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Robert Burns

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Je repasserai par cette ville,
Et par ce jardin vert, de nouveau;
Je repasserai par cette ville,
Pour revoir ma jolie Jane de nouveau.
 
 
Personne ne saura, personne ne devinera
Pourquoi je reviens, de nouveau;
Sinon elle, ma jolie, ma fidèle fillette,
Et secrètement nous nous verrons de nouveau.
 
 
Elle passera auprès du chêne,
Quand l'heure du rendez-vous viendra de nouveau;
Et quand je vois sa forme charmante,
Ô sur ma foi! Elle m'est deux fois chère de nouveau.
 
 
Je repasserai par cette ville,
Et par ce jardin vert, de nouveau;
Je repasserai par cette ville,
Pour voir ma jolie Jane de nouveau633.
 

Voici l'autre:

 
Comme je remontais par le bout de notre route,
Quand le jour devenait fatigué,
Oh! qui descendait à pas légers la rue,
Sinon la jolie Peg, ma chérie!
 
 
Son air si doux, son corps si joli
Dont les proportions sont parfaites:
La Reine d'Amour n'a jamais marché
D'un mouvement plus enchanteur.
 
 
Les mains unies, nous prîmes les sables,
Le long de la rivière sinueuse.
Et, oh! cette heure et ce recoin dans les genêts,
Est-il possible que je les oublie?634
 

À vrai dire, ce ne sont pas là encore des morceaux où la nature intervienne beaucoup. Un seul mot, un trait, donne l'impression que l'on est en plein air. On sent qu'on se trouve sous le ciel et loin des maisons. Cela ne va guère au-delà, et ces amoureux rustiques n'y voient pas plus loin. Quand Burns parle pour lui-même, cette part de l'extérieur s'élargit et forme autour de la figure féminine un véritable cadre de verdures et de lumières.

 
Vois, la nature revêt de fleurs le gazon,
Et tout est jeune et doux comme toi;
Oh! veux-tu partager sa joie avec moi?
Dis que tu seras ma chérie, Ô!
 
 
Fillette aux blonds cheveux couleur de lin,
Jolie fillette, innocente fillette,
Veux-tu avec moi garder les troupeaux,
Veux-tu être ma chérie, Ô?
 
 
Les primevères des talus, le ruisseau sinueux,
Le coucou sur l'épine blanche comme le lait,
Les moutons joyeux, au prime matin,
Te diront la bienvenue, ma chérie, Ô.
 
 
Quand la bienfaisante averse d'été
A réjoui les petites fleurs languissantes,
Nous irons vers le bosquet de l'odorant chèvrefeuille des bois,
Au chaud midi, ma chérie, Ô!
 
 
Quand Cynthie éclaire, de son rayon d'argent,
Le faucheur fatigué qui retourne chez lui,
À travers les champs onduleux et jaunis, nous nous perdrons
Et parlerons d'amour, ma chérie, Ô!
 
 
Et quand la hurlante rafale d'hiver
Troublera le repos nocturne de ma fillette,
Te serrant sur mon cœur fidèle,
Je te rassurerai, ma chérie, Ô!635
 

Parmi un grand nombre de pièces, il y en a trois qui sont peut-être ce qu'il a fait de plus achevé dans ce genre. Il faut les citer toutes trois pour donner une idée de la merveilleuse variété avec laquelle il traitait les sujets les plus semblables. La première, avec son riche coloris de coucher de soleil printanier fut composée sur le domaine de Ballochmyle; il a raconté lui-même dans quelles circonstances. Bien qu'on l'ait vue dans la biographie, nous la redonnons ici pour la rapprocher des autres.

 
C'était le soir, sous la rosée les champs étaient verts,
À chaque brin d'herbe pendaient des perles;
Le Zéphyr se jouait autour des fèves,
Et emportait avec lui leur parfum;
Dans chaque vallon le mauvis chantait,
Toute la Nature paraissait écouter,
Sauf là où les échos des bois verts résonnaient,
Parmi les pentes de Ballochmyle.
D'un pas négligent, j'avançais, j'errais,
Mon cœur se réjouissait de la joie de la nature,
Quand, rêvant dans une clairière solitaire,
J'entrevis, par hasard, une belle jeune fille:
Son regard était comme le regard du matin,
Son air, comme le sourire vernal de la nature,
La Perfection, en passant, murmurait:
«Regarde la fille de Ballochmyle.»
Doux est le matin de mai fleuri,
Et douce est la nuit dans le tiède automne,
Quand on erre dans le gai jardin,
Ou qu'on s'égare sur la lande solitaire;
Mais la femme est l'enfant chéri de la nature!
Dans la femme elle a rassemblé tous ses charmes;
Mais, même là, ses autres ouvrages sont éclipsés
Par la jolie fille de Ballochmyle.
Oh! que ne fut-elle une fille de campagne,
Et moi, l'heureux gars des champs!
Quoique abrité sous le plus humble toit
Qui s'éleva jamais sur les plaines Écossaises!
Sous le vent et la pluie du morose hiver,
Avec joie, avec bonheur, je travaillerais,
Et la nuit je presserais sur mon cœur,
La jolie fille de Ballochmyle.
Alors l'orgueil pourrait gravir les pentes glissantes
Où brillent bien haut la gloire et les honneurs;
Et la soif de l'or pourrait tenter l'abîme,
Ou descendre et fouiller les mines de l'Inde;
Donnez-moi la chaumière, sous le sapin,
Un troupeau à soigner, un sol à bêcher,
Et chaque jour aura des joies divines
Avec la jolie fille de Ballochmyle636.
 

La seconde a été écrite, à quelques semaines de la précédente, probablement pour Mary des Hautes-Terres. Comme tout ce qu'il a fait pour elle, c'est une de ses œuvres les plus parfaites. Il est impossible de rendre, dans une traduction, la strophe caressante et fluide, qui coule avec la douceur et presque avec la musique d'une eau pure. C'est une de ses plus chastes et de ses plus poétiques inspirations.

 
Coule, doucement, doux Afton, entre tes rives vertes,
Coule doucement, je vais chanter une chanson à ta louange;
Ma Mary est endormie près de ton flot murmurant,
Coule doucement, doux Afton, ne trouble pas son rêve.
 
 
Toi, ramier, dont l'écho résonne dans le vallon,
Vous, merles, qui sifflez follement, dans cette gorge pleine d'épines,
Toi, vanneau à la crête verte, retiens ton cri perçant,
Je vous en conjure, ne troublez pas ma bien-aimée qui dort.
 
 
Qu'elles sont hautes, doux Afton, les collines voisines,
Marquées au loin par le cours des clairs ruisseaux sinueux;
C'est là que, tous les jours, j'erre quand midi monte au ciel,
Contemplant mes troupeaux et la douce chaumière de ma Mary.
 
 
Qu'ils sont agréables tes bords, et les vertes vallées qui sont plus bas,
Où les primevères sauvages éclosent dans les bois;
Là souvent, quand le doux crépuscule pleure sur la pelouse,
Les bouleaux parfumés nous ombragent, ma Mary et moi.
 
 
Qu'elle glisse amoureusement, Afton, ton onde de cristal,
Quand tu contournes la chaumière où ma Mary demeure;
Que joyeusement tes eaux baignent ses pieds neigeux,
Quand cueillant de douces fleurs, elle suit tes flots clairs!
 
 
Coule doucement, doux Afton, entre tes rives vertes,
Coule doucement, douce rivière, sujet de ma chanson,
Ma Mary est endormie près de ton flot murmurant,
Coule doucement, doux Afton, ne trouble pas son rêve637.
 

Enfin, la dernière nous transporte dans un paysage différent, plus sauvage et plus grand. Elle se rapporte, probablement, à quelque incident de son premier voyage de Mauchline à Édimbourg.

 
Ces sauvages montagnes, aux flancs moussus, si hautes et si vastes,
Qui nourrissent dans leur sein, la jeune Clyde,
Où les grouses mènent leurs volées se nourrir à travers la bruyère,
Où le berger garde son troupeau, en jouant sur son roseau,
Où les grouses conduisent leurs volées se nourrir à travers la bruyère,
Où le berger garde son troupeau en jouant sur son roseau.
 
 
Ni les riches vallées de Gowrie, ni les bords soleilleux du Forth
N'ont pour moi les charmes de ces moors sauvages et moussus;
Car là, près d'un ruisseau clair, solitaire et écarté,
Vit une douce fillette, ma pensée et mon rêve,
Car là, près d'un ruisseau clair, solitaire et écarté,
Vit une douce fillette, ma pensée et mon rêve.
 
 
Parmi ces sauvages montagnes, sera toujours mon sentier,
Où chaque ruisseau qui tombe et écume a sa gorge étroite et verte,
Car là, avec ma fillette, j'erre tout le jour,
Tandis qu'au-dessus de nous, inaperçues, passent les rapides heures de l'amour,
Car là, avec ma fillette, j'erre tout le jour,
Tandis qu'au-dessus de nous, inaperçues, passent les rapides heures de l'amour.
 
 
Elle n'est pas la plus jolie, bien qu'elle soit jolie,
De fine éducation sa part n'est que petite,
Ses parents sont aussi humbles qu'on peut être humble;
Mais j'aime la chère fillette, parce qu'elle m'aime;
Ses parents sont aussi humbles qu'on peut être humble,
Mais j'aime la chère fillette, parce qu'elle m'aime.
 
 
Quel homme ne se rend captif à la Beauté,
Quand elle a son armure de regards, de rougeurs et de soupirs?
Et quand l'esprit et l'élégance ont poli ses traits,
Ils éblouissent nos yeux, en volant à nos cœurs;
Et quand l'esprit et l'élégance ont poli ses traits,
Ils éblouissent nos yeux en volant à nos cœurs.
 
 
Mais la tendresse, la douce tendresse dans l'étincelle amoureuse du regard,
À pour moi un éclat plus brillant que le diamant,
Et l'amour qui agite le cœur, lorsque je suis serré dans ses bras,
Oh! tels sont les charmes vainqueurs de ma fillette!
Et l'amour qui agite le cœur, quand je suis dans ses bras,
Oh! tels sont les charmes vainqueurs de ma fillette!638
 

Ne sont-ce pas là trois choses exquises? Quelle est celle qu'on pourrait sacrifier ou choisir? Et voici, à côté de ces pièces si simples, une autre plus complexe. La nature n'est plus seulement un cadre gracieux ou grandiose à la femme aimée, sans qu'elle participe aux sentiments exprimés. Elle devient une compagne dont la physionomie doit s'accorder avec la tristesse du poète, à laquelle elle doit prendre part.

 
 
Maintenant dans son manteau vert, la nature se pare
Et écoute les agneaux qui bêlent sur toutes les collines,
Tandis que les oiseaux gazouillent la bienvenue dans chaque bois vert
Mais pour moi tout est sans délices, ma Nannie est au loin.
 
 
La perce-neige et la primevère ornent nos bois,
Les violettes se baignent dans la rosée du matin,
Elles attristent mon triste cœur, tant elles fleurissent doucement,
Elles me rappellent ma Nannie – et Nannie est au loin.
 
 
Ô alouette, qui t'élances des rosées de la prairie,
Pour avertir le berger que la grise aurore pointe,
Et toi, doux mauvis, qui salues la chute de la nuit,
Cessez par pitié, ma Nannie est au loin.
 
 
Viens, Automne, si pensif, vêtu de jaune et de gris,
Et calme-moi en m'annonçant le déclin de la nature.
Le sombre et morne hiver, les farouches tourbillons de neige
Seuls sont mes délices maintenant que Nannie est au loin639.
 

Dans ce mélange de nature et d'amour, il y a surtout une chose qu'il excelle à rendre. Ce sont les rendez-vous et les promenades le soir, les heures passées à deux, dans les champs, sous les ombrages complices ou les regards de la lune indulgente.

 
Ô toi, reine brillante qui, sur la plaine,
Règnes au plus haut, d'un pouvoir suprême,
Souvent ton regard, nous suivant silencieusement,
Nous a observés, errant tendrement640.
 

Rien dans son œuvre n'est plus exquis que ces scènes nocturnes, baignées de lumière argentée. Elles ont une grâce plus rêveuse que ses autres pièces, qui presque toujours ont quelque chose de très arrêté. Elles font penser à ces couples d'amoureux qu'on voit passer dans les champs, pendant les nuits d'été, tels que Jules Breton les a peints quelquefois. L'ombre, effaçant les précisions et les vulgarités du jour, les dégage des détails individuels; elle les généralise, pour ainsi dire, et ne leur laisse que le charme impersonnel et la signification anoblie et symbolique des attitudes. En effaçant les lignes arrêtées et les limites étroites, par lesquelles la lumière emprisonne durement les objets en eux-mêmes, elle les fond davantage avec ce qui les entoure. Elle en fait des images et comme des rêves de l'Amour humain, enveloppé par la Nature. Celui-ci même, sous cette forme plus vaporeuse et dans cette attitude, s'harmonise avec les choses et semble une des expressions de la tiédeur des nuits. C'est un des moments favoris des poètes, et Burns en a laissé la formule dans une strophe charmante:

 
Que d'autres aiment les cités,
Et à se montrer, à briller, dans le soleil de midi;
Donnez-moi la vallée solitaire,
Le crépuscule baigné de rosée, la lune qui monte,
Qui resplendit, rayonne, et fait ruisseler
Sa lumière d'argent à travers les branches;
Tandis qu'avec des chutes et des appels de voix,
La grive amoureuse conclut sa chanson;
Là, chère Chloris, veux-tu errer,
Près des détours des ruisseaux, sous le feuillage des rives,
Et écouter mes vœux de foi et d'amour,
Et me dire que tu m'aimes mieux que tous?641
 

C'est pour lui un sujet inépuisable et cela n'est pas étonnant. C'était hors du village que les jeunes paysans écossais allaient retrouver leur maîtresse, le long des champs qu'ils se promenaient avec elle. Il est à présumer que c'est une habitude encore en vigueur en Écosse, et ailleurs. Burns l'avait pratiquée. En revenant de ces nuits précieuses, il les chantait, et les pièces qu'il leur a consacrées appartiennent surtout à la période de Mauchline, pendant qu'il était encore jeune fermier. En voici une des plus gracieuses et des plus purement poétiques:

 
Voici que les vents d'ouest et les fusils meurtriers
Ramènent l'agréable temps d'automne;
Le coq de marais s'enlève d'un vol bruyant
Parmi la bruyère fleurissante;
Voici que le grain, ondoyant largement sur la plaine,
Réjouit le fermier fatigué;
Et la lune brillante luit, tandis que j'erre la nuit,
Pour songer à ma charmeresse.
 
 
Mais Peggy, ma chérie, le soir est clair,
Nombreuses volent les hirondelles effleurantes;
Le ciel est bleu, les champs au loin
Sont tous jaunes ou d'un vert pâli.
Viens errer, heureux, par notre gai chemin,
Voir les charmes de la nature,
Le blé frémissant, l'épine en fruits,
Et toutes les créatures heureuses!
 
 
Nous marcherons lentement, nous causerons doucement,
Jusqu'à ce que la lune brille clairement,
Je presserai ta taille, et te serrant tendrement,
Je jurerai combien je t'aime chèrement.
Ni les pluies printanières, aux fleurs écloses;
Ni l'automne, au fermier,
Ne peuvent être aussi chers que tu l'es pour moi,
Ma belle, ma douce charmeresse!642
 

Toutefois, avec Burns, la réalité ne perd jamais ses droits. Au lendemain des soirées où les couples ont passé dans un vaporeux éloignement, il arrive qu'on aperçoit, à la lisière des champs, des endroits où les épis renversés vous rappellent que ces ombres poétiques étaient après tout des êtres humains. Chez certains poètes, comme Lamartine, le clair de lune ne se dissipe jamais et la rêverie persiste. Mais, dans Burns, il y a toujours un endroit où les blés sont couchés.

 
Les sillons de blé et les sillons d'orge
Les sillons de blé sont beaux!
Je n'oublierai pas cette nuit heureuse
Avec Annie, parmi les sillons.
 
 
C'était la nuit du premier août,
Quand les sillons de blé sont beaux,
Sous la lumière pure de la lune,
Je m'en allai vers Annie;
Le temps s'envola à notre insu,
Si bien qu'entre le tard et le tôt,
En la pressant un peu, elle consentit
À m'accompagner à travers les orges.
 
 
Le ciel était bleu, le vent paisible,
La lune clairement brillait,
Je la fis asseoir, elle le voulut bien,
Parmi les sillons d'orge.
Je savais que son cœur était à moi,
Et moi, je l'aimais très sincèrement;
Je l'embrassai mainte et mainte fois,
Parmi les sillons d'orge.
 
 
Je l'emprisonnai dans une étreinte passionnée,
Comme son cœur battait!
Béni soit cet heureux endroit
Parmi les sillons d'orge!
Mais, par la lune et les étoiles si belles,
Qui si clairement brillaient sur cette heure,
Elle bénira toujours cette nuit heureuse
Parmi les sillons d'orge.
 
 
J'ai été gai avec de chers camarades,
J'ai été joyeux en buvant,
J'ai été content en amassant du bien,
J'ai été heureux en songeant.
Mais tous les plaisirs que j'ai jamais vus,
Quand on les doublerait trois fois,
Cette heureuse nuit les valait tous,
Parmi les sillons d'orge.
 
 
Les sillons de blé et les sillons d'orge
Les sillons de blé sont beaux!
Je n'oublierai pas cette nuit heureuse
Avec Annie, parmi les sillons!643
 

Malgré ces rappels de réalité, toutes ces pièces sont charmantes. En littérature anglaise, je ne vois de supérieur en ce genre, parce qu'ils sont d'une inspiration plus élevée, que deux morceaux. Le premier est l'incomparable passage qui se trouve à la fin du Marchand de Venise, quand les sons de la musique arrivent dans le calme de la nuit, et que, dans cette atmosphère doucement ébranlée d'harmonie, les âmes des deux amants s'élèvent jusqu'à la musique des sphères644. Le second est cette merveilleuse et chaste vision d'Edgar Poe, lorsqu'il aperçoit Helen, vêtue de blanc, dans le jardin enchanté, tandis que de l'orbe plein de la lune, une lumière de perle tombait sur les faces d'un millier de roses tournées vers le ciel645. Les pièces nocturnes de Burns n'ont pas la profondeur, le charme vaporeux, et le mystère de ces admirables morceaux. Elles n'en forment pas moins une des plus jolies évocations de l'amour, aux heures bleuâtres et argentées qui semblent être surtout les siennes.

 

Cela suffirait déjà pour faire de lui un poète d'amour distingué, mais on peut dire que ce ne sont là que des exceptions, des criques retirées et tranquilles, dans le grand courant de son œuvre. Ce qui est bien à lui, ce n'est ni la finesse, ni la recherche; c'est la passion sincère et vraie; c'est la simplicité, l'ardeur, l'impétuosité du désir, l'émotion contenue dans une forme si atténuée, si réduite, qu'elle n'existe pour ainsi dire plus et ne s'interpose pas. Elle est comme brûlée par la flamme intérieure. Là, il est incomparable, direct, fort, et d'une simplicité merveilleuse. Il n'y a pas de luxe d'image; il n'y a pas de recherche d'esprit; il n'y a pas de déploiement poétique, pas d'élégance, pas de profondeur; il y a de la passion pure. Elle brûle clair, tant elle est dégagée de tout autre élément. C'est ici vraiment le cœur de son œuvre, le véritable amas de ces fins et brillants coquillages qui sont bien à lui. Ils ont des teintes diverses, plus claires ou plus sombres, ils contiennent des échos différents, selon qu'ils ont été laissés sur le rivage par des jours de gaieté ou des jours de tristesse; mais ils ont tous le même caractère de netteté. On peut ramasser au hasard, on est à peu près sûr d'avoir dans la main quelque chose de précieux, un petit chef-d'œuvre.

Dans les teintes claires de l'amour, voici des pièces légères, des minauderies, des gentillesses enjouées et badines, de petits compliments, des déclarations sans importance, jetées en passant. Ces mignardises câlines elles-mêmes sont simples.

 
Jolie petite chose, fine petite chose,
Adorable petite chose, si tu étais à moi,
Je te porterais dans mon sein,
De peur de perdre mon bijou.
Songeusement, je regarde, et je languis,
Ce joli visage qui est tien;
Et mon cœur tressaille d'angoisse,
De peur que ma petite chose ne soit pas mienne.
 
 
Esprit et Grâce, et Amour, et Beauté,
En une constellation brillent;
T'adorer est mon devoir,
Déesse de cette âme qui est mienne!
Jolie petite chose, fine petite chose,
Adorable petite chose, si tu étais à moi,
Je te porterais dans mon sein,
De peur de perdre mon bijou!646
 

Et celle-ci encore:

 
Ô! mets ta main dans la mienne, fillette;
Dans la mienne, fillette; dans la mienne, fillette;
Et jure sur cette blanche main, fillette,
Que tu seras à moi.
 
 
J'ai été l'esclave du despotique amour,
Souvent il m'a bien fait souffrir;
Mais maintenant il me fera mourir,
Si tu n'es pas à moi.
 
 
Mainte fillette a jadis troublé mon repos,
Que, pour un court moment, je préférais;
Mais tu es reine dans mon cœur,
Pour y rester toujours.
 
 
Oh! mets la main dans la mienne, fillette;
Dans la mienne, fillette; dans la mienne, fillette;
Et jure sur cette blanche main mignonne
Que tu seras à moi647.
 

Parfois ce sont, dans le même genre, de simples cajoleries, quelques mots caressants mis autour d'un baiser et se jouant avec lui. C'est plus simple et plus net que le compte embrouillé des baisers de Catulle648.

 
Je t'embrasserai encore, encore,
Je t'embrasserai de nouveau,
Je t'embrasserai encore, encore,
Ma jolie Peggy Alison.
 
 
Tous soucis et toutes craintes, quand tu es près,
Je les défie. Ô!
Les jeunes rois sur leurs jeunes trônes
Sont moins heureux que moi. Ô!
 
 
Quand dans mes bras, avec tous tes charmes,
Je serre mon trésor infini. Ô!
Je ne demande pour ma part du ciel
Que le plaisir de pareils moments. Ô!
 
 
Et par tes yeux si doucement bleus,
Je jure que je suis à toi pour jamais. Ô!
Et sur tes lèvres, je scelle mon vœu,
Et je ne le briserai jamais. Ô!
 
 
Je t'embrasserai encore, encore,
Je t'embrasserai de nouveau,
Je t'embrasserai encore, encore,
Ma jolie Peggy Alison649.
 

Veut-on de la simplicité dans la grâce attendrie? quelques paroles à moitié ou tout à fait émues? En voici encore, où tantôt la délicatesse domine comme dans la première des pièces qui suivent, et où tantôt la tendresse la restreint et la remplace presque, ne lui laissant qu'une petite place, comme dans celles qui viennent ensuite.

 
Ô jolie Polly Stewart,
Ô charmante Polly Stewart!
Il n'y a pas une fleur qui fleurit en Mai,
Qui soit à moitié aussi belle que toi!
La fleur fleurit, puis se fane et tombe,
Et l'art ne peut la raviver;
Mais, par la vertu et la candeur, toujours jeune
Restera Polly Stewart!
 
 
Puisse celui dont les bras posséderont tes charmes,
Avoir un cœur loyal et sincère;
Qu'il lui soit donné de connaître le Paradis,
Qu'il possède en Polly Stewart!
Ô adorable Polly Stewart,
Ô charmante Polly Stewart!
Il n'y a pas une fleur qui fleurit en Mai,
Qui soit à moitié aussi jolie que toi!650
 

Quoi de plus simple que cette strophe?

 
Quand la cruelle destinée nous séparerait,
Aussi loin que du pôle à l'équateur,
Sa chère pensée autour de mon cœur
S'enroulerait tendrement.
Que les montagnes se dressent, et les déserts hurlent,
Et les océans rugissent entre nous,
Cependant, plus chère que mon âme immortelle,
J'aimerais encore ma Jane651.
 

Celle-ci fut une de ses toutes premières chansons; elle fut écrite au commencement de son séjour à Mauchline:

 
Ô Mary, sois à ta fenêtre,
C'est l'heure convoitée et convenue!
Laisse-moi voir ces sourires et ces regards,
Qui font mépriser le trésor de l'avare:
Avec quelle joie je supporterais la poussière,
Peinant en esclave du matin au soir,
Si je pouvais m'assurer la riche récompense,
La jolie Mary Morison!
 
 
Hier soir, quand, au son tremblant des cordes,
La danse traversait la salle éclairée,
Vers toi ma pensée prit son vol.
Je restai assis, mais sans voir, ni entendre,
Bien que celle-ci fût jolie, et celle-là brillante,
Et celle-ci l'orgueil de la ville,
Je soupirais et disais au milieu d'elles toutes:
«Vous n'êtes pas Mary Morison!»
 
 
Ô Mary, peux-tu briser le repos
De celui qui, pour loi, mourrait avec joie?
Et peux-tu bien briser son cœur
Dont la seule faute est de t'aimer?
Si tu ne veux pas rendre amour pour amour,
Du moins, montre-moi de la pitié;
Une pensée sans douceur ne saurait être
La pensée de Mary Morison652.
 

Et celle-ci, dont les derniers vers sont si simples, est au contraire de ses dernières années:

 
Le jour revient, et mon cœur est en flamme,
Le jour béni où nous nous rencontrâmes;
Quoique l'âpre hiver se fatiguât en tempêtes,
Jamais soleil d'été ne m'a paru si doux.
Plus que les trésors qui chargent les mers
Et traversent la ligne enflammée,
Plus que les robes royales, les couronnes et les globes,
Le ciel m'a accordé; – car il t'a faite mienne.
 
 
Tant que le jour et la nuit amèneront des délices,
Tant que la nature donnera des plaisirs,
Tant que les joies passeront sur mon esprit,
Pour toi et toi seule, je vivrai.
Quand le sombre ennemi de la vie ici-bas
Viendra entre nous deux nous séparer,
La main de fer qui brisera notre lien
Brisera mon bonheur, brisera mon cœur!653
 

Et voici encore de la simplicité dans la mélancolie et dans la tristesse; des regrets tels qu'ils naissent dans les cœurs simples et s'exhalent sur des lèvres qui ignorent la recherche. Ils passent naturellement de l'âme dans la voix, ne prenant que peu de mots pour s'exprimer et se changeant presque involontairement en son, comme ces chagrins secrets qui se prolongent en soupirs.

 
J'ai été aussi joyeux sur cette colline
Que les agneaux qui jouaient devant moi;
Chacune de mes pensées était aussi insouciante et libre
Que la brise qui passait sur mon front.
Maintenant, ni ébats, ni jeux,
Ni gaîté, ni chanson ne peuvent plus me plaire;
Leslie est si jolie et si timide!
Le souci et l'angoisse m'ont saisi!
 
 
Lourde, lourde est la tâche
De déclarer un amour sans espoir:
Tremblant, je n'ose que regarder,
Soupirant, muet, désespéré.
Si elle ne soulage pas les tourments
Qui remplissent ma poitrine,
Sous la motte de gazon vert,
J'irai bientôt demeurer654.
 

Ces deux derniers vers sont, dans le texte, d'une tristesse inexprimable. On trouve les mêmes qualités dans cet autre morceau:

 
Mon cœur est triste, – je n'ose pas le dire,
Mon cœur est triste pour l'amour de quelqu'un,
Je veillerais une nuit d'hiver,
Pour l'amour de quelqu'un.
Oh hon! pour quelqu'un,
Oh hon! pour quelqu'un,
J'errerais autour du monde
Pour l'amour de quelqu'un.
 
 
Vous Pouvoirs qui souriez aux amours vertueux.
Oh! doucement, souriez à quelqu'un!
De tout danger, gardez-le libre,
Rendez-moi sauf mon quelqu'un.
Oh hon! pour quelqu'un
Oh hey! pour quelqu'un,
Je ferais – que ne ferais-je pas?
Pour l'amour de quelqu'un655.
 

Et celle-ci encore d'une si grande naïveté de plaint, et par cela même si touchante:

 
Est-ce là ta foi, ta tendresse, ta bonté,
Nous quitter ainsi cruellement, ma Katy?
Est-ce là ta récompense envers ton ami fidèle,
Envers un cœur souffrant et brisé, ma Katy?
 
 
Peux-tu me quitter ainsi, ma Katy?
Peux-tu me quitter ainsi, ma Katy?
Tu connais bien que mon cœur souffre.
Peux-tu me quitter ainsi, par pitié?
 
 
Adieu, que jamais ces chagrins ne déchirent
Ce cœur inconstant qui est tien, ma Katy?
Tu pourras trouver qui t'aimera chèrement,
Mais pas un amour comme le mien, ma Katy!656
 

Au milieu de ces gerbes de pièces amoureuses, celles qui ont été dédiées à Clarinda forment une javelle à part. Aucunes n'offrent d'une façon plus frappante ce merveilleux mélange de passion et de simplicité, qui fait son originalité dans la troupe si nombreuse des poètes de l'amour. Elles ont été citées dans la biographie et il est superflu de les redonner ici. Qu'on se rappelle les vers sur cette nuit de Décembre qui fut plus douce qu'aucun des matins de mai657, sur le rivage où il errera solitaire au milieu des cris d'oiseaux de mer658, et surtout cette navrante pièce sur le dernier baiser, le baiser d'adieu éternel qui semble déchirer les lèvres qui se le donnent et les retient cependant éperdues et prises dans son amère douceur659. Les simples et douloureux couplets sont désormais dans la littérature anglaise la plainte définitive des cœurs brisés. Qu'on relise ces pièces pour voir avec quels simples moyens on peut rendre ses plus puissantes émotions et la plus ardente passion.

Et cependant, ce n'est pas encore là le terme extrême. Il a été plus loin, aussi difficile que cela puisse sembler. Parfois il est plus bref encore. Il semble qu'il n'y ait plus rien. Les pièces sont dépouillées du moindre contenu intellectuel, elles sont vides. Tout s'en est retiré, images, idées, couleur. Que leur reste-t-il donc? La passion. Elles tremblent d'une flamme invisible. L'effet est insaisissable et pénétrant. Cela ne peut se comparer qu'à l'émotion que le frémissement de la voix donne à des mots insignifiants. Et ces pièces si simples ne se laissent pas lire sans contraindre la voix à changer d'expression à chaque vers, et sans parfois la charger d'attendrissement. Qu'on prenne, par exemple, la pièce suivante:

 
Oh! veux-tu venir avec moi, douce Tibbie Dunbar!
Oh! veux-tu venir avec moi, douce Tibbie Dunbar?
Veux-tu partir sur un cheval ou dans une voiture,
Ou marcher à mes côtés, oh! douce Tibbie Dunbar.
 
 
Peu m'importe ton père, tes terres et ton argent,
Peu m'importe ta race haute et seigneuriale!
Dis seulement que tu veux m'avoir pour heur ou malheur,
Et viens dans ton petit manteau, douce Tibbie Dunbar!660
 

Ce n'est rien, et, dans l'original, cela est ravissant. Presque tout l'effet est dû à l'habile répétition et au retour caressant du nom propre. Sans doute, il est difficile de se rendre compte du charme qu'a ce retour. Tout est dans l'inflexion musicale et sa douceur. Il faut pour cela se mettre en mémoire des effets analogues, se répéter la musique de certaines syllabes, se souvenir de certains vers de nos propres poètes, rendus mélodieux par un nom de femme, se dire, avec Ronsard:

 
Marie, qui voudrait retourner votre nom?
Il trouverait aimer661.
 

ou avec André Chénier:

 
Ô Camille! l'amour aime la solitude,
Ce qui n'est point Camille est un ennui pour moi…
Camille est un besoin dont rien ne me soulage;
Rien à mes yeux n'est beau que de sa seule image,
Sur l'herbe, sur la soie, au village, à la ville,
Partout, reine ou bergère, elle est toujours Camille662.
 

ou avec Victor Hugo:

 
Thérèse la duchesse à qui je donnerais,
Si j'étais roi, Paris, si j'étais Dieu, le monde,
Quand elle ne serait que Thérèse la blonde;
Cette belle Thérèse, aux yeux de diamant663.
 

Et l'on arrive alors, non pas à saisir le charme de cette jolie petite pièce, mais à se rendre compte du genre de charme qu'elle peut avoir, car elle est dans sa langue originale beaucoup plus accomplie que les exemples que nous avons donnés en français. En voici une autre du même genre et peut-être plus simple encore:

 
Et oh! mon Eppie
Mon bijou, mon Eppie,
Qui ne serait heureux
Avec Eppie Adair?
Par l'amour, la beauté,
Par la loi, le devoir!
Je jure d'être fidèle à
Mon Eppie Adair!
 
 
Et oh! mon Eppie,
Mon bijou, mon Eppie,
Qui ne serait heureux,
Avec Eppie Adair?
Que le plaisir m'exile,
Que le déshonneur me souille,
Si jamais je te trahis,
Mon Eppie Adair!664
 

Ici encore, on peut dire que la pièce se compose de la répétition d'un nom. Les vers intermédiaires ne servent qu'à le faire prononcer avec des inflexions différentes. Mais la pièce est si harmonieuse, les sonorités des rimes accompagnent et font valoir si bien celle du nom propre, que celui-ci prend une valeur musicale et poétique qui se passe de sens. Il revient avec persistance et avec une grâce chaque fois accrue, comme ce nom que les amants redisent machinalement et avec délices. Il finit par prendre la douceur qui ravissait le héros du poème de Tennyson quand, en se promenant dans le jardin, près du château, il entendait les oiseaux qui disaient: «Maud! Maud! Maud»! Et c'était pour lui la plus divine des musiques665.

Il en est de même pour la passion. Dans la pièce suivante, tout le geste d'énergie farouche et désespérée, l'accent brusque et sombre de la voix qui accompagnent un adieu, est rendu par les vers courts et hachés qui terminent les strophes et surtout la seconde.

 
Si j'avais une caverne sur un rivage lointain et sauvage,
Où les vents hurlent sur les bonds rugissants des vagues,
J'y pleurerais mes chagrins,
J'y chercherais mon repos perdu,
Jusqu'à ce que la peine ferme mes yeux,
Pour ne plus m'éveiller.
 
 
La plus fausse des femmes, oses-tu déclarer
Que les chers vœux donnés sont légers comme l'air?
Va-t-en à ton nouvel amant,
Ris de ton parjure,
Et cherche dans ton cœur
Quelle paix tu y trouves!666
 

Et je ne crois pas qu'il soit possible de mettre plus de passion en moins de mots que dans ces deux pièces que nous citons encore. La première est un pur cri, mais si simple, si franc, si sincère, qu'il devient poignant. Ce sont toujours les mêmes mots, comme dans la réalité, mais qui reviennent avec un appel de plus en plus désespéré.

633I'll aye ca' in by yon Town.
634Bonny Peg.
635Lassie wi' the Lint white Locks.
636The Lass of Ballochmyle.
637Sweet Afton.
638Yon wild mossy Mountains.
639My Nannie's Away.
640Lament, occasioned by the unfortunate issue of a Friend's Amour.
641She says she lo'es me best of All.
642Peggy.
643The Rigs of Barley.
644Shakspeare. The Merchant of Venice. Act V, Scène 1.
645Edgard Poe. Helen.
646The Bonny wee Thing.
647Oh, lay thy Loof in mine, Lass.
648Voir les deux petites pièces ad Lesbiam: «Vivamus, mea Lesbia, atque Amenus» et «Quæris quot mihi basiationes».
649Bonny Peggy Alison.
650Lovely Polly Stewart.
651My Jean.
652Mary Morison.
653The Day returns.
654Blithe have I been.
655For the Sake of Somebady.
656Canst thou leave me thus, my Katy.
657The Mirk Night of December, voir pag. 472 de la Biographie
658Behold the Hour, voir pag. 472, id.
659Ae Fond Kiss, voir pag. 473, id.
660Tibbie Dunbar.
661Ronsard. Les Amours, Marie.
662André Chénier. Élégies. Livre II. 7.
663V. Hugo. Les Contemplations. La Fête chez Thérèse.
664Eppie Adair.
665Tennyson. Maud. XII.
666Had I a Cave.