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Robert Burns

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Les enfants sortirent avec de grands cris,
«Le canard a fait tomber grand-père, Ô!»
«Le diable le ramasse, cria la grand'mère restue,
Il n'a jamais été qu'un clampin, Ô!
Il clampine en sortant, il clampine en entrant,
Il clampine, matin et soir, Ô;
Voilà sept longues années que je couche près de lui,
Et ce n'est plus qu'un vieux sans sève, Ô.»
 
 
«Ô veux-tu te taire, ma vieille femme restue,
Ô veux-tu te taire, Nansie, Ô!
J'ai vu le jour et toi aussi,
Où tu n'étais pas si fière, Ô;
J'ai vu le jour où tu mettais du beurre dans mon potage,
Où tu me caressais, soir et matin, Ô;
Mais «je ne puis plus» est venu me trouver,
Et ah! je m'en ressens durement, Ô.»704
 

Il y a dans ces deux strophes l'histoire de bien des vieux ménages où le mari caduc et brisé répond aux railleries de la femme encore verte par des rappels de souvenirs et semble insinuer qu'il y a quelque ingratitude de sa part à lui reprocher l'état où il est. Il ne fait pas toujours bon de tenir tête à ces gaillardes; plus d'un ne s'y fie pas. L'un des maris nous prend à moitié dans sa confidence, mais il a peur et s'arrête à mi-chemin. Il y a, dans cette chanson de deux strophes, toute une scène de comédie. Il faudrait l'analyser, mot à mot, dans l'original, pour voir ce qu'il y tient, dans un si court espace, de colère, de peur, de malice et de drôlerie. Il y a surtout à la fin une bouffée de fureur où l'homme s'oublie et va dire brutalement ce qu'il a sur le cœur. Mais avec quelle prestesse il rentre ses paroles et comme il se calme tout à coup! On le voit prendre l'air détaché de quelqu'un qui ne pense à rien et siffle pour se distraire.

 
Quand Maggy commença à être mon souci,
Le ciel, pensais-je, était dans son air,
Maintenant, nous sommes mariés; n'en demandez pas plus:
Sifflons sur le reste.
Meg était douce et Meg était charmante,
La jolie Meg était l'enfant de la nature;
De plus sages que moi ont été attrapés:
Sifflons sur le reste.
 
 
Comment nous vivons, Meg et moi,
Comme nous nous aimons et nous entendons,
Je me soucie peu que beaucoup le sachent:
Sifflons sur le reste.
Que je voudrais la voir viande à vers,
Servie dans un plat de linceul,
Je pourrais l'écrire, mais Meg le verrait:
Sifflons sur le reste705.
 

Ce sentiment se trouve exprimé d'une façon bien originale dans une sorte de chanson qui fait penser à certains morceaux où Shakspeare emprunte aux vieux refrains populaires. Elle a le charme presque inexplicable que donne aux ballades ou chansons populaires un vers, une image, un nom de plante qui semble n'avoir aucun rapport avec elles, et qui cependant fait leur attrait. Il est vrai qu'ici on peut trouver un faible lien de pensée entre la ritournelle et le thème, si on considère la rue comme une plante de malheur qui prospère, tandis que le gai et honnête thym dépérit.

 
Un vieil homme vivait dans les coteaux de Kellyburn,
Hey, et la rue croît bien avec le thym;
Et il avait une femme qui était la peste de sa vie;
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Un jour que le vieil homme remontait la longue glen,
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
Il rencontra le diable, qui lui dit: «comment vas-tu?»
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Je possède une méchante femme, Monsieur, et c'est là ma peine,
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
Car, sauf votre respect, près d'elle vous êtes un saint;
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
«Je ne te prendrai ni ton poulain ni ton veau,
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
Mais donne-moi ta femme, homme, car je veux l'avoir;
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
«Oh! vous êtes bienvenu, volontiers» dit le vieil homme joyeux,
Hey, et la rue croît bien avec le thym;
Mais si vous faites la paire avec elle, vous êtes pire que votre nom,
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Le diable a pris la vieille femme sur son dos;
Hey, et la rue croît bien avec le thym;
Et, comme un pauvre colporteur, il a emporté son paquet,
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Il l'a emportée chez lui, à la porte de son étable,
Hey, et la rue croît bien avec le thym;
Et il lui a dit d'entrer, comme chienne et catin;
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Et soudainement il fit que cinquante diables choisis
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
Vinrent la garder, en un claquement de main;
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
La mégère se rua sur eux comme un ours sauvage,
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
Ceux qu'elle attrapait n'y revenaient plus;
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Un petit démon enfumé passa la tête par-dessus le mur,
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
«Oh, au secours, maître, au secours; ou elle va nous démolir tous»,
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Et le diable jura par le fil de son coutelas,
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
Qu'il plaignait l'homme qui était lié à une femme,
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Et le diable jura par l'église et la cloche,
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
Et remercia le ciel d'être en enfer et non en mariage,
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
Puis Satan s'est remis en route avec son paquet,
Hey, et la rue croît bien avec le thym;
Et il l'a rapportée à son vieux mari,
Et le thym est flétri et la rue est en fleur.
 
 
«Je suis démon depuis déjà un bout de temps,
Hey, et la rue croît bien avec le thym,
Mais je n'ai jamais été en enfer avant d'avoir connu femme,»
Et le thym est flétri et la rue est en fleur706.
 

Aussi quel soupir de délivrance lorsque la mort, voulant donner à ces pauvres gens quelques années de tranquillité, vient leur enlever leur femme. Ils ressemblent tous au veuf de Béranger707. Ils ont des regrets pleins de satisfaction. L'un d'eux, modéré dans sa libération, dit avec douceur et un certain reste de crainte:

 
J'épousai une femme acariâtre,
Un quatorzième jour de novembre,
Elle m'avait rendu las de la vie,
Par sa langue déréglée.
Longtemps j'ai porté le joug pesant,
Et j'ai connu mainte angoisse;
Mais, cela soit dit à mon soulagement,
Maintenant sa vie est finie708.
 

Une belle tombe recouvre son corps, dit-il, mais sûrement, son âme n'est pas en enfer, car le diable ne pourrait la supporter. Un autre qui a un peu moins de décorum exprime les mêmes sentiments en termes plus pittoresques:

 
Enfin ses pieds, je chantai de le voir,
Partirent en avant, derrière la colline,
Et avant que j'épouse une autre
Je gigoterai au bout d'une corde709.
 

Après cette allégresse unanime, il se fait une séparation entre ces époux libérés. Ils penchent vers l'un ou l'autre des deux raisonnements qui s'offrent aux veufs, quand ils commencent à se remettre de leur première joie: si on n'a pas été heureux, il faut essayer de l'être; ou si on a été malheureux, il faut éviter de le redevenir. Les uns, les plus sages, ne démordent plus de cette seconde conclusion. Comme le mari de tout à l'heure, ils préfèrent avoir une corde au cou qu'une femme. On ne saurait les en blâmer. D'autres, hommes de beaucoup d'audace et de peu de découragement, tentent un nouvel essai. Quelquefois, ils ne s'en trouvent pas mal, soit que leurs premiers déboires les aient rendus aisés à satisfaire, soit que la fortune malicieuse se serve d'eux comme des numéros gagnants qui, aux loteries, entraînent les autres.

 
 
Oh! j'ai pris plaisir à remettre des dents aux peignes à lin,
Et j'ai pris plaisir à faire des cuillers;
Et j'ai pris plaisir à rétamer des chaudrons,
Et à embrasser ma Katie quand tout était fini.
Oh! tout le long jour, je frappe avec mon marteau,
Et tout le long jour, je siffle et je chante,
Et toute la longue nuit, je caresse ma commère,
Et toute la longue nuit, je suis heureux comme un roi.
 
 
Amèrement, en chagrin, je goûtais mes gains,
Quand j'épousai Bess pour lui donner un esclave.
Heureuse l'heure où elle s'est refroidie dans ses linges;
Béni l'oiselet qui chante sur sa tombe.
Viens dans mes bras, ma Katie, ma Katie,
Viens dans mes bras et embrasse-moi encore,
Gris ou sobre, toujours à ta santé, ma Katie,
Et béni le jour où je me remariai710.
 

Le tableau ne serait pas complet s'il y manquait l'adultère. Ce serait comme une forêt où il n'y aurait pas de lierre autour des arbres. La Réforme a bien essayé de faire le silence sur cette faute, et, à lire les littératures protestantes, on s'imaginerait qu'elle n'existe pas. Dans l'œuvre immense de Shakspeare, il n'y a guère qu'un adultère, celui des filles du roi Lear et d'Edmund, comme si ces créatures monstrueuses ne pouvaient aimer qu'entre elles. Dans le roman anglais contemporain, on découvre à peine quelques timides aspirations vers les amours illégitimes; et si, dans la poésie, la belle reine Guinevra a trompé le bon roi Arthur pour le brave chevalier Lancelot711, ce sont des personnages si immatériels et si distants que c'est un adultère tout idéal. Pour voir ce qui lui manque de chair, qu'on le compare à celui de Françoise de Rimini712. Mais il faut bien entendre que cette décence est une convention littéraire et une pure tenture. La vie est partout la même, et l'adultère est chose trop humaine pour faire défaut à une race bien constituée. Si les nations du midi en ont fait un des grands ressorts du drame et de la poésie, c'est qu'il est, en effet, un des maîtres actes de la vie, et qu'elles ont des littératures plus sincères. Aussi, dès qu'en Angleterre on rencontre des poètes sans préoccupation morale ou théologique, cet épisode reprend la place qui lui revient dans toute représentation fidèle de la comédie humaine. Burns était trop dégagé d'entraves de ce côté, pour ne pas avoir toute sa liberté. Il reprend, dans le vieux fonds de joyeuseté populaire, cet éternel sujet, et il le traite avec le sans-gêne, la franchise, et la gaîté des vieux fabliaux gaulois.

 
Était-ce ma faute? – Était-ce ma faute?
Était-ce ma faute? Elle me l'a demandé;
Elle me guettait sur le bord de la grand'route,
Et elle m'a conduit par le petit sentier;
Et comme je ne voulais pas entrer,
Elle m'a appelé poltron;
Quand même l'église et l'état auraient été sur le chemin,
Je suis descendu de cheval quand elle me l'a dit.
 
 
Si adroitement, elle m'a fait entrer,
Et m'a recommandé de ne pas faire de bruit:
«Car notre vieil homme rude et dur
Est de l'autre côté de la rivière».
Celui qui dira que j'ai eu tort
Quand je l'ai embrassée et caressée,
Qu'on le plante à ma place,
Et qu'il dise ensuite si j'étais le fauteur?
 
 
Pouvais-je honnêtement, pouvais-je honnêtement,
Pouvais-je honnêtement la refuser?
J'aurais été un homme à blâmer
De la traiter sans douceur.
Il l'écorchait avec le peigne à chanvre,
Il la meurtrissait rouge et bleu.
Quand un tel mari n'était pas à la maison,
Quelle est la femme qui ne l'aurait excusée?
 
 
J'essuyai longtemps ses yeux si bleus,
Et je maudis le brutal chenapan;
Et je sais bien que sa bouche avenante
Était comme du sucre candi.
C'était vers le crépuscule, je crois,
Que je m'arrêtai le lundi.
Je ressortis dans la rosée du mardi,
Pour aller boire du cognac chez le joyeux Willie713.
 

Ce ne sont là que les situations saillantes et les hauts-reliefs de la vie. Dans les intervalles, dans les situations de détail, dans les recoins de sentiment, s'intercalent des chansons qui complètent cette scène déjà si variée. Ce sont parfois de simples riens, jetés en l'air, au hasard, tels que ceux qu'on fredonne sans penser, en suivant une route. Et cependant ils contiennent leur petit grain d'observation ou de gaîté. En voici un exemple dans quelques couplets qui semblent tout blancs de farine:

 
Hey, le meunier poudreux,
Et son habit poudreux,
Il gagne un shelling,
Avant de dépenser un liard.
Poudreux était l'habit,
Poudreuse était la couleur,
Poudreux était le baiser
Que me donna le meunier.
 
 
Hey, le meunier poudreux,
Et son sac poudreux,
Béni soit le métier
Qui remplit la bourse poudreuse,
Amène l'argent poudreux;
Je donnerais ma robe
Pour le meunier poudreux714.
 

Il y en a de ces refrains, d'éparpillés de tous côtés. C'est la jolie Peg de Ramsay: la rafale du soir est froide sur la mare, l'aurore est morose quand les arbres sont nus à Noël, les collines et les vallons sont perdus dans la neige; mais, la jolie Peg de Ramsay a toujours à moudre à son moulin715. C'est le joueur de cornemuse venu du Comté de Fife et qui a joué à la cousine Kate un air que personne ne lui demandait716. Ce sont les filles à qui on annonce qu'il vient d'arriver un bateau tout chargé de maris717. C'est une commère qui avoue ses fredaines.

 
Comment ça va-t-il, commère?
Comment allez-vous?
Une pinte du meilleur
Et deux pintes avec?
 
 
Comment ça va-t-il commère,
Et comment vont les affaires?
Combien d'enfants avez-vous?
La commère dit: «J'en ai cinq».
 
 
«Et sont-ils tous de Johnny?»
«Oh! pour ça, non, dit-elle,
Deux d'entre eux ont été faits
Quand Johnny n'était pas là.
 
 
Les chats aiment bien le lait,
Les chiens aiment le potage,
Les gars aiment les fillettes,
Et les fillettes, les gars.
Nous étions tous endormis, endormis, endormis,
Nous étions tous endormis à la maison718.
 

Parfois, ce sont de légers épisodes d'une nuance un peu différente de ceux qu'on a déjà vus et qui se groupent autour d'une même situation. Ainsi, parmi les jeunes filles qui vont trouver les commères pour consulter leur expérience, il y en a une qui désire savoir de quelle couleur sont les hommes en qui on peut avoir confiance. Ce n'est rien: quatre strophes de quatre vers. Cependant la scène y est tout entière et fort jolie. On voit arriver la fillette tout occupée, comme il sied à son âge, de cette obscure question. Comme elle ignore encore que ce problème est du domaine de la méthode expérimentale, elle fait appel à l'autorité. Elle vient timidement consulter une vieille matrone qui a fait sur ce sujet des études comparées. Dans quelle incertitude d'esprit, dans quelle confusion de couleurs, la pauvrette doit s'en aller!

 
«Dites-moi, dame, dites-moi, dame,
Et nulle ne peut mieux le dire,
De quelle couleur doit être l'homme,
Pour aimer vraiment une femme?»
 
 
La vieille femme s'agita en tous sens,
Se mit à rire et répondit:
«J'ai appris une chanson dans Annandale:
Pour ma lady, un homme noir;
 
 
Mais pour une fillette des champs comme toi,
Ma petite, je te le dis sincèrement,
Je me suis accommodée de cheveux blancs,
Et les bruns font fort bien l'affaire.
 
 
Il y a beaucoup d'amour dans les cheveux noir de corbeau,
Les blonds ne deviennent jamais gris,
Il y a «de l'embrasse et serre-moi» dans les bruns,
Et de vraies merveilles dans les roux719».
 

Ce n'est pas tout. Il y a, au fond des anciennes chansons écossaises, une veine de plaisanteries gaillardes et grivoises, parfois un peu grasses, mais pleines de gaîté et de bonhomie. Elles rappellent singulièrement notre gauloiserie. C'est le même rire goguenard, bon enfant et réjoui, sur les mêmes sujets qu'on devine. Ce sont de ces histoires ou ces plaisanteries salées qu'on se raconte avec un clin d'œil et un coup de coude. Elles sont plus drues et plus gaies dans les chansons écossaises que dans celles des Anglais. Peut-être un fonds de joyeuseté celtique, peut-être l'influence française, en sont-elles la cause? Même à ce filon extrême Burns a emprunté; il en rapporte des modèles de grosse drôlerie populaire. Il a repris cette note de temps plus francs et de plaisanterie plus libre, et l'a rajeunie, tout en lui conservant, avec un bonheur parfait, sa verve, sa saveur, sa naïveté, son rire sans arrière-pensée, je ne sais quelle bonne jovialité contagieuse et rabelaisienne. Les critiques anglais ne paraissent pas beaucoup priser ce coin curieux de son génie. Pourtant, il est à noter et, pour qui ne fait pas carême en littérature, il est à goûter. Quoi de plus joli et de plus gai dans ce vieux genre que l'histoire du petit tailleur?

 
Le tailleur a passé à travers le lit, avec son dé et le reste;
Le tailleur a passé à travers le lit, avec son dé et le reste;
Les couvertures étaient minces, les draps étaient étroits,
Le tailleur a passé à travers le lit, avec son dé et le reste.
 
 
La fillette endormie ne craignait pas de mal,
La fillette endormie ne craignait pas de mal,
Le temps était froid, la fillette restait tranquille,
Elle pensait qu'un tailleur ne pouvait pas lui faire de mal.
 
 
«Donnez-moi encore un liard, rusé jeune homme,
Donnez-moi encore un liard, rusé jeune homme,
Le jour est court et la nuit est longue,
C'est le plus cher argent que j'aie jamais gagné».
 
 
Il y a quelqu'un qui est triste de coucher seule,
Il y a quelqu'un qui est triste de coucher seule,
Il y a des gens qui sont tristes et voudraient, je gage,
Voir le petit tailleur, revenir en trottinant720.
 

Il y a encore ce gredin de tonnelier de Cuddie qui fait un joli travail dans le pays.

 
 
Le tonnelier de Cuddie est venu ici,
Il nous a mis des cercles à nous toutes;
Et notre ménagère a reçu un coup de maillet,
Qui a mis en colère son sot mari Ô.
 
 
Nous cacherons le tonnelier derrière la porte,
Derrière la porte, derrière la porte,
Nous cacherons le tonnelier derrière la porte,
Et nous le couvrirons d'un panier Ô.
 
 
Le mari les chercha dehors, il les chercha dedans,
Criant: «Qu'il aille au diable, et qu'elle aille au diable!»,
Mais le vieux sot était si stupide et si aveugle
Qu'il ne savait pas où il allait lui-même Ô.
 
 
Ils ont tonnelé le matin, ils ont tonnelé le soir,
Si bien que notre maître fut un sujet de rire;
De chaque côté du front elle lui a planté une corne,
Et jure qu'elles resteront là Ô.
 
 
Nous cacherons le tonnelier derrière la porte,
Derrière la porte, derrière la porte,
Nous cacherons le tonnelier derrière la porte,
Et nous le mettrons sous un panier Ô721.
 

Rien ne manque, on le voit, à cette parodie de la plus sérieuse des passions. On y rencontre, dans toute leur diversité, toutes les situations risibles où, grâce à elle, les deux sexes se mettent vis-à-vis l'un de l'autre. On y entend tous les tons, depuis le rire très fin jusqu'au plus lourd. C'est une comédie multiple, tour à tour malicieuse, légère, bouffonne, parfois presque grossière, parfois presque émue, une suite inépuisable de caricatures, tantôt subtilement crayonnées comme pour des délicats, tantôt brutalement charbonnées comme pour mettre en branle de pesantes gaîtés villageoises. À elle seule, elle formerait une œuvre curieuse et rare, d'une étendue et d'une souplesse singulières. Elle semble plus surprenante encore, si on songe que ce même homme a reproduit, avec une variété et une puissance égales, le côté délicat, gracieux et poétique de l'amour.

Il est en cela remarquable et, on peut le dire, unique, entre les poètes de l'amour. Ceux qui en ont rendu le charme tout-puissant en parlent sur un ton qui ne souffre pas le sourire. L'ironie que quelques-uns y mettent parfois n'a rien de plaisant et n'est qu'une façon de colère. Ils croiraient profaner la passion dont ils ont vécu et dont ils souffrent, s'ils en discouraient autrement qu'avec éloquence et respect. Au contraire, les poètes qui en ont saisi les ridicules et les jeux comiques, en ont ignoré les beaux élans et les délicieuses mélancolies. De telle sorte qu'on n'a guère d'écrivain qui se soit trouvé capable d'en rendre les deux faces. Il faut aller aux grands poètes impersonnels, aux grands montreurs de la vie humaine, à Shakspeare ou à Molière, pour trouver des exemples de ce double coup d'œil. Burns l'a eu et, parmi les poètes personnels, il est le seul. Il a opposé à toute une série de pièces pleines des adorations de l'amour, toute une autre série pleine de ses dérisions. Il en a écrit pour ainsi dire la farce. C'est à nos yeux une autre preuve du fonds de poète dramatique qui existait en lui. Nous avons été surpris de trouver dans le remarquable essai de M. Stevenson que Burns n'avait donné d'indice de puissance dramatique que dans ses Joyeux Mendiants722. Le seul fait de cette double représentation d'un sentiment qui n'est universellement perçu que d'un seul côté, sauf par les plus grands maîtres du drame, indique qu'il y avait en lui quelque chose de leurs dons. Et si on prenait une à une chacune de ces chansons, on y trouverait une action, des personnages dont le caractère est indiqué d'un trait, souvent un dialogue, une scène de comédie, étonnamment indiquée en quelques strophes. Dans chacun de ces riens, si mouvementés, si scéniques, il y a une étincelle d'un génie capable de saisir l'homme depuis le rire jusqu'aux larmes, et de retracer le tableau complet de la vie humaine.

704The Deuk's dang o'er my Daddie, O.
705Whistle o'er the Lave o't.
706The Carl of Kellyburn Braes.
707Béranger. De Profundis, à l'usage de deux ou trois maris.
708The Joyful Widower.
709The weary Pund o' Tow.
710Oh, merry has I been teethin' a Heckle.
711Tennyson. The Idylls of the King, Guinevere.
712Dante. L'Enfer. Chant V.
713Had I the Wyte.
714Hey, the dusty Miller.
715Bonny Peg-a-Ramsay.
716The Piper.
717There's News, Lasses, News.
718Guid E'en to You, Kimmer.
719Come rede me, Dame.
720The Tailor.
721The Cooper of Cuddie.
722R. Stevenson. Familiar Studies of Men and Books. Some aspects of Robert Burns.