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Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 2

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§ IX

Les équipages des trois vaisseaux qui s'échouèrent, et des deux frégates, débarquèrent sur la plage d'Aboukir. Une centaine d'hommes se sauvèrent de l'Orient, et un grand nombre de matelots des autres vaisseaux se réfugièrent à terre, au moment où l'affaire était décidée, en profitant du désordre des ennemis. L'armée se recruta par-là de 3,500 hommes; on en forma une légion nautique forte de trois bataillons, et qui fut portée à 1,800 hommes. Les autres recrutèrent l'artillerie, l'infanterie et la cavalerie. Le sauvetage se fit avec activité; on retira beaucoup de pièces d'artillerie, des munitions, des mâts et d'autres pièces de bois, qui furent utiles dans l'arsenal d'Alexandrie. Il nous resta dans le port, les deux vaisseaux le Causse et le Dubois, quatre frégates de construction vénitienne, trois frégates de construction française, tous les bâtiments légers et tous ceux du convoi. Quelques jours après la bataille, Nelson appareilla et quitta les parages d'Alexandrie, laissant deux vaisseaux de guerre pour bloquer le port. Quarante bâtiments napolitains du convoi sollicitèrent et obtinrent du commandant d'Alexandrie la permission de retourner chez eux; le commandant de la croisière anglaise les réunit autour de lui, en retira les équipages et mit le feu aux bâtiments. Cette violation du droit des gens tourna contre les Anglais: les équipages des convois italien et français virent qu'ils n'avaient plus de ressources que dans le succès de l'armée française, et prirent leur parti avec résolution. Nelson fut reçu en triomphe dans le port de Naples.

La perte de la bataille d'Aboukir eut une grande influence sur les affaires d'Égypte, et même sur celles du monde. La flotte française sauvée, l'expédition de Syrie n'éprouvait point d'obstacle; l'artillerie de siége se transportait sûrement et facilement au-delà du désert, et Saint-Jean-d'Acre n'arrêtait point l'armée française. La flotte française détruite, le divan s'enhardit à déclarer la guerre à la France. L'armée perdit un grand appui, sa position en Égypte changea totalement, et Napoléon dut renoncer à l'espoir d'assurer à jamais la puissance française dans l'Occident, par les résultats de l'expédition d'Égypte.

§ X

Depuis que les moindres vaisseaux que l'on met en ligne sont ceux de 74, les armées navales de la France, de l'Angleterre, de l'Espagne, n'ont pas été composées de plus de trente vaisseaux. Il y en a eu cependant qui, momentanément, ont été plus considérables. Une escadre de trente vaisseaux de ligne est, sur mer, ce que serait, sur terre, une armée de 120,000 hommes. Une armée de 120,000 hommes est une grande armée, quoiqu'il y en ait eu de plus fortes. Une escadre de trente vaisseaux a tout au plus le cinquième d'hommes d'une armée de 120,000 hommes. Elle a cinq fois plus d'artillerie et d'un calibre très-supérieur. Le matériel occasionne à peu près les mêmes dépenses. Si l'on compare le matériel de toute l'artillerie de 120,000 hommes, des charrois, des vivres, des ambulances, avec celui de trente vaisseaux, les deux dépenses sont égales ou à peu près. En calculant, dans l'armée de terre, 20,000 hommes de cavalerie, et 20,000 d'artillerie ou des équipages, l'entretien de cette armée est incomparablement plus dispendieux que celui de l'armée navale.

La France pouvait avoir trois flottes de trente vaisseaux, comme trois armées de 120,000 hommes.

La guerre de terre consomme en général plus d'hommes que celle de mer; elle est plus périlleuse. Le soldat de mer, sur une escadre, ne se bat qu'une fois dans une campagne, le soldat de terre se bat tous les jours. Le soldat de mer, quels que soient les fatigues et les dangers attachés à cet élément, en éprouve beaucoup moins que celui de terre: il ne souffre jamais de la faim, de la soif, il a toujours avec lui son logement, sa cuisine, son hôpital et sa pharmacie. Les armées de mer, dans les services de France et d'Angleterre, où la discipline maintient la propreté, et où l'expérience a fait connaître toutes les mesures qu'il fallait prendre pour conserver la santé, ont moins de malades que les années de terre. Indépendamment du péril des combats, le soldat de mer a celui des tempêtes; mais l'art a tellement diminué ce dernier, qu'il ne peut être comparé à ceux de terre, tels qu'émeutes populaires, assassinats partiels, surprises de troupes légères ennemies.

Un général commandant en chef une armée navale, et un général commandant en chef une armée de terre, sont des hommes qui ont besoin de qualités différentes. On naît avec les qualités propres pour commander une armée de terre, tandis que les qualités nécessaires pour commander une armée navale, ne s'acquièrent que par expérience.

Alexandre, Condé, ont pu commander dès leur plus jeune âge; l'art de la guerre de terre est un art de génie, d'inspiration; mais ni Alexandre, ni Condé, à l'âge de 22 ans, n'eussent commandé une armée navale. Dans celle-ci, rien n'est génie, ni inspiration; tout y est positif et expérience. Le général de mer n'a besoin que d'une science, celle de la navigation. Celui de terre a besoin de toutes, ou d'un talent qui équivaut à toutes, celui de profiter de toutes les expériences et de toutes les connaissances. Un général de mer n'a rien à deviner, il sait où est son ennemi, il connaît sa force. Un général de terre ne sait jamais rien certainement, ne voit jamais bien son ennemi, ne sait jamais positivement où il est. Lorsque les armées sont en présence, le moindre accident de terrain, le moindre bois cache une partie de l'armée. L'œil le plus exercé ne peut pas dire s'il voit toute l'armée ennemie, ou seulement les trois quarts. C'est par les yeux de l'esprit, par l'ensemble de tout le raisonnement, par une espèce d'inspiration, que le général de terre voit, connaît et juge. Le général de mer n'a besoin que d'un coup d'œil exercé; rien des forces de l'ennemi ne lui est caché. Ce qui rend difficile le métier de général de terre, c'est la nécessité de nourrir tant d'hommes et d'animaux; s'il se laisse guider par les administrateurs, il ne bougera plus, et ses expéditions échoueront. Celui de mer n'est jamais gêné; il porte tout avec lui. Un général de mer n'a point de reconnaissance à faire, ni de terrain à examiner, ni de champ de bataille à étudier. Mer des Indes, mer d'Amérique, Manche, c'est toujours une plaine liquide. Le plus habile n'aura d'avantage sur le moins habile, que par la connaissance des vents qui règnent dans tels ou tels parages, par la prévoyance de ceux qui doivent régner, ou par les signes de l'atmosphère; qualités qui s'acquièrent par l'expérience, et par l'expérience seulement.

Le général de terre ne connaît jamais le champ de bataille où il doit opérer. Son coup d'œil est celui de l'inspiration, il n'a aucun renseignement positif. Les données, pour arriver à la connaissance du local, sont si éventuelles que l'on n'apprend presque rien par expérience. C'est une facilité de saisir tout d'abord les rapports qu'ont les terreins, selon la nature des contrées; c'est enfin un don qu'on appelle coup d'œil militaire, et que les grands généraux ont reçu de la nature. Cependant les observations qu'on peut faire sur des cartes topographiques, la facilité que donnent l'éducation et l'habitude de lire sur ces cartes, peuvent être de quelque secours.

Un général en chef de mer dépend plus de ses capitaines de vaisseau, qu'un général en chef de terre de ses généraux. Ce dernier a la faculté de prendre lui-même le commandement direct des troupes, de se porter sur tous les points et de remédier aux faux mouvements par d'autres. Le général de mer n'a personnellement d'influence que sur les hommes du vaisseau où il se trouve; la fumée empêche les signaux d'être vus. Les vents changent, ou ne sont pas les mêmes sur tout l'espace que couvre sa ligne. C'est donc de tous les métiers celui où les subalternes doivent le plus prendre sur eux.

Il faut attribuer à trois causes les pertes de nos batailles navales: 1o à l'irrésolution et au manque de caractère des généraux en chef; 2o aux vices de la tactique; 3o au défaut d'expérience et de connaissances navales des capitaines de vaisseau, et à l'opinion où sont ces officiers, qu'ils ne doivent agir que d'après des signaux. Les combats d'Ouessant, ceux de la révolution dans l'Océan et dans la Méditerranée en 93, 94, ont tous été perdus par ces différentes raisons. L'amiral Villaret, brave de sa personne, était sans caractère, et n'avait pas même d'attachement à la cause pour laquelle il se battait. Martin était un bon marin, mais de peu de résolution. Ils étaient d'ailleurs influencés tous deux par les représentants du peuple, qui n'ayant aucune expérience, autorisaient de fausses opérations.

Le principe de ne faire aucun mouvement que d'après un signal de l'amiral, est un principe d'autant plus erroné, qu'un capitaine de vaisseau est toujours maître de trouver des raisons pour se justifier d'avoir mal exécuté les signaux qu'il a reçus. Dans toutes les sciences nécessaires à la guerre, la théorie est bonne pour donner des idées générales, qui forment l'esprit; mais leur stricte exécution est toujours dangereuse. Ce sont les axes qui doivent servir à tracer la courbe. D'ailleurs, les règles mêmes obligent à raisonner, pour juger si l'on doit s'écarter des règles, etc.

Souvent en force supérieure aux Anglais, nous n'avons pas su les attaquer, et nous avons laissé échapper leurs escadres, parce qu'on a perdu son temps à de vaines manœuvres. La première loi de la tactique maritime doit être, qu'aussitôt que l'amiral a donné le signal qu'il veut attaquer, chaque capitaine ait à faire les mouvements nécessaires pour attaquer un vaisseau ennemi, prendre part au combat et soutenir ses voisins.

Ce principe est celui de la tactique anglaise dans ces derniers temps. S'il avait été adopté en France, l'amiral Villeneuve, à Aboukir, ne se serait pas cru innocent de rester inactif vingt-quatre heures, avec cinq ou six vaisseaux, c'est-à-dire la moitié de l'escadre, pendant que l'ennemi écrasait l'autre aile.

 

La marine française est appelée à acquérir de la supériorité sur la marine anglaise. Les Français entendent mieux la construction, et les vaisseaux français, de l'aveu même des Anglais, sont tous meilleurs que les leurs. Les pièces sont supérieures en calibre d'un quart aux pièces anglaises. Cela forme deux grands avantages.

Les Anglais ont plus de discipline. Les escadres de Toulon et de l'Escaut avaient adopté les mêmes pratiques et usages que les Anglais, et arrivaient à une discipline aussi sévère, avec la différence que comportait le caractère des deux nations. La discipline anglaise est une discipline d'esclaves; c'est le patron devant le serf. Elle ne se maintient que par l'exercice de la plus épouvantable terreur. Un pareil état de choses dégraderait et avilirait le caractère français, qui a besoin d'une discipline paternelle, plus fondée sur l'honneur et les sentiments.

Dans la plupart des batailles que nous avons perdues contre les Anglais, ou nous étions inférieurs, ou nous étions réunis avec des vaisseaux espagnols qui, étant mal organisés, et dans ces derniers temps dégénérés, affaiblissaient notre ligne au lieu de la renforcer; ou bien enfin, les généraux commandant en chef, qui voulaient la bataille et marchaient à l'ennemi, jusqu'à ce qu'ils fussent en présence, hésitaient alors, se mettaient en retraite sous différents prétextes, et compromettaient ainsi les plus braves.

QUELQUES NOTES SUR MALTE

1re NOTE

Les îles de Malte, du Gozo et du Canius sont trois petites îles voisines les unes des autres. Il est peu de pays plus ingrats. Tout est rocher, la terre y est rare; on en a fait venir de Sicile pour accroître la culture et faire des jardins. La principale production de ces îles est le coton: c'est le meilleur du levant; elles en font pour quelques millions. Tout ce qui est nécessaire à la vie, vient de Sicile. La population des trois îles est de cent mille ames, elles ne pourraient pas en nourrir dix mille. Le port est un des plus beaux et des plus sûrs de la Méditerranée. La capitale, Lavalette, est une ville de 30 mille ames; il y a de belles maisons, de grandes rues, de superbes fontaines, des quais, magasins, etc. Les fortifications sont bien entendues, très-considérables, mais entassées les unes sur les autres en pierres de taille. Tout y est casematé et à l'abri de la bombe. Caffarelly-Dufalga, qui commandait le génie, dit plaisamment en faisant la reconnaissance: «Il est bien heureux que nous ayons trouvé quelqu'un dedans pour nous ouvrir les portes.» Il faisait allusion au grand nombre de fossés qu'il eût fallu traverser et d'escarpes qu'il eût fallu gravir. La maison du grand-maître est peu de chose, ce serait sur le continent celle d'un particulier de 100 mille livres de rente. Il y a de très-beaux orangers, un grand nombre de jardins inférieurs et de maisons appartenant aux baillis, commandeurs, etc. L'oranger en est le principal ornement.

2e NOTE

L'ordre de Malte possédait des biens en Espagne, Portugal, France, Italie, Allemagne. A la suppression de l'ordre des Templiers, celui de Malte hérita de la plus grande partie de leurs biens. Ces biens avaient la même origine que ceux des moines, c'étaient des donations faites par les fidèles aux hospitaliers de St. – Jean de Jérusalem et aux chevaliers du Temple, chargés d'escorter les pélerins et de les garantir des insultes des Arabes. L'intention des donataires était que ces biens fussent employés contre les infidèles. Si l'ordre de Malte avait rempli cette intention et que tous les biens qu'il possédait dans les différents états chrétiens, eussent été employés à faire la guerre aux barbaresques et à protéger les côtes de la chrétienté contre les pirates d'Alger, Maroc, Tunis et Tripoli, l'ordre eût mieux mérité, à Malte, de la chrétienté que dans la guerre de Syrie et des croisades. Il pouvait entretenir une escadre de huit à dix vaisseaux de 74, et une douzaine de bonnes frégates et corvettes, et eût pu bloquer constamment Alger, etc. et contenir Maroc. Il est hors de doute que ces barbaresques auraient cessé leurs pirateries, et se seraient contentés des gains du commerce et de la culture du pays.

Malte aurait alors été peuplé par des vieillards, dont la vie aurait été passée au métier de la guerre, et par une nombreuse jeunesse aguerrie. Mais, au lieu de cela, les chevaliers s'imaginèrent, à l'exemple des autres moines, que tant de biens ne leur avaient été donnés que pour leur bien-être particulier. Il y eut, par toute la chrétienté, des baillis, commandeurs, etc. qui employèrent toutes les richesses de l'ordre, à soutenir un état de maison, où régnaient le luxe et toutes les commodités de la vie. Ils en employaient le surplus à enrichir leurs familles. Les moines au moins disaient des messes, prêchaient et administraient les sacrements, ils cultivaient la vigne du Seigneur; mais les chevaliers ne faisaient rien de tout cela. Ainsi ces immenses propriétés tournèrent au profit de quelques individus, et devinrent un débouché pour les cadets des grandes familles. De tant de revenus, peu de chose arrivait à Malte, et les chevaliers qui étaient tenus de séjourner deux ans dans cette île pour leurs caravanes, y vivaient dans des auberges qui portaient le nom de leur nation, et y étaient avec peu d'aisance.

L'ordre n'avait pas d'escadre; seulement 4 à 5 galères continuaient à se promener dans la Méditerranée tous les ans, allant mouiller dans les ports d'Italie, et évitant les barbaresques. Ces ridicules promenades sur des bâtiments, qui n'étaient plus propres à combattre contre les frégates et les gros corsaires d'Alger, avaient pour résultat de donner quelques fêtes et bals dans les ports de Livourne, Naples et de Sardaigne. Il n'y avait, à Malte, aucun chantier de construction, aucun arsenal. Il s'y trouvait cependant un mauvais vaisseau de 64 et 2 frégates, qui ne sortaient jamais. Les jeunes chevaliers avaient fait leurs caravanes sans avoir tiré un seul coup de canon, ni de fusil, sans avoir vu un ennemi. Lors de la révolution, quand les biens des moines furent décrétés nationaux, législation qui gagna l'Italie à mesure que l'administration française s'y étendit, il n'y eut aucune réclamation en faveur de l'ordre, même de la part des ports de mer, Gênes, Livourne, Malte. Il y en eut plus pour les chartreux, bénédictins, dominicains, que pour cet ordre de chevalerie qui ne rendait aucun service.

On a peine à comprendre comment les papes, qui étaient les supérieurs de cet ordre, et les conservateurs naturels de ses statuts, qui en étaient les réformateurs, qui étaient d'autant plus intéressés à le maintenir que leurs côtes étaient exposées aux pirates; on a peine à comprendre, disons-nous, comment ils n'ont pas tenu la main à ce que cet ordre remplît sa destination. Rien ne montre mieux la décadence où était tombée la cour de Rome elle-même.

NOTE SUR ALEXANDRIE

Alexandrie a été bâtie par Alexandre. Elle s'était accrue sous les Ptolémée, au point de donner de la jalousie à Rome. Elle était sans contredit la deuxième ville du monde. Sa population s'élevait à plusieurs millions. Au VIIe siècle, elle fut prise par Amroug, dans la première année de l'hégire, après un siége de 14 mois. Les Arabes y perdirent 28,000 hommes. Son enceinte avait 12 milles de tour; elle contenait 4,000 palais, 4,000 bains, 400 théâtres, 12,000 boutiques, plus de 50,000 Juifs. L'enceinte fut rasée dans les guerres des Arabes et de l'empire romain. Cette ville, depuis, a toujours été en décadence. Les Arabes rétablirent une nouvelle enceinte, c'est celle qui existe encore; elle n'a plus que 3,000 toises de tour, ce qui suppose encore une grande ville. La cité est maintenant toute sur l'isthme. Le phare n'est plus une île; sur l'isthme, qui le joint au continent, est la ville actuelle. Elle est fermée par une muraille qui barre l'isthme, et n'a que 600 toises. Elle a deux bons ports (neuf et vieux). Le vieux peut contenir à l'abri du vent, et d'un ennemi supérieur, des escadres de guerre quelque nombreuses qu'elles soient. Aujourd'hui le Nil n'arrive à Alexandrie qu'au moment des inondations. On conserve ses eaux dans de vastes citernes; leur aspect nous frappa. La vieille enceinte arabe est couverte par le lac Maréotis, qui s'étend jusque auprès de la tour des Arabes, en sorte qu'Alexandrie n'est plus attaquable que du côté d'Aboukir. Le lac Maréotis laisse aussi un peu à découvert une partie de l'enceinte de la ville, au-delà de celle des Arabes. La colonne de Pompée, située en dehors et à 300 toises de l'enceinte arabe, était jadis au centre de la ville.

Le général en chef passa plusieurs jours à arrêter les principes des fortifications de la ville. Tout ce qu'il prescrivit fut exécuté avec la plus grande intelligence par le colonel Crétin, l'officier du génie le plus habile de France. Le général ordonna de rétablir toute l'enceinte des Arabes, le travail n'était pas considérable. On appuya cette enceinte en occupant le fort triangulaire, qui en formait la droite et qui existait encore. Le centre et le côté d'Aboukir furent soutenus chacun par un fort. Ils furent établis sur des monticules de décombres qui avaient un commandement d'une vingtaine de toises sur toute la campagne et en arrière de l'enceinte des Arabes. Celle de la ville actuelle fut mise en état comme réduit; mais elle était dominée en avant par un gros monticule de décombres. Il fut occupé par un fort que l'on nomma Caffarelly. Ce fort et l'enceinte de la ville actuelle, formaient un systême complet, susceptible d'une longue défense, lorsque tout le reste aurait été pris. Il fallait de l'artillerie pour occuper promptement et solidement ces trois hauteurs. La conception et la direction de ces travaux furent confiées à Crétin.

En peu de mois et avec peu de travaux, il rendit ces trois hauteurs inexpugnables; il établit des maçonneries présentant des escarpes de 18 à 20 pieds, qui mettaient les batteries entièrement à l'abri de toute escalade, et il couvrit ces maçonneries par des profils qu'il sut ménager dans la hauteur; en sorte qu'elles n'étaient vues de nulle part. Il eût fallu des millions et des années pour donner la même force à ces trois forts avec un ingénieur moins habile. Du côté de la mer, on occupa la tour du Marabout, du Phare. On établit de fortes batteries de côté qui firent un merveilleux effet, toutes les fois que les Anglais se présentaient pour bombarder la ville. La colonne de Pompée frappe l'imagination comme tout ce qui est sublime. Les aiguilles de Cléopatre sont encore dans le même emplacement. En fouillant dans le tombeau, où a été enterré Alexandre, on a trouvé une petite statue de 10 à 12 pouces en terre cuite, habillée à la grecque; ses cheveux sont bouclés avec beaucoup d'art et se réunissent sur le chignon: c'est un petit chef-d'œuvre. Il y a à Alexandrie de grandes et belles mosquées, des couvents de copthes, quelques maisons à l'européenne appartenant au consulat.

D'Alexandrie à Aboukir, il y a 4 lieues. La terre est sablonneuse et couverte de palmiers. A l'extrémité du promontoire d'Aboukir est un fort en pierre; à 600 toises est une petite île. Une tour et une trentaine de bouches à feu dans cette île, assureraient le mouillage pour quelques vaisseaux de guerre, à peu près comme à l'île d'Aix.

Pour aller à Rosette, on passe le lac Madié à son embouchure dans la mer, qui a 100 toises de largeur; des bâtiments de guerre, tirant 8 ou 10 pieds d'eau peuvent y entrer. C'est dans ce lac que jadis une des sept branches du Nil avait son embouchure. Si l'on veut aller à Rosette sans passer le lac, il faut le tourner; ce qui augmente le chemin de 3 à 4 lieues.