Za darmo

Pour cause de fin de bail

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CONTE DE NOËL

A Georges Darien, auteur de cet admirable

 Voleur

qu'on devrait voir dans toutes les mains vraiment dignes de ce nom.



Notre meilleur jour, à nous autres cambrioleurs, ou, pour parler plus exactement notre meilleure nuit, c'est la nuit de Noël.



Surtout dans les départements.



Principalement dans certains.



Dans ceux (vous l'avez deviné) où la foi subsiste, fervente, candide, au coeur de ces bons vieux vrais Français, comme les aime Drumont (Édouard).



En ces naïfs districts, c'est encore plus par allégresse que par devoir religieux que les fidèles accourent à la messe de minuit, et, dans cette assemblée, c'est plus des poètes qui rêvent que des chrétiens qui prient.



L'étoile… les rois mages… l'étable… le Bébé-Dieu sur son dodo de fins copeaux… la jolie petite Maman-Vierge rose d'émoi et un peu pâle, tout de même, et fatiguée de recevoir tant de monde qui n'en finit pas d'arriver, d'entrer, de sortir, de bavarder… et dans un coin, le menuisier Josef, quelque peu effaré, un tantinet ridicule (d'ailleurs, amplement dédommagé depuis par un fort joli poste fixe au Séjour des Bienheureux).



* * * * *

C'était le mille-huit-cent-nonante-troisième anniversaire de cette date bénie.



Et cela se passait à A. sur B. (département de C. et D.).



Une sale nuit!



Un ciel gorgé d'étoiles.



Pas un nuage.



Une pleine lune, toute ronde, aveuglante, bête comme elle-même.



On se croirait dans quelque hall monstrueux éclairé par une électricité en délire.



Ah! oui, ça va être commode tout à l'heure de travailler, dans ces conditions-là!



Un joli coup, pourtant:



Rien que des bijoux, de l'argent, des valeurs au porteur, dont—les imbéciles!—ils ont noté les numéros sur un petit carnet enfermé dans le même tiroir que les valeurs.



Je vais être forcé d'entrer par le jardin, derrière.



Il y a un chien.



Heureusement, les boulettes à la strychnine n'ont pas été inventées pour les… je suis bête… elles ont été justement inventées pour les chiens.



En attendant que la messe sonne, je pioche mon plan.



Une merveille de plan, dressé par un camarade, lieutenant de génie fraîchement démissionné pour raisons qui ne regardent que lui.



Oh! le joli plan, si précis!



Un aveugle s'y reconnaîtrait.



Et il y a des gens qui veulent supprimer l'École Polytechnique!



Enfin, minuit!



Voici la messe qui sonne.



Un silence.



Tout le monde est à l'église.



* * * * *

Ouah! ouah! ouah!



Te tairas-tu, sale cabot!



Tu as faim? Tiens, boulotte cette boulette, boulette cette boulotte!



Pattes en l'air, le fidèle chien de garde bientôt contracte un silence religieux.



Me voilà dans la place!



* * * * *

Me voilà dans la place!



Mais, plus vite encore, me voilà sur le toit!



Car a surgi, revolver au poing, un homme sur lequel je n'étais pas en droit de compter, un homme qui faisait des réussites au lieu d'acclamer la venue du Sauveur!



Cet homme gueule comme un putois.



Je me trotte!



–Par ici! par ici! crie l'homme.



Des sergots, des pompiers me pourchassent.



… La balade sur les toits n'est généralement pas d'un irrésistible attrait; mais, par la neige, ce sport revêt je ne sais quelle mélancolie.



Tout à coup, des cris de triomphe: «Nous le tenons! Nous le tenons!



Ah! vieille fripouille, ton compte est bon!»



Ce n'est pas moi qu'ils tiennent.



Alors qui?



Je risque un oeil derrière la cheminée où je me cramponne.



Les hommes de police étreignent les bras, la tête, la torse d'un pauvre vieux qui se débat.



Et une grande pitié me saisit.



Celui qu'ils ont pris pour moi, pour le cambrioleur, c'est le Bonhomme Noël, en train d'apporter dans les cheminées des cadeaux pour les gosses, de la part du petit Jésus.



LA MAISON VRAIMENT MODERNE

—Eh bien, mon vieux Cap, que pensez-vous de cela?



–De quoi?



Je tendis au Captain le numéro du

Journal

 en lequel Marcel Prévost traitait, avec son autorité et son charme coutumiers, la question de la maison moderne.



D'un rapide coup d'oeil, d'un de ces coups d'oeil que l'aigle le plus perspicace n'hésiterait pas à signer, notre vaillant camarade eut bientôt fait de dévorer la dite chronique.



Puis il haussa les épaules, et d'une attitude qui lui est familière:



–Votre ami Prévost, dit-il, me semble bien ingénu de tant s'effarer pour un monte-charge à ordures ménagères et pour le chauffage des W.-C.



–Vous avez vu mieux que cela, Cap?



–Enfant!



–Dans les Nouvelles-Galles du Sud, sans doute?



–Pas si loin, dans la région Nord du Canada, à Winnipeg; j'ai vu la maison idéalement construite pour ce climat, glacial l'hiver, torride l'été.



–Calorifères? Ventilateurs?



–Mieux que cela! J'habitai l'immeuble qui, durant la rude saison, se trouve toujours du côté du soleil…



–Ah! mon vieux Cap!… On ne me la fait plus, celle-là! je la connais!



–Qu'est-ce que vous connaissez?



–Il y a à San-Remo un hôtel qui, entre autres alléchances, met sur son prospectus cette curieuse indication: «

Grâce à une ingénieuse combinaison, toutes les chambres de l'hôtel sont exposées au Midi.

» Or, l'ingénieuse combinaison, la voici: L'hôtel, fort mince, ne comporte qu'une épaisseur de chambres, lesquelles, naturellement, ont toute la même orientation, celle du Midi. Si c'est ça que vous appelez la maison idéale!



–Quand vous aurez fini de parler, je causerai.



–Allez.



–Semblable à votre hôtel de San-Remo, ma maison de Winnipeg est assez étroite, puisqu'elle ne comporte que l'épaisseur de deux pièces; mais ce qui fait sa singularité, c'est qu'elle est posée sur un immense chariot qui tourne sur des rails circulaires.



–Je commence à comprendre.



–Ma maison est une maison tournante. Sur le devant, sont placées chambres de maîtres, salles à manger, salons, etc.; sur le derrière, cuisines, chambres de domestiques, niches à belles-mères, etc. Pendant l'hiver, saison où le moindre rayon de soleil est ardemment béni, ma maison, dès le matin exposée au ponent, tourne, tourne, jusqu'au soir, où elle se trouve virée vers le plein couchant, pour recommencer le lendemain.



–Très ingénieux.



–Pendant l'été, l'été torride de ces parages, on opère le manège contraire et l'on peut ainsi fuir l'horreur des calcinants midis.



–Admirable!



–Nous voilà loin, n'est-ce pas, mon cher, de la maison moderne et Marcel Prévost, aux tuyaux émaillés qui empêchent les microbes de remonter dans l'appartement!



* * * * *

—Un petit

corpse reviver

, Captain?



–Volontiers! fit Cap.



SUPPRESSION DES OCÉANS, MERS, FLEUVES ET, EN GÉNÉRAL, DES DIFFÉRENTES PIÈCES D'EAU QUI GARNISSENT LA SURFACE DU GLOBE

—Moi, dit une dame, avec un accent anglais, je l'ai visité le

Hohenzollern

. C'est un magnifique bateau.



Suit la description détaillée de l'impérial bâtiment.



Tous, dans le wagon, nous écoutions la dame, n'épargnant aucun effort pour donner à nos physionomies l'apparence de l'intérêt le plus passionné.



Seul, dans un coin, un monsieur âgé ne semblait goûter aucun plaisir au détail de cette tudesque et flottante splendeur.



Bientôt, même, il perdit patience, haussa les épaules et grommela:



–Des bateaux! Ah! oui, parlons-en! Quelque chose de propre, les bateaux! Et à quoi ça sert-il, je vous le demande un peu?



–Pardon, monsieur, l'interrompis-je poliment: les bateaux, c'est encore ce qu'on a trouvé de mieux pour aller sur l'eau.



–Pardon vous-même! répliqua le vieux monsieur. J'ai trouvé mieux que cela, moi qui vous parle!



–Mieux que des bateaux?… pour aller sur l'eau?



–Oui, monsieur, pour aller sur l'eau!



–Ah! par exemple!… Je ne suis pas curieux, mais je voudrais bien savoir…



–Il ne tient qu'à vous, monsieur. Si vous voulez me faire l'honneur de venir chez moi, je vous ferai assister à de curieuses expériences.



Et il me tendit sa carte:

Duc de Pauvrelieu, château de Pauvrelieu, près Salbec-en-Auge

.



J'avais beaucoup entendu signaler ce vieux gentilhomme comme un fier original, mais c'est la première fois que je me trouvais en sa présence.



Je n'eus garde, comme vous pensez bien, de manquer à son alléchante invitation.



Le domaine de Pauvrelieu, comme tous les domaines qui appartiennent à des gens lotis d'une idée fixe, est un domaine fort négligé.



De l'herbe pousse emmy les allées, et les vieux arbres séculaires ne perdraient rien à être ébranchés en de plus fréquents laps.



…. Nous étions arrivés au fond du parc devant une assez grande surface plane dont je ne m'expliquai pas, tout d'abord, la nature.



Un immense manège, eût-on dit, un manège à air libre et couvert d'une forte couche de sciure de bois.



–Qu'est-ce que c'est que ça, d'après vous, me demanda brusquement mon hôte…. Ne cherchez pas, vous ne trouveriez pas: c'est un étang.



–Un étang?… Un étang sans eau, alors.



–Un étang plein d'eau, au contraire mais dont l'eau est recouverte d'une couche de liège grossièrement pulvérisé.



–Je commence à comprendre.



–Cette couche de liège pulvérisé a une épaisseur de trente centimètres, épaisseur suffisante pour supporter, non seulement le passage des gens, mais encore la circulation des voitures.



–C'est à peine croyable.



–L'expérience en est à votre portée.



En effet, nous nous acheminâmes sur le liège du bonhomme et je constatai que nous n'enfoncions nullement.



On avait la sensation de marcher sur un tapis élastique, sur un matelas de caoutchouc, et

on n'enfonçait pas

.

 



Le duc de Pauvrelieu enfourcha un vieux tricycle et fit plusieurs tours sur la pièce d'eau.



Même résultat.



–Eh bien! triompha le bonhomme, êtes-vous convaincu, maintenant?… Car, ce qu'on fait sur un étang, rien n'empêche de le réaliser en grand sur la mer.



–Oh! permettez…



–Je prévois vos objections et je vais les démolir l'une après l'autre, ainsi que le ferait un tireur habile pour les pipes d'un établissement forain.



Et, en effet, ce diable d'inventeur me convainquit totalement.



Seulement, dame, il eu faudrait du liège, pour couvrir toute la surface liquide du globe, il en faudrait!



Le duc a calculé qu'en mettant de la bonne volonté dans tous les pays civilisés de la terre, en contraignant tous les citoyens du monde entier à cultiver du liège dans leurs propriétés, sur le bord des routes, partout enfin où peut pousser le liège, il suffirait d'une vingtaine d'années pour arriver à un résultat définitif.



Mais aussi, quel résultat!



Plus de marine! Plus de ces coûteux et fragiles bateaux à la merci d'un coup de vent ou d'une collision!



Et le railway direct entre Paris et New-York (trois jours et demi de voyage).



Je n'insiste pas sur tous les progrès, sur tous les avantages qu'apporterait à l'humanité la réussite de cette magnifique entreprise.



Malheureusement, l'Angleterre est là, l'Angleterre moins disposée que jamais à négliger sa toute-puissance maritime, l'Angleterre égoïste et mercantile, l'Angleterre, en un mot, toute prête à étrangler dans son oeuf l'idée splendide et civilisatrice du duc de Pauvrelieu!



POST-SCRIPTUM

Un monsieur qui s'intitule ingénieur international m'adresse une lettre en laquelle il reproche aigrement au duc de Pauvrelieu, l'auteur de ce projet, de s'être inspiré d'une idée à lui, idée qu'il développa jadis dans les journaux spéciaux.



Il s'agit des

routes flottantes

, dont le souvenir est encore vivace (c'est l'ingénieur international qui l'affirme) chez toutes les personnes qui s'occupent sérieusement (

sérieusement

 est souligné) des progrès de l'humanité.



Comme son nom l'indique, la _route flottante est une longue queue de solides radeaux mis bout à bout, mouillés en mer au moyen d'ancres et de chaînes à ressort.



Ces chaînes à ressort permettent à nos radeaux de se disjoindre momentanément pour donner passage aux bateaux; après quoi lesdits radeaux n'ont plus qu'à se rabouter

6

6


  Le vrai mot français est

raboutir

; mais, je ne sais pas pourquoi, ce mot-là me dégoûte.



.



De forts bourrelets

ad hoc

 atténuent les inconvénients du heurt et du frottage.



L'ingénieur international affirme que rien n'est plus pratique que son idée et, dans un post-scriptum véritablement touchant, il m'offre, si je veux préconiser son entreprise et lui procurer, par moi (!) ou mes amis, la dizaine de millions nécessaire à établir une route flottante Calais-Douvres, il m'offre, dis-je, une forte part dans les bénéfices.



Avis aux amateurs.



En plus des énormes profits que rapportera l'affaire, MM. les actionnaires auront droit à une carte de circulation sur les routes flottantes, pour eux et leur famille.



Avouez que c'est tentant.



D'autres communications me sont parvenues sur le même sujet.



J'y reviendrai, la chose en vaut la peine.



SAUVEGARDE DES BICYCLETTES

De même que, sous la blouse d'un humble campagnard ou d'un modeste artisan, peuvent se percevoir les battements d'un coeur d'homme, de même aussi, sous la casquette élimée d'un simple contremaître, peut-on constater le grouillement sourd d'un cerveau de génie.



Si ces messieurs et dames veulent bien m'accorder une petite minute d'attention, on s'apercevra que mes paroles ne sont nullement mensongères, ni même exagératoires.



… Un des gros ennuis de la bicyclette réside en l'étrange facilité de son larcin.



Le cycle, en effet, a ceci de particulier qu'il sert à favoriser la fuite rapide de qui vient de le dérober, ce qui n'arrive point dans mille autres cas, comme, par exemple, le vol d'un sac de farine ou d'un lot d'escargots.



Frappés de cet inconvénient, les bécaniciens les plus en vogue cherchent depuis longtemps le moyen d'en pallier les funestes effets.



Ayons le courage de reconnaître que rien de sérieux ne fut encore accompli dans cette voie.



Il fallut qu'arrivât le simple contremaître à qui j'ai fait allusion un peu plus haut.



Le temps de se frapper le front, cet homme avait résolu la question, grâce à son petit appareil qu'il a baptisé le

Pique-Cul

.



… Pourquoi, mesdames, cacher vos pudiques roseurs derrière vos éventails?



Et en quoi le mot de

Pique-Cul

 vous effarouche-t-il tant?



Si élevées aux Oiseaux que vous puissiez avoir été, n'avez-vous donc jamais prononcé les mots

gratte-cul

,

cul-blanc

,

cul-de-sac

, etc., etc?



Eh bien! alors?



* * * * *

Je continue:



Sans entrer dans des détails de construction trop techniques, qu'il vous suffise de savoir que le nouvel appareil se compose d'une forte aiguille longue d'environ 5 centimètres et dissimulée sous la selle de telle façon qu'elle peut prendre, grâce à un ressort, la position verticale ou horizontale.



Une légère ouverture circulaire, pratiquée dans le pégamoïd de la selle, permet le passage à pointe.



L'engin est complété par une bobine d'induction, dont un pôle correspond au guidon et l'autre à l'aiguille.



Et voilà!



Dès que vous êtes contraint d'abandonner votre machine, vous faites prendre à votre aiguille la position verticale, et vous vaquez tranquillement à vos occupations ou à vos besoins (cela ne regarde que vous).



Survient le voleur qui, d'un bond, saute sur votre machine avec l'agilité du sapajou lancé d'une main sûre.



Sous son poids, la selle fléchit et l'aiguille pénètre dans les parties les plus charnues de l'indélicat personnage.



Un courant électrique s'établit à travers son corps…



Ah! le pauvre, il ne va guère loin, car une pelle prochaine a bientôt fait de le livrer à la justice de son pays!



Alors, vous, après avoir remis en état inoffensif votre cruel petit instrument, vous continuez votre route par les campagnes embaumées.



Est-ce pas simple à la fois et charmant?



Présentez-vous de ma part chez notre vieux Comiot, représentant du

Pique-Cul

 pour toute la France.



Amenez, sans le prévenir, un de vos amis auquel vous ferez jouer le rôle de voleur, et vous vous amuserez bien.



ASTUCES D'UN PÊCHEUR

La pêche, c'est-à-dire la capture des poissons de mer et d'eau douce, est un de ces sports qui n'ont accompli aucun progrès depuis l'antiquité.



Du temps de Pline le Jeune et même de Pline l'Ancien (ce qui ne nous rajeunit pas) les pêcheurs employaient des procédés identiques à ceux d'au jour d'aujourd'hui.



Pourquoi ce croupissement dans les vieux stratagèmes?



Je ne saurais dire, n'ayant point encore approfondi la question.



Mais ce que je crois pouvoir affirmer, c'est que ce déplorable état de choses pourrait bien cesser prochainement.



Et cela, grâce aux efforts incessants et à l'imagination toujours en éveil d'un modeste et brave homme qui m'a prié de taire son nom (à cause de la police, je crois, car il a une bonne tête vénérable de forçat évadé).



Cet excellent gentleman habite une petite propriété sise au bord d'une rivière coquette, frais asile de toutes sortes de poissons.



Comme mon bonhomme est paresseux, tel défunt Fainéant lui-même, et que le lançage de l'épervier le fatigue, et que la ligne le rase très vite, et que patati, et que patata, et que tout de même, il adore le poisson, tant pour le déguster personnellement que pour en tirer un mercenaire profit, ce type a imaginé un certain nombre de trucs forts ingénieux, ma foi, desquels je vais avoir l'honneur de vous citer quelques-uns.



Le coup de la poêle à frire

:



Sur une manière de petit radeau de bois, notre industriel installe une poêle à frire à moitié remplie d'huile d'olive laquelle est aromatisée d'une goutte d'huile d'aspic.



Très friands de ce parfum, les poissons accourent (si j'ose m'exprimer ainsi) autour de la poêle, s'enhardissent bientôt et, finalement, bondissent dans l'huile où ils trouvent la mort, trépas d'autant plus rapide que le bonhomme n'hésite pas à transporter son récipient sur un feu relativement assez vif.



La pêche à la montre

:



Ce sport se pratique la nuit.



Vous prenez une de ces montres si fort à la mode depuis quelque temps et dont le cadran (grâce au sulfure de zinc) est lumineux par les plus épaisses ténèbres.



Cette montre, vous la mettez au fond d'un grand sac et vous immergez le tout dans votre rivière, en ayant soin de tenir à la main la corde qui s'attache au sac.



Les poissons, fort curieux de leur nature, ne tardent point à s'approcher et à pénétrer dans le sac pour voir l'heure qu'il est.



Quand le sac est à peu près plein, ce que vous sentez à la traction de la ficelle, vous tirez à vous et vous allez chez les riches particulières leur demander si elles n'auraient pas besoin de beau poisson aujourd'hui, et pas cher, ma bonne dame.



Recommandation importante: essuyez immédiatement votre montre, dont les rouages sont bien connus pour s'accommoder mal des fluviaux séjours.



Le faible espace qui m'est départi dans cette publication me contraint à écourter mon récit.



Je terminerai par une révélation dont l'importance n'échappera à nul de ceux dans la poitrine desquels bat un coeur de vrai pêcheur.



Mon bonhomme a réussi à apprivoiser le brochet et à le dresser aussi bien que n'importe quel chien de chasse.



Grâce à lui, le brochet va devenir le faucon des rivières, de même que le faucon sauvage est le brochet des airs.



C'est ainsi, qu'à force de patience, l'homme arrive à asservir la nature entière et, de ses anciens ennemis, faire de fidèles serviteurs.



CHARCUTAGE ESTHÉTIQUE

La chirurgie, dont le seul mot effrayait tant naguère la pauvre humanité, tend à devenir d'un emploi courant, aimable et recherché.



Avec les anesthésiques nouveaux, plus de souffrance; avec les pansements antiseptiques, plus de suites dangereuses.



Alors, on serait bien bête de se gêner, n'est-ce pas?



C'est ainsi que les chirurgiens modernes enlèvent aux dames, et cela sans la moindre urgence, des organes indispensables à la génération (je ne sais pas si je me fais bien comprendre).



L'ovariotomie est aujourd'hui pratiquée sur une vaste échelle, dans les meilleures familles de France.



(La vaste échelle est spécialement indiquée pour ce genre d'opération. L'aération y est plus aisée que dans les salles de nos antiques hôpitaux.)



Et il n'est point rare d'entendre, entre chères madames, ce dialogue:



–Qu'est-ce que votre mari vous a donné pour vos étrennes?



–Oh! il a été très chic! Il m'a fait enlever les ovaires.



La désinvolture de certains chirurgiens apparaît aux esprits lucides comme un facteur important du dépeuplement français.



Beaucoup de maris, heureusement, opposent à ce

dilettantisme de la chirurgie

, comme dit Mirbeau, la digue du bon sens et la barrière de la saine indignation.



L'un de ces derniers, perdant patience un jour, interpella, dans ces termes, un célèbre praticien qui voulait absolument enlever quelques organes dans le ventre de sa bien portante épouse:



–Dites donc, si vous continuez à vouloir ainsi charcuter ma femme, savez-vous ce que je vais vous enlever, à vous?



–Non.



–Eh bien! je vais vous enlever le c…, et sans chloroforme, encore!



Le prince de la science n'insista point.



… Les chirurgiens allemands se sont, le mois dernier, réunis en congrès, à Berlin.



Les propos tenus dans cette assemblée relèvent, en grande partie, de l'affreux cauchemar.



Et ce qui ajoute encore à la stupeur qu'on éprouve à lire le récit de ces terrifiantes opérations, c'est le ton naturel et si tranquille qu'emploient ces messieurs!



Quelquefois même, on se demande si tous ces gens ne se moquent pas de nous; témoin, ce petit extrait du compte rendu que j'emprunte à la

Revue de chirurgie

:



CZERNY (d'Heidelberg), SUBSTITUTION D'UN LIPOME À UNE GLANDE MAMMAIRE.

 



_» Une dame portait une mammite intersticielle avec noyaux d'adénofibrome. Comme elle présentait des seins très développés et avait dans la région lombaire, un lipome du volume du poing, Czerny transplanta celui-ci dans la loge qu'occupait la mamelle extirpée.



» Réunion par première intention au bout de huit jours. Résultat esthétique excellent.»_



Et allez donc! Ça n'est pas plus malin