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Le Cachet d'Onyx

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Auguste Dorsay rencontrait souvent Mme de *** dans les salons qu'il fréquentait. Il s'occupa d'elle parce qu'il avait sa réputation d'homme à la mode à soutenir et qu'Hortense fixait l'attention générale alors. Puis, d'ailleurs, elle était si belle ! Quand ses cheveux noirs luisaient déroulés sur des épaules qui semblaient faites de lumière, il y avait là assez pour l'amour de cent poètes et le bonheur de tout un enfer !

Hortense aima Dorsay. Femme avant tout, avant d'être un coeur élevé et un esprit supérieur, elle s'encapriça d'un beau visage. Elle eut de l'amour pour Dorsay comme en durent avoir les filles des hommes pour les anges, quand les anges s'imaginèrent qu'il y avait plus de paradis dans l'adultère que dans les cieux. Elle en eut que ce fut une honte ! Qu'aurait-elle donné de plus à un homme de génie ? Mais c'est que le génie n'est pour une femme, même la plus distinguée, rien, hélas ! en comparaison d'une lèvre rose et d'une flamme de santé dans les yeux.

Oh ! ne faites pas vos jolis yeux méchants, Maria ! Qu'il y ait dans la beauté physique un élément inaperçu par nous, hommes barbus, et qui ébranle plus profondément votre être sensible ; que ce soit un côté plus intelligent ou plus infirme de votre nature, je ne sais : mais il en est ainsi. Vous-même comme les autres, Maria, vous n'aimerez d'amour qu'un beau jeune homme, et quand plus tard vous comprendrez que tant de beauté pouvait cacher tant d'ineptie, pauvre rossignol, fasciné du regard du reptile, vous reprendrez votre amour flétri, et ce sera encore à la beauté, fût-elle stupide, que vous vous en irez l'offrir. Eh quoi ! la passion aurait des paroles divines, ce serait assez pour rendre coupable, pas assez pour se faire aimer ? Pitié sur vous, douces créatures, et honte à toi, nature humaine ! Stigmatisez Talma de laideur et domptez (s'il est possible) son talent dramatique, vous éteignez les étoiles que Mme de Staël voyait en diadème sur son front. Sainte Thérèse mourut d'amour pour son Dieu, brûlée de désirs comme on en brûle pour une créature humaine. Mais, vous savez, cette ravissante tête rêveuse du Titien ? – devant laquelle je ne conseillerai jamais de conduire la femme que l'on aime, – eh bien, cette tête n'est pas même comparable au Christ qu'elle avait rêvé.

L'amour d'Hortense pour Dorsay fut l'affection d'un être supérieur pour un être médiocre, cette affection qui compromet, qui entraîne celle qui l'éprouve, et la livre déformée et tremblante aux bras d'un homme et aux pieds d'une société. Dorsay exploita en spéculateur habile le sentiment qu'il avait inspiré ; sa vanité rayonnait quand ses amis lui disaient en riant : «Parbleu ! Dorsay, tu as là une délicieuse maîtresse». Il trouvait doux de faire la petite bouche aux félicitations que lui adressait une jeunesse aux paroles légères. Modestie qui n'était pas même hypocrite, car il y a des aveux qui affichent une femme comme un placard.

Pour Hortense, du moment qu'elle aima Dorsay elle finit sa vie de coquette. Bien plus, elle cessa d'être aimable pour les autres femmes ; elle n'éparpilla plus son esprit et son âme, elle ne les effeuilla plus en mots piquants ou affectueux pour les jeter à la société qui l'entourait et dont elle faisait le charme. Le mouvement de la conversation, auquel elle se livrait avec une sensation de plaisir presque enivrant, ne l'emporta plus. Tout ce qui l'intéressait le plus vivement autrefois cessa de lui plaire. On eût dit qu'une peine secrète l'avait atteinte, si le coeur pouvait faire mal avec tant de rayons d'or dans les regards, et si sa préoccupation n'avait pas trahi son bonheur.

Cette femme, que l'on avait vue fière d'elle-même comme Niobé l'était de ses enfants, méprisait ses succès passés et s'étonnait comment ils avaient pu suffire à sa vie. Un jour, cependant, elle eut la fantaisie, une de ses fantaisies d'autrefois, un de ces charmants enfantillages de femme qui se retrouvait par moments dans l'amante, de paraître bien belle et de faire revivre l'admiration qu'on lui prodiguait naguère encore quand, dans un bal, à une fête, elle se montrait sous un costume seyant à la noblesse de son maintien et à l'étrange éclat de ses traits. C'est pourquoi elle prit sa douce voix, son doux sourire, son doux regard pour le mari qu'elle exécrait ; elle lui dit de ces mots de tendresse qui dans sa bouche étaient d'effroyables mensonges, l'adultère ! Et toute cette dissimulation fut employée pour obtenir le don d'une magnifique parure de rubis pour le bal de la duchesse de ***. Cette parure coûtait une somme folle ; son mari séduit la donna. Quel moyen de résister à ce démon vivant dans la femme quand elle est là devant vous, presque à genoux, presque à votre cou, presque la bouche sur la vôtre. Si on avait le ciel, on le donnerait !

Le matin du jour où elle devait mettre sa parure le soir, elle l'essayait devant sa psyché. Les rubis flambaient sur sa tête, à son cou, à ses bras et contrastaient avec la nuance plus mate de sa robe cramoisie. Son oeil était sur la glace ; sa pensée à ce soir et à Dorsay. Le coeur lui battait de cette joie d'être belle, de cette joie qui est une ivresse et que nous ne comprenons pas. Dorsay entra tout à coup.

«Comment me trouves-tu, mon Auguste ? – lui dit-elle avec un adorable mélange d'orgueil et de soumission. – Eblouissante à donner des vertiges», – reprit-il nonchalamment, avec un grand air ennuyé, tout fut dit sur la parure.

Le soir, Hortense était au bal en robe blanche, des bluets dans les cheveux. Quand la reine d'Egypte jetait dans la coupe de vinaigre les perles qui pendaient à ses oreilles, avait-elle de l'amour comme cet amour ?

Eh bien, tout cet amour, qui eût fondu un coeur de bronze en lave brûlante, fut indignement profané par Dorsay ! Fier d'être l'objet d'un sentiment si profond qu'il en ébranlait toute une existence, il abusa indignement de son empire sur la femme qui était devenue son esclave. Le plus souvent nous nous détachons de l'être que nous avons le plus aimé parce que notre nature est incomplète et que la source qui coulait en nous hier a tari. Mais alors tout doit être fini avec cette destinée qui fut la nôtre et qui ne nous appartient plus. Dorsay, comme les plus sublimes, avait donné à Hortense autant d'amour qu'il pouvait en donner à qui que ce fût. Que voulez-vous ? Il était vulgaire. Mais l'eût-il été davantage encore, il aurait aimé à sa manière d'être médiocre, d'âme petite et infime, celle qui s'abandonnait à lui sans réserve. Il l'eût aimée parce qu'elle le dominait de toute la hauteur de ses facultés d'abord, parce que les bras qu'elle lui passait autour du cou étaient si beaux, et, qu'eût-elle été la dernière des prostituées à gages, il lui fût resté assez encore pour raviver d'une illusion un coeur desséché et rappeler au libertin le plus abject les plus lointains, les plus perdus souvenirs d'amour !

Mais, enfin, cet amour s'en alla. Le Temps exfolie le granit et le coeur ! Le Temps donc, et surtout une possession dont les ivresses étaient usées, eurent bientôt détruit le sentiment de Dorsay pour Hortense. Pauvre Hortense, le sien survivait. Son âme, à elle, n'était pas épuisée ; elle avait encore de l'amour, de la fièvre, des nuits d'insomnie et de délire à passer. Étrange maladie, dont les plus faibles gémissent et les plus forts souffrent plus longtemps ou n'en guérissent pas !