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Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 2

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§ VII

Les arts et les sciences sont dans leur enfance en Égypte. A Jemilazar on enseigne la philosophie d'Aristote, les règles de la langue arabe, l'écriture et un peu d'arithmétique, on explique et discute les différents chapitres du Koran, et l'on montre la partie de l'histoire des califes, nécessaire pour connaître et juger les différentes sectes de l'islamisme. Du reste, les Arabes ignorent complètement les antiquités de leur pays, et leurs notions sur la géographie et la sphère sont très-superficielles et très-fausses. Il y avait au Caire quelques astronomes dont la science se bornait à pouvoir rédiger l'almanach.

Par suite de cette ignorance, ils ont peu de curiosité. La curiosité n'existe que chez les peuples assez avancés pour distinguer ce qui est naturel de ce qui est extraordinaire. Les ballons ne firent point sur eux l'effet que nous avions supposé. Les Pyramides n'ont été intéressantes pour eux que parce qu'ils se sont aperçus de l'intérêt qu'elles excitent dans les étrangers. Ils ne savent qui les a bâties, et tout le peuple, hormis les plus instruits, les regarde comme une production de la nature; les plus éclairés d'entre eux, nous y voyant attacher tant d'importance, se sont imaginé qu'elles ont été construites par un ancien peuple dont les Francs sont descendus. C'est ainsi qu'ils expliquent la curiosité des Européens. La science qui leur serait le plus utile, c'est la mécanique hydraulique. Les machines leur manquent: cependant ils en ont une ingénieuse pour verser les eaux d'un fossé ou d'un puits sur un terrain plus élevé; le mobile en est le bras ou le cheval. Ils ne connaissent que les moulins à manége; nous n'avons pas trouvé dans toute l'Égypte un seul moulin à eau, ou à vent. L'emploi de ces derniers moulins pour élever les eaux, serait pour eux une grande conquête et pourrait avoir de grands résultats en Égypte. Conté leur en a établi un.

Tous les artisans du Caire sont très-intelligents; ils exécutaient parfaitement ce qu'ils voyaient faire. Pendant la révolte de cette ville, ils fondirent des mortiers et des canons, mais d'une manière grossière et qui rappelait ce qui se faisait dans le treizième siècle.

Les métiers à toile leur étaient connus; ils en avaient même pour broder le tapis de la Mecque. Ce tapis est somptueux et fait avec art. A un dîner du général en chef chez le scheick El-Fayoum, on parlait du Koran: «toutes les connaissances humaines s'y trouvent», disaient les scheicks. – Y voit-on l'art de fondre les canons et de faire la poudre? demanda Napoléon. Oui, répondirent-ils, mais il faut savoir le lire: distinction scholastique dont toutes les religions ont fait plus ou moins d'usage.

§ VIII

La navigation du Nil est très-active et très-facile; on le descend avec le courant, on le remonte à l'aide de la voile et du vent du nord qui est constant pendant une saison. Quand celui du sud règne, il faut quelquefois attendre long-temps. Les bâtiments dont on se sert sont appelés djermes. Ils sont plus haut mâtés et voilés que les bâtiments ordinaires, à peu près un tiers de plus, ce qui tient à la nécessité de recevoir les vents par-dessus les monticules qui bordent la vallée.

Le Nil était constamment couvert de ces djermes; les unes servaient au transport des marchandises, les autres à celui des voyageurs. Il y en a de grandeurs différentes. Les unes naviguent dans les grands canaux du Nil, les autres sont construites pour aller dans les petits. Le fleuve, auprès du Caire, est toujours couvert d'une grande quantité de voiles qui montent ou descendent. Les officiers d'état-major, qui se servaient des djermes pour aller porter des ordres, éprouvaient souvent des accidents. Les tribus arabes, en guerre avec nous, venaient les attendre aux sinuosités du fleuve où le vent leur manquait. Quelquefois aussi en descendant, ces bâtiments s'engravaient et les officiers qu'ils portaient étaient massacrés. Les caïques sont de petites chaloupes ou péniches légères et étroites qui servent pour passer le Nil et pour naviguer, non-seulement sur les canaux, mais aussi sur tout le pays quand il est inondé. Le nombre de bâtiments légers qui couvrent le Nil est plus considérable que sur aucun fleuve du monde, attendu que, pendant plusieurs mois de l'année, on est obligé de se servir de ces embarcations pour communiquer d'un village à l'autre.

§ IX

Il n'y a en Égypte ni voiture ni charrette. Les transports par eau y sont si multipliés et si faciles, que peut-être les voitures sont moins nécessaires là que partout ailleurs. On citait comme une chose fort remarquable un carrosse qu'Ibrahim-Bey avait reçu de France[5].

On se sert de chevaux pour parcourir la ville, excepté les hommes de loi et les femmes, qui vont sur des mulets ou sur des ânes. Les uns et les autres sont environnés d'un grand nombre d'officiers et de domestiques en uniforme et tenant en main de grands bâtons.

On emploie spécialement les chameaux pour les transports; ils servent aussi de monture. Les plus légers, qui n'ont qu'une bosse, s'appellent dromadaires. Lorsqu'on le veut monter, l'animal est dressé à se grouper sur ses genoux. Le cavalier se place sur une espèce de bât, les jambes croisées, et conduit le dromadaire par un bridon attaché à un anneau passé dans ses narines. Cette partie du chameau étant très-sensible, l'anneau produit sur lui le même effet que le mors sur le cheval. Il a le pas très-allongé; son allure ordinaire est un grand trot, qui fait sur le cavalier la même impression que le roulis. Il peut faire ainsi facilement une vingtaine de lieues dans un jour.

On met ordinairement de chaque côté des chameaux deux paniers dans lesquels deux personnes se placent, et qui reçoivent aussi des fardeaux. Telle est la manière de voyager des femmes. Il n'est aucune caravane de pélerins où il n'y ait un grand nombre de chameaux équipés pour elles de cette manière. Ces animaux portent jusqu'à mille livres, mais communément six cents. Leur lait et leur chair sont bons à manger.

Comme le chameau, le dromadaire boit peu, et peut même supporter la soif plusieurs jours. Il trouve, jusque dans les lieux les plus arides, quelque chose pour se nourrir. C'est l'animal du désert.

Il y a en Égypte une quantité immense d'ânes, ils sont grands et d'une belle race; au Caire ils tiennent en quelque sorte lieu de fiacres: les soldats, moyennant un petit nombre de paras, en avaient un à leur disposition pour toute une journée. Lors de l'expédition de Syrie, on en comptait dans l'armée plus de 8000. Ils rendirent les plus grands services.

Les chevaux des déserts qui touchent à l'Égypte sont les plus beaux du monde. Les étalons de cette race ont servi à améliorer toutes celles d'Europe. Les Arabes portent un grand soin à maintenir la race pure. Ils ont la généalogie de leurs juments et étalons.

Ce qui distingue le cheval arabe, est la vîtesse et surtout le moelleux et la douceur de ses allures. Il ne boit qu'une fois par jour, trotte rarement, et va presque toujours au pas ou au galop. Il peut s'arrêter brusquement sur ses jambes de derrière, ce qu'il serait impossible d'obtenir de nos chevaux.

§ X

L'institut d'Égypte fut composé de membres de l'institut de France, et des savants et artistes de la commission étrangers à ce corps. Ils se réunirent et s'adjoignirent plusieurs officiers d'artillerie, d'état-major et autres qui avaient cultivé les sciences ou les lettres.

L'institut fut placé dans un des palais des beys. La grande salle du harem, au moyen de quelques changements qu'on y fit, devint le lieu des séances, et le reste du palais servit d'habitation aux savants. Devant ce bâtiment était un vaste jardin qui donnait dans la campagne, et près duquel on éleva sur un monticule le fort dit de l'Institut.

On avait apporté de France un grand nombre de machines et instruments de physique, d'astronomie et de chimie. Ils furent distribués dans les diverses salles, qui se remplirent aussi successivement de toutes les curiosités du pays, soit du règne animal, soit du règne végétal, soit du règne minéral.

Le jardin devint jardin de botanique.

Un laboratoire de chimie fut placé au quartier-général; plusieurs fois par semaine Berthollet y faisait des expériences, auxquelles assistaient Napoléon et un grand nombre d'officiers.

L'établissement de l'institut excita vivement la curiosité des habitants du Caire. Instruits que ces assemblées n'avaient pour objet aucune affaire religieuse, ils se persuadèrent que c'étaient des réunions d'alchimistes, où l'on cherchait le moyen de faire de l'or.

Les mœurs simples des savants, leurs constantes occupations, les égards que leur témoignait l'armée, leur utilité pour la fabrication des objets d'art et de manufacture pour lesquels ils se trouvaient en relation avec les artistes du pays, leur acquirent bientôt la considération et le respect de toute la population.

§ XI

Les membres de l'institut furent aussi employés dans l'administration civile. Monge et Berthollet furent nommés commissaires près du grand-divan, le mathématicien Fourrier près du divan du Caire. Costaz fut mis à la tête de la rédaction d'un journal; les astronomes Nourris et Noël parcoururent les points principaux de l'Égypte pour en fixer la position géographique et surtout celle des anciens monuments. On voulait par-là réaccorder la géographie ancienne avec la nouvelle.

 

L'ingénieur des ponts et chaussées, Lepeyre, fut chargé de niveler et de faire le projet du canal de Suèz, et l'ingénieur Girard d'étudier le systême de navigation du Nil.

Un des membres de l'institut eut la direction de la monnaie du Caire. Il fit fabriquer une grande quantité de paras, petite monnaie de cuivre. C'était une opération avantageuse, le trésor y gagnait plus de 60 pour cent. Les paras se répandaient, non-seulement en Égypte, mais encore en Afrique et dans les déserts d'Arabie; et au lieu de gêner la circulation et de nuire au change, inconvénient des monnaies de cuivre, elles les favorisaient. Conté établit plusieurs manufactures et usines.

Les fours pour faire éclore les poulets, que l'Égypte possède de toute antiquité, excitèrent vivement l'attention de l'institut: Dans plusieurs autres pratiques que ce pays tenait de tradition, on reconnut des traces qui furent précieusement recueillies comme utiles à l'histoire des arts, et pouvant faire retrouver d'anciens procédés perdus.

Le général Andréossy reçut la mission scientifique et militaire de reconnaître les lacs Menzaleh, Bourlos et Natron. Geoffroy s'occupa de l'histoire naturelle. Les dessinateurs Dutertre et Rigolo dessinaient tout ce qui pouvait donner une idée des coutumes et des monuments de l'antiquité. Ils firent les portraits de tous les hommes du pays qui s'étaient dévoués au général en chef; cette distinction les flattait beaucoup.

Le général Caffarelly, le colonel Sukolski, lurent souvent à l'institut, des mémoires curieux qui ont été recueillis parmi ceux de cette société.

Lorsque la haute Égypte fut conquise, ce qui n'eut lieu que dans la seconde année, toute la commission des savants s'y rendit pour s'occuper de la recherche des antiquités.

Ces divers travaux ont donné lieu au magnifique ouvrage sur l'Égypte, rédigé et gravé dans les quinze premières années de ce siècle, et qui a coûté plusieurs millions.

§ XII

Le climat est sain dans toute l'Égypte; néanmoins une des premières sollicitudes de l'administration fut la formation des hôpitaux. Tout était à faire sous ce rapport. La maison d'Ibrahim-Bey, située au bord du canal de Rodah, à un quart de lieue du Caire, fut destinée au grand hôpital. On le rendit capable de recevoir cinq cents malades. Au lieu de bois de lit, on se servit de grands paniers d'osier, sur lesquels on plaçait des matelas de coton ou de laine, et des paillasses que l'on fit avec de la paille de blé et celle de maïs qui, ne manquait pas. En peu de temps cet hospice fut abondamment fourni de tout. On en établit de semblables à Alexandrie, ainsi qu'à Rosette et à Damiette, et l'on donna une grande étendue aux hôpitaux régimentaires.

Les maux d'yeux ont fort incommodé l'armée française en Égypte; plus de la moitié des soldats en a été atteinte. Cette maladie provient, dit-on, de deux causes; des sels qui se trouvent dans le sable et la poussière, et affectent nécessairement la vue, et de l'irritation que produit le défaut de transpiration pendant des nuits très-fraîches qui succèdent à des jours brûlants. Quoiqu'il en soit de cette explication, ces ophthalmies résultent évidemment du climat. Saint Louis, de retour de son expédition du Levant, ramena une foule d'aveugles; et c'est ce qui donna lieu à l'établissement de l'hospice des Quinze-Vingts à Paris.

§ XIII

La peste arrive toujours des côtes et jamais de la haute Égypte. On plaça des lazarets à Alexandrie, à Rosette et à Damiette; on en construisit aussi un très-beau dans l'île de Rodah; et lorsque la peste parut, on mit en vigueur tout le systême des lois sanitaires de Marseille. Ces précautions nous furent très-utiles. Elles étaient tout-à-fait inconnues aux habitants, qui s'y soumirent d'abord avec répugnance, mais qui finirent par en sentir l'utilité. C'est pendant l'hiver que la peste a lieu; en juin elle disparaît entièrement. On a fort souvent agité la question de savoir si cette maladie est endémique à l'Égypte. Ceux qui sont pour l'affirmative, croient avoir remarqué qu'elle se déclare à Alexandrie ou sur les côtes de Damiette, pendant les années où, par exception, il pleut dans ces pays. Aussi est-il sans exemple qu'elle ait commencé au Caire et dans la haute Égypte où il ne pleut jamais. Les personnes qui pensent qu'elle vient de Constantinople ou des autres points de l'Asie, se fondent également sur ce que les premiers symptômes se manifestent toujours le long des côtes.

§ XIV

On fit à la maison d'Elfy-Bey, qu'occupait le général en chef sur la place d'El-Bekir, divers travaux qui avaient pour objet de l'accommoder à notre usage. On commença par la construction d'un grand escalier qui conduisait au premier étage, le rez-de-chaussée ayant été laissé pour les bureaux et l'état-major. Le jardin subit aussi des changements. Il ne s'y trouvait aucune allée; on en pratiqua un grand nombre, ainsi que des bassins de marbre et des jets d'eau. Les Orientaux aiment peu la promenade; marcher quand on peut être assis, leur paraissait un contre-sens qu'ils n'expliquaient que par la pétulance du caractère français.

Des entrepreneurs établirent dans le jardin du Caire une espèce de Tivoli où l'on trouvait, comme à celui de Paris, des illuminations, des feux d'artifice et des promenades. Le soir c'était le rendez-vous de l'armée et des gens du pays.

On construisit, du Caire à Boulac, une chaussée de communication qui pouvait servir en tout temps, même pendant l'inondation. On éleva un théâtre, et un grand nombre de maisons furent arrangées et adaptées à nos usages comme celle du général en chef. Une manutention fut établie[6]. On bâtit, à la pointe de l'île de Roda, plusieurs moulins à vent pour faire de la farine; et on commençait à en employer pour faire monter les eaux et pour servir à l'arrosement des terres. On avait fondé plusieurs écluses et préparé tout ce qui était nécessaire pour commencer les travaux du canal de Suèz; mais les fortifications et les bâtiments militaires occupèrent dans cette première année, tous les bras et toute l'activité de l'armée.

§ XV

Napoléon donnait souvent à dîner aux scheicks. Quoique nos usages fussent fort différents des leurs, ils trouvaient très-commodes la chaise, la fourchette, les couteaux. A la fin d'un de ces dîners, il demanda un jour au cheick El-Mondi: «Depuis six mois que je suis avec vous, que vous ai-je appris qui vous paraisse le plus utile? Ce que vous m'avez appris de plus utile, répondit le scheick, moitié sérieux, moitié riant, c'est de boire en mangeant.» L'usage des Arabes est de ne boire qu'à la fin du repas.

NOTE SUR LA SYRIE

L'Arabie a la figure d'un trapèze. Un de ses côtés, borné par la mer rouge et l'isthme de Suèz, a cinq cents lieues. Celui qui s'étend depuis le détroit de Babel-Mandel jusqu'au cap de Razelgate en a quatre cent cinquante. Le troisième, qui, de Razelgate, traverse le golfe Persique et l'Euphrate, et s'étend jusqu'aux montagnes qui avoisinent Alep et bornent la Syrie, a six cents lieues; c'est le plus grand. Le quatrième, qui est le moins considérable, a cent cinquante lieues depuis Raffa, limite de l'Égypte, jusqu'au-delà d'Alexandrette et des monts Rosas; il sépare l'Arabie de la Syrie. Cette dernière contrée a, dans toute la longueur dont nous parlons, ses terres cultivées sur trente lieues de largeur; et le désert qui en fait partie, s'étend l'espace de trente lieues jusqu'à Palmyre. La Syrie est bornée au nord par l'Asie mineure, à l'occident par la Méditerranée, au midi par l'Égypte, et à l'orient par l'Arabie; ainsi elle est le complément de ce pays, et forme avec lui une grande île, comprise entre la Méditerranée, la mer Rouge, l'Océan, le golfe Persique et l'Euphrate. La Syrie diffère totalement de l'Égypte par sa population, son climat et son sol. Celle-ci est une seule plaine formée par la vallée d'un des plus grands fleuves du monde; l'autre est la réunion d'un grand nombre de vallées. Les cinq sixièmes du terrain sont des collines ou des montagnes, dont une chaîne traverse toute la Syrie, et suit parallèlement les côtes de la Méditerranée à la distance de dix lieues. A droite, elle verse ses eaux dans deux rivières qui coulent dans la direction qu'elle suit elle-même, le Jourdain et l'Oronte. Ces fleuves prennent leur source au mont Liban, qui est le centre de la Syrie et le point le plus élevé de cette chaîne. De là, l'Oronte se dirige entre les montagnes et l'Arabie, du sud au nord, et, après un cours de soixante lieues, se jette dans la mer près du golfe d'Antioche. Comme cette rivière coule très-près du pied des montagnes, elle ne reçoit qu'un petit nombre d'affluents. Le Jourdain, qui prend naissance à vingt lieues de l'Oronte sur l'Anti-Liban, coule du nord au sud. Il reçoit une dixaine d'affluents de la chaîne de montagnes qui traversent la Syrie. Après soixante lieues de cours, il va se perdre dans la mer morte.

Près des sources de l'Oronte, du côté de Balbeck, prennent naissance deux petites rivières. L'une, appelée la Baradée, arrose la plaine de Damas, et va mourir dans le lac de Bahar-el-Margî; l'autre, qui a trente lieues de cours, a également sa source sur les hauteurs de Balbeck, et se jette dans la Méditerranée près de Sour ou Tyr. Le pays d'Alep est baigné par plusieurs ruisseaux qui, partis de l'Asie mineure, viennent se réunir à l'Oronte. Le Koik, qui passe à Alep, vient mourir dans un lac près de cette ville.

Il pleut en Syrie à peu près autant qu'en Europe. Ce pays est très-sain, et offre les sites les plus agréables. Comme il est composé de vallées et de petites montagnes, très-favorables au pâturage, on y élève une grande quantité de bestiaux. On y voit aussi des arbres de toute espèce, et surtout une grande quantité d'oliviers. La Syrie serait très-propre à la culture de la vigne, tous les villages chrétiens y font d'excellent vin.

Cette province est partagée en cinq pachalics; celui de Jérusalem, qui comprend l'ancienne Terre-Sainte; et ceux d'Acre, de Tripoli, de Damas et d'Alep. Alep et Damas sont incomparablement les deux plus grandes villes. Sur les cent cinquante lieues de côtes que présente la Syrie, on trouve la ville de Gaza (située à une lieue de la mer, sans trace de rade ni de port); un très-beau plateau de deux lieues de tour désigne l'emplacement qu'avait cette ville dans sa prospérité. Aujourd'hui elle n'a que peu d'importance. Jaffa ou Joppé est le port le plus voisin de Jérusalem, dont il est à quinze lieues. Outre le port pour les bâtiments, il s'y trouve une rade foraine. Césarée n'offre plus que des ruines. Acre a une rade foraine; mais la ville est peu de chose, on y compte dix ou douze mille habitants. Sour ou Tyr n'est plus qu'un village. Said, Baîrout, Tripoli, sont de petites villes. Le point le plus important de toute cette côte, est le golfe d'Alexandrette situé à vingt lieues d'Alep, à trente de l'Euphrate et à trois cents d'Alexandrie. Il s'y trouve un mouillage pour les plus grandes escadres. Tyr, que le commerce a porté autrefois à un si haut degré de splendeur, et qui a été la métropole de Carthage, paraît avoir dû, en partie, sa prospérité au commerce des Indes qui se faisait, en remontant le golfe Persique et l'Euphrate, en passant par Palmyre, Émesse, et en se dirigeant, selon les différentes époques, sur Tyr ou sur Antioche.

Le point le plus élevé de toute la Syrie est le mont Liban, qui n'est qu'une montagne du troisième ordre, couverte d'énormes pins; et dans la Palestine, c'est le mont Thabor. L'Oronte et le Jourdain, qui sont les plus grands fleuves de ces deux contrées, sont l'un et l'autre de petites rivières.

La Syrie a été le berceau de la religion de Moïse et de celle de Jésus; l'islamisme est né en Arabie. Ainsi le même coin de terre a produit les trois cultes qui ont détruit le polythéisme, et porté sur tous les points du globe, la connaissance d'un seul Dieu créateur.

Presque toutes les guerres des croisés, des XIe, XIIe et XIIIe siècles, ont eu lieu en Syrie; et Saint-Jean d'Acre, Ptolémaïs, Joppé et Damas en ont été principalement le théâtre. L'influence de leurs armes, et leur séjour, qui s'y est prolongé pendant plusieurs siècles, y a laissé dans la population des traces qui s'aperçoivent encore.

 

Il y a en Syrie beaucoup de juifs, qui accourent de toutes les parties du monde pour mourir en la terre sainte de Japhet. Il s'y trouve aussi beaucoup de chrétiens, dont les uns descendent des croisés, et les autres sont des indigènes qui n'embrassèrent point le mahométisme, lors de la conquête des Arabes. Ils sont confondus ensemble, et il n'est plus possible de les distinguer. Chefamer, Nazareth, Bethléem et une partie de Jérusalem ne sont peuplés que de chrétiens. Dans les pachalics d'Acre et de Jérusalem ils sont, avec les juifs, supérieurs en nombre aux musulmans. Sur le revers du mont Liban, sont les Druses, nation dont la religion se rapproche beaucoup de celle des chrétiens. A Damas et à Alep, les mahométans sont en grande majorité; il y existe cependant un grand nombre de chrétiens syriaques. Les Mutualis, mahométans de la secte d'Ali, qui habitent les bords de la rivière qui, du Liban, coule vers Tyr, étaient autrefois nombreux et puissants; mais, lors de l'expédition des Français en Syrie, ils étaient fort déchus; les cruautés et vexations de Djezzar pacha en avaient détruit un grand nombre. Cependant ceux qui restaient nous rendirent de grands services et se distinguèrent par une rare intrépidité. Toutes les traditions que nous avons sur l'ancienne Égypte, portent sa population très-haut. Mais la Syrie ne peut, sous ce rapport, avoir dépassé les proportions connues en Europe; car là, comme dans les pays que nous habitons, il y a des rochers et des terres incultes.

Au reste, la Syrie, comme tout l'empire turc, n'offre presque partout que des ruines.

Footnote_5César, cocher de Napoléon, étonnait fort les Égyptiens par son adresse à conduire sa voiture, attelée de six beaux chevaux, dans les rues étroites du Caire et de Boulac. Cette voiture a traversé tout le désert de Syrie jusqu'à Saint-Jean-d'Acre; c'était une des curiosités du pays.
Footnote_6Les Égyptiens chauffent leurs fours, partie avec des roseaux, partie avec de la fiente de chameau ou de cheval, séchée au soleil, et qui sert alors de combustible.