicite sincèrement les amateurs de puddings. (Éclats de rire.) Mais il faut autre chose que du raisin pour faire du pudding. Il y entre aussi de la farine; et en abrogeant la taxe sur le blé, on eût mieux servi les intérêts de ceux qui mangent du pudding, et de l'immense multitude de nos frères qui n'en ont jamais vu, même en rêve. C'est au peuple de leur dire: «Vous deviez faire ces choses, sans négliger le reste.»

L'orateur aborde la question des sucres et la distinction proposée entre le produit du travail libre et celui du travail esclave. – Si nous adoptons cette distinction en principe, dit-il, où nous arrêterons-nous? Si nous devons nous enquérir de la tradition sociale, morale et politique de tous les peuples avec lesquels il nous sera permis d'entretenir des relations, où poserons-nous la limite? Une grande partie du blé qui arrive dans ce pays, même sous la loi actuelle (et il en viendrait davantage si elle ne s'y opposait), provient d'un pays où l'esclavage est dans toute sa force, je veux parler de la Russie. (Grognements.) Vraiment, je suis surpris que les sociétés en faveur de la protection, qui battent les buissons pour chasser aux arguments, et ne sont pas difficiles, ne se soient pas encore emparées de celui-ci: «Maintenons la loi-céréale pour exclure le blé russe.»

M. Milner Gibson, m. P. pour Manchester. (Nous sommes forcé par le défaut d'espace à nous renfermer dans l'analyse et quelques extraits du remarquable discours de l'honorable représentant de Manchester.)

Monsieur le président, c'est avec bonheur que je vous ai entendu déclarer, à l'ouverture de la séance, que vous étiez résolu à ne jamais ralentir vos efforts jusqu'au triomphe de la liberté commerciale. Je me réjouis de vous entendre exprimer que vous sentez profondément la justice de cette cause, car je sais que cette association et ces meetings ne surgissent pas d'une impulsion nouvelle et soudaine, mais qu'ils sont fondés sur la large et éternelle base de la justice immuable. (Acclamations.) La liberté commerciale n'est pas une question de sous, de shillings et de guinées. C'est une question qui implique les droits de l'homme, le droit, pour chacun, d'acheter et de vendre, le droit d'obtenir une juste rémunération du travail; et je dis qu'il n'est aucun des droits, pour la protection desquels les gouvernements sont établis, qui soit plus précieux que celui de vivre d'un travail libre de toute entrave et de toute restriction. (Acclamations.)

L'honorable orateur traite longuement la question à ce point de vue.

Je me rappelle que le duc de Richmond disait dans une occasion: «Si l'on abroge les lois-céréales, je quitte le pays.» (Éclats de rire.) On lui répondit: «Au moins vous n'emporterez pas vos terres.» (Nouveaux rires.) Mais considérons la position où se place un homme qui fait une telle déclaration. Qu'est-ce que la loi-céréale? Quelle est sa nature? Cela se réduit à ceci: Des gens qui tiennent boutique d'objets de consommation ne veulent pas que d'autres vendent des objets similaires. Le noble duc est grandement engagé dans ce genre d'affaires, et il voudrait bien être une sorte de marchand breveté. (Rires.) Mais je dis que tout Anglais a le même droit que lui d'approvisionner le marché de blé, pourvu qu'il l'ait acquis honnêtement. Comme Anglais, j'ai le droit de vendre du blé que je me suis procuré par l'échange, justement comme le duc de Richmond a le droit de vendre du blé qu'il s'est procuré par la culture. Mais, me dit-on, vous ne devez pas le faire, parce que cela empêcherait le noble duc de tirer un parti aussi avantageux de sa propriété. Et quel droit ce grand seigneur a-t-il sur moi? Je ne sache pas lui devoir quelque chose, qu'il existe des comptes entre lui et moi, et qu'il doive avoir un contrôle sur mon industrie. – À ce point de vue, oh! combien est monstrueuse l'intervention de la loi-céréale sur la liberté civile des sujets de S. M. la reine! (Acclamations.) Quel est le but du gouvernement? quel est le but de la société? L'objet unique du gouvernement est d'empêcher les citoyens de se faire déloyalement du tort les uns aux autres, d'empêcher une classe d'envahir les droits d'une autre classe. Or, je dis que le droit de suivre une branche d'affaires, le commerce, est à ma portée, que c'est une propriété que le gouvernement doit me garantir. Mais qu'a fait le gouvernement? Il a aidé une classe de la communauté à me dépouiller de ce droit, de cette propriété, à m'interdire l'échange du produit de mon travail; il s'est départi de sa vraie et seule légitime mission. (Acclamations.) J'espère, monsieur, que l'on me pardonnera d'insister autant sur ce sujet (Continuez, continuez!); mais je considère ce point de vue comme le plus important dans la question. Je crois qu'on n'a pas assez considéré le système protecteur au point de vue de la liberté civile. Je soutiens que, comme vous avez aboli l'esclavage dans vos colonies, comme vous avez aboli, dans toute l'étendue des possessions britanniques, la faculté pour l'homme de faire de son frère sa propriété, vous devez, pour être conséquent à ce principe, abolir aussi le monopole. (Acclamations.) Qu'est-ce que l'esclavage? La prétention, de la part d'une classe d'hommes, au contrôle du travail d'une autre classe et à l'usurpation des produits de ce travail; – mais n'est-ce pas là le monopole? (Applaudissements prolongés.) En détruisant l'un, vous vous êtes engagé à détruire l'autre. La servitude reconnaît, dans un homme, un droit personnel à s'emparer de l'esprit, du corps et des muscles de son semblable. Le monopole reconnaît aussi le droit inhérent à l'aristocratie de s'emparer de la rémunération industrielle qui appartient et doit être laissée aux classes laborieuses. (Applaudissements longtemps prolongés.) Entre l'esclavage et le monopole, je ne vois de différence que le degré. En principe, c'est une seule et même chose. Car pourquoi le planteur avait-il des esclaves? Ce n'est pas pour en faire parade ou pour les garder comme des canaris en cage, mais pour consommer le fruit de leur travail. Or, c'est précisément là le principe qui dirige les défenseurs de la loi-céréale. Ils veulent s'attribuer, sur le produit des classes manufacturières et commerciales, une plus grande part que celle à laquelle ils ont un juste droit…

La question, dans ses rapports avec la liberté civile, me paraît donc aussi simple qu'importante. Cependant j'ai entendu de profonds théologiens, versés dans la philosophie ancienne, dans les mathématiques, capables d'écrire et de composer en hébreu et en sanscrit, déclarer que cette loi-céréale était si compliquée, si difficile, si inextricable, qu'ils n'osaient s'en occuper. Je crains bien que ces excellents théologiens de l'Église d'Angleterre n'aperçoivent ces difficultés que parce qu'ils oublient cette maxime, que pourtant ils citent souvent: «Mon royaume n'est pas de ce monde.» Je crains que l'acte de commutation des dîmes ecclésiastiques n'ait introduit dans leur esprit des idées préconçues, et que ce qu'ils redoutent surtout, c'est que l'abrogation des lois-céréales, en diminuant le prix du pain, ne diminue aussi la valeur de leur dîme. Si ce n'était cette appréhension, j'ose croire que le clergé anglican serait pour nous, car le principe de la liberté est en parfaite harmonie avec la morale chrétienne, et les meilleurs arguments qu'on puisse invoquer en sa faveur se trouvent encore dans la Bible. (Applaudissements.)

… La liberté commerciale tend à réaliser par elle-même tout ce qui fait l'objet des vœux du philanthrope. Elle offre les moyens de répandre la civilisation et la liberté religieuse, non-seulement dans les possessions britanniques, mais dans toutes les parties du globe. Si nous voulons voir le Brésil et Cuba affranchir leurs esclaves, il ne faut pas isoler ces contrées des nations plus civilisées où l'esclavage est en horreur. Quelle était notre conduite, alors que nous étions nous-mêmes possesseurs d'esclaves, alors que nous tous, hélas! et jusqu'aux évêques de la Chambre des lords, soutenions la traite des nègres? Comment agissions-nous? Le gouvernement de ce pays connaissait bien l'influence des communications commerciales sur la propagation des idées, et il ne manqua pas d'interdire toutes relations entre nos colonies occidentales et Saint-Domingue de peur de leur inoculer le venin de la liberté. Les transactions commerciales sont, croyez-le bien, les moyens auxquels la Providence a confié la civilisation du genre humain, ou du moins la diffusion des vérités civilisatrices. En ce moment, l'empereur de Russie est à Londres. (Grognements et sifflets.) Quand j'ai nommé ce souverain, je n'ai pas voulu provoquer des marques de désapprobation. Je pense que nous ne devons voir en cette circonstance que la simple visite d'un homme privé, sans reporter notre pensée sur l'état de la Russie. Quoi qu'il en soit, ce monarque est parmi nous, ainsi que le roi de Saxe, et l'on attend le roi des Français. On nous assure que les visites réciproques de ces augustes personnages tendent à affermir la paix du monde. Je me réjouis d'être témoin de ces communications amicales; mais pour établir la paix sur des bases solides, il faut autre chose, il faut faire triompher les principes de la Ligue, il faut attacher les nations les unes aux autres par les liens d'un commun intérêt, et étouffer l'esprit d'antagonisme dans son germe, la jalousie nationale. (Acclamations.) Les empereurs et les ambassadeurs y peuvent quelque chose sans doute, mais leur influence est bien inefficace auprès de cet intérêt commun qui naîtra parmi les peuples de la liberté de leurs transactions. Que les hommes soient tous entre eux des clients réciproques, qu'ils dépendent les uns des autres pour leur bien-être, pour la rémunération de leur travail; et vous verrez s'élever une opinion publique parmi les nations qui ne permettra pas aux souverains et à leurs ambassadeurs de les entraîner dans la guerre, comme cela est trop souvent arrivé autrefois…

 

Nous citerons un dernier extrait de ce discours pour montrer que la question est plus près de sa solution qu'on ne s'en doute en France.

«Le ministère demande à être forcé; il vous invite à le forcer. Plus vous le presserez, plus il vous accordera. Je suis persuadé qu'à aucune époque de notre histoire, on n'a vu les ministres de la couronne en appeler aussi directement à l'agitation et insinuer à l'opposition qu'ils ne demandent qu'à avoir la main forcée. Vous les voyez fréquemment emporter les questions, non par le secours de leurs amis qui ne sont que des dupes, mais par l'influence de leurs adversaires. «Voyez, disent-ils, le bruit que font tous ces messieurs engagés dans la Ligue; nous ne pouvons plus maintenir ces lois de protection. Vous devez y renoncer. Le pays est en danger; si vous n'abandonnez pas la protection, vous serez réduits à abandonner bien davantage. Soyez donc prudents à propos, car la pression est devenue trop forte pour pouvoir y résister. Vous ne pouvez chercher les éléments d'une administration dans la Société centrale pour la protection de l'agriculture, ni dans l'association des Antilles. Elles ne présentent pas des hommes assez forts. Pour avoir un cabinet conservateur, il vous faut avoir recours à nous, et (ajoute sir Robert Peel), je vous le déclare, gentlemen, la pression du parti free-trader est devenue irrésistible, et je ne veux pas que de vaines considérations, une exagération de persistance, viennent me faire obstacle quand j'ai un grand devoir à remplir. Ainsi, acceptez la liberté commerciale, ou renoncez à mon concours.» (Rires prolongés.) C'est là un bon et prudent avis. Nous suivons, je le crois, une marche convenable et patriotique à tous égards, soit au point de vue des considérations morales, soit sous le rapport de l'accumulation des richesses. Je dis que nous suivons une marche convenable, quand nous nous efforçons de former, autant qu'il est en nous, une opinion publique qui est l'instrument dont le ministère se servira pour abroger ces lois funestes. Quand il dit à l'aristocratie qu'elle doit renoncer à la protection, ou à bien d'autres priviléges plus importants, il lui donne un sage conseil, car je me rappelle, et beaucoup d'entre vous se rappellent aussi, sans doute, l'éloquente expression du révérend Robert Stall, qui disait: «Il y a une tache de putridité à la racine de l'arbre social qui gagnera les branches extrêmes et les flétrira, quelque élevées qu'elles puissent être.» (M. Gibson reprend sa place au bruit d'applaudissements enthousiastes.)

M. Robert Moore lui succède.

Les deux grandes questions sur lesquelles se portent les efforts opposés des free-traders et des prohibitionnistes, savoir: la loi-céréale et la loi des sucres, approchent enfin, sinon de leur dénoûment définitif, du moins de la solution provisoire qu'elles doivent recevoir cette année par un vote du Parlement. Nous terminerons donc, du moins pour cette campagne, l'œuvre que nous avons entreprise, par l'analyse succincte des débats et des péripéties parlementaires auxquels auront donné lieu ces votes mémorables. Commençons par la loi des sucres.

Il semble que cette question n'a qu'un médiocre intérêt pour le public français; cependant elle a fait ressortir d'une manière si remarquable les aberrations de l'esprit de parti, et le soin minutieux qu'ont pris les membres de la Ligue de se défaire de cette rouille, qui semblait inhérente aux gouvernements constitutionnels, que l'on ne lira pas sans intérêt, nous le croyons, les phases de cette grande lutte, qui, on se le rappelle, compromit un instant l'existence du ministère.

Établissons d'abord l'état de la question.

La législation ancienne, et encore en vigueur au moment du vote, frappait le sucre colonial d'un droit de 24 sh., et le sucre étranger d'une taxe de 63 sh. – La différence, ou 39 sh., était donc la part faite à la protection.

Sous le ministère de lord John Russell, le gouvernement proposa de modifier ainsi ces taxes:

Sucre colonial, 24 sh. – Sucre étranger, 36 sh. Ainsi, la protection était réduite à 12 sh. au lieu de 39, et l'abandon de ce système colonial, auquel on croit l'Angleterre si attachée, consommé dans cette mesure. C'est à l'occasion de cette proposition que, par l'influence combinée des monopoleurs, le cabinet whig fut renversé.

Les torys arrivés au pouvoir avec la mission expresse de maintenir la protection, forcés eux-mêmes de céder aux exigences de l'opinion publique éclairée par les travaux de la Ligue, proposèrent, en 1844, par l'organe de M. Peel, la modification suivante:

Sucre colonial, 24 sh. – Sucre étranger, 34 sh.

La protection est ainsi réduite à 10 sh.

Il semble d'abord que cette mesure, présentée par les torys, soit plus libérale que celle qui les mit à même de renverser les whigs.

Mais il faut prendre garde que la réduction de 63 à 34 sh. n'est accordée par sir R. Peel qu'au sucre étranger produit par le travail libre (free-grown sugar). Ainsi, le monopole se trouve affranchi de la concurrence de Cuba et du Brésil, qui était pour lui la plus redoutable.

Les monopoleurs, qui, à leur grand regret, ne peuvent marcher qu'avec l'opinion publique, se sont emparés ici, avec une habileté incontestable, du sentiment d'horreur que l'esclavage inspire à toutes les classes du peuple anglais. Ce sentiment fomenté, exalté pendant les quarante années de l'agitation abolitionniste, a servi, dans son aveuglement, à la perpétration d'une fraude grossière dans le Parlement.

On a vu dans le compte rendu des meetings de la Ligue, l'opinion de cette association relativement à cette distinction entre le sucre-libre et le sucre-esclave.

Il est bon de dire ici, qu'en présentant cette loi, sir Robert Peel a déclaré que, si l'état du revenu public le permettait, il se proposait de pousser beaucoup plus loin la réforme en 1845, mais qu'il tenait à faire prévaloir en principe, et dès cette année, la distinction entre les deux sucres, afin de la faire reparaître lorsqu'il s'agirait d'un nouvel abaissement des droits. Il est permis de croire que son arrière-pensée était de se ménager un moyen de conclure un traité de commerce avec le Brésil, et nous savons en effet que des commissaires anglais sont en ce moment chargés de cette mission.