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Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 2

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§ IV

Un préjugé bien répandu et cependant démenti par l'histoire, c'est que Mahomet était ennemi des sciences, des arts et de la littérature. On a beaucoup cité le mot du calife Omar, lorsqu'il fit brûler la bibliothèque d'Alexandrie: «Si cette bibliothèque renferme ce qui se trouve dans le Koran, elle est inutile; si elle contient autre chose, elle est dangereuse.» Un pareil fait et beaucoup d'autres de cette nature ne doivent point faire oublier ce que l'on doit aux califes arabes. Ils étendirent constamment la sphère des connaissances humaines, et embellirent la société par les charmes de leur littérature. Il est possible néanmoins que dans l'origine, les successeurs de Mahomet aient craint que les Arabes ne se laissassent amollir par les arts et les sciences, qui étaient portés à un si haut point dans l'Égypte, la Syrie et le bas-empire. Ils avaient sous les yeux la décadence de l'empire de Constantin, due en partie à de perpétuelles discussions scholastiques et théologiques. Peut-être ce spectacle les avait-il indisposés contre la plupart des bibliothèques qui dans le fait contenaient en majorité des livres de cette nature. Quoi qu'il en soit, les Arabes ont été pendant cinq cents ans la nation la plus éclairée du monde. C'est à eux que nous devons notre systême de numération, les orgues, les cadrans solaires, les pendules et les montres. Rien de plus élégant, de plus ingénieux, de plus moral que la littérature persanne, et, en général, tout ce qui est sorti de la plume des littérateurs de Bagdad, et de Bassora.

Les empires ont moins de durée en Asie que dans l'Europe, ce qu'on peut attribuer aux circonstances géographiques. L'Asie est environnée d'immenses déserts, d'où s'élancent tous les trois ou quatre siècles des peuplades guerrières, qui culbutent les plus vastes empires. De là sont sortis les Ottomans, et dans la suite les Tamerlan et les Gengiskan.

Il paraît que les législateurs souverains de ces peuplades se sont toujours attachés à leur conserver des mœurs nationales et une physionomie originaire. C'est ainsi qu'ils empêchèrent que le janissaire d'Égypte ne devînt arabe, que le janissaire d'Andrinople ne devînt grec. Le principe adopté par eux de s'opposer à toute espèce d'innovation dans les habitudes et les mœurs, leur fit proscrire les sciences et les arts. Mais il ne faut attribuer cette mesure ni aux préceptes de Mahomet, ni à la religion du Koran, ni au naturel arabe.

§ V

Mahomet restreignit à quatre, le nombre des femmes que chaque musulman pouvait épouser. Aucun législateur d'Orient n'en avait permis aussi peu. On se demande pourquoi il ne supprima point la polygamie, comme l'avait fait la religion chrétienne; car il est bien constant que le nombre des femmes, en Orient, n'est nulle part supérieur à celui des hommes. Il était donc naturel de n'en permettre qu'une, afin que tous pussent en avoir.

C'est encore un sujet de méditation que ce contraste entre l'Asie et l'Europe. Chez nous, les législateurs n'autorisent qu'une seule femme; Grecs ou Romains, Gaulois ou Germains, Espagnols ou Bretons, tous enfin ont adopté cet usage. En Asie, au contraire, la polygamie fut constamment permise; Juifs ou Assyriens, Tartares ou Persans, Égyptiens ou Turcomans, purent toujours avoir plusieurs femmes.

Peut-être faut-il chercher la raison de cette différence dans la nature des circonstances géographiques de l'Afrique et de l'Asie. Ces pays étant habités par des hommes de plusieurs couleurs, la polygamie est le seul moyen d'empêcher qu'ils ne se persécutent. Les législateurs ont pensé que pour que les blancs ne fussent pas ennemis des noirs, les noirs des blancs, les cuivrés des uns et des autres, il fallait les faire tous membres d'une même famille, et lutter ainsi contre ce penchant de l'homme, de haïr tout ce qui n'est pas lui. Mahomet pensa que quatre femmes étaient suffisantes pour atteindre ce but, parce que chaque homme pouvait avoir une blanche, une noire, une cuivrée et une femme d'une autre couleur. Sans doute il était aussi dans la nature d'une religion sensuelle de favoriser les passions de ses sectateurs; et en cela la politique et le prophète ont pu se trouver d'accord[3].

Lorsqu'on voudra dans nos colonies donner la liberté aux noirs et y établir une égalité parfaite, il faudra que le législateur autorise la polygamie et permette d'avoir à la fois une femme blanche, une noire et une mulâtre. Dès lors les différentes couleurs faisant partie d'une même famille seront confondues dans l'opinion de chacune; sans cela on n'obtiendra jamais des résultats satisfaisants. Les noirs seront ou plus nombreux ou plus habiles, et alors ils tiendront les blancs dans l'abaissement et vice versa.

Par suite de ce principe général de l'égalité des couleurs, qu'a établi la polygamie, il n'y avait aucune différence entre les individus composant la maison des Mamelucks. Un esclave noir qu'un bey avait acheté d'une caravane d'Afrique, devenait catchef et était égal au beau Mameluck blanc, originaire de Circassie; et l'on ne soupçonnait même pas qu'il en pût être autrement.

§ VI

L'esclavage n'est pas et n'a jamais été dans l'Orient ce qu'il fut en Europe. Les mœurs sous ce rapport sont restées les mêmes que celles de l'Écriture. La servante se marie avec le maître.

La loi des Juifs supposait si peu de distinction entre eux, qu'elle prescrit ce que la servante doit devenir, lorsqu'elle épouse le fils de la maison. De nos jours encore, un musulman achète un esclave, l'élève, et s'il lui plaît, l'unit à sa fille et le fait héritier de sa fortune, sans que cela choque en rien les coutumes du pays.

Mourah-Bey, Aly-Bey, avaient été vendus à des beys dans un âge encore tendre, par des marchands qui les avaient achetés eux-mêmes en Circassie. Ils remplirent d'abord les plus bas offices dans la maison de leurs maîtres. Mais leur jolie figure, leur aptitude aux exercices du corps, leur bravoure ou leur intelligence, les firent arriver progressivement aux premières places. Il en est de même chez les pachas, les visirs et les sultans. Leurs esclaves parviennent comme parviendraient leurs fils.

En Europe, au contraire, quiconque était empreint du sceau de l'esclavage, demeurait pour toujours dans le dernier rang de la domesticité. Chez les Romains l'esclave pouvait être affranchi, mais il conservait un caractère déshonnête et bas; jamais il n'était considéré comme un citoyen né libre. L'esclavage des colonies, fondé sur la différence des couleurs, est bien plus rigide et plus avilissant encore.

Les résultats de la polygamie, la manière dont les Orientaux considèrent l'esclavage et traitent leurs esclaves, diffèrent tellement de nos mœurs et de nos idées sur la servitude, que nous concevons difficilement tout ce qui passe chez eux.

Il fallut également beaucoup de temps aux Égyptiens pour comprendre que tous les Français n'étaient pas les esclaves de Napoléon, et encore n'y a-t-il eu que les plus éclairés d'entre eux qui y soient parvenus.

Tout père de famille, en Orient, possède sur sa femme, ses enfants et ses esclaves, un pouvoir absolu que l'autorité publique ne peut modifier. Esclave du grand-seigneur, il exerce au-dedans le despotisme auquel il est lui-même soumis au-dehors; et il est sans exemple qu'un pacha ou un officier quelconque ait pénétré dans l'intérieur d'une famille pour en troubler le chef dans l'exercice de son autorité, c'est une chose qui choquerait les coutumes, les mœurs et le caractère national. Les Orientaux se considèrent comme maîtres dans leurs maisons, et tout agent du pouvoir qui veut exercer sur eux son ministère, attend qu'ils en sortent ou les envoie chercher.

§ VII

Les mahométans ont beaucoup de cérémonies religieuses et un grand nombre de mosquées où les fidèles vont prier plusieurs fois par jour. Les fêtes sont célébrées par de grandes illuminations dans les temples et dans les rues, et quelquefois par des feux d'artifice.

Ils ont aussi des fêtes pour leur naissance, leur mariage et la circoncision de leurs enfants; cette dernière est celle qu'ils célèbrent avec le plus d'affection. Toutes se font avec plus de pompe extérieure que les nôtres. Leurs funérailles sont majestueuses et leurs tombeaux d'une architecture magnifique.

Aux heures indiquées les musulmans font leurs prières, en quelque lieu qu'ils se trouvent; les esclaves déploient des tapis devant eux, et ils s'agenouillent la face vers l'Orient.

La charité et l'aumône sont recommandées dans tous les chapitres du Koran, comme la manière d'être la plus agréable à Dieu et au prophète. Sacrifier une partie de sa fortune pour des établissements publics, surtout creuser un canal, un puits, élever une fontaine, sont des œuvres méritoires par excellence. L'établissement d'une fontaine, d'un réservoir, se lie fréquemment à celui d'une mosquée; partout où il y a un temple, il y a de l'eau en abondance. Le prophète paraît l'avoir mise sous la protection de la religion. C'est le premier besoin du désert, il faut la recueillir et la conserver avec soin.

 

Ali a peu de sectateurs dans l'Arabie, l'empire turc, l'Égypte et la Syrie. Nous n'y avons trouvé que les Mutualis. Mais toute la Perse jusqu'à l'Indus est de la secte de ce calife.

§ VIII

Le général en chef alla célébrer la fête du prophète chez le scheick El-Bekir. On commença par réciter une espèce de litanie qui comprenait la vie de Mahomet depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Une centaine de scheicks assis en cercle sur des tapis et les jambes croisées, en récitaient tous les versets en balançant fortement le corps en avant et en arrière, et tous ensemble.

Après cela on servit un grand dîner, pendant lequel on fut assis sur des coussins, les jambes croisées. Il y avait une vingtaine de tables et cinq ou six personnes à chaque table. Celle du général en chef et du scheick El-Bekir était au milieu; un petit plateau d'un bois précieux et de marqueterie fut placé à dix-huit pouces de terre et couvert successivement d'un grand nombre de plats. C'était des pilaux de riz, des rôtis d'une espèce particulière, des entrées, des pâtisseries, le tout fort épicé. Les scheicks dépeçaient tout avec leurs doigts. Aussi offrit-on pendant le dîner trois fois à laver les mains. On servit pour boisson de l'eau de groseille, de la limonade et plusieurs autres espèces de sorbets, et au dessert beaucoup de compotes et de confitures. Au total, le dîner n'était point désagréable; il n'y avait que la manière de le prendre qui nous parût étrange.

Le soir toute la ville fut illuminée. On alla après le dîner sur la place El-Bekir, dont l'illumination en verres de couleurs était fort belle. Il s'y trouvait un peuple immense. Tous étaient placés en ordre par rangs de vingt à cent personnes, lesquelles debout et les unes contre les autres récitaient les prières et les litanies du prophète avec des mouvements qui allaient toujours en augmentant, au point qu'à la fin ils paraissaient convulsifs et que quelques-uns tombaient en faiblesse.

Dans le courant de l'année, le général en chef accepta souvent des dîners chez le scheick Sadda, chez le cheick Fayonne et chez d'autres principaux Scheicks. C'étaient des jours de fête dans tout le quartier. Partout on était servi avec la même magnificence et à peu près de la même manière.

MÉMOIRES DE NAPOLÉON

ÉGYPTE. – USAGES, SCIENCES ET ARTS

Femmes. – Enfants. – Mariages. – Habillements des hommes, des femmes. – Harnachement des chevaux. – Maisons. – Harems. – Jardins. – Arts et sciences. – Artisans. – Navigation du Nil et des canaux. – Transports. – Chameaux. – Dromadaires. – Anes, chevaux. – Institut d'Égypte. – Travaux de la commission des savants. – Hôpitaux, diverses maladies, peste. – Lazarets. – Travaux faits au Caire. – Anecdote.

§ Ier

Les femmes en Orient vont voilées; un morceau de toile leur couvre le nez et surtout les lèvres et ne laisse voir que leurs yeux. Lorsque, par l'effet d'un accident, quelques Égyptiennes se sont trouvées surprises sans leur voile, et couvertes seulement de cette longue chemise bleue qui compose le vêtement des femmes de fellahs, elles prenaient le bas de leur chemise pour cacher leur figure, aimant mieux découvrir le milieu et le bas de leur corps.

Le général en chef eut plusieurs fois occasion d'observer quelques femmes des plus distinguées du pays, auxquelles il accorda des audiences. C'étaient ou des veuves de beys ou de katchefs, ou leurs épouses, qui, pendant leur absence, venaient implorer sa protection. La richesse de leur habillement, la noblesse de leur démarche, de petites mains douces, de beaux yeux, un maintien noble et gracieux et des manières très-élégantes dénotaient en elles des femmes d'un rang et d'une éducation au-dessus du vulgaire. Elles commençaient toujours par baiser la main du sultan Kébir[4] qu'elles portaient ensuite à leur front, puis à leur estomac. Plusieurs exprimaient leurs demandes avec une grace parfaite, un son de voix enchanteur, et développaient tous les talents, toute l'aménité des plus spirituelles Européennes. La décence de leur maintien, la modestie de leurs vêtements y ajoutaient des graces nouvelles; et l'imagination se plaisait à deviner des charmes qu'elles ne laissaient pas même entrevoir.

Les femmes sont sacrées chez les Orientaux, et dans les guerres intestines on les épargne constamment. Celles des Mamelucks conservèrent leurs maisons au Caire, pendant que leurs maris faisaient la guerre aux Français. Napoléon envoya Eugène son beau-fils complimenter la femme de Mourah-Bey qui avait sous ses ordres une cinquantaine d'esclaves appartenant à ce chef mameluck et à des katchefs. C'était une espèce de couvent de religieuses dont elle était l'abbesse. Elle reçut Eugène sur son grand divan, dans le harem, où il entra par exception, et comme envoyé du sultan Kébir. Toutes les femmes voulurent voir le jeune et joli Français, et les esclaves eurent beaucoup de peine à contenir leur curiosité et leur impatience. L'épouse de Mourah-Bey était une femme de cinquante ans, et avait la beauté et les graces que comporte cet âge. Elle fit, suivant l'usage, apporter du café et des sorbets dans de très-riches services et avec un appareil somptueux. Elle ôta de son doigt une bague de mille louis qu'elle donna au jeune officier. Souvent elle adressa des réclamations au général en chef, qui lui conserva ses villages et la protégea constamment. Elle passait pour une femme d'un mérite distingué. Les femmes passent de bonne heure en Égypte; et l'on y trouve plus de brunes que de blondes. Généralement, leur visage est un peu coloré, et elles ont une teinte de cuivre. Les plus belles sont des Grecques ou des Circassiennes, dont les bazars des négociants qui font ce commerce sont toujours abondamment pourvus. Les caravanes de Darfour et de l'intérieur de l'Afrique amènent un grand nombre de belles noires.

§ II

Les mariages se font sans que les époux se soient vus; la femme peut bien avoir aperçu l'homme, mais celui-ci n'a jamais aperçu sa fiancée, ou du moins les traits de son visage.

Ceux des Égyptiens qui avaient rendu des services aux Français, quelquefois même des scheicks, venaient prier le général en chef de leur accorder pour femme, telle personne qu'ils désignaient. La première demande de ce genre fut faite par un aga des janissaires, espèce d'agent de police qui avait été fort utile aux Français, et qui desirait épouser une veuve très-riche; cette proposition parut singulière à Napoléon. Mais vous aime-t-elle? – Non. – Le voudra-t-elle? – Oui, si vous lui ordonnez. En effet, aussitôt qu'elle connut la volonté du sultan Kébir, elle accepta, et le mariage eut lieu. Par la suite cela se répéta fréquemment.

Les femmes ont leurs priviléges. Il est des choses que les maris ne sauraient leur refuser sans être des barbares, des monstres, sans soulever tout le monde contre eux; tel est, par exemple, le droit d'aller au bain. Ce sont des bains de vapeur où les femmes se réunissent; c'est là que se trament toutes les intrigues politiques ou autres; c'est là que s'arrangent les mariages. Le général Menou ayant épousé une femme de Rosette, la traita à la française. Il lui donnait la main pour entrer dans la salle à manger; la meilleure place à table, les meilleurs morceaux étaient pour elle. Si son mouchoir tombait, il s'empressait de le ramasser. Quand cette femme eut conté ces circonstances dans le bain de Rosette, les autres conçurent une espérance de changement dans les mœurs, et signèrent une demande au sultan Kébir pour que leurs maris les traitassent de la même manière.

§ IV

L'habillement des Orientaux n'a rien de commun avec le nôtre. Au lieu de chapeau, ils se couvrent la tête d'un turban, coiffure beaucoup plus élégante, plus commode, et qui étant susceptible d'une grande différence dans la forme, la couleur et l'arrangement, permet de remarquer au premier coup-d'œil la diversité des peuples et des rangs. Leur col est libre ainsi que leurs jarrêts; un Oriental peut rester des mois entiers dans son habillement, sans s'y trouver fatigué. Les différents peuples et les différents états sont comme de raison habillés de manières différentes; mais tous ont de commun la largeur des pantalons, des manches et de toutes les formes de leur habillement. Pour se mettre à l'abri du soleil, ils se couvrent de schalls. Il entre dans les vêtements des hommes comme dans celui des femmes beaucoup de soieries, d'étoffes des Indes et de cachemires. Ils ne portent point de linge. Les fellahs ne sont couverts que d'une seule chemise bleue liée au milieu du corps. Les chefs des Arabes qui parcourent les déserts dans le fort de la canicule, sont couverts de schalls de toutes couleurs qui mettent les différentes parties de leur corps à l'abri du soleil et qu'ils drapent par-dessus leur tête. Au lieu de souliers, les hommes et les femmes ont des pantoufles qu'ils laissent en entrant dans les appartements sur le bord des tapis.

§ V

Les harnachements de leurs chevaux sont extrêmement élégants. La tenue de l'état-major français, quoique couvert d'or et étalant tout le luxe de l'Europe, leur paraissait mesquine, et était effacée par la majesté de l'habillement oriental. Nos chapeaux, nos culottes étroites, nos habits pincés, nos cols qui nous étranglent, étaient pour eux un objet de risée et d'aversion. Les Orientaux n'ont pas besoin de changer de costume pour monter à cheval; ils ne se servent point d'éperons, et mettent leurs pieds dans de larges étriers qui leur rendent inutiles les bottes et la toilette spéciale que nous sommes obligés de faire pour cet exercice. Les Francs ou les chrétiens qui habitent l'Égypte, vont sur des mules ou sur des ânes, à moins que ce ne soient des personnes d'un rang élevé.

§ VI

L'architecture des Égyptiens approche plus de celle de l'Asie que de la nôtre. Les maisons ont toutes une terrasse, sur laquelle on se promène; il y en a même où l'on prend des bains. Elles ont plusieurs étages. Au rez-de-chaussée, est une espèce de parloir où le maître de la maison reçoit les étrangers et donne à manger. Au premier, est ordinairement le harem, avec lequel on ne communique que par des escaliers dérobés. Le maître a dans son appartement une petite porte qui y conduit. D'autres petits escaliers de ce genre sont pour le service. On ne sait ce que c'est qu'un escalier d'apparat.

Le harem consiste dans une grande salle en forme de croix; vis-à-vis règne un corridor où se trouvent un grand nombre de chambres. Autour du salon sont des divans plus ou moins riches, et au milieu un petit bassin en marbre d'où s'échappe un jet d'eau. Souvent ce sont des eaux de rose ou d'autres essences qui en jaillissent et parfument l'appartement. Toutes les fenêtres sont couvertes d'une espèce de jalousie en treillages. Il n'y a point de lits dans les maisons, les Orientaux couchent sur des divans ou sur des tapis. Quand ils n'ont point d'étrangers, ils mangent dans leur harem, ils y dorment et y passent leurs moments de repos. Aussitôt que le maître arrive, les femmes s'empressent à le servir: l'une lui présente sa pipe, l'autre son coussin, etc. Tout est là pour le service du maître.

Les jardins n'ont point d'allées, ce sont des berceaux de gros arbres où l'on peut prendre le frais et fumer assis. L'Égyptien, comme tous les Orientaux, emploie à ce dernier passe-temps une grande partie de la journée; cela lui sert d'occupation et de contenance.

Footnote_3On comprend difficilement la possibilité d'avoir quatre femmes, dans un pays où il n'y a pas plus de femmes que d'hommes. C'est qu'en réalité, les onze douzièmes de la population n'en ont qu'une, parce qu'ils ne peuvent en nourrir qu'une, parce qu'ils n'en trouvent qu'une. Mais cette confusion des races, des couleurs, et des nations que produit la polygamie, existant dans la tête des nations, est suffisante pour établir l'union et la parfaite égalité entre elles.
Footnote_4Les Arabes désignaient ainsi Napoléon; le mot Kébir veut dire Grand.