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Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 2

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§ V

Le 9 février, une cérémonie eut lieu à Paris, au Champ de Mars. L'on y porta en grande pompe les trophées conquis par l'armée d'Orient; on y rendit un nouvel hommage au héros américain, dont M. de Fontanes prononça l'oraison funèbre devant toutes les autorités civiles et militaires de la capitale. Ces circonstances ne laissèrent plus aucun doute dans l'esprit des envoyés des États-Unis, sur le succès de leur négociation.

Le traité de 1794, entre l'Angleterre et l'Amérique, avait été un vrai triomphe pour l'Angleterre; mais il avait été désapprouvé par les puissances neutres de l'Europe. En toute occasion, le Danemark, la Suède, la Russie, proclamaient avec affectation, les principes de la neutralité armée de 1780.

Le 4 juillet 1798, la frégate suédoise la Troya, escortant un convoi, fut rencontrée par une escadre anglaise, qui l'obligea de se rendre à Margate avec les navires qu'elle accompagnait. Aussitôt que le roi de Suède en fut informé, il donna ordre, au commandant du convoi, de se rendre à sa destination. Mais quelque temps après, un deuxième convoi sorti des ports de Suède, sous l'escorte d'une frégate (la Hulla Fersen), commandée par M. de Cederstrom, éprouva le même sort que la première. Le roi de Suède fit traduire devant un conseil de guerre les deux officiers commandant les frégates d'escorte; M. de Cederstrom fut condamné à mort.

A la même époque, un vaisseau anglais s'empara d'un navire suédois, et le conduisit à Elseneur; mais bientôt, bloqué dans ce port par plusieurs frégates danoises, il fut obligé de rendre sa prise. Pendant les deux années suivantes, les esprits s'aigrirent encore. La destruction de l'escadre française à Aboukir, les malheurs de la France dans la campagne de 1799, accrurent la superbe anglaise. A la fin de décembre 1799, la frégate danoise la Hanfenen, capitaine Van Dockum, escortait des bâtiments marchands de cette nation et entrait dans le détroit, lorsqu'elle fut rencontrée par plusieurs frégates anglaises. L'une d'elles envoya un canot, pour faire connaître au capitaine danois qu'on allait visiter son convoi. Celui-ci répondit que ce convoi était de sa nation, qu'il était sous son escorte, qu'il en garantissait le pavillon et le chargement, et qu'il ne souffrirait pas qu'on le visitât. Aussitôt un canot anglais, se dirigea sur un navire du convoi, pour le visiter. La frégate danoise fit feu, blessa un Anglais, et s'empara du canot; mais le capitaine Van Dockum le relâcha sur la menace des anglais, de commencer aussitôt les hostilités. Le convoi fut conduit à Gibraltar.

Dans une note, par laquelle M. Merry, envoyé anglais à Copenhague, demanda, le 10 avril 1800, le désaveu, l'excuse et la réparation qu'était en droit d'attendre le gouvernement britannique; il dit: «Le droit de visiter et d'examiner les vaisseaux marchands en pleine mer, de quelque nation qu'ils soient, et quelle que soit leur cargaison ou destination, le gouvernement britannique le regarde comme le droit incontestable de toute nation en guerre; droit qui est fondé sur celui des gens, et qui a été généralement admis et reconnu.»

A cette note, M. Bernstorf, ministre de Danemark, répondit, que le droit de faire visiter les bâtiments convoyés, n'avait été reconnu par aucune puissance maritime indépendante, et qu'elles ne pourraient le faire sans avilir leur propre pavillon; que le droit conventionnel de visiter un bâtiment marchand neutre, avait été attribué aux puissances belligérantes, seulement pour s'assurer de la sincérité du pavillon; que cette vérité était bien mieux constatée, quand c'était un bâtiment de guerre de la nation neutre qui le certifiait; que s'il en était autrement, il s'ensuivrait que les plus grandes escadres, escortant un convoi, seraient soumises à l'affront de le laisser visiter par un brick, ou même par un corsaire. Il terminait en disant que le capitaine danois, qui avait repoussé une violence, à laquelle il ne devait pas s'attendre, n'avait fait que son devoir.

La frégate danoise la Freya, escortant un convoi marchand, se trouva, le 25 juillet 1800, à l'entrée de la Manche, en présence de quatre frégates anglaises, sur les onze heures du matin. L'une d'elles envoya à bord de la danoise, un officier, pour demander où elle allait, et prévenir qu'il allait visiter le convoi. Le capitaine Krapp répondit que son convoi était danois; il montra à l'officier anglais les papiers et les certificats qui constataient sa mission, et fit connaître qu'il s'opposerait à toute visite. Alors une frégate anglaise se dirigea sur le convoi, qui reçut ordre de se rallier à la Freya. En même temps, une autre frégate s'approcha de cette dernière, et tira sur un bâtiment marchand. Le danois répondit à son feu, mais de façon que le boulet passa par dessus la frégate anglaise. Sur les huit heures, le commodore anglais arriva, avec son vaisseau, près de la Freya, et réitéra la demande de visiter le convoi sans aucune opposition. Sur le refus du capitaine Krapp, une chaloupe anglaise se dirigea sur le marchand le plus voisin. Le danois donna ordre de tirer sur la chaloupe; alors le commodore anglais, qui prenait en flanc la Freya, lui envoya toute sa bordée. Cette dernière riposta, se battit une heure contre les quatre frégates anglaises, et, perdant l'espoir de vaincre des forces si supérieures, amena son pavillon. Elle avait reçu trente boulets dans sa coque, et un grand nombre dans ses mats et agrès. Elle fut conduite, avec le convoi, aux Dunes, où on la fit mouiller à côté du vaisseau amiral. Les Anglais firent hisser, à bord de la Freya, le pavillon danois, et y mirent une garde de soldats anglais sans armes.

Cependant les esprits étaient fort aigris. Le Danemark, la Suède, la Russie armaient leurs escadres, et annonçaient hautement l'intention de soutenir leurs droits par les armes. Lord Wilworth fut envoyé à Copenhague, où il arriva le 11 juillet, avec les pouvoirs nécessaires pour aviser à un moyen d'accommodement. Ce négociateur fut appuyé par une flotte de vingt-cinq vaisseaux de ligne, sous les ordres de l'amiral Dikinson, qui parut, le 19 août, devant le Sund. Tout était en armes sur la côte de Danemark; on s'attendait à chaque instant au commencement des hostilités. Mais les flottes alliées de la Suède et de la Russie n'étaient pas prêtes. Ces puissances avaient espéré que des menaces seraient suffisantes; comme elles n'avaient pas prévu une attaque si subite, aucun traité n'avait été contracté entre elles à ce sujet. Après de longues conférences, lord Wilworth et le comte de Bernstorf signèrent une convention, le 31 août. Il y fut stipulé 1o que le droit de visiter les bâtiments allant sans convoi, était renvoyé à une discussion ultérieure; 2o que sa majesté danoise, pour éviter les évènements pareils à celui de la frégate la Freya, se dispenserait de convoyer aucun de ses bâtiments marchands, jusqu'à ce que des explications ultérieures, sur cet objet, eussent pu effectuer une convention définitive; 3o que la Freya et le convoi seraient relâchés; que la frégate trouverait, dans les ports de sa majesté britannique, tout ce dont elle aurait besoin pour se réparer, et ce, suivant l'usage entre les puissances amies et alliées.

On voit, que l'Angleterre et le Danemark cherchaient également à gagner du temps. Par cette convention, faite sous le canon d'une flotte anglaise supérieure, le Danemark échappa au danger imminent qui le menaçait; il ne reconnut aucune des prétentions de l'Angleterre. Seulement, il sacrifia son juste ressentiment et les réparations qu'il était en droit de demander pour les outrages faits à son pavillon.

Aussitôt que l'empereur de Russie, Paul Ier, fut informé de l'entrée d'une flotte anglaise dans la Baltique, avec des intentions hostiles, il fit mettre le séquestre sur tous les bâtiments anglais, qui se trouvaient dans ses ports; il y en avait plusieurs centaines. Il fit délivrer à tous les capitaines des navires, qui partaient des ports russes, une déclaration, portant, que la visite de tout bâtiment russe par un bâtiment anglais, serait considérée comme une déclaration de guerre.

§ VI

Le premier consul nomma, pour traiter avec les ministres des États-Unis, les conseillers d'état, Joseph Bonaparte, Rœderer et Fleurieu. Les conférences eurent lieu successivement à Paris et à Morfontaine; on éprouva beaucoup de difficultés. Les deux républiques avaient-elles été en guerre ou en paix? Ni l'une ni l'autre n'avait fait de déclaration de guerre; mais le gouvernement américain avait, par le bill du 7 juillet 1798, déclaré les États-Unis exonérés des droits que la France avait acquis par le traité du 6 février 1778. Les envoyés ne voulaient pas revenir sur ce bill; cependant, on ne peut perdre des droits acquis par des traités, que de deux manières, par son propre consentement ou par l'effet de la guerre. Les Américains demandaient à être indemnisés de toutes les pertes que leur avaient fait éprouver les corsaires français, et, en dernier lieu, la loi du 18 janvier 1798. Ils convenaient que, de leur côté, ils dédommageraient le commerce français de celles qu'il avait essuyées. Mais la balance de ces indemnités était de beaucoup à l'avantage de l'Amérique. Les plénipotentiaires français firent aux ministres américains le dilemme suivant: «nous sommes en guerre ou en paix. Si nous sommes en paix et que notre état actuel ne soit qu'un état de mésintelligence, la France doit liquider tout le tort que ses corsaires vous auront fait. Vous avez évidemment perdu plus que nous, nous devons solder la différence. Mais alors les choses doivent être établies comme elles étaient auparavant, et nous devons jouir de tous les droits et priviléges dont nous jouissions en 1778. Si, au contraire, nous sommes en état de guerre, vous n'avez pas droit d'exiger des indemnités pour vos pertes, tout comme nous n'avons pas le droit d'exiger les priviléges des traités que la guerre a rompus.»

 

Les ministres américains se trouvèrent fort embarrassés. Après de longues discussions, on adopta le mezzo-termine, de déclarer qu'une convention ultérieure statuerait sur l'une ou l'autre de ces situations. Cette difficulté une fois écartée, il ne restait plus qu'à stipuler pour l'avenir, et l'on aborda franchement les principes des droits des neutres. L'aigreur, qui existait entre les puissances du Nord et l'Angleterre, les divers combats qui avaient déja eu lieu, plusieurs causes qui avaient influé sur le caractère de l'empereur Paul, la victoire de Marengo qui avait changé la face de l'Europe, tout faisait sentir de quelle utilité, pour les affaires générales, serait une déclaration claire et libérale des principes du droit maritime. Il fut expressément reconnu dans le nouveau traité: 1o que le pavillon couvre la marchandise; 2o que les objets de contrebande ne doivent s'entendre que des munitions de guerre, canons, fusils, poudre, boulets, cuirasses, selles, etc.; 3o que la visite, qui serait faite d'un navire neutre, pour s'assurer de son pavillon et des objets de contrebande, ne pourrait avoir lieu que hors de la portée de canon du bâtiment de guerre visitant; que deux ou trois hommes, au plus, monteraient à bord du neutre; que, dans aucun cas, on ne pourrait obliger le navire neutre d'envoyer à bord du bâtiment visitant; que chaque bâtiment serait porteur d'un certificat, qui justifierait de son pavillon; que l'aspect seul de ce certificat serait suffisant; qu'un bâtiment, qui porterait de la contrebande, ne serait soumis qu'à la confiscation de cette contrebande; qu'aucun bâtiment convoyé ne serait soumis à la visite; que la déclaration du commandant de l'escorte du convoi suffirait; que le droit de blocus ne devait s'appliquer qu'aux places réellement bloquées, où l'on ne peut entrer sans un danger évident, et non à celles censées bloquées par des croisières; que les propriétés ennemies étaient couvertes par le pavillon neutre, tout comme les marchandises neutres, trouvées à bord de bâtiments ennemis, suivaient le sort de ces bâtiments, excepté toutefois pendant les deux premiers mois après la déclaration de guerre; que les vaisseaux et corsaires des deux nations seraient traités, dans les ports respectifs, comme ceux de la nation la plus favorisée.

Ce traité fut signé par les ministres plénipotentiaires des deux puissances à Paris, le 30 septembre 1800. Le 3 octobre suivant, M. Joseph Bonaparte, président de la commission chargée de la négociation, donna une fête, dans sa terre de Morfontaine aux envoyés américains: le premier consul y assista. Des emblêmes ingénieux, des inscriptions heureuses rappelaient les principaux évènements de la guerre de l'indépendance américaine, partout on voyait réunies les armes des deux républiques. Pendant le dîner, le premier consul porta le toast suivant: Aux mânes des Français et des Américains morts sur le champ de bataille pour l'indépendance du Nouveau-Monde. Celui-ci fut porté par le consul Cambacérès: Au successeur de Washington. Et le consul Lebrun porta le sien ainsi: A l'union de l'Amérique avec les puissances du Nord, pour faire respecter la liberté des mers. Le lendemain, 4 octobre, les ministres américains prirent congé du premier consul. On remarqua dans leurs discours les phrases suivantes: Qu'ils espéraient que la convention signée le 30 septembre, serait la base d'une amitié durable entre la France et l'Amérique, et que les ministres américains n'omettraient rien pour concourir à ce but. Le premier consul répondit que les différends, qui avaient existé, étaient terminés; qu'il n'en devait pas plus rester de trace que de démêlés de famille; que les principes libéraux, consacrés dans la convention du 30 septembre, sur l'article de la navigation, devaient être la base du rapprochement des deux républiques, comme ils l'étaient de leurs intérêts; et qu'il devenait, dans les circonstances présentes, plus important que jamais, pour les deux nations, d'y adhérer.

Le traité fut ratifié le 18 février 1801, par le président des États-Unis, qui en supprima l'article 2, ainsi conçu:

«Les ministres plénipotentiaires des deux partis ne pouvant, pour le présent, s'accorder, relativement au traité d'alliance du 6 février 1778, au traité d'amitié et de commerce de la même date, et à la convention en date du 4 novembre 1788; non plus que relativement aux indemnités mutuellement dues ou réclamées, les parties négocieront ultérieurement sur ces objets, dans un temps convenable, et jusqu'à ce qu'elles se soient accordées sur ces points, lesdits traités et convention n'auront point d'effet, et les relations des deux nations seront réglées ainsi qu'il suit, etc.:»

La suppression de cet article faisait cesser à la fois les priviléges, qu'avait la France par le traité de 1778, et annulait les justes réclamations que pouvait faire l'Amérique, pour des torts éprouvés en temps de paix. C'était justement ce que le premier consul s'était proposé, en établissant ces deux objets, l'un comme la balance de l'autre. Sans cela, il eût été impossible de satisfaire le commerce des États-Unis, et de lui faire oublier les pertes qu'il avait éprouvées. La ratification que donna le premier consul, le 31 juillet 1801, portait que, bien entendu, la suppression de l'article 2 annulait toute espèce de réclamation d'indemnités, etc.

Il n'est pas d'usage de faire des modifications aux ratifications. Rien n'est plus contraire au but de tout traité de paix, qui est de rétablir la bonne harmonie. Les ratifications doivent toujours être pures et simples; le traité doit y être transcrit, sans qu'il y soit opéré de changements, afin d'éviter d'embrouiller les questions. Si cet évènement avait pu être prévu, les plénipotentiaires auraient fait deux copies, l'une avec l'article 2, et l'autre sans cet article: tout alors aurait été suivant les règles.

§ VII

L'empereur Paul avait succédé à l'impératrice Catherine II. Ennemi jusqu'au délire de la révolution française, ce que sa mère s'était contentée de promettre, il l'avait effectué; il avait pris part à la deuxième coalition. Le général Suwarow, à la tête de 60,000 Russes, s'avança en Italie, tandis qu'une autre armée russe entrait en Suisse, et qu'un corps de 15,000 hommes était mis par le czar, à la disposition du duc d'Yorck, pour conquérir la Hollande. C'était tout ce que l'empire russe avait de troupes disponibles. Vainqueur aux batailles de Cassano, de la Trebbia, de Novi, Suwarow avait perdu la moitié de son armée dans le Saint-Gothard et dans les différentes vallées de la Suisse, après la bataille de Zurich, où Korsakow avait été pris. Paul sentit alors toute l'imprudence de sa conduite; et, en 1800, Suwarow retourna en Russie, ramenant avec lui à peine le quart de son armée. L'empereur Paul se plaignait amèrement d'avoir perdu l'élite de ses troupes, qui n'avaient été secondées ni par les Autrichiens, ni par les Anglais. Il reprochait au cabinet de Vienne de s'être refusé, après la conquête du Piémont, à remettre, sur son trône, le roi de Sardaigne; de n'être point animé d'idées grandes et généreuses; mais de se laisser entièrement dominer par des vues de calcul et d'intérêt. Il se plaignait aussi de ce que les Anglais, maîtres de Malte, au lieu de rétablir l'ordre de Saint-Jean et de restituer cette île aux chevaliers, se l'étaient appropriée. Le premier consul ne négligeait rien pour faire fructifier ces germes de mécontentement. Peu après la bataille de Marengo, il trouva le moyen de flatter l'imagination vive et impétueuse du czar, en lui envoyant l'épée que le pape Léon X avait donnée à l'Ile-Adam, comme un témoignage de sa satisfaction, pour avoir défendu Rhodes contre les infidèles. 8 à 10,000 soldats russes avaient été faits prisonniers en Italie, à Zurich, en Hollande; le premier consul proposa leur échange aux Anglais et aux Autrichiens. Les uns et les autres refusèrent: les Autrichiens, parce qu'ils avaient encore beaucoup de leurs prisonniers en France; et les Anglais, quoiqu'ils eussent un grand nombre de prisonniers français, parce que, suivant eux, cette proposition était contraire à leurs principes. Quoi! disait-on au cabinet de Saint-James, vous refusez d'échanger même les Russes, qui ont été pris en Hollande, en combattant dans vos propres rangs sous le duc d'Yorck? Comment! disait-on au cabinet de Vienne, vous ne voulez pas rendre à leur patrie ces hommes du Nord, à qui vous devez les victoires de la Trebbia, de Novi, vos conquêtes en Italie, et qui ont laissé chez vous une foule de français qu'ils ont faits prisonniers! Tant d'injustice m'indigne, dit le premier consul. Eh bien! je les rendrai au czar sans échange; il verra l'estime que je fais des braves. Les officiers russes prisonniers reçurent sur le champ des épées, et les troupes de cette nation furent réunies à Aix-la-Chapelle, où bientôt elles furent habillées complètement à neuf, et armées de belles armes de nos manufactures. Un général russe fut chargé de les organiser en bataillons, en régiments. Ce coup retentit à la fois à Londres et à Saint-Pétersbourg. Attaqué par tant de points différents, Paul s'exalta, et porta tout le feu de son imagination, toute l'ardeur de ses vœux vers la France. Il expédia un courrier au premier consul, avec une lettre où il disait: «Citoyen premier consul, je ne vous écris point pour entrer en discussion sur les droits de l'homme ou du citoyen: chaque pays se gouverne comme il l'entend. Partout où je vois à la tête d'un pays, un homme qui sait gouverner et se battre, mon cœur se porte vers lui. Je vous écris pour vous faire connaître le mécontentement que j'ai contre l'Angleterre, qui viole tous les droits des nations, et qui n'est jamais guidée que par son égoïsme et son intérêt. Je veux m'unir avec vous pour mettre un terme aux injustices de ce gouvernement.»

Au commencement de décembre 1800, le général Sprengporten finlandais, qui avait passé au service de la Russie, et qui, de cœur, était attaché à la France, arriva à Paris. Il portait des lettres de l'empereur Paul, et était chargé de prendre le commandement des prisonniers russes, et de les ramener dans leur patrie. Tous les officiers de cette nation, qui retournaient en Russie, se louaient sans cesse des bons traitements et des égards qu'ils avaient reçus en France, surtout depuis l'arrivée du premier consul. Bientôt la correspondance entre l'empereur Paul et ce dernier, devint journalière; ils traitaient directement des plus grands intérêts et des moyens d'humilier la puissance anglaise. Le général Sprengporten n'était pas chargé de traiter de la paix, il n'en avait pas les pouvoirs. Il n'était pas non plus ambassadeur; la paix n'existait pas. C'était donc une mission extraordinaire: ce qui permit d'accorder, sans conséquence, à ce général toutes les distinctions propres à flatter le souverain qui l'avait envoyé.