Tess

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3. L'Héritage

L'armée américaine engagea SRD pour livrer de nouvelles armes aux YPG - Yekîneyên Parastina Gel - les unités de protection du peuple kurde, qui constituaient les combattants les plus efficaces contre le groupe djihadiste Daesh en Syrie. Jake dut organiser plusieurs réunions de coordination avec son personnel, pour examiner les budgets, coordonner l'acquisition et le transport d'armes et mettre au point, avec Nicola Orsini, un plan de formation des Kurdes qui se rassembleraient à Raqqa, en Syrie.

À la fin d'une longue journée de réunions de projet, Jake rentra à l'appartement de Manhattan où il trouva Tess dans la cuisine portant un tablier. Il lui fit un bisou sur la joue pour la motiver, bien que ce ne fût pas nécessaire. Tess avait déjà préparé casseroles, épices, viandes et fromages sur le comptoir, prête à exécuter ses recettes comme s'il s'était agi d'une opération militaire. Comme il était impossible de détourner l'attention de Tess de la tâche qu'elle s'était assignée, Jake se rendit dans son bureau et s'assit à son ordinateur pour lire son fil d'infos. Sebastian, son bouledogue — qu'ils appelaient aussi Tubby, ou encore Fathead, selon la gravité des problèmes dans lesquels il s’était empêtré — se précipita sous le bureau pour s'y installer et poser ses bajoues sur les pieds de Jake. Jake n'avait jamais compris comment le chien parvenait à ne pas finir sous les roues de son fauteuil. Il fallut moins d'une minute au chiot pour ronfler et baver béatement. Bien trop classe et peu soucieuse de se retrouver face à des semelles souillées, Maggie, l'épagneul Cavalier King Charles parfaitement toiletté de Tess, sauta sur le canapé et opta pour une sieste sur un joli coussin moelleux.

George Kimmel, l'as du renseignement militaire de la compagnie, fournissait régulièrement à Jake des résumés des nouvelles du monde. Le rapport trimestriel pullulait de faits nouveaux.

Les Russes s'étaient ingérés dans l'élection présidentielle américaine et étaient soupçonnés d'avoir affaiblir le candidat démocrate au profit de Donald Trump. Le terrorisme à l'échelle mondiale était plus que jamais d'actualité. Plusieurs attaques dévastatrices menées ou inspirées par Daesh avaient fait des dizaines de victimes à Paris, Nice, Bruxelles, Manchester et Londres. À Mossoul, les forces irakiennes étaient sur le point de déloger Daesh, et les combats acharnés et sanglants faisaient de nombreuses victimes. Une alliance de forces kurdes, syriennes, turques et de divers groupes rebelles avaient encerclé Raqqa en Syrie, la capitale de facto de l'État Islamique. Les Américains apportaient leur soutien aérien dans ces deux villes, et les Russes faisaient de même à divers endroits en Syrie, tout en gardant en tête leur objectif, qui était d'apporter leur soutien au régime assassin syrien.

Le téléphone sonna mais Jake ne décrocha pas. Lui et Tess avaient une règle stricte selon laquelle aucune interruption n'était permise avant et pendant le dîner. Il termina sa lecture. Le téléphone sonna à nouveau. Puis encore. Quiconque appelait semblait bien obstiné. À contrecœur, Jake finit par décrocher et grommela un "Oui".

L'homme déclina son identité. « Monsieur Vickers, je m'appelle Paul Mitchell, l’avocat de Madame Fadime al-Saadi. Vous vous souvenez peut-être d'une réunion que nous avions eue concernant Aara, la nièce de Madame Fadime.

— Oui, je m'en souviens, Monsieur Mitchell. C'était il y a plusieurs années et je pense que l'affaire est maintenant close.

— Pas de souci là-dessus, Monsieur Vickers. Je ne fais que transmettre une information de la part de ma cliente. À ses dix-huit ans, Aara recevra un héritage assez conséquent. Je crois comprendre qu'elle les atteindra dans deux mois.

— Monsieur Mitchell, je crains que tout futur contact entre Madame Fadime et Aara soit une mauvaise idée. Comme vous le savez, cette enfant a vécu une expérience traumatisante et je ne pense pas qu'il soit opportun de rouvrir ce chapitre de sa vie.

— Monsieur Vickers, peut-être dois-je mentionner que l'héritage provient du défunt père d'Aara, le général Amir al-Saadi et que son montant est considérable.

— Peut-être bien. Mais Aara ne manque de rien. Qu'il y ait plus d'argent à la clé ne nous fera pas changer d'avis.

— Monsieur Vickers, nous parlons de dizaines de millions de dollars. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que c'est une décision q’uil revient á Mademoiselle Aara, de prendre. Pas à vous. Je vous prie, et j'insiste, de l'accompagner à mon bureau où elle rencontrera Madame Fadime qui vous expliquera tout en détail.

— Je dois en parler avec ma femme qui, sans l'ombre d'un doute, voudra connaître ce que rencontrer Fadime implique.

— Si vous insistez, Monsieur Vickers. Je propose d'organiser une réunion à mon bureau. En début du mois prochain, cela vous convient ?

— Tout dépendra si ma femme accepte la rencontre.

— J'attends votre confirmation. Au revoir. »

***

Jake s'adossa dans son fauteuil et réfléchit un instant. Il craignait que cette nouvelle n'entraîne une véritable tempête de la part de Tess. Ses échanges avec Fadime avaient été pour le moins orageux. Lors de leur dernière rencontre, Tess avait jeté Fadime à travers la pièce et lui avait cassé le bras. Le comportement de Tess avait été complètement justifié mais Jake ne voulait pas que cela se reproduisit. La meilleure façon de gérer la situation était qu'il rencontre l'avocat, mais il devait en parler à Tess au plus tôt, ce qui pouvait entraîner des problèmes entre eux. Il décida de prendre le taureau par les cornes et d'en informer Tess après le dîner.

Tess se trouvait encore dans la cuisine, toute à sa nouvelle passion, la cuisine gastronomique. Quelques mois plus tôt, Carmen, sa meilleure amie, lui avait conseillé d'acquérir ce nouveau talent pour se réconcilier avec Jake ; le couple s'était séparé suite à un houleux épisode d'aventures extra-conjugales que chacun avaient eues. Les beaux-parents de Carmen en Italie avaient donné à Tess un cours intensif de cuisine italienne. Fidèle à sa nature obsessionnelle et perfectionniste, Tess apprit tout ce qu'elle put sur l'art culinaire et en conclut que c'était, après tout, un apprentissage digne d'être poursuivi. Contrairement à Jake, gourmet avide et aventureux, Tess était plutôt du genre viande et pommes de terre, mais elle avait décidé de poursuivre ses efforts culinaires pour réparer leurs blessures de couple. Quand ils ne dînaient pas dehors, ils cuisinaient à tour de rôle : Tess préparait des plats relativement sophistiqués ; Jake déclinait des variations de viandes et de rôtis qu'elle préférait. Ce que Tess préparait à l'instant sentait délicieusement bon, ce qui poussa Jake à passer dans son dos pour la serrer dans ses bras.

« On ne dérange pas le chef, dit Tess en s'esquivant. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, c'est mon tour de te nourrir ce soir.

— Et j'en suis fort reconnaissant, Madame le Chef. Tout ça m'a l'air succulent.

— Ça l'est. Et maintenant, aide-moi à dresser la table.

— Avec plaisir, je m'en occupe, » dit Jake en prenant assiettes et couverts.

Le repas fut délicieux : plateau d'antipasto aux figues, pain croustillant et fromage bleu ; fettucine fraîches en sauce crémeuse avec crevettes et champignons ; et au dessert, crème caramel.

Après quoi, le couple se retira sur le balcon surplombant la Cinquième Avenue de New York avec des verres de brandy. Les gratte-ciels étaient illuminés, en fier signe de prospérité de leurs résidents fortunés.

« Tess, j'ai eu un coup de fil cet après-midi. C'est à propos d'Aara.

— Ne me dis pas qu'elle s'est mise dans le pétrin à l'école.

— Non, rien de la sorte. Aara est l'enfant la plus appliquée que j'aie jamais connue.

— J'ai eu un appel de Sofiya, sa prof de piano à Julliard, intervint Tess. Elle est impressionnée par son travail assidu et sa technique au piano. Elle nous propose de faire une revue de ses progrès la semaine prochaine.

— Super, j'aimerais bien voir ça. Au fait, où est Aara ce soir?

— Elle passe la soirée chez son amie Suzy. Elle sera de retour dans environ une heure. Alors, de quoi il s'agit ?

— J'ai reçu un appel de l'avocat de Fadime. Lui et Fadime veulent nous rencontrer, Aara et nous. Apparemment, Amir a laissé beaucoup d'argent à Aara pour dix-huit ans.

— Alors pourquoi ne pas lui envoyer un chèque et en finir ? Rencontrer Fadime est bien le dernier de mes soucis. Je pourrais être tentée de terminer ce que j'avais commencé et lui briser son autre bras.

— Tess, cela semble sérieux. Apparemment, l'héritage s'élève à plusieurs millions.

— Aara a déjà tout ce dont elle a besoin. Elle n'a pas besoin d'argent sale.

— Si l'argent vient de son père, c'est qu'il s'agit d'une fortune ancienne, et donc légitime. En tout cas, j'ai le sentiment que c'est à elle de prendre cette décision. Et nous la soutiendrons, quoiqu'elle décide. Écoutons ce que Fadime a à dire et nous aviserons après. Si tu préfères ne pas venir, je peux y aller avec Aara.

— Je n'ai pas confiance en Fadime. Je vous accompagnerai. J'essaierai de me contrôler et de ne pas lui briser la nuque.

— Admirable. De toute façon, il ne s'agit que de savoir de quoi tout cela retourne. Nous pouvons nous en aller à tout moment.

— Et comment. » Tout cela avait agacé Tess. Le souvenir de ses horribles péripéties avec Amir et Fadime lui assaillit la mémoire. Elle n'en avait pas besoin.

Peu après, Tess se mit au lit avec un mal de tête, espérant que ses fréquents cauchemars ne reviendraient pas. Jake resta éveillé à attendre le retour d'Aara pour l'informer des dernières nouvelles. La jeune fille était fatiguée et montra peu d'intérêt. Elle fit part à Jake de sa journée à Julliard puis elle alla se coucher.

 

4. Âmes-Sœurs

Par une belle journée d'été à Buenos Aires, Laurent Belcour discutait au téléphone avec Bertrand Dubois, son associé, de la performance financière des diverses maisons de joie et autres services d'escorte qu'il dirigeait de par le monde. Il apprit aussi une mauvaise nouvelle : Isidore Khujadze, avait essayé de vendre de la matière nucléaire à des agents de la CIA qui s'étaient fait passer pour des acheteurs, au lieu de la livrer aux gens de Dubois. C'était ennuyeux et frustrant. Par le passé, Belcour n'avait pas réussi à faire déployer par Daesh une arme nucléaire qu'il avait sortie clandestinement de la Corée du Nord. Sa stratégie avait été de faire détonner une bombe quelque part en Europe pour pousser les Européens et les Américains à augmenter leurs dépenses en armement, ce qui aurait fait le bonheur d'importants fabricants d'armes, portefeuilles dans lesquels il avait considérablement investi. Le chaos et la dévastation qui en auraient résulté étaient le dernier de ses soucis. Tout ce qu'il voulait, c'était d'en tirer profit et de se venger de la France, son pays natal, de l’avoir traîné devant les tribunaux pour avoir encouragé la prostitution.

La porte d'entrée s'ouvrit et Fadime l'appela.

« Je dois y aller, » dit Laurent en éteignant son téléphone.

Fadime al-Saadi entra dans son studio puis alla vers la bibliothèque pour éteindre la chaîne stéréo qui jouait de la musique classique douce. Laurent se retourna et posa ses yeux sur l'objet actuel de son affection. À la vue de son visage, il savait qu'elle était en contrariée.

« Qu'est-ce qu'il y a, ma chérie ? Que puis-je faire pour te remonter le moral ?

— Rien, par contre tu peux te préparer pour un voyage. Nous partons pour New York rencontrer mes avocats. Ils veulent discuter du testament de mon frère Amir.

— Voilà qui est étrange. N'as-tu pas hérité de tous les biens d'Amir à sa mort?

— Non, j'ai continué à toucher mon allocation, comme d'habitude. Pour une raison que j'ignore, la plupart de ses biens ont été placés en fidéicommis. Il y a une disposition selon laquelle le contenu du testament ne serait révélé qu'à une certaine date. D'après les commissaires, le moment est venu de divulguer les dispositions du testament.

— Pourquoi maintenant ? C'est inhabituel.

— Avec Amir, tout est inhabituel. Ce que je peux supposer, c'est qu'il ait légué quelque chose à sa fille Aara quand cette dernière aura atteint un certain âge. Avec un peu de chance, je vais pouvoir enfin disposer des quelques propriétés en Europe. »

Laurent se leva et l'embrassa sur le front.

« Je serais heureux de t'accompagner, mon amour.

— Retiens tes affections, Laurent. Nous nous envolons ce soir. J'ai déjà demandé à mon personnel de préparer mon appartement à Manhattan.

— Voilà qui ressemble à un excellent plan d'évasion. Je commençais à m'ennuyer.

— Je suis sûre que tu peux trouver de quoi te divertir. Fais tes bagages.

— Tes désirs sont des ordres, ma chérie » dit-il en plongeant le nez vers sa poitrine récemment augmentée. Les chirurgiens esthétiques argentins étaient les meilleurs.

Fadime esquiva l'étreinte et se dirigea vers la porte.

« Je dois récupérer quelques affaires pour le voyage. Je serai de retour dans une heure ou deux. Je suggère de manger quelque chose avant d’embarquer. Je déteste la nourriture d'avion. »

Laurent était retourné à ses écrans d'ordinateur qui affichaient un résumé de ses investissements. Il pensait aussi à son ennemie jurée — Tess. Il était persuadé qu'elle et Jake avaient quelque chose à voir avec ce matériel nucléaire saisi à Kobuleti. Ils arrivaient toujours à déjouer ses complots. Un jour, il aurait sa vengeance.

5. Bulletin de Notes

À Julliard, Tess et Jake entrèrent dans une petite salle de réunion pour y rencontrer Sofiya Mazur, la professeure principale d'Aara, célèbre professeure de piano ukrainienne de l'Académie Nationale de Musique d'Ukraine. C'était une amie qui leur était chère et elle était aussi la prof de Tess. Tess avait eu recours à l'influence de son père qui avait accordé une dotation importante à Julliard pour faire venir Sofiya à New York comme membre distingué de la faculté.

Après des salutations chaleureuses, Sofiya passa aux choses sérieuses.

« Tess, comme vous me l'avez demandé, j'ai guidé la progression de votre belle-fille Aara. Après quelques problèmes initiaux, elle a fait de grands progrès. Elle a une grande mémoire et elle apprend de nouveaux morceaux vite. Sa force est sa sensibilité. Elle adore Chopin et, comme ce compositeur, elle sait décliner un éventail infini d'émotions, ce qui est signe d'une délicatesse merveilleuse. Sa dextérité est excellente et elle maîtrisera tous les niveaux de difficultés au clavier très bientôt. »

Tess sourit.

« Il y a un mais.

— Vous m'avez dit qu'Aara envisageait de devenir pianiste de concert professionnelle. Cela requiert un répertoire varié et la capacité d'interpréter de nombreux compositeurs. Aara est timide et elle est réticente à s'attaquer à de la musique plus enjouée telle que celle de Brahms ou de Liszt. Ce n'est pas une question de compétence ni de capacité. C'est juste qu'il va falloir qu'elle s'y mette si elle veut devenir artiste. De plus, elle est anxieuse quand elle doit jouer devant un public. Elle s'en sort bien quand elle fait partie d'un ensemble mais son rôle au piano exige souvent qu'elle fasse des solos. Elle hésite à prendre les devants et il va falloir travailler dessus. L'année prochaine, elle devra donner des concertos pour piano avec orchestre et il faut qu'elle développe plus de maturité et de confiance. J'ai pensé que vous pourriez être une bonne influence pendant les vacances scolaires. Vous-même jouez des morceaux difficiles avec bravoure et intrépidité. Peut-être, pourriez-vous travailler avec Aara pendant ces vacances. Encore une fois, j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une question de capacité mais d'affinité avec certains styles de musique. »

Tess réfléchit quelque temps.

« Bien, pourquoi pas. Je vais voir avec Aara quels morceaux nous pourrons travailler ensemble. Elle devrait être prête pour le prochain semestre.

— Excellent. Tenez-moi au courant si vous avez des questions. »

En se dirigeant vers la sortie, Jake fit part de ses doutes.

« Tess, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée qu'Aara s'entraîne avec toi. Quand il s'agit de musique, vous êtes à l'opposé l'une de l'autre. Tu dois t'assurer de la mener en douceur et non de la diriger comme un soldat. Elle est très sensible et pourra ne pas bien prendre que tu lui dises comment jouer.

— J'en suis consciente, Jake. Je dois juste y aller doucement et l'encourager à jouer des morceaux auxquels elle s'intéresse un peu moins. »

Jake n'était toujours pas certain que Tess sache s'en tenir au plan, mais il savait que ce n'était pas le bon moment pour en parler. Il héla un taxi.

6. Argent et Petits Caractères

Laurent et Fadime atterrirent à l'aéroport de JFK à New York et passèrent les formalités de douane. Leurs bagages avaient déjà été récupérés par des porteurs orchestrés par le chauffeur de limousine, portant une pancarte au nom de Fadime. Ils montèrent en voiture. Le chauffeur se fraya adroitement un chemin à travers la circulation et, bientôt, il déposa ses passagers devant un élégant appartement au sud de Central Park. Le lendemain, peu après le petit déjeuner, Fadime partit rencontrer ses avocats. Laurent avait des réunions de son côté.

Quand Fadime revint en milieu de journée, Laurent l'emmena déjeuner dans un restaurant chic sur Spring Street dans le West Village. En attendant leurs plats, il lui demanda comment s'était déroulée sa rencontre au bureau de ses avocats. Fadime était contrariée et n'aborda le sujet qu'après avoir pris un Martini sec.

« Je ne peux pas le croire, commença-t-elle. Amir a laissé toute sa fortune à Aara quand elle aura atteint son dix-huitième anniversaire. Tout, l'argent, les maisons, les investissements. Il ne m'a même pas nommée exécuteur testamentaire.

— Mais sûrement, tu ne manques pas d'argent, souligna Laurent, essayant de calmer sa colère.

— Il m'a laissé une rente confortable mais apparemment il ne me faisait pas assez confiance pour gérer le reste de ses actifs. J'aurais pu avoir quelque influence sur Aara si j'étais sa tutrice mais j'ai fait l'erreur de laisser Tess et Jake l'adopter. Et maintenant, ils sont à même de contrôler cet argent. »

Laurent feuilleta les documents que Fadime avait apportés avec elle.

« Ce testament a l'air tout à fait inattaquable. Il établit clairement que la totalité de la fortune ira à Aara quand elle aura dix-huit ans. »

Fadime demanda un autre Martini.

« C'est scandaleux. Si j'avais connu les intentions d'Amir, je n'aurais pas laissé Aara partir.

— Pourquoi avais-tu laissé Tess et Jake adopter Aara ?

— Je n'aime pas être entourée d'enfants. Je n'ai pas la fibre maternelle. Je m'étais momentanément occupée d'Aara et du petit Morgan, le fils de Tess et d'Amir, après qu'Amir les ait récupérés. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour prendre soin d'eux mais l'expérience ne m'avait pas plu. À la mort d'Amir, je ne voulais surtout pas m'encombrer d'un enfant à élever. Aara avait quatre ans à l'époque. Tess, de son côté, voulait vraiment cette enfant. J'avais donc pris des dispositions pour qu'elle et Jake puissent l'adopter.

— Et te voilà écartée, on dirait bien. Il aurait fallu plus de réflexion avant d'avoir laissé cette enfant partir.

— Ce n'est pas de tes reproches dont j'ai besoin, Laurent. Mais de ton aide.

— Mais bien sûr que je t'aiderai, ma chère. Laisse-moi prendre connaissance de ce document en détail pour voir s'il existe un moyen de contourner ces dispositions. »

Leur repas fut servi. Fadime goûta à quelques huîtres merveilleusement fraîches ainsi qu'à une queue de homard. Laurent avait commandé la même chose et Fadime fut agacée qu'il appréciât son repas comme s'il n'avait pas le moindre souci au monde. Mais en fait, son cerveau, une vraie machine financière, tournait déjà à plein régime. Il continuait de lire tout en mangeant puis il émit un « Aha ! »

— Tu as trouvé quelque chose ? demanda Fadime en repoussant son assiette sur le côté.

— Il y a une ombre au tableau, déclara Laurent. Je crois que je peux faire quelque chose.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Il y a une disposition importante ici. Il est dit que pour qu'Aara touche l'héritage, elle doit se marier dans l'une des trois familles éminentes qui se sont historiquement alliées avec les al-Saadi.

— Et ? Cela ne regarde qu'Aara. Comment est-ce à mon avantage ?

— Ce sont des familles musulmanes et tout ça sent le bon vieux mariage arrangé. Et moi, je connais Tess, et je suis prêt à parier qu'elle a élevé cette enfant dans un environnement laïque. À l'heure qu'il est, Aara doit être complètement occidentalisée. Je ne vois pas comment Tess peut la laisser retourner vivre dans une société musulmane. Et si Tess arrive à convaincre Aara de laisser tomber l'héritage à cause de cette clause inacceptable, voilà la chance que la situation soit à ton avantage. En tant que seul autre parent vivant d'Amir, il va de soi que tu deviennes l'héritier suppléant si les choses ne suivent pas leur cours.

— Tu présupposes qu'Aara ne voudra pas se marier et donc renoncera à l'héritage. Nous ne pouvons en être certains.

— Cela dépendra du montant de l'argent en jeu et s'il existe quelque intérêt à ce qu'elle accepte. J'ai assez traité avec Tess pour avoir une raison de penser qu'il existe là une opportunité pour nous.

— Qu'entends-tu par "nous" ?

— Je pourrais accepter d'offrir mon assistance et résoudre ton problème, à condition que j'en tire quelque chose.

— Tu es un être avide et odieux, Laurent. C'est par amour que tu devrais m'aider.

— Ne perdons pas la tête, ma chère. Je t'apprécie beaucoup mais je n'appellerais pas ce que nous partageons "amour". Nous nous apprécions l'un l'autre, et c'est très bien comme ça.

— Je continue de penser que tu es odieux mais ce n'est pas comme si j'avais le choix, dit Fadime en faisant la moue.

— On passe au dessert ? »

 

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