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Robert Burns

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Le rayon
La lumière qui n'a jamais existé sur la terre ni sur l'océan,
La consécration et le rêve du poète862.
 

Burns n'a pas revêtu les choses d'une teinte plus céleste, mais il a répandu sur elles une infinie bonté. Là est sa véritable originalité dans le sentiment de la nature, ce qui l'ennoblit, lui donne la «consécration et le rêve du poète.» C'est par là, nous le verrons, et par là seulement, qu'il prend place parmi les modernes. Ici comme ailleurs il restera glorieux pour avoir beaucoup aimé.

III.
QUE LE SENTIMENT DE LA NATURE DANS BURNS EST TRÈS ÉLOIGNÉ DU SENTIMENT DE LA NATURE DANS LA POÉSIE MODERNE

La question qui se pose naturellement au bout de cette étude est celle-ci: Quels rapports y a-t-il entre cette façon de comprendre la Nature et le sentiment de la Nature dont est faite presque exclusivement la poésie moderne. Burns peut-il compter parmi les poètes qui, depuis un siècle, l'ont si minutieusement décrite et si richement, l'ont tellement explorée, qu'ils ont pénétré, par des sentiers non foulés, jusqu'à des sources nouvelles?

On entend assez souvent dire qu'il a contribué au mouvement qui a ramené l'homme vers la nature; on le voit cité à côté de Cowper et de Wordsworth. C'est, à nos yeux, une de ces erreurs qui se glissent dans les histoires littéraires, et finissent par s'y enraciner si fortement qu'on ne peut plus les en arracher. Rien n'est plus opposé au sentiment de la nature, tel qu'il a prévalu de nos temps, que celui de Burns. Toutefois la preuve en est plus faible à concevoir qu'à fournir, car elle suppose une étude du sentiment de la nature dans la poésie anglaise moderne. Ce sentiment est quelque chose de complexe et de difficile à déchiffrer. Il est formé de couches superposées, qui vont de l'écorce au cœur de la Nature, et de la plus délicate observation artistique à la plus grandiose généralisation philosophique. Il s'en faut que tous les poètes le possèdent en entier: quelques-uns plus peintres ne sont sensibles qu'aux phénomènes; d'autres, plus penseurs ne songent qu'à la grande vie centrale et perdent les manifestations de la surface; d'autres plus moralistes se placent entre les deux et cherchent dans les faits des rapports, des analogies avec l'âme humaine et parfois des leçons et des paraboles; quelques-uns, les plus grands, réunissent tout cela863. Il est peut-être possible de rétablir ces degrés dans leurs relations organiques, et de reconstituer ainsi un sentiment de la Nature dans tous ses éléments; mais c'est un essai qu'on n'ose pas entreprendre sans quelque défiance, tant le sujet est vaste et compliqué864. Il y a pourtant intérêt à le tenter; nous ne comprendrions pas entièrement la position de Burns dans la poésie moderne, si nous ne démêlions où il en est vis-à-vis d'une inspiration qui la constitue presque entièrement.

Ce qui frappe tout d'abord dans les poètes modernes c'est une recherche curieuse d'effets naturels, plus rares, plus délicats, plus locaux, que ceux qui ont été rendus jusqu'à présent. Les longs aspects universels et réguliers de la Nature semblent usés. Il en faut de nouveaux, de plus subtils ou de plus étranges! L'œil s'ingénie à découvrir des nuances imperceptibles ou des contrastes violents; il saisit les phénomènes sur les bords de la disparition ou dans leur explosion brutale. Des centaines de poètes ont noté des milliers d'effets inobservés. La poésie contemporaine est devenue un musée immense, inépuisable, où s'entassent des observations d'une délicatesse ou d'une grandeur jusque-là inconnues. Il suffit d'y jeter un coup d'œil pour en comprendre la richesse. Wordsworth observe la teinte bronzée que les feuilles des haies prennent sur la clarté du soir865; il remarque que le crépuscule retire du gazon les multitudes de pâquerettes866 et fait disparaître les fleurs dans la haie assombrie867; il suit la mince ligne bleue qui entoure le bord tranquille du lac868. Shelley voit passer les averses frangées d'arcs-en-ciel869, et les frissons noirs que le vent fait courir sur les vagues870; ailleurs, la lune répand son lustre, et le brouillard jaune qui remplit l'atmosphère boit sa lumière jusqu'à s'en remplir871; s'il regarde un coucher de soleil, il remarque que les lignes d'or suspendues aux nuages couleur de cendres descendent jusqu'aux pointes lointaines du gazon et jusqu'aux têtes blanchâtres des pissenlits872. Coleridge note les épis retenus par les haies des sentiers étroits873; le petit cône de sable qui danse silencieusement au fond d'une source874; les glaçons qui, au bord des toits, brillent paisiblement sous la lune paisible875; le double bruit de la pluie: le bruit net, tout auprès et le murmure confus, autour876; ou bien, appliquant la même pénétration de regard à des objets plus vastes, il observe combien, tout derrière le mont Blanc, un peu avant l'aube, l'air semble compact, noir, une masse d'ébène où la montagne pénètre comme un coin d'argent877. Keats saisit le reflet dont les nageoires satinées et les écailles d'or des poissons allument l'eau878; Tennyson, le luisant des bourgeons de marronniers ou l'iris plus vif que le printemps met au col bronzé des tourterelles879. Tous ces effets, jamais l'œil humain ne les avait discernés, détachés du fonds commun des crépuscules, des aurores, des printemps antérieurs. On a tout exploré, jusqu'aux volcans, jusqu'aux galeries souterraines des mines, jusqu'aux profondeurs des mers880. À cet exercice, la poésie est devenue merveilleusement habile. Elle s'est enrichie et renouvelée. Mais ces qualités nouvelles n'ont pas été sans quelques défauts. C'est quelquefois l'excès de richesse, la luxuriance de détails, un fouillis qui étouffe le paysage; et partant, la confusion; le lierre cache l'arbre. C'est souvent le cas dans Keats et dans Shelley. Pour les poètes plus sobres, comme Tennyson, le danger est de peindre la nature avec quelques traits exceptionnels ou trop particuliers, et d'omettre les traits essentiels sur lesquels, dans la réalité, les premiers reposent comme les fleurs sur leur rameau. Il en résulte un défaut de vérité, de solidité: des paysages en l'air et sans soutien, auxquels manquent la substance et le fond, semblables à des vêtements dont on ne peindrait que les broderies et les perles. Le seul Wordsworth est resté dans l'exacte mesure. Ces qualités et ces défauts, Burns ne les a pas; il n'a pas la façon moderne de peindre la nature. Il se contente, on l'a vu, des effets les plus ordinaires; il les prend simplement par où ils se présentent à tous; il les rend d'un trait rapide et simple. Pour toute la partie pittoresque, il n'appartient en rien, pas même de très loin, à l'école moderne.

 

Au-delà de cette observation raffinée et aiguë des faits naturels, il y a une communication, un échange entre l'homme et les choses. L'homme donne à la Nature une interprétation humaine. Il lui prête des sentiments, un caractère. Il la peint, comme l'a dit un écrivain de nos jours, avec des épithètes morales881. Cette façon de l'animer peut être faite dans deux sens différents.

Certains poètes se contentent de jeter sur la Nature leur émotion du moment. Elle s'assombrit ou s'égaie, selon qu'ils sont eux-mêmes tristes ou joyeux; elle prend la teinte de leur âme. Elle ne détient rien de son propre fonds, ni signification, ni caractère. Elle attend, pour savoir ce qu'elle ressentira, que nous le lui disions. Un site n'est ni mélancolique ni riant par lui-même; il devient l'un ou l'autre selon l'homme qui y apparaît. Le même site, visité par deux hommes dont l'âme est agitée d'émotions opposées, aura des aspects opposés. La Nature n'a pas d'expression; elle n'est qu'un écho qui répète les choses qu'on lui dit, pleure ou se réjouit selon les paroles qu'on lui jette; elle attend de nous son mot d'ordre.

Puisqu'elle est si docile à leurs modifications, ces poètes prennent la Nature pour confidente. Ils lui racontent leurs secrets; ils lui révèlent leurs chagrins, en lui demandant d'y prendre part. Ils la chargent de commissions dont les ruisseaux, les vents et les fleurs s'acquittent882. Ils lui recommandent de garder le souvenir de leurs amours.

 
Ô lac, rochers muets, grottes, forêt obscure,
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir
Gardez de cette nuit, gardez, belle Nature,
Au moins le souvenir883.
 

Comme si le seul souvenir que garde la Nature de nos amours, n'était pas celui que, depuis Virgile, les amoureux gravent dans l'écorce des arbres884; comme si elle n'était pas indifférente et ignorante de nos passions et de nos petits drames intérieurs; comme si son impassibilité dans la Tristesse d'Olympio

 
Nature au front serein, comme vous oubliez!885
 

n'était pas plus conforme à la réalité que les supplications du Lac Non! la Nature n'épouse pas notre âme. Elle a son propre rêve que le nôtre ne trouble pas. Elle vit à l'écart, nous permettant d'aller à elle, dédaigneuse de venir à nous. On peut toucher du doigt l'excès de cette manière, dans Tennyson, qui a une tendance à substituer des préoccupations humaines, précises et particulières, au rêve ignoré et vaste des choses. Ainsi, dans Maud, les oiseaux ne chantent plus pour eux-mêmes, ils n'ont plus, selon l'expression de Wordsworth, leurs pensées que nous ne pouvons mesurer886, ils disent tous: «Où est Maud, Maud, Maud?»[859] Un peu plus loin, dans un passage d'ailleurs exquis, lorsque le héros attend la jeune fille à la nuit tombée, les fleurs du jardin ne s'enivrent pas de brises tièdes, elles ne s'endorment pas dans des rayons de lune, ne se rafraîchissent pas dans leur songe de rosée nocturne. Leurs propres délices sont oubliées. Toutes les roses et tous les lis ne rêvent qu'à cette entrevue humaine.

 
 
Une larme splendide est tombée
De la grenadille de la porte,
Elle arrive, ma colombe, ma chérie,
Elle arrive, ma vie, ma destinée.
La rose rouge crie: «Elle est près, elle est près!»
Et la rose blanche pleure: «Elle tarde!»
Le pied-d'alouette écoute: «Je l'entends, je l'entends!»
Et le lis soupire: «Je l'attends!»[859]
 

Cette façon d'imposer à la Nature notre nuance du moment et de soumettre le monde à la mobilité de nos impressions est, à coup sûr, scientifiquement inexacte. Elle a été durement désignée par Ruskin sous le nom de «pathetic fallacy»; et on s'explique que cette condamnation du grand esthéticien soit absolue pour la peinture, qui prend comme moyen d'expression la reproduction même des choses, qui n'est pas chargée de rendre certains états d'âme, mais de les éveiller, et a pour langage la reproduction de la réalité. En ce qui concerne la poésie, cet arrêt est excessif; M. Shairp et M. Stopford Brook ont, ce nous semble, tort de l'accueillir sans réserves887. Car, si cette humanisation est fausse en tant que conception de la Nature en soi, elle peut être une disposition, ou si l'on veut une superstition naturelle du cœur humain. Sans doute, la Nature ne perd pas son temps à nous écouter; mais nous ne pouvons parfois nous empêcher de lui parler. Notre instinct de monologue se fait jour par là. Le fait est vrai psychologiquement. Il y a, dans une passion qui déforme ou supprime la réalité extérieure, une plus grande réalité passionnelle; son erreur même démontre sa violence; et il est naturel qu'un cœur qui déborde s'épanche sur les choses888. Toutefois, il faut noter qu'il ne s'agit plus alors de la Nature, mais de l'âme humaine. Aussi cette attitude ne suppose-t-elle aucun sentiment profond ou exact de la Nature. Elle n'en implique aucunement l'étude. Elle est très simple, très primitive, à la portée de tous. Elle a été commune parmi les anciens889. Dans ce système, la Nature n'a pas d'existence morale. C'est une confidente qui écoute tout et ne dit rien. On n'y trouve jamais que des effusions humaines qui ne nous apprennent rien sur elle. Il n'en peut sortir ni joie, ni consolation, ni conseils, aucune influence, aucun baume.

On pourrait deviner presque à coup sûr, que Burns, à cause de sa faible préoccupation de la Nature et de sa débordante personnalité, a pratiqué cette première méthode d'humanisation. C'est en effet ce qui lui arrive constamment, il tombe dans la «pathetic fallacy», comme lorsqu'il recommande à la rivière Afton de couler doucement pour ne pas réveiller Mary890, ou lorsqu'il dit:

 
Vous, rives et talus du joli Doon,
Comment pouvez-vous fleurir si fraîchement?
Comment pouvez-vous chanter, petits oiseaux
Quand je suis si plein de souci?891
 

Un des exemples les plus complets et les plus brillants de cette manière se trouve dans son Élégie sur le Capitaine Matthew Andersen. On y saisit ce qu'elle a de faux; même lorsqu'elle est mise en œuvre au moyen de touches justes et fermes, l'ensemble ne donne qu'une impression douteuse. Presque chacune des strophes qui suivent est un petit tableau exact et solide; on y peut même reconnaître aussi bien qu'en n'importe quel autre passage de ses œuvres sa fidélité d'observation, et cependant la pièce a quelque chose de factice et de forcé.

 
Il est mort! il est mort! il nous a été arraché!
Le meilleur des hommes qui fut jamais!
Ô Matthew, la nature elle-même te pleurera,
Par bois et par landes,
Où peut-être erre la Pitié solitaire,
Exilée de parmi les hommes!
 
 
Vous collines! proches voisines des étoiles,
Qui dressez fièrement sur vos crêtes les cairns892,
Vous falaises, asiles des aigles qui planent,
Où l'Écho sommeille,
Venez vous joindre, ô les plus rudes enfants de la Nature,
À mes chants qui gémissent!
 
 
Pleurez, vous, bosquets que connaît le ramier,
Bois pleins de noisetiers, et vallons pleins d'épines!
Vous ruisselets tortueux qui descendez vos glens,
En trébuchant bruyamment,
Ou en écumant fort, en bondissant vite,
De cascade en cascade.
 
 
Pleurez, petites campanules dans les prés,
Vous fastueuses digitales belles à voir,
Vous chèvrefeuilles qui pendez joliment
En bosquets embaumés,
Vous roses sur vos épineuses tiges,
Les premières d'entre les fleurs.
 
 
À l'aurore, quand chaque brin d'herbe
Plie avec un diamant à son faîte,
Le soir, quand les fèves répandent leur senteur
Dans la brise bruissante,
Vous lièvres qui courez dans la clairière,
Venez, joignez-vous à mes plaintes.
 
 
Pleurez, vous chanteurs des bois,
Vous grouse qui vous nourrissez des bourgeons de bruyère,
Vous courlis qui faites vos appels dans les nuages,
Vous pluviers siffleurs;
Et pleurez aussi, couvées bruyantes de perdrix,
Il est parti pour jamais.
 
 
Pleurez, foulques brunes, et sarcelles tachetées,
Vous hérons pêcheurs qui guettez les anguilles,
Vous canards et malarts qui, dans vos cercles aériens,
Enveloppez le lac;
Et vous butors, jusqu'à ce que les fondrières résonnent,
Criez à cause de lui.
 
 
Pleurez, râles de genêts qui piaillez à la chute du jour,
Parmi les champs brillant de trèfle en fleur,
Quand vous vous envolerez pour votre voyage annuel,
Loin de nos froids rivages,
Dites à ces terres lointaines qui gît dans l'argile
Qui nous pleurons.
 
 
Vous, hiboux, de votre chambre de lierre,
Dans quelque vieil arbre ou quelque tour hantée,
À l'heure où la lune, avec un regard silencieux,
Montre sa corne,
Pleurez à l'heure morne de minuit,
Jusqu'à l'éveil du matin.
 
 
Ô rivières, forêts, collines et plaines!
Vous avez souvent entendu mes chants joyeux;
Mais maintenant que me reste-t-il
Sinon des histoires de tristesse?
Et de mes yeux ces gouttes qui tombent
Couleront toujours.
 
 
Pleure, Printemps, mignon de l'année!
Chaque corolle de primevère contiendra une larme;
Toi, Été, tandis que les épis des blés
Dressent leur tête,
Déchire tes tresses brillantes, vertes, fleuries,
Pour celui qui est mort.
 
 
Toi, Automne, en chevelure dorée,
Déchire de douleur ton manteau jaunâtre!
Toi, Hiver, qui lances à travers les airs
La rafale hurlante,
Annonce à travers le monde dénudé
Le mérite que nous avons perdu.
 
 
Pleure-le, toi Soleil, grande source de lumière,
Pleure, impératrice de la nuit silencieuse!
Et vous, brillantes, scintillantes petites étoiles,
Pleurez mon Matthew!
Car à travers vos orbes il a pris son vol,
Pour ne revenir jamais.
 
 
Ô Henderson! ô homme, ô frère!
Es-tu parti et parti pour toujours?
Et as-tu traversé cette rivière inconnue,
Limite sombre de la vie?
Le pareil à toi, où le trouverons-nous,
À travers le monde entier?
 
 
Allez à vos tombes sculptées, ô grands,
Dans tout le vain clinquant de votre pompe!
Près de ton honnête gazon je resterai,
Ô honnête homme!
Et je pleurerai le destin du meilleur garçon
Qui jamais fut couché en terre.
 

Il convient de dire que ce morceau n'est pas dans la véritable veine de Burns. Il est de la seconde période de sa vie, il sent l'exercice littéraire. Il est probable qu'il en avait emprunté le modèle à quelque imitation des élégies classiques. C'est la charpente des élégies de Bion et de Moschus, qui s'est propagée dans la littérature à travers mille copies. Si l'on y regarde de près, on verra que c'est au fond presque la même construction que celle de l'Adonaïs de Shelley. Tel qu'il est, c'est un parfait spécimen de l'envahissement de la nature par les sentiments humains. C'est une tendance absolument opposée à l'école moderne de Poésie; et si l'on veut comprendre combien celle-ci a essayé de réagir contre elle, on n'a qu'à relire les vers de Coleridge.

 
Écoutez! le Rossignol commence sa chanson
Oiseau «très musical, très mélancolique!»
Un oiseau mélancolique! Oh! frivole pensée!
Dans la nature il n'y a rien de mélancolique.
Mais une nuit, un homme a erré, dont le cœur était percé,
Du souvenir de quelque douloureuse injustice,
D'une lente maladie ou d'un amour dédaigné,
Et le malheureux! il a rempli toutes choses de lui-même,
Et fait dire par tous les bruits charmants l'histoire
De sa propre peine. C'est lui, ou un semblable à lui,
Qui a le premier appelé ces notes un chant mélancolique.
Puis plus d'un poète a répété cette imagination…
…Nous avons appris
Une science différente: nous n'avons pas le droit de profaner ainsi
Les douces voix de la nature, toujours pleines d'amour et de joie!893
 

C'est une véritable protestation contre cette soumission de la Nature à nos passions, et une revendication de son indépendance vis-à-vis de nous. Ici encore, on voit combien Burns était, sur ce point, en dehors du courant de la poésie moderne.

Mais il y a une méthode toute moderne et toute différente de peindre la Nature avec des épithètes morales. Pour Wordsworth, pour Shelley, ses vrais poètes, et pour les autres poètes dans leurs vrais moments, un caractère appartient bien aux choses. Elles le possèdent, même lorsqu'aucun esprit humain n'est là pour le leur communiquer. La Nature n'est pas à notre disposition. Une expression permanente réside en elle. Elle a des heures et des humeurs différentes. L'Automne, où tout meurt, a une mélancolie réelle; le Printemps, une réelle gaîté. Lorsque Shelley rend en des vers navrants la désolation d'un jardin jonché de dépouilles de fleurs et saisi tout entier par la décomposition automnale894; lorsque Wordsworth, à la première douce journée de mars, voyant tout renaître, s'écrie:

 
Il y a une bénédiction dans l'air,
Qui semble communiquer un sentiment de joie
Aux arbres, aux montagnes nues,
Et à l'herbe, dans les champs verts895.
 

ils ne font que rendre strictement un fait extérieur. Ils ne prêtent pas à la Nature leurs propres sentiments; ils la trouvent dans des heures d'abattement ou de renaissance. Elle a une expression qu'ils ne lui apportent pas et qu'ils constatent. Il en est de même pour les sites. Le sourire appartient bien à certains lieux, l'horreur à d'autres, et à d'autres la sérénité. Un paysage où toutes les plantes périssent et pourrissent, où les arbres souffrent, où toute vie est chétive, exténuée et malingre, est triste en soi, sans qu'il soit besoin qu'un homme vienne y gémir. Un autre où tout est robuste et exubérant de sève, est un centre d'existences heureuses; il est gai comme une maison où tous se portent bien. D'autres, où les vents se rencontrent, sont des lieux de combat, dans lesquels les arbres ont quelque chose de ramassé, de convulsif, de nerveux, et des efforts de lutteurs. Ainsi les endroits ont des visages différents, selon la façon même dont ils accueillent d'autres existences que la nôtre; certains terrains sont moroses; d'autres, pleins de cordialité. Cela est encore plus clair pour les arbres et les plantes. Nous ne parlons pas des expressions, générales et composées des types. C'est un sujet encore peu exploré. Mais chacun de ces êtres a une contenance particulière, une façon d'être, une attitude, où se révèlent, sinon des consciences différentes, du moins des habitudes vitales diversement contractées. Ils ont aussi des sensations. «C'est ma croyance, disait Wordsworth, par un jour de printemps, que les fleurs jouissent de l'air qu'elles respirent896». Et cette croyance du poète ne sera pas contredite par les botanistes, de plus en plus portés à animer les végétaux897. Les minéraux eux-mêmes recèlent peut-être un obscur effort vers l'existence et, par suite, ils parcourent des moments différents et ont des expressions différentes, selon que ces moments sont plus ou moins éloignés de leur idéal d'existence898. Ainsi, la Nature est pleine d'expressions individuelles ou collectives. Et celles-ci se modifient avec les saisons, les heures et les températures. Une nuit de gel cause bien d'autres angoisses que parmi les hommes attardés. Il y a des coups de vent qui, balayant un paysage et affligeant les arbres, les fleurs, les oiseaux, le transforment en une véritable scène de souffrance, et y éveillent un chœur douloureux, où chacun, à sa façon, les uns en poussant des cris, les autres en contractant leurs feuilles, se plaint de sa souffrance. Il y a partout dans la Nature un élément moral et dramatique, indépendant de nous.

Nous trouvons donc quelque chose en face de nous. Il peut y avoir de véritables rapports, un véritable commerce entre l'homme et la Nature. Il y a une réalité qui les soutient et en fait autre chose qu'un vain mirage de nous-mêmes. L'expression des choses n'est pas le simple reflet des émotions que nous apportons devant elles. Il y a là une vaste sensibilité à connaître, à étudier, à pénétrer. La Nature ne fait pas que répéter ce que nous disons; elle a quelque chose à nous enseigner; elle sait nous contredire et, si nous allons à elle découragés et las, elle nous répond quelquefois qu'il faut être patient et de bon espoir. C'est par ce caractère indépendant de nous qu'elle a prise sur nous, qu'elle agit sur nous. De là découlent ses vertus salutaires et guérissantes.

Il est hors de doute que cet élément moral donne aux représentations de la Nature un sens, une portée que la description purement pittoresque ne saurait fournir. Il suffit, pour comprendre toute la différence, de comparer deux paysages, l'un décrit avec des épithètes matérielles, l'autre, avec des épithètes morales, et de comparer, par exemple, une page de Théophile Gautier à une page de Michelet. Quand elle s'appuie sur un fond solide et exact de traits matériels, cette touche intellectuelle donne aux scènes de la Nature une profondeur, un charme, et une éloquence qui font paraître insignifiantes et inertes les représentations auxquelles manque cette lueur intime.

Pour discerner le caractère habituel et les émotions accidentelles des choses, il faut une pénétration singulière: une longue étude morale de la Nature, et un don pareil à celui qu'ont les peintres de discerner l'expression d'un visage. Ce don, Wordsworth et Shelley l'ont possédé à un haut degré. Wordsworth surtout a étudié avec une admirable délicatesse, sensible

 
Aux humeurs
De l'heure et de la saison, au pouvoir moral,
Aux affections et à l'esprit des endroits899.
 

Personne n'a su comme lui dégager le génie des lieux. Depuis, les poètes s'y sont appliqués, et le monde a été presque aussi minutieusement interprété que décrit. Il en est résulté, dans la poésie moderne, les éléments d'une sorte de psychologie de la Nature. Elle est probablement destinée à rester vague comme les existences dont elle s'occupe. Pour les animaux toutefois elle est plus facile, et pour quelques-uns, comme dans l'alouette de Shelley900 et le rossignol de Keats901, elle semble presque achevée. Il est à peine utile d'ajouter que cette tendance, comme tant d'autres, existait vaguement, et que les poètes, entre autres ceux de la Renaissance, avaient déjà saisi bien des traits moraux de la Nature. Mais, sauf Milton dont la familiarité avec elle est exquise, ils le faisaient tous avec moins de soin et d'exactitude. Cowper avait bien le sentiment de cette influence morale, mais il ne l'a jamais appliqué. Ses descriptions ne sont individuelles que pour la partie pittoresque; il ne sait pas la signification particulière des sites. C'est la gloire de la poésie moderne d'avoir étendu, approfondi, précisé dans tous les sens cette interprétation, et d'avoir animé le monde de joies, de tristesses, de luttes, d'efforts, d'amours, de rêves, d'innombrables ressemblances ou tout au moins d'innombrables analogies avec l'âme humaine.

À la vérité, il y a bien encore quelque chose d'humain dans cette humanisation de la Nature. Nous n'y pouvons échapper, et c'est une des formes de notre limitation. Nous sommes bien obligés de juger des modes inconnus d'existence par le seul que nous connaissons, et de tout comprendre à travers des désignations humaines. Nous faisons ici acte d'anthropomorphisme, non plus en prêtant notre vie à la Nature, mais en essayant de traduire pour notre esprit sa façon d'exister. C'est l'anthropomorphisme inévitable, la catégorie par laquelle il faut que passent toutes nos notions. Nous n'y pouvons échapper. Et, en tout cas, si nous sommes impuissants à exprimer par notre langage des conditions d'être différentes des nôtres, nous sommes autorisés à l'employer pour traduire les relations des choses avec nous. Quelle différence avec le système précédent!902

Ici donc, quelque chose existe en dehors de nous et d'une façon permanente agit sur nous. L'école historique des milieux, dont les solutions sont encore si enfantines par leur simplicité et leur naïve assurance, ne repose-t-elle pas presque entièrement sur cette idée d'une expression et d'une influence morale des lieux? Mais elle semble ignorer tout le travail de la poésie moderne. Elle ne pourra obtenir de résultats que lorsque l'analyse, infiniment complexe, longue et délicate des caractères des sites, et en même temps l'étude aussi difficile de leur mystérieuse domination, auront été poussées assez loin pour permettre de discerner l'autorité ou la séduction d'un site particulier, et la façon dont il a parlé à tel esprit. Il y a là un travail immense que la poésie a commencé à peine, et dont la science ne semble pas se douter. Lorsqu'il sera achevé, alors seulement la théorie des milieux qui, par suite de la variété des sites et des esprits, ne peut être qu'une série d'applications très complexes et tout à fait individuelles, et qui se complaît jusqu'à présent dans des solutions générales, des simplifications, qui sont sa négation même, donnera des résultats. La seule tentative qui ait été faite dans cette direction est le Prélude de Wordsworth, cette merveilleuse autobiographie, cette histoire de la formation d'un esprit poétique, où sont notés les influences morales, et par suite les aspects moraux des lieux, où pour la première fois on a attentivement écouté et compris ce verbe de la Nature.

Dans cette dernière catégorie si moderne du sentiment de la Nature, Burns n'a pour ainsi dire pas pénétré. Il n'a jamais songé à discerner l'expression morale d'un site. Quand il humanise la Nature, c'est presque toujours, plutôt par une comparaison trop humaine, une simple métaphore, une rencontre de mots, que à dessein et après une étude de la physionomie particulière des endroits. Encore ces essais sont-ils chez lui très rares et indécis. Il faut fouiller toute son œuvre pour découvrir quelques expressions comme celles-ci: «Le joyeux matin lève son œil rosé, et les larmes du soir sont des larmes de joie»903, «quand le doux soir pleure au-dessus des prés»904, «le matin rose lève son œil, comptant tous les bourgeons que la nature arrose de larmes de joie»905. Le plus souvent, ce ne sont que des comparaisons sans aucune intention. «Quand le jour, expirant dans l'ouest, tire le rideau du repos de la nature»906 «Je cueillerai l'aubépine avec sa chevelure d'un gris argenté, là où, comme un homme âgé, elle se tient à la pointe du jour»907. Ce qu'il y a de plus avancé dans cette direction se trouve dans une strophe écrite pendant le voyage des Hautes-Terres.

 
Sauvagement, ici, sans contrôle,
La nature règne seule et gouverne tout,
Dans cette humeur calme et pensive,
La plus chère aux âmes qui ressentent;
Elle plante la forêt, répand les eaux.
Pendant la petite journée de la vie, je rêverai,
Et, à la nuit, je trouverai pour abri une caverne,
Où les eaux coulent et les bois sauvages rugissent,
Près du beau château de Gordon908.
 

Il faut, pour trouver ces quelques indications si douteuses, passer au crible tout ce qu'il a écrit. C'est insignifiant. Cela ne dépasse pas les idées qu'on atteint parfois involontairement par la seule force des mots et des images.

C'est qu'il est toujours sur le terrain des sentiments et qu'il ne sort jamais de sa passion pour s'occuper de la Nature en dehors de lui-même. Il est en cela fidèle à la tradition humaine, mais il est hors de l'étude attentive et psychologique des choses, et il n'est pas dans les préoccupations de la poésie moderne.

Enfin, au-delà et au sommet des degrés que nous avons parcourus, se trouve une conception générale de la Nature considérée comme un tout, et de nos rapports avec elle, une métaphysique de la Nature, avec son influence sur notre destinée. On peut dire que cette conception a envahi la poésie moderne. Dans la littérature anglaise, comme dans les autres, elle remplace presque entièrement l'élément religieux. Celui-ci ne se trouve plus à l'état pur que dans des poètes secondaires, comme Montgomery, Pollock ou Keble; ou, s'il se rencontre chez des poètes principaux comme Cowper, il n'y occupe qu'une place secondaire et ce n'est pas par lui qu'ils sont grands. Si Cowper ne possédait pas l'élément humain il ne serait pas beaucoup au-dessus de Young. Le sens religieux qui persiste dans Wordsworth s'est ranimé et rajeuni en se combinant avec une conception de l'univers; et pour certains poètes comme Shelley, cette conception a été toute une religion. Pour tous, bien qu'à des degrés divers, la vie humaine n'apparaît qu'à travers un système du monde, et pour quelques-uns elle y disparaît. Ce qui reste de mysticisme, de vénération et d'attente confiante, dans la poésie moderne, n'existe que mélangé à une philosophie de la Nature. C'est là seulement que les poètes de notre temps puisent leurs plus hautes inspirations; là seulement qu'ils ont trouvé les paroles d'enseignement supérieur et sacré qui semble indispensable à toute grande poésie. C'est là que les espérances de In Memoriam ou des Contemplations se suspendent. Pour quelques-uns, il y a la Nature sans religion; pour personne, il n'y a plus de Religion sans l'aide de la Nature.

862Wordsworth. Elegiac Stanzas, suggested by a Picture of Peele Castle, in a Storm, painted by Sir George Beaumont.
863On peut négliger, dans une étude du sentiment moderne de la Nature, la parabole qui est plutôt morale, et, dans ses formes les plus hautes, religieuse. Elle est affectée par le développement du sentiment de la Nature, en ce que celui-ci, en étendant l'observation et la connaissance des phénomènes, lui fournit des points de comparaison et de méditation plus nombreux et plus variés. Elle peut l'affecter de son coté en ce qu'il lui arrive d'étudier la Nature pour trouver des objets nouveaux par quoi frapper les esprits. Elle se contente le plus souvent d'illustrations familières et connues. Mais elle ne s'occupe pas de la Nature elle-même. Bossuet l'a magistralement définie, et a bien indiqué la tendance d'interprétation morale qui la constitue. «Jésus-Christ nous apprend dans ce sermon admirable à considérer la nature, les fleurs, les oiseaux, les animaux, notre corps, notre âme, notre accroissement insensible, afin d'en prendre l'occasion de nous élever à Dieu. Il nous fait voir toute la nature d'une manière plus relevée, d'un œil plus perçant comme l'image de Dieu. Le ciel est son trône: la terre est l'escabeau de ses pieds: la capitale du royaume est le siège de son empire: son soleil se lève, la pluie se répand pour vous assurer de sa bonté. Tout vous en parle: il ne s'est pas laissé sans témoignage.» (Méditations sur l'Évangile, XXXIVe jour). On peut voir dans Bossuet lui-même comment la Nature s'introduit dans cette manière d'interpréter le monde et l'enrichit. Il n'y a pas, dans la poésie moderne, de page plus admirable, plus précise, on dirait presque plus moderne, si ce mot avait un sens en face de la beauté éternelle, que ce passage qui éclate en plein XVIIe siècle. Il est bon de le lire, ne fût-ce que pour se garder des affirmations absolues: «Le soleil s'avançait et son approche se faisait connaître par une céleste blancheur qui se répandait de tous côtés: les étoiles étaient disparues, et la lune s'était levée avec son croissant d'argent si beau et si vif que les yeux en étaient charmés. Elle semblait vouloir honorer le soleil en paraissant claire et illuminée par le côté qu'elle tournait vers lui: tout le reste était obscur et ténébreux; et un petit demi-cercle recevait seulement dans cet endroit-là un ravissant éclat par les rayons du soleil, comme du père de la lumière. Quand il la voit de ce côté, elle reçoit une teinte de lumière: plus elle la voit, plus sa lumière s'accroît: quand il la voit tout entière, elle est dans son plein, et plus elle a de lumière, plus elle fait honneur à celui d'où elle lui vient. Mais voici un nouvel hommage qu'elle rend à son céleste illuminateur. À mesure qu'il approchait, je la voyais disparaître; le faible croissant diminuait peu à peu, et quand le soleil se fut montré tout à fait, sa pâle et débile lumière s'évanouissant, se perdit dans celle du grand astre qui paraissait, dans laquelle elle fut comme absorbée: on voyait bien qu'elle ne pouvait avoir perdu sa lumière par l'approche du soleil qui l'éclairait, mais un petit astre cédait au grand, une petite lumière se confondait avec la grande; et la place du croissant ne parut plus dans le ciel, où il tenait auparavant un si beau rang, parmi les étoiles (Traité sur la Concupiscence, chap. XXXII). Il n'y a pas dans Rousseau, ni dans Bernardin de Saint-Pierre, ni dans Chateaubriand, ni dans Victor Hugo, une description d'aurore comparable à celle-là. C'est aussi beau que les plus belles pages de ciel de Wordsworth. Il ne se rencontre probablement pas, parmi les descriptifs de ce siècle-ci, un tableau d'une lumière pareille, sans parler de la majesté et de la grâce. On trouve un grand nombre d'exemples charmants du mélange de nature et de morale dans saint François de Sales. Si l'on veut voir ce que peut donner ce système, lorsqu'il lui manque l'élément vivifiant et rajeunissant de l'observation naturelle, on n'a qu'à parcourir le livre de Mgr de la Bouillerie: Le Symbolisme de la Nature.
864Nous avons été aidé dans l'ensemble de cette étude par deux livres de haute et noble pensée: Theology in the English Poets par le Rev. Stopford Brooke – et On the Poetic Interpretation of Nature par le Principal Shairp. – Chez nous les livres de M. de Laprade, avec toute leur éloquence, sont vagues et sans étreinte. – On lira avec fruit le grand ouvrage de Ruskin: Modern Painters, qui porte presque uniquement sur la manière de rendre la nature, et qui est une œuvre d'ordre très haut.
865Wordsworth.
866Id. Evening Voluntaries VI.
867Id. Excursion, Book I.
868Id. Poems written in Youth: an Evening Walk.
869Shelley. Prometheus, Acte III.
870Id. Alastor.
871Id. Alastor.
872Id. The Sunset.
873Coleridge. The Three Graves.
874Id. Inscription for a Fountain on a Heath.
875Id. Frost at Midnight.
876Id. An ode to the Rain.
877Id. Hymn before Sunrise in the vale of Chamouni.
878Keats. Imitation of Spenser.
879Tennyson. Locksley Hall.
880On trouvera des exemples de ces descriptions souterraines dans l'Alastor de Shelley; et de merveilleuses descriptions sous-marines dans l'acte IV du Prometheus Unbound et dans maints autres passages de Shelley, et aussi dans le livre III de l'Endymion de Keats. Ils avaient, du reste, été précédés par Shakspeare dans sa puissante vision de Clarence (Richard III, Acte I, scène 4).
881Renan. Souvenirs de Jeunesse. Issy.
882Voir un exemple de ces demandes dans Maud de Tennyson, et dans un poème, qui est d'ailleurs une imitation de Maud, dans Gwen de Lewis Morris.
883Lamartine. Le Lac.
884Virgile. Egloga X, v. 53.
885V. Hugo. Tristesse d'Olympio.
886Wordsworth. Poems of Sentiment and Reflexion. Lines Written in Early Spring. Footnote 859: Tennyson. Maud. Part. I. XII.
887Voir M. Stopford Brook dans sa Theology in the English Poets, Lecture VI, et M. Shairp dans On the Poetic Interpretation of Nature, Chap. VIII. Cependant M. Shairp fait quelques objections et réserve les droits du poète dramatique ou épique.
888Il est curieux de voir Wordsworth revendiquer pour le cœur humain le droit de se projeter en dehors et de s'emparer de ce qui l'entoure. Les Poètes, dans leurs élégies et leurs chantsOù ils pleurent les disparus, demandent aux bosquets,Demandent aux collines, aux ruisseaux de partager leur deuil,Et aux insensibles rochers; cela n'est pas vain, car ils parlentDans ces invocations, avec une voixQui obéit à la puissante force créatrice de la passion humaine. Il y a des sympathiesPlus paisibles, et cependant de même race,Qui pénètrent dans les esprits méditatifsEt grandissent avec la réflexion. J'étais debout près de cette sourceEt je regardai son onde, tant que nous parûmes ressentirUne même tristesse, elle et moi… etc. The Excursion, Book I. Il parle d'une fontaine abandonnée, que des mains humaines activaient et faisaient courir, maintenant abandonnée et croupissante.
889Voir les Élégies de Bion, et de Moschus, et celle de Virgile.
890Voir la pièce, page 270.
891The Banks of Doon.
892Amas de pierres.
893Coleridge. The Nightingale.
894Shelley. The Sensitive Plant.
895Wordsworth. Poems of Sentiment and Reflection. To my Sister.
896Wordsworth. Poems of Sentiment and Reflection. Lines written in Early Spring.
897Notre ami le Professeur Bertrand nous a permis de soumettre nos opinions sur ce point au contrôle de sa profonde connaissance de la vie des plantes. Nous l'en remercions sincèrement.
898Voir les articles de M. Thoulet sur la vie des minéraux, dans la Revue Scientifique.
899Wordsworth. The Prelude, Book XII.
900To a Skylark.
901Ode to a Nightingale.
902Les pages de Ruskin sur la «Pathetic fallacy» ont, ce nous semble, le tort de ne pas assez marquer la différence très grande entre les deux modes d'humanisation de la Nature que nous essayons d'exposer. Elles les confondent presque. On se demande comment Ruskin peut éviter que ce qui est, selon lui, «la plus haute puissance intellectuelle de l'homme», l'«Imagination pénétrative» qui «voit le cœur et la nature intime des choses», qui «veut tenir les choses par leur cœur», ne tombe sous le coup de la «pathetic fallacy». Quelques-uns des exemples qu'il donne d'«Imagination pénétrative» pourraient être cités comme exemples de «pathetic fallacy», et inversement. Il donne comme de très beaux spécimens de la première le vers de Milton: Avec des pâles primevères qui penchent leur tête pensive. et les vers de Shakspeare dans: Les asphodèlesQui viennent avant les hirondelles, et séduisentLes vents de mars par leur beauté. Les violettes sombres,Mais plus douces que les paupières des yeux de Junon,Ou l'haleine de Cythérée; les pâles primevèresQui meurent sans être mariées, avant qu'elles puissent voirLe brillant Phœbus, dans sa force, maladieTrès propre aux jeunes filles. Et il ajoute: «Observez comme, dans ces derniers vers, l'imagination pénètre au fond de l'âme de chaque fleur» (Modern Painters, Part. III. Section ii. Chapter iii. Of Imagination Penetrative). Mais cette pénétration ne peut se faire que parce que l'esprit humain entre dans les choses et y dépose un peu de lui-même. Il fait des conjectures sur elles au moyen de ses passions et en son propre langage. Si l'on veut éviter cela, il n'y a que le silence. On est étonné, d'autre part, lorsqu'on lit les pages sur le «pathetic fallacy», de trouver comme exemples de ce défaut, des images du genre de celles qu'on vient d'admirer comme exemples d'«imagination pénétrative». Ainsi ces vers de Kingsley: Ils l'emportèrent, ramant, à travers l'écume roulante,La cruelle, la rampante écume. Ou ceux de Tennyson: Le vent, comme un mondain déchu, gémissait,Et l'or volant des bois ruinés était emporté à travers l'air.(Modern Painters, Part. IV. Chap. XII). L'écart n'est pas très grand entre ces personnifications. D'ailleurs, il est impossible de faire dix pas dans l'œuvre de Ruskin lui-même sans rencontrer des cas de «pathetic fallacy». Décrivant la vieille tour de l'église de Calais, il parle de son «insouciance de ce qu'on pense ou de ce qu'on ressent sur elle», «elle ne demande pas pitié»; elle continue son travail quotidien et se tient debout sans se plaindre de sa jeunesse passée». La vraie différence entre ces deux modes d'humanisation est donc que dans le premier, la «pathetic fallacy», les choses s'occupent de l'homme; et que, dans le second, l'homme s'occupe des choses et essaye de pénétrer leur vie; dans le premier, la sympathie vient à lui, dans le second elle sort de lui. Une seule remarque fera sentir ce qu il y a d'humain dans l'imagination pénétrative. M. Ruskin, qui est si strict pour la vérité scientifique et qui lui est si souvent fidèle, aurait dû se souvenir que les «têtes pensives» que penchent si gracieusement les pâles primevères de Milton ne sont en réalité autre chose que des organes de reproduction.
903Logan Braes.
904Afton water.
905Sleepest thou or wakest thou.
906Dainty Davie.
907Oh, Luve will venture in.
908Stream that Glide.