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Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 1

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MÉMOIRES DE NAPOLÉON

MARENGO

Armée de réserve. – Départ du premier consul. Revue de Dijon. – Le quartier-général à Genève. Lausanne. – Passage du Saint-Bernard. – L'armée française passe la Sésia, la Trebbia. Entrée à Milan. – Position de l'armée française, lorsqu'elle apprend la prise de Gênes. – Combat de Montebello. – Arrivée du général Desaix au grand-quartier-général. – Bataille de Marengo. – Armistice de Marengo. – Gênes remise aux Français. – Retour du premier consul en France.

§ 1er

Le 7 janvier 1800, un arrêté des consuls ordonna la formation d'une armée de réserve. – Un appel fut fait à tous les anciens soldats, pour venir servir la patrie sous les ordres du premier consul. Une levée de 30,000 conscrits fut ordonnée pour recruter cette armée. Le général Berthier, ministre de la guerre, partit de Paris, le 2 avril, pour la commander; car les principes de la constitution de l'an VIII, ne permettaient pas au premier consul d'en prendre lui-même le commandement. La magistrature consulaire étant essentiellement civile, le principe de la division des pouvoirs et de la responsabilité des ministres, ne voulait pas que le premier magistrat de la république commandât immédiatement en chef une armée; mais aucune disposition, comme aucun principe, ne s'opposait à ce qu'il y fût présent. Dans le fait, le premier consul commanda l'armée de réserve, et Berthier, son major-général, eut le titre de général en chef.

Aussitôt que l'on eut des nouvelles du commencement des hostilités, en Italie, et de la tournure que prenaient les opérations de l'ennemi, le premier consul jugea indispensable de marcher directement au secours de l'armée d'Italie; mais il préféra déboucher par le grand Saint-Bernard, afin de tomber sur les derrières de l'armée de Mélas, enlever ses magasins, ses parcs, ses hôpitaux, et enfin lui présenter la bataille, après l'avoir coupé de l'Autriche. La perte d'une seule bataille devait entraîner la perte totale de l'armée autrichienne, et opérer la conquête de toute l'Italie. Un pareil plan exigeait, pour son exécution, de la célérité, un profond secret, et beaucoup d'audace: le secret était le plus difficile à conserver; comment tenir caché aux nombreux espions de l'Angleterre et de l'Autriche, le mouvement de l'armée? Le moyen que le premier consul jugea le plus propre, fut de le divulguer lui-même, d'y mettre une telle ostentation qu'il devînt un objet de raillerie par l'ennemi, et de faire en sorte que celui-ci considérât toutes ces pompeuses annonces comme un moyen de faire une diversion aux opérations de l'armée autrichienne qui bloquait Gênes. Il était nécessaire de donner aux observateurs et aux espions un point de direction précis: on déclara donc par des messages, au corps-législatif, au sénat, et par des décrets, par la publication dans les journaux, et enfin par des intimations de toute espèce, que le point de réunion de l'armée de réserve était Dijon; que le premier consul en passerait la revue, etc. Aussitôt tous les espions et les observateurs se dirigèrent sur cette ville: ils y virent, dans les premiers jours d'avril, un grand état-major sans armée; et dans le courant de ce mois, 5 à 6,000 conscrits et militaires retirés, dont même plusieurs estropiés consultaient plutôt leur zèle que leurs forces. Bientôt cette armée devint un objet de ridicule; et, lorsque le premier consul en passa lui-même la revue, le 6 mai, on fut étonné de n'y voir que 7 à 8,000 hommes, la plupart n'étant pas même habillés. On s'étonna comment le premier magistrat de la république quittait son palais pour passer une revue que pouvait faire un général de brigade. – Ces doubles rapports allèrent par la Bretagne, Genève, Bâle, à Londres, à Vienne et en Italie: l'Europe fut pleine de caricatures: l'une d'elles représentait un enfant de douze ans, et un invalide avec une jambe de bois; au bas on lisait: Armée de réserve de Bonaparte.

Cependant la véritable armée s'était formée en route; sur divers points de rendez-vous, les divisions s'étaient organisées. Ces lieux étaient isolés, et n'avaient point de rapports entre eux. – Les mesures conciliantes qui avaient été employées par le gouvernement consulaire, pendant l'hiver, jointes à la rapidité des opérations militaires, avaient pacifié la Vendée et la chouannerie. – Une grande partie des troupes qui composaient l'armée de réserve, avait été retirée de ce pays. Le directoire avait senti le besoin d'avoir à Paris plusieurs régiments pour sa garde, et pour comprimer les factieux. – Le gouvernement du premier consul étant éminemment national, la présence de ces troupes dans la capitale devenait tout-à-fait inutile: elles furent dirigées sur l'armée de réserve. – Bon nombre de ces régiments n'avaient pas fait la désastreuse campagne de 1799, et avaient tout entier le sentiment de leur supériorité et de leur gloire. – Le parc d'artillerie s'était formé avec des pièces, des caissons envoyés partiellement d'un grand nombre d'arsenaux et de places fortes. Le plus difficile à cacher, était le mouvement des vivres indispensables pour une armée qui doit faire un passage de montagnes arides, et où l'on ne peut rien trouver: l'ordonnateur Lambret fit confectionner à Lyon deux millions de rations de biscuits. On en expédia sur Toulon une centaine de mille, pour être envoyées à Gênes; mais dix-huit cent mille rations furent dirigées sur Genève, embarquées sur le lac, et débarquées à Ville-Neuve, au moment où l'armée y arrivait.

En même temps que l'on annonçait, avec la plus grande ostentation, la formation de l'armée de réserve, on faisait faire à la main des petits bulletins, où, au milieu de beaucoup d'anecdotes scandaleuses sur le premier consul et sa cour, on prouvait que l'armée de réserve n'existait pas et ne pouvait pas exister; qu'au plus, on pourrait réunir 12 à 15,000 conscrits. On en donnait la preuve par les efforts qui avaient été faits, la campagne précédente, pour former les diverses armées qui avaient été battues en Italie, par ceux qu'on avait faits pour compléter cette formidable armée du Rhin; enfin, disait-on, laisserait-on l'armée d'Italie si faible, si on avait pu la renforcer? L'ensemble de tous ces moyens de donner le change aux espions, fut couronné du plus heureux succès. On disait à Paris, comme à Dijon, comme à Vienne: «Il n'y a point d'armée de réserve.» Au quartier-général de Mélas, on ajoutait: «L'armée de réserve dont on nous menace tant, est une bande de 7 à 8,000 conscrits ou invalides, avec laquelle on espère nous tromper pour nous faire quitter le siège de Gênes. Les Français comptent trop sur notre simplicité: ils voudraient nous faire réaliser la fable du chien qui quitte sa proie pour l'ombre.»

§ II

Le 6 mai 1800, le premier consul partit de Paris; il se rendit à Dijon pour passer, comme nous venons de le dire, cette revue des militaires isolés, et des conscrits qui s'y trouvaient. Il arriva à Genève, le 8. Le fameux Necker qui était dans cette ville, brigua l'honneur d'être présenté au premier consul de la république française: il s'entretint une heure avec lui, parla beaucoup du crédit public, de la moralité nécessaire à un ministre des finances; il laissa percer, dans tout son discours, le desir et l'espoir d'arriver à la direction des finances de la France, et il ne connaissait pas même de quelle manière on faisait le service avec des obligations du trésor. Il loua beaucoup l'opération militaire qu'il voyait faire sous ses yeux. – Le premier consul fut médiocrement satisfait de sa conversation.

Le 13 mai, le premier consul passa, à Lausanne, la revue de la véritable avant-garde de l'armée de réserve; c'était le général Lannes qui la commandait: elle était composée de six vieux régiments d'élite, parfaitement habillés, équipés et munis de tout. Elle se dirigea aussitôt sur Saint-Pierre; les divisions suivaient en échelons: cela formait une armée de 36,000 combattants, en qui l'on pouvait avoir confiance; elle avait un parc de quarante bouches à feu. Les généraux Victor, Loison, Vatrin, Boudet, Chambarlhac, Murat, Monnier, commandaient dans cette armée.

§ VII

Le premier consul avait préféré le passage du Grand-Saint-Bernard, à celui du Mont-Cenis: l'un n'était pas plus difficile que l'autre. Il y a de Lausanne à Saint-Pierre, village au pied du Saint-Bernard, un chemin praticable pour l'artillerie; et depuis le village de Saint-Remi à Aoste, on trouve également un chemin praticable aux voitures. La difficulté ne consistait donc que dans la montée et dans la descente du Saint-Bernard: cette difficulté était la même pour le passage du Mont-Cenis; mais, en passant par le Saint-Bernard, on avait l'avantage de laisser Turin sur sa droite, et d'agir dans un pays plus couvert et moins connu, et où les mouvements seraient plus cachés que sur la grande communication de la Savoie, où l'ennemi devait nécessairement avoir beaucoup d'espions. Le passage prompt de l'artillerie paraissait une chose impossible. On s'était pourvu d'un grand nombre de mulets; on avait fabriqué une grande quantité de petites caisses pour contenir les cartouches d'infanterie et les munitions des pièces. Ces caisses devaient être portées par les mulets, ainsi que des forges de montagne, de sorte que la difficulté réelle à vaincre, était le transport des pièces. Mais on avait préparé à l'avance une centaine de troncs d'arbre, creusés de manière à pouvoir recevoir les pièces qui y étaient fixées par les tourillons: à chaque bouche à feu ainsi disposée, 100 soldats devaient s'atteler; les affûts devaient être démontés et portés à dos de mulets. Toutes ces dispositions se firent avec tant d'intelligence, par les généraux d'artillerie, Gassendy et Marmont, que la marche de l'artillerie ne causa aucun retard: les troupes même se piquèrent d'honneur de ne point laisser leur artillerie en arrière, et se chargèrent de la traîner. Pendant toute la durée du passage, la musique des régiments se faisait entendre; ce n'était que dans les pas difficiles, que le pas de charge donnait une nouvelle vigueur aux soldats. Une division entière aima mieux, pour attendre son artillerie, bivouaquer sur le sommet de la montagne, au milieu de la neige et d'un froid excessif, que de descendre dans la plaine, quoiqu'elle en eût eu le temps avant la nuit. Deux demi-compagnies d'ouvriers d'artillerie avaient été établies dans les villages de Saint-Pierre et de Saint-Remi, avec quelques forges de campagne, pour le démontage et le remontage de diverses voitures d'artillerie. On parvint à passer une centaine de caissons.

 

Le 16 mai, le premier consul alla coucher au couvent de Saint-Maurice, et toute l'armée passa le Saint-Bernard, les 17, 18, 19 et 20 mai. Le premier consul passa lui-même le 20; il montait, dans les plus mauvais pas, le mulet d'un habitant de Saint-Pierre, désigné par le prieur du couvent, comme le mulet le plus sûr de tout le pays. Le guide du premier consul était un grand et vigoureux jeune homme de vingt-deux ans, qui s'entretint beaucoup avec lui, en s'abandonnant à cette confiance propre à son âge et à la simplicité des habitants des montagnes: il confia au premier consul toutes ses peines, ainsi que les rêves de bonheur qu'il faisait pour l'avenir. Arrivé au couvent, le premier consul qui jusque-là ne lui avait rien témoigné, écrivit un billet, et le donna à ce paysan, pour le remettre à son adresse; ce billet était un ordre qui prescrivait diverses dispositions qui eurent lieu immédiatement après le passage, et qui réalisaient toutes les espérances du jeune paysan; telles que la bâtisse d'une maison, l'achat d'un terrain, etc. Quelque temps après son retour, l'étonnement du jeune montagnard fut bien grand de voir tant de monde s'empresser de satisfaire ses desirs, et la fortune lui arriver de tous côtés.

Le premier consul s'arrêta une heure au couvent des hospitaliers, et opéra la descente à la Ramasse, sur un glacier presque perpendiculaire. Le froid était encore vif; la descente du Grand-Saint-Bernard fut plus difficile pour les chevaux, que ne l'avait été la montée; néanmoins on n'eut que peu d'accidents. Les moines du couvent étaient approvisionnés d'une grande quantité de vins, pains, fromages; et en passant, chaque soldat recevait de ces bons religieux une forte ration.

Le 16 mai, le général Lannes, avec les sixième demi-brigade légère, vingt-huitième et quarante-quatrième de ligne, onzième, douzième régiments de hussards, et vingt-unième de chasseurs, arriva à Aoste, ville qui fut pour l'armée, d'une grande ressource. Le 17, cette avant-garde arriva à Châtillon, où un corps autrichien de 4 à 5,000 hommes, que l'on avait cru suffisant pour défendre la vallée, était en position; il fut aussitôt attaqué et culbuté: on lui prit trois pièces et quelques centaines de prisonniers.

L'armée française croyait avoir franchi tous les obstacles; elle suivait une vallée assez belle, où elle retrouvait des maisons, de la verdure et le printemps, lorsque tout-à-coup elle fut arrêtée par le canon du fort de Bard.

Ce fort, entre Aoste et Ivrée, est situé sur un mamelon conique, et entre deux montagnes, à vingt-cinq toises l'une de l'autre; à son pied coule le torrent de la Doria, dont il ferme absolument la vallée; la route passe dans les fortifications de la ville de Bard, qui a une enceinte et est dominée par le feu du fort. Les officiers du génie, attachés à l'avant-garde, s'approchèrent pour reconnaître un passage, et firent le rapport qu'il n'en existait pas d'autre que celui de la ville. Le général Lannes ordonna, dans la nuit, une attaque pour tâter le fort; mais il était partout à l'abri d'un coup de main. Comme il arrive toujours, en pareille circonstance, l'alarme se communiqua rapidement dans toute l'armée, et reflua sur ses derrières. Des ordres même furent donnés pour arrêter le passage de l'artillerie sur le Saint-Bernard; mais le premier consul, déja arrivé à Aoste, se porta aussitôt devant Bard: il gravit sur la montagne de gauche, le rocher Albarédo, qui domine à la fois et la ville et le fort, et bientôt reconnut la possibilité de s'emparer de la ville. Il n'y avait pas un moment à perdre: le 25, à la nuit tombante, la cinquante-huitième demi-brigade, conduite par le chef Dufour, escalada l'enceinte, et s'empara de la ville qui n'est séparée du fort que par le torrent de la Doria. Vainement, toute la nuit, il plut une grêle de mitraille, à une demi-portée de fusil, sur les Français qui étaient dans la ville: ils s'y maintinrent, et enfin, par considération pour les habitants, le feu du fort cessa.

L'infanterie et la cavalerie passèrent un à un, par le sentier de la montagne de gauche, qu'avait gravie le premier consul, et où jamais n'avait passé aucun cheval: c'était un sentier connu seulement des chevriers.

Les nuits suivantes, les officiers d'artillerie, avec une rare intelligence, et les canonniers, avec la plus grande intrépidité, firent passer leurs pièces par la ville. Toutes les précautions avaient été prises pour en cacher la connaissance au commandant du fort: le chemin avait été couvert de matelas et de fumier; les pièces couvertes de branchages et de paille, étaient traînées, à la bricole, dans le plus grand silence. On traversait ainsi un espace de plusieurs centaines de toises, à la portée de pistolet des batteries du fort. La garnison ne se doutant de rien, faisait cependant des décharges de temps en temps, qui tuèrent ou blessèrent bon nombre de canonniers; mais cela ne ralentit en rien leur zèle: le fort ne se rendit que dans les premiers jours de juin. On était alors parvenu, avec des peines extrêmes, à monter plusieurs pièces sur l'Albaredo, d'où elles foudroyèrent les batteries du fort. S'il en eût fallu attendre la prise, pour faire passer l'artillerie, tout l'espoir de la campagne eût été perdu.

Cet obstacle fut plus considérable que celui du Grand-Saint-Bernard lui-même; et cependant ni l'un ni l'autre ne retardèrent d'un seul jour la marche de l'armée. Le premier consul connaissait bien l'existence du fort de Bard; mais tous les plans et tous les renseignements à ce sujet, permettaient de le supposer facile à enlever. Cette difficulté, une fois surmontée, eut un effet avantageux. L'officier autrichien qui commandait le fort, expédia lettre sur lettre à Mélas, pour l'instruire qu'il voyait passer plus de 30,000 hommes au moins, 3 ou 4,000 chevaux, et un nombreux état-major; que ces masses se dirigeaient sur sa droite, par un escalier dans le rocher Albarédo: mais qu'il promettait que ni un caisson, ni une pièce d'artillerie, ne pourraient passer; qu'il pouvait tenir un mois, et qu'ainsi, jusqu'à cette époque, il n'était pas probable que l'armée française osât se hasarder en plaine, n'ayant pas encore reçu son artillerie. Lors de la reddition du fort, tous les officiers de la garnison furent étrangement surpris d'apprendre que toute l'artillerie française avait passé de nuit, à trente ou quarante toises de leurs remparts.

S'il eût été tout-à-fait impossible de faire passer l'artillerie par la ville de Bard, l'armée française aurait-elle repassé le Grand-Saint-Bernard? Non: elle aurait également débouché jusqu'à Ivrée, mouvement qui eût nécessairement rappelé Mélas de Nice. Elle n'avait rien à craindre, même sans artillerie, dans les excellentes positions que lui offrait l'entrée des gorges, d'où, protégeant le siège du fort de Bard, elle en eût attendu la prise. – Ce fort est tombé naturellement au pouvoir des Français, le 1er juin; mais il est probable qu'il eût été pris plus tôt, s'il avait arrêté le passage de l'armée, et qu'il en eût attiré tous les efforts, au lieu de ceux d'une brigade de conscrits commandés par le général Chabran, qui avait été laissée pour en faire le siège. Ce dernier corps avait passé par le Petit-Saint-Bernard.

Cependant, depuis le 12 mai, Mélas avait fait refluer des troupes sur Turin et renforcé les divisions qui gardaient la vallée d'Aoste et celle du Mont-Cenis; lui-même, de sa personne, était arrivé le 22 à Turin. Le même jour, le général Turreau, qui commandait sur les Alpes, attaqua avec 3,000, hommes le Mont-Cenis, s'en empara, fit des prisonniers, et prit position entre Suse et Turin: diversion qui inquiéta Mélas, et l'empêcha de porter tous ses efforts sur la Dora Baltéa.

Le 24, le général Lannes, avec l'avant-garde, arriva devant Ivrée; il y trouva une division de 5 à 6,000 hommes: depuis huit jours, on avait commencé l'armement de cette place et de la citadelle, quinze bouches à feu étaient déja en batterie; mais sur cette division de 6,000 hommes, il y en avait 3,000 de cavalerie qui n'étaient pas propres à la défense d'Ivrée, et l'infanterie était celle qui avait été déja battue à Châtillon. La ville, attaquée avec la plus grande intrépidité, d'un côté par le général Lannes et de l'autre par le général Vatrin, fut bientôt enlevée, ainsi que la citadelle, où l'on trouva de nombreux magasins de toutes espèces: l'ennemi se retira derrière la Chiusella, et prit position à Romano pour couvrir Turin, d'où il reçut des renforts considérables.

Le 26, le général Lannes marcha contre l'ennemi, il l'attaqua dans sa position; et, après un combat fort chaud, le culbuta et le rejeta en désordre sur Turin. L'avant-garde prit aussitôt la position de Chivasso, d'où elle intercepta le cours du Pô, et s'empara d'un grand nombre de barques chargées de vivres, de blessés, et enfin de toute l'évacuation de Turin. Le premier consul passa, le 28 mai, la revue de l'avant-garde à Chivasso, harangua les troupes, et distribua des éloges aux corps qui la composaient.

Cependant on disposa les barques prises sur le Pô pour la construction d'un pont; cette menace produisit l'effet qu'on en attendait: Mélas affaiblit les troupes qui couvraient Turin sur la rive gauche, et envoya ses principales forces pour s'opposer à la construction du pont.

C'était ce que souhaitait le premier consul, afin de pouvoir opérer sur Milan sans être inquiété.

Un parlementaire autrichien, choisi parmi les officiers de l'armée autrichienne, qui avait l'honneur de connaître le premier consul, fut envoyé aux avant-postes par le général Mélas. Son étonnement fut extrême en voyant le premier consul si près de l'armée autrichienne; cette nouvelle, rapportée par cet officier à Mélas, le remplit de terreur et de confusion. Toute l'armée de réserve, avec son artillerie, arriva à Ivrée les 26 et 27 mai.